Troublesde l`humeur et VIH : épidémiologie, clinique et prise en

G. E. Maccaferri
M. Cavassini
A. Berney
introduction
Depuis la découverte de la trithérapie, l’espérance de vie
pour les patients infectés par le virus de l’immunodéficience
humaine (VIH) s’est nettement améliorée. Toutefois, la popu-
lation VIH reste vulnérable quant à plusieurs aspects de son
existence et elle doit affronter de nombreux défis personnels,
somatiques, sociaux, psychologiques et psychiatriques. Comme
c’est le cas pour d’autres conditions médicales générales (can-
cer, maladies cardiaques, certaines maladies neurologiques,
etc.), l’infection et la progression clinique du VIH augmentent
le risque d’apparition de certains troubles psychiatriques. Plus
particulièrement, les troubles de l’humeur unipolaires ont une prévalence éle-
vée. La coexistence d’un trouble de l’humeur a un impact considérable sur la qua-
lité de vie et le décours de la maladie somatique ; et de plus, peut compromettre
l’observance médicamenteuse ou renforcer les conduites sexuelles à risque.
L’objectif de cet article est de donner un aperçu de l’épidémiologie, la clinique
et les implications thérapeutiques des troubles de l’humeur chez des patients
séropositifs (VIH+). Le rôle de la psychiatrie de liaison dans les prises en charge
pluridisciplinaires au CHUV de Lausanne sera aussi discuté.
considérations générales
Les recherches, dans le domaine de la psychiatrie sur la population VIH à partir
de la moitié des années 1980, se sont principalement focalisées sur les troubles
dépressifs mais aussi sur les troubles cognitifs et les démences. Les abus de
substances sont également reconnus comme ayant une prévalence très élevée.
Selon les populations étudiées, jusqu’à la moitié des patients VIH+ peut présen-
ter des troubles sous forme d’abus ou de dépendance. Les troubles anxieux, psy-
chotiques et de la personnalité demeurent encore peu étudiés.
troubles dépressifs unipolaires
Epidémiologie
Les taux de prévalence pour les troubles de l’humeur parmi les sujets infectés
par le VIH sont très variables selon les études.1 Une méta-analyse de 20012 a revu
les données d’études publiées entre 1988 et 1998 et a conclu à une augmentation
Mood disorders in HIV patients :
a challenge for liaison psychiatry
consultation
Mood disorders represent the most preva-
lent psychiatric condition in patients infected
by HIV virus. Screening and treatment of de-
pression as well as the evaluation of the risk
suicide is of the utmost importance.
When psychopharmacological treatment is
re quired, interaction with antiretroviral treat-
ment must be carefully considered. More
generally a close collaboration between the
physician and the psychiatrist is recommen-
ded.
Rev Med Suisse 2012 ; 8 : 362-7
Les troubles de l’humeur représentent les troubles psychiatri-
ques les plus fréquents parmi les patients présentant une in-
fection par le virus VIH. Leur dépistage et leur prise en charge,
ainsi que l’évaluation du risque suicidaire sont de la plus haute
importance pour la pratique clinique.
Lorsqu’un traitement psychopharmacologique est indiqué, il
faut tenir compte des interactions pharmacologiques avec les
traitements antirétroviraux. De façon plus générale, une prise
en charge multidisciplinaire entre somaticien et psychiatre
doit être privilégiée.
Troubles de l’humeur et VIH :
épidémiologie, clinique et prise
en charge thérapeutique
le point sur…
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15 février 2012
Drs Giorgio Enrico Maccaferri
et Alexandre Berney
Service de psychiatrie de liaison
Dr Matthias Cavassini
Service des maladies infectieuses
Département de médecine
CHUV, 1011 Lausanne
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claire du risque de développer une dépression majeure en
cas de séropositivité, celui-ci étant doublé par rapport aux
sujets séronégatifs (VIH-). Les études conduites en Afrique
subsaharienne identifient la dépression majeure comme
le trouble psychiatrique le plus fréquent parmi les sujets
infectés par le VIH.3 Une étude récente nord-américaine,
portant sur 2864 patients VIH+ sous traitement antirétrovi-
ral, montre que 36% de ces patients présentaient une dé-
pression majeure, 27% une dysthymie (dépression mineure
chronique).4 Un taux de prévalence de 42% pour la dépres-
sion majeure a été retrouvé dans des cohortes nord-amé-
ricaines de 3300 patients VIH+.5
Limites méthodologiques
Certaines études reportent des taux très élevés de pré-
valence pour la dépression en incluant dans l’analyse sta-
tistique les épisodes dépressifs majeurs, les dysthymies
ou d’autres formes de dépression mineure, les troubles de
l’adaptation ou les autres troubles de l’humeur non spéci-
fiés. Il est, de ce fait, difficile d’extraire des données signi-
ficatives homogènes et regroupées par syndromes cliniques
spécifiques. Une autre difficulté d’interprétation des résul-
tats de prévalence pour les troubles unipolaires est repré-
sentée par le fait que jusqu’à aujourd’hui, la majeure par-
tie de la littérature clinique s’est intéressée aux troubles
psychiatriques survenant chez les hommes avec un statut
de séropositivité VIH. Encore trop peu de travaux ont étu-
dié les taux de prévalence des troubles unipolaires chez les
femmes VIH+. Par ailleurs, les études de prévalence pour les
troubles de l’humeur dans la population VIH peuvent don-
ner des chiffres différents selon l’utilisation d’échelles auto-
ou hétéro-administrées. Finalement, la littérature sou ligne
à plusieurs reprises que certains symptômes somatiques
(fatigue, troubles de sommeil et perte de poids), dus à l’in-
fection et à la progression du VIH ou aux effets secondaires
de certains médicaments antirétroviraux, peu vent en soi mi-
mer des symptômes psychiatriques de dépression majeure
ou mineure. D’où l’utilité d’une approche pluri disciplinaire
clinique et de recherche entre les services des maladies
infectieuses, de neurologie et de psychiatrie de liaison.
