63
Schedae, 2009, prépublication n°14, (fascicule n°2, p.61-72).
http://www.unicaen.fr/services/puc/ecrire/preprints/preprint0142009.pdf
d’Aristote – à l’idée de corruption, cette génération apparaît comme une transformation
négative ou une dégénérescence, dans la mesure où l’être ainsi engendré est, par son
espèce, sa taille ou ses qualités, toujours inférieur à l’être dont il est issu.
À l’inverse, l’autre type de génération spontanée procède, lui, d’une transformation
positive, puisqu’il fait passer une matière inerte au statut de créature vivante. C’est à cette
seconde catégorie qu’il nous faut rattacher la génération des poissons. Déjà formulée par
Anaxagore, Démocrite et Empédocle10, cette théorie occupe une place non négligeable
dans l’œuvre d’Aristote : il l’expose dans la Génération des animaux, dans les Météorolo-
giques, ainsi que dans plusieurs chapitres de son Histoire des animaux : « Les animaux et
10. CUF, 2002) ; Ov., met., 15, 364-371 : I scrobe delecto mactatos obrue tauros; / (cognita res usu) de putri uis-
cere passim / florilegae nascuntur apes, quae more parentum / rura colunt operique fauent in spemque
laborant;/pressus humo bellator equus crabronis origo est; / concaua litoreo si demas bracchia cancro, /
cetera supponas terrae, de parte sepulta / scorpius exibit caudaque minabitur unca, «choisissez une
fosse, immolez-y des taureaux et rejetez sur eux de la terre ; par un phénomène que l’expérience atteste,
de leurs chairs en putréfaction naissent çà et là des abeilles qui vont butiner les fleurs ; à l’égal de ceux qui
leur ont donné le jour, elles se plaisent aux champs, elles aiment le travail et peinent dans l’espoir de la
récolte ; enfoui dans le sol, le coursier belliqueux engendre des frelons ; si vous enlevez à un crabe, ami
des rivages, ses bras recourbés et si vous couvrez le reste de terre, il sortira de la partie ensevelie un scor-
pion qui vous menacera de sa queue crochue » (G. Lafaye (trad.), CUF, 1930) ; Plin., nat., 11, 70: in totum
uero amissas reparari uentribus bubulis recentibus cum fimo obrutis, Vergilius iuuencorum corpore exani-
mato, sicut equorum uespas atque crabones, sicut asinorum scarabeos, mutante natura ex aliis quaedam
in alia, « l’espèce [des abeilles] étant complètement détruite peut renaître du ventre d’un bœuf fraîche-
ment tué recouvert de fumier ; d’après Virgile, du cadavre de jeunes taureaux ; de même qu’on reproduit
les guêpes et les frelons avec les cadavres des chevaux, les scarabées avec celui des ânes, la nature opé-
rant de ces métamorphoses » (A. Ernout et R. Pépin (trad.), CUF, 1947) ; Plut., Cleom., 39, 5 :
, « comme les bœufs putréfiés engendrent les abeilles, les chevaux des guêpes, et que
des scarabées vivants sortent du corps des ânes morts, de même les cadavres humains, quand s’écoulent
et se coagulent les humeurs de la moelle, produisent des serpents » (R. Flacelière (trad.), CUF, 1976) ;
Aelian., nat. an., 1, 51 :
, « la moelle épinière d’un cadavre, dit-on, donne naissance, par la transforma-
tion de la matière putréfiée, à un serpent : le reptile s’échappe et ce qu’il y a de plus a de plus féroce
rampe… ; c’est de la moelle des scélérats que des créatures aussi répugnantes naissent après la mort » ;
2, 33 :
, « j’ai moi-même entendu dire que lorsqu’un crocodile meurt, un scorpion naît de sa dépouille ; et on
prétend qu’il y a une épine sur sa queue qui est remplie de poison » ; 2, 57 :
, « les abeilles naissent de la carcasse [du bœuf] – les abeilles, les plus industrieu-
ses des créatures, qui fournissent la meilleure et la plus suave des productions qui s’offrent à l’homme, le
miel » ; Isid., etym., 12, 4, 48 : Pythagoras dicit de medulla hominis mortui, quae in spina est, serpentem
creari ; quod etiam Ouidius in Metamorphoseorum libris commemorat dicens : sunt qui, cum clauso putre-
facta est spina sepulchro, / mutari credant humanas angue medullas. Quod si creditur, merito euenit ut,
sicut per serpentem mors homini, ita et hominis moret serpens, «Selon Pythagore, il naît un serpent de la
moelle épinière d’un cadavre d’homme. Ovide le rappelle aussi dans les livres des Métamorphoses,
disant : « Certains pensent que, quand l’épine dorsale a pourri dans une tombe close, la moelle de
l’homme se change en serpent. » Si on y ajoute foi, il arrive donc que, si un serpent cause la mort d’un
homme, la mort d’homme aussi crée un serpent » (J. André (trad.), ALMA, 1986); Serv., Aen., 5, 95 : Aut
certe secundum Pythagoram dicit […] de medulla hominis mortui, quae in spina est, anguem creari ; quod
etiam Ouidius in quinto decimo Metamorphoseon dicit loquente Pythagora, « et c’est avec raison qu’il
s’appuie sur Pythagore […] pour affirmer que le serpent est engendré par la moelle épinière d’un cadavre
humain ; ce que prétend également Ovide au quinzième livre de ses Métamorphoses, en citant
Pythagore » ; Orig., Contr. Cels., 4 :
, « Aussi n’est-il pas étonnant que
dès à présent, comme on le dit couramment, d’un cadavre d’homme soit formé un serpent venant de la
moelle épinière, du bœuf une abeille, d’un cheval une guêpe, d’un âne un scarabée, et généralement de
la plupart, des vers » (M. Borret (trad.), Sources Chr., 1968). Voir également Sext. Emp., Pyrrh., 1, 41 ;
Lycophr., Alex., 413-415 ; Varro, 2, 5, 5 ; 3, 16, 4 ; Plin., nat., 10, 188 ; Verg., georg., 4, 281-414, etc.
10. Voir DIELS et KRANZ, 59 A 1 (Anaxagore) ; 68 A 139 (Démocrite) ; 31 B 71 (Empédocle) ; 60 A 4 (Archelaus).