Maladies endocrinologiques : du laboratoire à la prise en charge PD Dr Christoph A. Meier, Unité d’endocrinologie, Hôpitaux Universitaires de Genève INTRODUCTION L’HYPERALDOSTERONISME L’hypertonie, l’hypercholestérolémie et les troubles thyroïdiens sont des situations fréquentes dans le cabinet du praticien. Le point commun à ces trois situations est le défi de demander des analyses complémentaires de manière ciblée et de les intégrer dans la prise en charge du patient. Il reste l’hyperaldostéronisme primaire qui n’est pas rare mais très souvent maîtrisé avec une mono- ou bithérapie ne nécessitant donc pas, la plupart du temps, d’intervention chirurgicale, celleci étant surtout conseillée aux patients jeunes ou à ceux présentant une hypokaliémie. Il est donc raisonnable de réserver la recherche biochimique d’un hyperaldostéronisme primaire par un dosage de l’aldostérone sérique et de l’activité de la rénine aux patients hypokaliémiques ou aux patients jeunes avec une tension mal contrôlée. HYPERTENSION L’origine précise de l’hypertension artérielle ne peut être établie chez 95 % des patients. Cependant, il est important de trouver des éléments qui induisent à des investigations approfondies afin de déceler les 5 % des patients souffrant d’hypertension secondaire. Ces éléments sont le jeune âge du patient, une hypertension mal contrôlée malgré une poly-pharmacothérapie ou une hypertension bien contrôlée mais qui échappe soudainement au traitement . A ceci s’ajoutent les patients qui montrent une péjoration rapide de leur fonction rénale. Chez ces patients, il faut envisager la possibilité d’une hyper-tension réno-vasculaire. Cependant, une sténose des artères rénales est présente chez 30 à 50 % des patients polyvasculaires et sa découverte ne modifie fréquemment pas la prise en charge du patient car l’impact sur l’hypertension est minime. Pour cette raison, il convient de réserver l’angio-IRM, l’examen le plus fiable dans la détection des sténoses des artères rénales, aux patients qui présentent une hypertension mal contrôlée ou une insuffisance rénale progressive. Les causes endocrines d’une hypertension sont encore plus rares avec des prévalences inférieures à 1 ‰ dans le cadre d’un syndrome de Cushing ou d’un phéochromocytome. Le dépistage de ces deux dernières maladies dépend surtout d’une anamnèse et d’un examen clinique soignés afin d’identifier les éléments spécifiques de ces deux endocrinopathies. Les tests biochimiques ne seront utiles que dans une situation où la probabilité d’une maladie est élevée. Options thérapeutiques pour l'hyperaldostéronisme primaire Opération mais normotension post OP sans médicaments seulement chez 33 % des patients! Traitement médicamenteux • bonne option si TAH et potassium contrôlés • la taille de la tumeur est stable (> 5 ans) Bilan seulement si : • Patient jeune • Hypertension ou hypokaliémie mal contrôlée Ann Int Med 131: 105f Ann Int Med 135: 258f HYPERCHOLESTEROLEMIE Les enjeux concernant le traitement de l’hypercholestérolémie en prévention primaire (c’est-à-dire chez des patients non coronariens et non diabétiques) sont importants car, selon certaines guidelines, jusqu’à 20 % de la population en général pourrait bénéficier d’un traitement médicamenteux à des coûts importants qui sont inverses au risque cardio-vasculaire que l’on décide de traiter (cf figure 1). Cependant, la Société Européenne de Cardiologie (www.escardio.org) a émis un outil très utile et adapté à l’Europe essentielle 95% médicamenteuse rénale <5% endocrine 1% hyperaldostéronisme syndrome de Cushing phéochromocytome autres causes 0.5–10% 0.1% 0.1% 0.1% Cet outil d’utilisation très simple nous permet d’estimer le risque cardiovasculaire pour un patient donné et donc de réserver un traitement par statine aux patients à plus haut risque (par exemple une mortalité cardiovasculaire supérieure à 5 % à 10 ans). MALADIES THYROÏDIENNES Bien que les gros goitres aient quasimen t disparu, les nodules thyroïdiens restent un problème fréquent avec une prévalence d’à peu près 10 % de nodules par décennie ou, autrement dit, la moitié d’une population de 50 ans présente un ou plusieurs nodules thyroïdiens (cf figure 3). Cependant, le risque cancéreux est extrêmement faible avec une mortalité attribuable inférieure à 5 patients par million d’habitants. Se pose donc le problème du bilan de ces nodules qui doit également tenir compte du fait que les micro-cancers papillaires de la thyroïde ne sont pas rares (10 à 30 % de la population) mais que ces lésions posent rarement des problèmes cliniques. Une approche raisonnable est donc de réserver la cytoponction à des nodules isolés de plus de 1 cm, voire de plus de 1,5 cm en cas de goitre multinodulaire. L’aspiration à l’aiguille fine a remplacé largement la scintigraphie thyroïdienne qui n’a qu’une place marginale dans le bilan des nodules thyroïdiens chez les patients euthyroïdiens. Restent les problèmes de dysthyroïdie qui sont fréquents, notamment l’hypothyroïdie infraclinique chez la femme post-ménopausée. En cas de suspicion clinique, il convient de doser une valeur de TSH et l’éventualité d’une substitution en T4 doit être nuancée en fonction de cette valeur et de la présentation clinique (cf figure 4). Bien qu’un traitement Hypothyroïdie infraclinique Etiologies d’une hypertension • • • • permettant d’estimer la mortalité cardio-vasculaire à 10 ans en fonction du sexe, de l’âge, de la tension artérielle, du cholestérol et de la présence d’un éventuel tabagisme (cf figure 2). • • • • • Déf. : TSH >4 mU/L, T4 libre >9 pM/L Prévalence : >10 20% des personnes >60 ans Recommandations (CAM) : TSH <6 mU/l TSH à 3, 9, 18 mois TSH 6-1010 mU/l si < 3-6 mois, ad ttt TSH >10 mU/l substitution Traitement : commencer avec 0.05 - (0.1) mg/j, adaptation après 6 semaines (selon TSH) Contrôles: clinique et TSH 1x/an 4 substitutif soit généralement indiqué si la TSH dépasse 10 mU/l, il n’existe pas de consensus pour des valeurs moins élevées. L’approche la plus raisonnable est le traitement d’épreuve chez les patients symptomatiques ainsi qu’un suivi clinique avec un nouveau dosage de la TSH pour les patients asymptomatiques. A noter que le dosage des anticorps anti-thyroïdiens (anti-thyroïde peroxydase et anti-thyroglobuline) est rarement utile car il n’intervient dans la décision thérapeutique que dans des cas bien spécifiques. Figure 1 : Estimation de mortalité cardio-vasculaire à 10 ans, en fonction des principaux facteurs de risque. Figure 2 : Hypercholestérolémie — coûts en fonction du risque cardio-vasculaire. Figure 3 : Investigations des nodules thyroïdiens. 5