L’Année psychologique
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Quand une phrase complexe n’est pas si difcile à
comprendre : le cas des propositions relatives
Manuel Gimenes et Vanessa Baudifer
L’Année psychologique / Volume 110 / Issue 04 / December 2010, pp 629 - 654
DOI: 10.4074/S0003503310004069, Published online: 03 January 2011
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Manuel Gimenes et Vanessa Baudifer (2010). Quand une phrase complexe n’est pas si
difcile à comprendre : le cas des propositions relatives. L’Année psychologique, 110, pp
629-654 doi:10.4074/S0003503310004069
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Quand une phrase complexe n’est pas si difficile
àcomprendre:le cas des propositions relatives
Manuel Gimenes*et Vanessa Baudiffier
Université de Poitiers
RÉSUMÉ
De nombreuses études en psycholinguistique ont montré que les phrases
contenant une proposition relative objet sont plus complexes que les
phrases contenant une proposition relative sujet. À travers une revue de
la littérature, nous montrons que ces phrases complexes peuvent être
relativement simples à comprendre si certains facteurs linguistiques sont
manipulés. Ces facteurs vont du niveau phonologique au niveau discursif,
en passant par le lexique et la sémantique. Les résultats expérimentaux
présentés sont interprétés dans le cadre des deux conceptions théoriques
actuellement dominantes : celle basée sur la fréquence et celle basée sur la
mémoire.
When a complex sentence is not so difficult to understand: the case of
relative clauses
ABSTRACT
Numerous psycholinguistic studies have shown that object relative clauses are more
difficult to process than subject relative clauses. The literature review presented here
shows that these complex sentences are relatively easy to understand when specific
linguistic factors are manipulated (phonological factors as well as semantic or discursive
factors). The experimental results are interpreted in the light of the two major theoretical
frameworks: frequency and memory based accounts.
L’objectif principal de la psycholinguistique est de comprendre les
processus cognitifs et les représentations mentales qui sous-tendent le
traitement du langage. Par exemple, comprendre une phrase implique de
nombreux processus cognitifs à différents niveaux : phonologique, lexical,
syntaxique, sémantique, ou encore discursif. Pour étudier ces processus,
une méthode classique consiste à présenter des phrases complexes et à
*Correspondance : Manuel Gimenes, Centre de Recherches sur la Cognition et l’Apprentissage, CNRS, UMR
6234, 99 avenue du Recteur Pineau, 86022 Poitiers. E-Mail : [email protected]
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observer les facteurs susceptibles de modifier le niveau de complexité de
ces phrases. L’objectif de cet article est de faire une synthèse des facteurs
qui influencent le niveau de complexité linguistique en compréhension de
phrase afin d’en tirer des conclusions sur le fonctionnement du système
cognitif.
Plus précisément, nous allons nous intéresser à un phénomène
de complexité syntaxique qui a été beaucoup étudié : la différence entre une
phrase contenant une proposition relative sujet (exemple 1) et une phrase
contenant une proposition relative objet (exemple 2).
(1) Relative Sujet : the reporter that attacked the senator admitted
the error.
Le journaliste qui a attaqué le sénateur a admis l’erreur.
(2) Relative Objet : the reporter that the senator attacked admitted
the error.
Le journaliste que le sénateur a attaqué a admis l’erreur.
Dans ces deux exemples, la phrase est constituée de la même proposition
principale the reporter admitted the error et d’une proposition relative
enchâssée dans la proposition principale1. La différence entre ces deux
phrasesconcerneletypedepropositionrelativequimodielaproposition
principale. Dans la première phrase, la proposition relative est appelée
«relative sujet »car le pronom relatif «qui »remplace ou prend le rôle
du sujet de la proposition relative. Dans la deuxième phrase, la proposition
relative est dite «relative objet »car le pronom relatif «que »remplace ou
prend le rôle de l’objet de la proposition relative. Ces propositions relatives
sont restrictives : elles remplissent une fonction discursive particulière qui
est de permettre d’identifier le co-référent du pronom relatif parmi un
ensemble (explicite ou non) de référents possibles. Présentés hors contexte,
les exemples (1) et (2) présupposent l’existence de plusieurs journalistes.
À ce titre, elles ont un caractère obligatoire et doivent être oppoes aux
relatives explicatives qui introduisent des informations complémentaires
mais non indispensables à l’identification du référent.
Par souci de simplification, les abréviations suivantes seront utilisées
dans la suite du texte : RS pour relative sujet, RO pour relative objet, N1
pour nom initial et N2 pour nom interne à la proposition relative.
1Une proposition relative n’est pas nécessairement enchâssée dans la proposition principale (ex : le journaliste a
attaqué le sénateur qui a admis l’erreur). Néanmoins, toutes les études rapportées dans cet article se sont centrées
sur les propositions relatives enchâssées dans la proposition principale.
