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LES CAMELLIAS
Qui ne connait au moins le célèbre titre d’Alexandre Dumas fils : “la Dame aux Camelias”, paru en
1848 et préfacé par Jules Janin ? L’histoire est celle de Marie Duplessis, grande courtisane du temps
de Louis-Philippe et qui fut célèbre, dit-on pour cette fleur dont elle ornait volontiers son corsage.
Marie Duplessis est-elle d’ailleurs la Femme-Camellia, du beau livre de Grandville “Les Fleurs
animées”, paru sous l’Empire ?
Dumas est à l’origine d’une confusion orthographique regrettable, car le nom de la plante s’écrit en
toute orthodoxie Camellia, avec deux "L" !
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Charles Linné dédia en effet cette plante au père Georges Joseph Kamel ou Camellus, qui était alors
réputé avoir voyagé en Chine et au Japon et avoir introduit le premier Camellia en Europe... On sait
aujourd’hui qu’il n’en est rien et que Kamel, qui fut par ailleurs un remarquable naturaliste, ne quitta
jamais les Philippines et ne put donc rencontrer le Camellia ! L'histoire botanique est d'ailleurs
coutumière de ce genre de confusion, car Magnol n'a probablement jamais vu de Magnolia, ni Bégon
de Bégonia !
Si l’on en croit la légende, Marie Duplessis, atteinte comme on le sait de phtisie, aurait préféré cette
fleur belle et inodore, à tout autre pour ne pas être incommodée par un parfum. Une facture de son
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fleuriste Ragonot, parvenue jusqu’à nous authentifie ce goût pour le Camellia. Elle portait ”vingt cinq
jours du mois un Camellia blanc et les cinq autres jours, un Camellia rouge”... élégante et coûteuse
enseigne pour une femme de son état !
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A cette époque, le Camellia passe pour plaire aux “flambards” et symbolise bien le train de vie
qu’elle imposait à ses admirateurs, avant que de les ruiner. Très demandées, les boutonnières de
Camellias nécessitaient d’ailleurs de maîtriser la culture de forts sujets, sous abris froids ou chauds,
afin d’en échelonner la floraison depuis le mois d’octobre jusqu’à mai. Les fleuristes savent bien que,
grâce aux chemins de fer, les fleurs de Camellia, cueillies le matin à Nantes, étaient immédiatement
façonnées en boutonnières et acheminées le soir même à Paris pour la sortie des théâtres.
Mais sait-on la singulière histoire de cette fleur indispensable aux salons romantiques ?
Il faut chercher l’arrivée du Camellia en Europe à travers celle du Thé, le Camellia sinensis, dont la
végétation lui ressemble beaucoup et que les botanistes considèrent d’ailleurs aujourd’hui comme une
espèce voisine. Erreur d’importation ? Tromperie délibérée des Chinois voulant protéger leur
patrimoine économique ? Les premiers Camellias sont arrivés par hasard à Londres, à la grande
déception des anglais voulant installer des cultures de Thé dans leurs colonies. Cette erreur fit
néanmoins le plus grand bonheur des jardiniers qui commençaient à diversifier activement leurs
collections ornementales.
ème
Le XIX
siècle verra arriver diverses variétés d’origines chinoise ou japonaise, notamment, grâce à
ème
un grand “corsaire” botanique anglais : Robert Fortune. Le XX
siècle sera à son tour redevable à
Forrest de nouvelles espèces.
Grands arbustes ou petits arbres persistants, dont on a longtemps cru qu’ils exigeaient la serre et la
terre de bruyère, les Camellias peuvent dépasser dix mètres à l’air libre, pourvu que l'acidité du sol et
la douceur du climat leur soient favorables, comme c’est notamment le cas sur la façade atlantique
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française .