Présentation clinique
Des symptômes dépressifs peuvent se présenter à tout
moment au cours de la maladie. L’altération thymique va
du simple sentiment de tristesse induit par la difficulté
d’adaptation aux nouvelles étapes de la vie (annonce du
diagnostic VIH, perte d’un travail, stigmatisation sociale, pro-
gression clinique de la maladie) jusqu’à un tableau psy cho-
pathologique complexe et bien constitué. Dans ce dernier
cas, on observera l’apparition d’un épisode dépressif mineur
ou majeur qui peut s’installer de novo chez un patient sans
antécédents psychiatriques de dépression, ou bien faire
partie d’un trouble dépressif récurrent. Les critères habi-
tuels pour établir un diagnostic de dépression majeure res-
tent valides chez des patients séropositifs, à savoir humeur
dépressive ou irritabilité, anhédonie, apathie, sentiments
de culpabilité, troubles de la concentration, fatigue, perte
de l’appétit ou baisse de la libido. Les facteurs de risque
de développer un premier épisode dépressif ou de main-
tenir un trouble dépressif récurrent identifiés dans la litté-
rature1 sont similaires dans la population VIH à ce que l’on
connaît dans la population générale : sexe féminin, abus de
substances ou antécédents d’abus de substances, histoire
familiale de dépression, contexte de conflit et de violence
domestiques, état socio-économique défavorable, situations
de deuil et de perte. Plusieurs mécanismes peu vent être
évoqués comme favorisant plus directement l’émer gence
de la dépression : celle-ci peut être secondaire à l’abus de
substances, aux effets secondaires de certains traitements
antirétroviraux, aux infections opportunistes. Dans certains
cas, elle pourrait être en lien avec la neurotoxicité VIH. L’in-
fection par le VIH semblerait en effet induire, par des mé-
canismes de cascade inflammatoire secondaire à l’infection,
une atteinte cérébrale de type neurodégénérative chez des
patients vulnérables et prédisposés.6
Impact de la dépression
Une question débattue en littérature est de savoir si les
symptômes dépressifs sont des prédicteurs de progres-
sion clinique, du stade de l’infection VIH au stade de sida
déclaré. Si certains auteurs ont effectivement reconnu un
tel lien, d’autres études sont nécessaires pour confirmer
cette observation.7,8 Dans la même ligne, certaines études
montrent une association entre symptômes dépressifs et
risque de mortalité accrue dans le cadre de l’évolution du
sida. A cet effet, dans une étude multicentrique publiée en
2004,9 plus de 1700 femmes séropositives ont été évaluées
et suivies pour dépression pendant sept ans ; 13% des fem-
mes avec symptômes dépressifs chroniques sont décé-
dées prématurément des suites et séquelles liées au sida,
comparées à 6-7% sans comorbidité dépressive. La pré-
sence de symptômes dépressifs chroniques s’est montrée
donc prédictive de mortalité augmentée. En dehors de
l’interprétation de ces résultats, cette étude a souligné une
fois de plus l’importance du traitement psychiatrique com-
me partie intégrante de la prise en charge médicale des
patients infectés par le VIH, surtout dans la phase avancée
de la maladie. En ce qui concerne l’association entre dépres-
sion majeure et baisse de la fonction immunitaire (CD4,
CD8, cellules
natural killer
), la littérature reste partagée :
certaines études récentes retrouvent une claire association,
alors que d’autres ne peuvent pas confirmer ce lien.8
Les mécanismes exacts à travers lesquels les symp-
tômes dépressifs peuvent induire la progression clinique
de la maladie VIH sont en grande partie encore inconnus.8
Risque suicidaire
La question de la suicidalité reste un problème de santé
préoccupant car les sujets infectés par le VIH décèdent par
suicide de façon significativement plus élevée en compa-
raison à la population générale. A cet effet, un récent ar-
ticle,10 qui extrait des donnés épidémiologiques à partir
de l’étude de cohorte VIH suisse portant sur plus de 15 000
patients, comparant les données des patients avant et de-
puis l’avènement des nouvelles trithérapies antirétrovirales,
a montré une diminution significative des taux de suicide.
