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RÉSUMÉ
La présente thèse porte sur des postulats philosophiques qui fondent l’activité coopérative.
La coopérative est une association de personnes réunies sur une base volontaire afin de
satisfaire des aspirations et des besoins d’ordre économique, social et culturel par le biais
d’une entreprise collective où le pouvoir est exercé démocratiquement. Une représentation
particulière de l’être l’humain, un cadre normatif spécifique et des finalités existentielles
singulières se dégagent de cette définition. Ainsi, de la coopérative émerge une autre vision
du monde. Par conséquent, elle contraste avec le paradigme dominant actuel de type
économiste, qui base toute sa praxis sur la logique interne de l’homo œconomicus et des
valeurs qui transcendent cette posture héritée du libéralisme classique et confirmée par le
nouveau libéralisme du 20e siècle. Hautement influencé par cette représentation du monde,
l’Occident est toujours aux prises avec les conséquences sociales, économiques, politiques,
culturelles que provoque un système dont la chrématistique institutionnalisée tente de
subordonner le politique et le du social à l’économique, conduisant ainsi au réductionnisme
anthropologique et éthique. Devant l’impasse qu’il suscite, bon nombre d’auteurs en
questionnent actuellement la pertinence et la justesse. Cela conduit aussi à l’évaluation d’un
changement de paradigme pour notre temps et à l’analyse d’alternatives. Une question se
pose : le coopératisme, malgré la méconnaissance de son objet, voire sa marginalité, peut-il
être considéré comme un paradigme ayant des attributs suffisamment développés pour se
présenter comme une perspective convenable pouvant répondre aux attentes d’aujourd’hui?
Cette recherche tente d’analyser cette possibilité en resituant la coopérative dans un
contexte paradigmatique et en revisitant les caractéristiques philosophiques et éthiques de
l’homo cooperatus, c’est-à-dire cette personne comme être singulier, dynamique et
multidimensionnel incorporé dans une communauté humaine concrète. Inspiré de l’idéal
démocratique républicain et influencé par le libéralisme et le socialisme, le coopératisme
propose un ensemble de valeurs qui s’imbriquent les unes dans les autres comme un tout
ouvrant des perspectives différentes de développement d’humanité. L’analyse exposée dans
cette thèse présente le coopératisme comme une alternative contemporaine qui tente de
redonner à l’économie, comme oikonomia, toutes ses lettres de noblesse en intégrant
continuellement cette dimension dans les autres sphères humaines qui se voient, par le fait
même, rééquilibrées. Cette multidimensionnalité coopérative repositionne la personne au
cœur d’un projet personnel et social d’envergure. Le coopératisme se dévoile ainsi comme
la possibilité d’une démocratisation de l’économie. Il possède en son sein les
caractéristiques philosophiques et éducatives nécessaires capables de susciter une
transformation de la pensée et des institutions. Ainsi, le coopératisme ne se présente pas
seulement comme une entreprise au sens classique du terme, mais aussi comme une école
d’apprentissage démocratique et comme un paradigme à part entière capable de confronter
l’actuel aux prises avec des anomalies qu’il tarde à résoudre. Le cadre normatif proposé par
le coopératisme et la matrice anthropologique qu’il renferme nous portent à penser qu’il
peut définitivement vaincre sa marginalité et s’inscrire comme un ouvrage de
reconstruction du bien commun et d’un vivre ensemble authentique. En bref, le
coopératisme est aussi une œuvre civilisationnelle pour notre temps.