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LE NATURALISTE CANADIEN, VOL. 126 No 2 ÉTÉ 2002
PARCS ET AIRES PROTÉGÉES
cantons de Rameau et de Pellegrin, sur plus de 20 km de
rivière, représentant le tiers du cours principal de la cette
rivière. Par protocole d’entente, le gouvernement a délégué
à la Société de gestion de la rivière Grande Rivière, un orga-
nisme du milieu sans but lucratif, la gestion des activités
relatives à l’aménagement, l’exploitation et la conservation
du saumon.
Pour le développement économique
Le Programme de développement économique,
lancé en 1990 grâce à la concertation de plusieurs partenai-
res gouvernementaux et non gouvernementaux, a conféré à
plusieurs rivières à saumon un rôle important pour le déve-
loppement économique régional. Ce programme a permis
de construire des infrastructures d’accueil et de transport
afin de favoriser l’accès à la pêche sportive, de rétablir les
populations de saumon et d’améliorer son habitat. À ce jour,
plus de 1,5 million de dollars ont été investis dans la mise
en valeur de la Grande Rivière. Jusqu’à 57 frayères existent
dans son réseau hydrographique. Une activité de pêche y est
offerte sur plus de 25 km de rivière. Depuis 1986, 785 sau-
mons, en moyenne, remontent la rivière chaque année. La
Grande Rivière a pu offrir 1 120 jours de pêche, en moyenne
par année, de 1986 à 2001 ; les pêcheurs y ont capturé quelque
265 saumons annuellement, soit 34 % de la montaison.
Une réserve écologique
La réserve écologique de la Grande-Rivière, 64e
réserve écologique à être constituée en vertu de la Loi sur
les réserves écologiques, fait partie du réseau québécois des
aires protégées depuis le 14 février 2001. Elle se situe à 25 km
au nord-ouest de la ville de Grande-Rivière, dans la MRC
du Rocher-Percé, en Gaspésie. Elle occupe une superficie
de 173 km2 sur une partie des lots des cantons de Rameau,
Fortin, Pellegrin, Joncas et Power. Elle appartient à la région
naturelle de la Péninsule de la Gaspésie de la province natu-
relle des Appalaches.
La réserve écologique inclut la Grande Rivière Nord
et quelque 40 km de la partie amont de la Grande Rivière,
ainsi que les affluents et les versants associés ; ceci explique le
découpage très irrégulier du territoire. Le plateau situé entre
la Grande Rivière et la Grande Rivière Est forme la partie
sud-est de la réserve. Un segment de la Grande Rivière Est et
une partie des versants qui bordent sa rive droite sont inclus
dans la réserve. En amont de l’embouchure de la Grande
Rivière Est, la réserve écologique entoure une portion de
près de dix kilomètres de rivière faisant partie de la zec de la
Grande-Rivière.
Afin de favoriser la tenue d’activités locales compa-
tibles avec la conservation du milieu naturel, une portion de
territoire de 6,3 km2, localisée au sud-est de la réserve éco-
logique, est maintenu comme réserve écologique projetée.
L’exploitation forestière, minière et pétrolière y sont interdi-
tes, sans un autorisation spéciale du ministère de l’Environ-
nement. De plus, la construction de chemins ou de bâtiments
doit être autorisée par le ministre de l’Environnement.
Un projet qui ne date pas d’hier
En 1974, le Programme biologique international de
l’UNESCO proposait la création d’une réserve écologique sur
la Grande Rivière. Dans la décennie 1980, le projet de réserve
écologique fut inscrit sur les cartes d’affectation des terres du
domaine public ; depuis, les gestionnaires du domaine public
ont dû considérer ce projet de conservation dans la gestion
et l’aménagement du territoire. C’est pourquoi, en 1992, la
MRC et l’administration de la zec demandaient au ministère
de l’Environnement de revoir les limites du projet de réserve
écologique afin de réaliser un plan de mise en valeur de la zec,
car le projet initial de réserve écologique chevauchait une
partie de la zec. Le ministère de l’Environnement réalisait
alors une reconnaissance du territoire ainsi qu’un inventaire
des plantes menacées ou vulnérables, à la suite desquels il
proposait, en consultation avec les intervenants concernés,
un nouveau projet global de conservation visant l’ensemble
de la Grande Rivière ; celui-ci intègre l’agrandissement de
la zec, la création d’une réserve écologique et la protection
des espèces menacées ou vulnérables. Le projet s’inscrit
dans une perspective de développement durable, visant à
sauvegarder la diversité biologique, à réaliser une gestion
intégrée des ressources et du territoire, et à s’assurer que les
activités récréatives et commerciales n’interviennent pas
négativement dans la conservation du milieu naturel et des
espèces menacées ou vulnérables. En 1993, les intervenants
gouvernementaux responsables de la faune, de la flore et des
réserves écologiques et les gestionnaires de la zec concluaient
une entente portant sur ce projet global de conservation. À
partir de 1994, le ministère de l’Environnement entreprit les
études et les consultations formelles requises pour assurer la
réalisation de cette entente.
Des embûches écartées ou
en voie de l’être
Shell Canada détient un permis de recherche et d’ex-
ploration pétrolière sur une grande partie de la Gaspésie.
En 1998, après trois ans de négociations, le ministère de
l’Environnement obtenait que la compagnie rétrocède les
droits acquis pour le territoire visé par la constitution de la
réserve écologique. Un obstacle important au projet venait
d’être levé. Shell Canada n’aurait jamais consenti à une telle
demande n’eût été ce projet de conservation.
Par ailleurs, dès 1996, le ministère de l’Environne-
ment sollicitait un don de terrains auprès de la Compagnie
Gaspésia, terrains localisés de part et d’autre de la Grande
Rivière et qui entrecoupent les périmètres de la zec et de la
réserve écologique, afin de les inclure dans ces territoires ;
les segments de la rivière qui traversent ces terrains appar-
tiennent au domaine public et font partie de la zec. La fer-
meture de l’usine, en 1998, n’a pas favorisé la conclusion
d’une entente à cet effet. Les démarches en vue d’acquérir
ces terrains se poursuivent maintenant auprès du nouveau
propriétaire.