Le premier instrument repose sur l’obligation, c’est-à-dire sur la réglementation. Il s’agit alors d’imposer aux acteurs
économiques des normes environnementales, charge à eux de financer les dépenses leur permettant de respecter ces
normes. Ainsi, il existe des normes d’émission, par exemple la norme européenne d’émission de CO2 par les poids
lourds, mais aussi des normes de procédés, qui désignent l’utilisation obligatoire d’équipement empêchant la pollution,
ou encore des normes de produits (interdiction des ampoules à incandescence, limitation du phosphate dans les
lessives, obligation de fournir des emballages recyclables…). La réglementation n’est guère incitative. Elle est perçue
comme une contrainte qui génère des coûts supplémentaires, et qui n’est donc pas favorable à la croissance.
C’est pourquoi les gouvernements proposent des mesures incitatives. Ainsi en est-il des subventions. Par exemple,
récompenser les acquéreurs de voitures neuves non polluantes par un bonus (de 100 à 7000 euros pour les véhicules
émettant moins de 105 g par km de CO2) encourage l’achat d’une nouvelle voiture, ce qui est positif pour la croissance.
De même, les taxes, qui repose sur le principe « pollueur = payeur » suggèrent qu’en augmentant par ce biais le prix des
produits, les agents économiques seront incités à acheter des substituts moins polluants. On révèle ainsi le vrai coût de
son achat au consommateur, coût qui inclut les coûts sociaux. Ainsi, on internalise les externalités en comptabilisant
dans le prix les dommages subis par l’ensemble des acteurs. De plus, les entreprises sont poussées à innover pour
trouver des solutions plus écologiques, et les nouveaux procédés ou nouveaux produits conduisent à développer
l’ »économie verte », réservoir de nouveaux emplois et de croissance. Pour la consommation d’énergie,
réglementations et taxes semblent être efficaces. En effet, selon le bilan énergétique de la France pour 2011, réalisé par
l’Insee, la consommation d’énergie des transports semble s’être stabilisée entre 2002 et 2011, alors même que le PIB a
continué sa progression. La corrélation qui caractérisait les années postérieures à 2002 n’est plus vraie car le sentier de
hausse n’est plus identique. Alors que l’indice de croissance du PIB (base 100 en 1990) a augmenté de 13 points ( en
passant d’un indice de 125 en 2002 à un indice de 138), l’indice de la consommation d’énergie des transports oscille
entre 120 et 125.
Une autre solution consiste à mettre en place - comme l’a fait l’Union européenne en 2005 et comme c’était prévu
dans le protocole de Kyoto en 1997 - un marché des crédits carbone. Cela consiste à fixer un niveau maximal de rejets
de CO2 et à répartir ce quota global entre les agents économiques qui recevront des « droits à polluer » ou « quotas
d’émission » (à titre gratuit ou aux enchères). Ceux qui pollueront moins que les droits alloués pourront les revendre sur
le marché à ceux qui seraient amenés à polluer davantage que les droits qu’ils possèdent. L’auto régulation par le
marché conduit alors à faire augmenter le prix des droits si la demande de « droits à polluer » s’accroît, incitant alors les
agents à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre en développant des procédés de production plus propres,
facteur d’innovations et de croissance. Mais, le système communautaire d’échange de quotas d’émission, établi dans
l’Union européenne, n’a pas fait ses preuves. Alors même que le volume de quotas échangés a été multiplié par près de
20 entre 2005 et 2009, et que la valeur des transactions est passée de 5 400 millions d’euros en 2005 à 65 900 millions
d’euros en 2009, soit une multiplication par 12 en l’espace de 5 années, le prix moyen du quota a connu une baisse
importante en passant d’une valeur de 20,6 euros la tonne d’émission de CO2 à 13.1 euros la tonne (document 4). Ce
prix bas réduit l’incitation à la réduction des émissions.
Les instruments de lutte contre le changement climatique se caractérisent par leur complémentarité. Ensemble, ils
proposent des solutions qui permettent de maintenir un certain niveau de croissance tout en amorçant la lutte pour la
préservation de l’environnement.
Nous avons donc vu en quoi la croissance économique est de nature à mettre en péril
l’environnement et le sort des générations futures, comme l’affirme les partisans de la soutenabilité forte. Nous avons
vu que le problème se pose avec d’autant plus d’acuité que les le capital naturel est victime d’externalités négatives en
raison de son statut de biens commun. Mais nous avons aussi montré que des acteurs économiques défendent l’idée
que croissance et développement durable ne sont pas incompatibles. Ainsi, des solutions pourraient permettre d’avoir
une croissance davantage respectueuse de l’environnement et les Etats ont des marges de manœuvre pour agir sur les
questions environnementales.
Le prochain sommet de Paris à la fin de l’année 2015 devra examiner l’avenir de l’Accord de la Convention sur le Climat
de l’ONU. C’est l’occasion de tester, une fois de plus, la volonté des gouvernements de la planète d’agir pour préserver
le sort des générations futures, en espérant que davantage de pays s’engagent dans cette voie, notamment la Chine et
les Etats-Unis. Mais arriveront-nous à nous mettre d’accord alors que les inégalités entre pays et à l’intérieur des pays
sont croissantes ? Le concept de développement durable ne suppose-t-il pas de s’intéresser aussi à une meilleure
répartition des richesses ?