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RÉSUMÉ
Dans la perspective de la mise en place d’une stratégie psychosociale qui soit basée sur les besoins
psychologiques réels des enfants, Save the Children a mené une étude quantitative, randomisée,
multicentrique et multifocale dans 9 écoles et 2 Espaces Amis des enfants de Bangui et de la Ouaka,
permettant ainsi l’inclusion de 543 enfants entre 5 et 16 ans. Soixante-six enseignants et 113 parents
ont été invités à remplir des questionnaires d’auto-évaluation sur leur bien-être psychologique
(WEMWBS), leur niveau de stress (PSS) et sur les troubles émotionnels, comportementaux et
relationnels de 5 de leurs élèves ou d’un de leurs enfants (ODDRS, CBCL, SDQ) pris au hasard. De
manière concomitante, 111 enfants entre 5 et 16 ans ont été reçus en consultation individuelle afin
d’obtenir des informations précises sur leur vécu expérientiel (SPANE), leur bien être psychologique
(SWEMWBS), leur satisfaction de vie (SWLS-C), leur vécu traumatique (CPTS-RI) et leurs troubles
émotionnels, comportementaux, relationnels et d’hyperactivité (SDQ-Y).
Les résultats montrent que le bien être psychologique des adultes et des enfants est moyen. Pour les
adultes, les parents présentent un bien être psychologique inférieur à celui des enseignants. Concernant
les enfants, leur bien être psychologique est plus bas que celui des adultes. Les enfants déscolarisés et
leurs parents présentent les scores les plus bas. Il y a un lien entre le bien être psychologique des
enfants et des adultes. Le stress perçu par les adultes est pathologique en particulier dans sa dimension
de perte de contrôle et d’envahissement cognitif. Les parents présentent des scores plus importants que
les enseignants. Les parents des enfants déscolarisés et les personnes vivant sur un site de déplacés ont
le niveau de stress le plus élevé. Le vécu expérientiel des enfants est plus négatif que positif. Ils
expriment ressentir très fréquemment de la colère, de la tristesse et de la peur. Plus les enfants sont
âgés, plus leur vécu expérientiel est négatif. Les enfants de la Ouaka rapportent un vécu expérientiel
plus négatif que ceux de Bangui. La satisfaction de vie des enfants est basse et plus les enfants sont
âgés, moins leur satisfaction de vie est forte. Les enfants déscolarisés ont une satisfaction de vie
inférieure à celle des enfants scolarisés. Le nombre moyen d’évènements traumatiques subis par les
enfants est de 7.5. Les évènements relatés sont majoritairement liés au conflit armé. 10.4% des enfants
rapportent avoir été victimes de violences sexuelles. Les enfants des écoles Yakité et St-Jean ainsi que
des enfants Peuls de Bambari sont ceux qui rapportent le plus d’évènements traumatiques. 91% des
enfants expriment avoir eu peur de mourir ou d’être gravement blessés. 64% des enfants présentent un
état de stress post traumatique (ESPT) et 874% présentent une forme subsyndromique d’un ESPT (un
symptôme du critère C manquant). Il y a un lien fort entre le nombre d’évènements traumatiques subis
par les enfants et l’intensité de la pathologie traumatique. Le niveau de trouble d’opposition avec
provocation et de conduites antisociales est moyen. Le trouble d’opposition est plus intense chez les
enfants déscolarisés. 24% des enfants sont décrits par leurs parents et leurs enseignants comme ayant
peur d’aller à l’école et cette peur est plus intense chez les enfants déscolarisés. Les scores pour les
troubles émotionnels, comportementaux et relationnels sont à la limite entre ce qui est considéré
comme normal et pathologique. Alors que les troubles émotionnels sont plus intenses dans la Ouaka
qu’à Bangui, les troubles comportementaux sont plus importants à Bangui que dans la Ouaka. 17% des
enfants cumulent le fait d’être plutôt solitaires, de n’avoir pas d’amis et d’être victimes de
harcèlement de la part des autres enfants. La perception des enfants de leurs troubles émotionnels est
plus grave que celle qu’en ont leurs parents ou leurs enseignants. Plus d’un enfant sur trois est distrait,
présente des troubles de la concentration et ne termine pas ses tâches ou devoirs en raison de
difficultés attentionnelles. Il existe un lien entre les difficultés attentionnelles des enfants et l’intensité
des conduites antisociales et d’opposition. La perception des enfants de leurs comportements
prosociaux est plus favorable que celle qu’en ont leurs parents ou leurs enseignants. 60% des enfants
se décrivent ou sont décrits par leurs parents ou leurs instituteurs comme ayant des difficultés
émotionnelles, comportementales, cognitives et relationnelles importantes ou sérieuses, et ce pour la
grande majorité d’entre eux depuis plus de six mois, dont 48% depuis plus d’un an.
Les difficultés psychologiques des enfants sont importantes, en particulier concernant la pathologie
traumatique, et représentent un fardeau important pour les parents, les enseignants et pour les enfants
eux-mêmes. La chronicisation des troubles est un élément inquiétant car d’évolution défavorable pour
le développement cognitif, affectif et relationnel de ces enfants qui deviendront un jour les adultes et
les parents de la République centrafricaine.