Parmi les grandes espèces de Camellias aujourd'hui cultivées par les jardiniers, citons
essentiellement :
• le Thé de Chine (Camellia sinensis) ;
• la Rose du Japon (Camellia Japonica), qui est le Camellia classique, longuement sélectionné en
Extrême-Orient, en particulier par certains Samouraï dont il était l’emblème et dont les formes
parfaites à fleurs simples “Higo” sont l’exemple le plus accompli ;
• le Camellia sasanqua, dont les petites fleurs sont délicatement parfumées et très précoces ;
• le Camellia saluenensis, originaire de Formose et très tôt hybridé avec le Camellia du Japon ;
• le Camellia reticulata, dont les grandes et belles fleurs rachètent la fragilité. Cette espèce, introduite
en 1820 par Robert Fortune, entra dans de nombreuses hybridations et donna entre autres la célèbre
race des X Williamsii.
Cette trop courte liste s’enrichit cependant d’apports plus récents, collectés dans les domaines
botaniques de la péninsule indochinoise, et sur lesquelles les hybrideurs fondent d’importants espoirs
depuis plusieurs décennies. C’est notamment le cas du Camellia Granthamiana, découvert à
Hong-Kong en 1955, puis de diverses espèces à fleurs jaunes telles que Camellia chrysantha... les
plus récentes découvertes porteuses d'importantes promesses pour l'avenir ayant été faites au
Vietnam par Rosman entre 1992 et 2002.
De grands collectionneurs et sélectionneurs européens ont puissamment contribué à la renommée de
cette “Rose du Japon”, ou Tsubaki (l’arbre aux feuilles luisantes), rencontrée et décrite par Kaempfer
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en 1682 . En France, ce furent les Soulange-Bodin, horticulteur à Ris-Orangis, les Napoléon
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Baumann, pépiniéristes à Bollwiller, les Ferdinand Favre et autres Nantais , les Leroy et autres
Angevins, les Cels, Tamponet ou Fion, pépiniéristes collectionneurs près de Paris et, surtout, l’abbé
Laurent Berlèse, à qui l’on doit l’une des premières monographies de cette plante et de ses
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nombreuses variétés horticoles (trois éditions illustrées de quelques gravures en noir : 1837, 1840,
1845).
De 1841 à 1843, parut en souscription une superbe édition présentant 300 variétés simples ou
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doubles, peintes directement par Jung dans les cultures de l’abbé Berlèse .
Cette édition mythique, aujourd’hui du domaine de la confidentialité, malgré quelques tentatives de
réédition, figure parmi les richesses de la SNHF
Les fleurs représentées semblent très grandes parce qu’il était alors d’usage d’en réduire le nombre
en culture afin d’en augmenter les proportions... au plus grand avantage des fleuristes et de leurs
célèbres boutonnières !
Daniel LEJEUNE, Ingénieur Horticole
Administrateur de la Société Nationale
d’Horticulture de France
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Charles Linné, Genera plantarum, première édition de 1737
Facture de Ragonot correspondant à des livraisons de novembre 1843 à janvier 1844, et citée par Gibault dans le bulletin de la SNHF de
1939
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Appellation attestée dès 1837. Les flambards étaient les snobs du régime de Louis-Philippe
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La Ville de Nantes détient le Conservatoire National du Camellia. On peut voir de nombreuses variétés anciennes au Jardin des Plantes.
Roland Jancel, son Directeur honoraire, m’a fait l’honneur et l’amitié de relire la présente introduction
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Kaempfer, dans Amœnitates exoticæ, paru en1712, décrit et figure une variété à fleurs simples, le Tsubaki
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Service des Espaces Verts de la Ville de Nantes "A propos de Camellia", plaquette rédigée sous la direction de Roland Jancel
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La seconde édition de la monographie de Berlèse fut couronnée par la Société Royale d’Horticulture de Paris en 1840
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Berlèse, “Iconographie du Camellia”, chez Cousin à Paris, 3 volumes 1841-1843, gravures de Duménil, Gabriel et Oudet, d’après des
peintures de J.J. Jung
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