CEPII, DT n° 2009-05 Équivalence entre taxation et permis d’émission échangeables
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Toutefois nous montrons que, dans le système européen, seules les émissions par
adjudications discriminantes sans droits gratuits ne sont pas manipulables. Avec les autres
formes de distribution, le tâtonnement walrasien et la manipulation rendent possible une
évolution sans détermination économique réelle, qui peut être cyclique, ergodique, erratique.
Cela provient du fait qu’il existe de nombreux équilibres pour une même norme globale et du
fait que le marché des droits n’est qu’un pseudo-marché, comme celui de la monnaie, où
l’offre n’est pas indépendante de la demande, mais s’ajuste à la demande. La manipulation
peut intervenir ex ante lors de l’attribution des droits gratuits ou ex post grâce aux
interventions sur le marché au cours de la période de conformité.
L’antériorité de la taxation et des subventions associées est utilisée comme fait générateur
logique et historique du choix entre les équilibres où on produit uniquement avec des
entreprises polluantes sans coûts fixes et les équilibres où on produit aussi avec des
entreprises moins polluantes avec coûts fixes. En Europe où les pays ont fait des choix
différents parmi ces équilibres correspondant à différentes spécialisations, la taxation au
niveau européen ou le marché des droits européens sont équivalents mais différents du
système de taxation national. Le coût des subventions qui servent à payer les coûts fixes n’est
plus supporté par chaque État mais réparti entre eux selon les émissions. Ce coût correspond
au maintien des productions à coûts fixes non polluantes. Vis à vis du reste du monde qui
n’adopte pas de fiscalité environnementale ni de système de droits d’émission, et risque ainsi
de jouer le rôle de passager clandestin, le coût peut être réduit voir annulé par une
dévaluation.
Une règle d’affectation est proposée : la taxation sert à gérer les émissions polluantes
moyennes, le marché des droits est dévolu aux réductions marginales d’émission.
Le rôle crucial joué par le coût du changement de technique dans les développements
précédents et la question de la compétitivité de l’Europe importatrice de ressources dites
naturelles amène tout naturellement à poser la question du rôle comparé des taxes sur la
pollution et l’énergie d’une part et des subventions aux innovations dépolluantes d’autre part.
Cette question des doubles dividendes et de la complémentarité entre consommation
énergétique et pollution est abordée dans un modèle global de croissance avec progrès
technique industriel exogène mais où sont distingués les secteurs d’innovations techniques
antipolluantes et de production d’énergie primaire qui sont rémunérés par des rentes. On
montre alors que les subventions aux innovations doivent être supérieures à la fiscalité sur la
pollution afin de financer aussi les revenus des autres facteurs investis dans le secteur de
recherche et développement. Or ces subventions sont nécessaires pour que les facteurs se
déplacent de l’industrie vers l’innovation car ce mouvement n’est pas spontané du fait que le
prix que les entreprises sont prêtes à payer pour la dépollution est nul s’il n’y a pas de
taxation. Comme par ailleurs la taxation du capital et de l’énergie provoque une substitution
entre ces facteurs, la neutralité de l’imposition est une relation ternaire entre les taxes sur la
pollution, le capital et l’énergie.
La limitation des émissions polluantes passe nécessairement par l’imposition d’un coût alors
que les avantages sont non marchands. Ce coût ne peut être accepté spontanément puisqu’il
est sans contrepartie marchande.