Hyperbolique veut dire exagéré. Ca ne renvoie pas à l’hyperbole en mathématiques mais à
la figure de style de l’hyperbole en littérature : c’est une image exagérée de quelque chose.
Exagéré par ce que 1. c’est totalement artificiel, on se force à douter là où normalement on ne
doute pas. Exagéré aussi du même coup parce que c’est un doute délibéré, choisi, actif, on fait
exprès de douter, alors que le doute naturel est subi, on ne choisit pas de douter, c’est passif.
2. Mais exagéré aussi parce qu’on va dire que s’il y a la moindre raison de douter
d’une vérité, alors elle est fausse. C’est une exagération parce qu’en fait ce n’est
pas parce que c’est douteux que c’est faux. Si c’est douteux, alors justement on
n’est pas certain que c’est faux, on ne sait pas vraiment si c’est vrai ou faux. Rien
n’autorise à dire de quelque chose de douteux qu’il est faux, puisque précisément on
doute. Mais là, artificiellement, pour les besoins de notre méthode de pensée, on
rejette comme faux tout ce qui est douteux. C’est exagéré parce que cela va au-delà de
ce qu’on a droit de dire quand quelque chose est douteux. Le but, c’est de faire place
nette pour que ne reste que ce dont on ne peut absolument pas douter,
l’indubitable, le certain. Normalement, du douteux, c’est V ou F, et du certain, c’est
V. Pour les besoins de la recherche, le doute hyperbolique consiste à dire que si c’est
douteux, donc V ou F, on dit que c’est F. Rien ne justifie logiquement ce passage,
c’est une décision méthodologique, mais en droit, ce n’est pas parce que c’est douteux
que c’est faux : serais-je encore en vie demain, c’est douteux, cela ne me permet pas
de conclure que je ne serais pas en vie demain !
Il faut préciser le rapport de cette méthode avec le scepticisme. Le scepticisme désigne une
doctrine que l’on doit au philosophie grec Pyrrhon au 4
ème
siècle avant JC qui affirme que
nous devons douter de tout et suspendre notre jugement sur tous les points. Cette doctrine, on
la retrouve dans les Essais de Montaigne, qui parvient à la même conclusion, l’impossibilité
pour l’homme de connaitre la vérité.
En apparence, Descartes reprend ce projet. Attention au contre-sens : Descartes n’est pas
sceptique, bien au contraire. Pour les sceptiques, le doute est un terme, une fin, leur but est de
douter sans cesse, il n’y a rien ensuite car on ne trouve aucune certitude indubitable. Avec
Descartes, au contraire, le doute est un simple moyen qui va être dépassé car on va grâce à lui
trouver des vérités indubitables.
Il s’agit maintenant de mettre en œuvre cette méthode, mais avant cela se pose un problème :
la faisabilité du projet.
D’abord, des conditions à remplir : « mon esprit est libre de tout soin ». Il faut s’arracher à
la préoccupation quotidienne, à nos affaires, et nous isoler (la solitude fait partie de la
méditation). Il faut que notre esprit soit le plus libre possible de tout ce qui viendrait
l’empêcher de se concentrer sur cette tâche.
Descartes insiste sur la liberté : l’esprit et délivré, il s’applique avec liberté. Cela veut bien
dire, comme on l’a vu, que la démarche du doute est une décision, parfaitement libre. Ce n’est
rien ni personne dans le monde qui nous l’impose. La méditation qu’on nous propose est donc
un exercice de liberté. Le sujet pensant y faire l’épreuve de sa liberté à l’égard du monde en
s’isolant. Le sujet pensant va se découvrir comme souverain à l’égard de tout ce qui n’est pas
lui : il peut décider de s’en détacher quand il le veut.
Une fois les bonnes dispositions acquises, se pose un autre problème de faisabilité.
En effet, des connaissances, on en a des milliers, et même on ne peut pas les énumérer
toutes. On ne peut pas toutes les passer en revue. Du coup, étudier une par une si elles sont