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Intuitivement, une RO est plus difficile à comprendre qu’une RS. De
nombreuses expériences ont confirmé cette intuition, en utilisant une
grandevariétédeméthodesetdetâches.UneROsembleplusdifcile
à comprendre, comme le montrent les tâches utilisant des questions de
compréhension (King & Just, 1991), les tâches de sondage (Wanner &
Maratsos, 1978), les tâches de décision lexicale (Ford, 1983), les tâches de
paraphrase (Larkin & Burns, 1977) et les tâches de détection de phonèmes
(Cohen & Mehler, 1996 ; Frauenfelder, Segui & Mehler, 1980). Les tâches
utilisées comprennent des mesures off-line, mais également des mesures en
temps réel, comme les temps de lecture (King & Just, 1991) et les mesures de
l’activité cérébrale (Caplan, Alpert & Waters, 1998 ; Just, Carpenter, Keller,
Eddy & Thulborn, 1996 ; Stromswold, Caplan, Alpert & Rauch, 1996). Les
études ont testé des sujets sains, mais également des patients aphasiques
(Caplan & Futter, 1986 ; Caramazza & Zurif, 1976 ; Grodzinsky, 1989 ;
Hickok, Zurif & Canseco-Gonzales, 1993 ; Rigalleau, Baudiffier & Caplan,
2004).
La différence de complexité entre ces deux structures n’est pas due à
des différences lexicales, puisque les deux structures contiennent les mêmes
mots. Elle n’est pas due non plus à des différences de plausibilité, puisque les
relations entre les mots dans les deux structures sont également plausibles.
En Anglais, il existe une ambiguïté temporaire dans la mesure où le pronom
relatif (that) est identique pour les deux structures (RS et RO). Cependant,
cette ambiguïté ne permet pas d’expliquer la différence de traitement entre
les RS et les RO. En effet, cette ambiguïté n’existe pas en Français car le
pronom relatif est différent dans les RS (qui) et les RO (que), et des études
réalisées en Français (Holmes & O’Regan, 1981 ; Schelstraete & Degand,
1998) ont montré que les RO (3b) étaient plus difficiles à traiter que
les RS (3a).
(3a) Le guide de montagne qui photographiait le jeune alpiniste
audacieux au sommet du col espérait pouvoir redescendre avant
la nuit.
(3b) Le guide de montagne que le jeune alpiniste audacieux
photographiait au sommet du col espérait pouvoir redescendre
avant la nuit.
Pour expliquer cette différence entre RS et RO, plusieurs interprétations
ont été proposées. Par exemple, des auteurs tels que Sheldon (1974),
Bever (1970) ou encore MacWhinney & Pleh (1988) considèrent qu’une
RO est difficile à traiter car le N1 se voit attribuer plusieurs fonctions
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grammaticales. D’autres auteurs (Andrews, Birney & Halford, 2006)
postulent que le nombre de relation verbe-nom à calculer simultanément
est plus important dans une RO que dans une RS, ce qui expliquerait
la différence observée. Certains proposent une explication en termes de
fréquence : les RO sont plus difficiles à traiter car elles sont moins fréquentes
dans la langue (Reali et Christiansen, 2007). Enfin, d’autres expliquent la
difficulté des RO par un coût en mémoire plus important que dans les
RS (Gibson, 1998). Nous reviendrons sur ces explications dans la partie
interprétation de l’article.
Des études récentes ont montré que plusieurs facteurs peuvent réduire
ou faire disparaître cet effet de complexité. La littérature existante à ce
sujet est très dense. Pour simplifier l’exposé, nous présenterons uniquement
l’influence de différents facteurs linguistiques (phonologique, lexical,
sémantique et discursif) sur le traitement des relatives. Toutefois, il est
important de souligner que les différences interindividuelles, comme par
exemple la capacité mnésique ou encore l’expérience du langage, jouent un
rôle important dans le traitement des relatives. Dans la première partie de
l’article, les principaux résultats expérimentaux décrits dans la littérature
seront présentés. La seconde partie détaillera les différentes interprétations
proposées en les classant en deux catégories : des interprétations en termes
de fréquence ou en termes de mémoire.
LES FACTEURS LINGUISTIQUES QUI INFLUENCENT LE
TRAITEMENT DES PROPOSITIONS RELATIVES
Facteurs phonologiques
À notre connaissance, seule une étude (Acheson & MacDonald, 2005)
s’est intéressée au rôle de l’information phonologique dans le traitement
des phrases complexes. Dans cette expérience, les participants devaient
lire des phrases présentées mot à mot puis répondre à une question de
compréhension. Les phrases contenaient soit une proposition RS, comme
dans (4) soit une proposition RO, comme dans (5). Par ailleurs, les deux
noms utilisés dans les phrases pouvaient être soit similaires (4a et 5a) soit
non similaires (4b et 5b) d’un point de vue phonologique.
(4a) The preacher that fought the teacher caught the athlete
(4b) The preacher that feared the runner caught the athlete
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