Les facteurs de risque pour le suicide sont l’âge avancé, le
genre homme, le fait de vivre en Suisse, l’infection VIH par
injection de substances, le stade clinique avancé de l’infec-
tion par le VIH et une histoire personnelle de trouble mental.
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troubles bipolaires
Les troubles bipolaires, définis par la présence d’épi-
sodes (hypo)maniaques en plus des épisodes dépressifs,
sont encore très peu étudiés chez les patients VIH+. Très
peu d’études ont comparé les patients bipolaires VIH+
avec les bipolaires non infectés par le virus. Certains au-
teurs avancent l’existence d’une
AIDS mania
, c’est-à-dire
une con dition de manie secondaire à la progression cli-
nique de l’infection VIH, avec le début d’une atteinte orga-
nique au niveau cérébral.11 Cette forme de manie secon-
daire se distinguerait de la manie spontanée par certaines
caractéristi ques : ralentissement psychomoteur, troubles
neurocognitifs sévères, humeur irritable et non eupho-
rique, sévérité de la présentation clinique. Les rares étu-
des qui compren nent des petits échantillons estiment la
prévalence de la manie secondaire comprise entre 1,2%
pour les patients VIH+ et 4,3% pour les patients en stade
évolutif de sida.12 La littérature reste encore parcellaire
quant à la question de l’(hypo)manie médicamenteuse (in-
duite par des traitements antidépresseurs). En effet, en
dehors du risque bien connu pour les antidépresseurs tri-
cycliques de faciliter un virage (hypo)maniaque dans la po-
pulation générale, la littérature rapporte seulement quel-
ques cas d’(hypo)manie médicamenteuse chez les patients
VIH+.
En conclusion, face à une bipolarité chez un patient in-
fecté par le VIH, une prise en charge pluridisciplinaire (so-
matique et psychiatrique) s’impose, ce qui n’est pas tou-
jours le cas lors des troubles dépressifs unipolaires dont le
traitement est plus aisé.
traitements disponibles
Considérations générales
Au vu de l’important impact des troubles dépressifs sur
la santé des patients VIH+, la question du traitement est
fondamentale. On ne dispose pas à ce jour de guidelines
pour le traitement des troubles dépressifs dans le contexte
spécifique des patients infectés par le VIH. Les limitations
principales des études existantes tiennent au fait qu’elles
ont été effectuées essentiellement sur des hommes (le VIH
a été considéré comme une maladie des hommes homo-
sexuels pendant longtemps), avec une méthodologie pas
toujours rigoureuse, et qu’il n’y a presque pas de travaux
sur la prévention de la rechute dépressive dans la popula-
tion VIH. Les traitements médicamenteux ont été nettement
plus étudiés que les approches psychothérapeutiques. Nous
soulignons que ces limitations méthodologiques ont été en
grande partie dépassées si on regarde la littérature médi-
cale concernant les traitements des troubles dépressifs
dans la population générale pour lesquels un consensus
est maintenant bien établi.
Traitements psychopharmacologiques
Plusieurs molécules ont été étudiées et se sont montrées
efficaces dans le traitement des troubles de l’humeur (en
particulier la dépression unipolaire) chez les patients VIH+ :
antidépresseurs tricycliques, inhibiteurs sélectifs de la re-
capture de la sérotonine (ISRS) et autres classes d’antidé-
presseurs, médicaments psychostimulants, hormones se xuel-
les et stabilisateurs de l’humeur (tableau 1).13,14 Il ressort
des études que le premier choix devrait se porter sur un
antidépresseur de type ISRS.
Le problème des interactions
pharmacologiques
Les traitements antirétroviraux sont connus pour pou-
voir induire des nombreux effets secondaires et pour leur
risque d’interaction pharmacologique avec d’autres molé-
cules. Parmi les nombreuses interactions, l’association de
médicaments psychotropes avec les inhibiteurs de pro-
téase, en particulier le ritonavir, demande une attention par-
ticulière.15,16 Les interactions principales sont rapportées
dans le tableau 2.
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15 février 2012
Types de traitement Commentaires
Antidépresseurs • L’efficacitédesISRSetdesTCAestsupérieureauplacebopourtraiteruntroubledépressifunipolaire
• LesISRS(fluoxétine,paroxétine,citalopram,escitalopram)etlesTCA(imipramine)sontégalementefficaces
• LesISRSdoiventêtrepréférésauxTCApourleurmeilleurprofildetolérance
• ParmilesISRS,préférerlecitalopramoul’escitalopramàlafluoxétine
• LaMirtazapine,lecitaloprametlasertralinesemblentégalementefficaces
– lamirtazapinepeutinduireuneprisedepoids(effetsecondaireparfoisrecherché)etunesédation
 (effetsecondairequipeutêtrepotentialiséaveclesIP)
Psychostimulants • Leméthylphénidatepeutêtreindiquédanslesstadesavancésdesida
et hormones sexuelles • Latestostéroneetladéhydroépiandrostéronepeuventêtreemployéespourleureffetd’augmentationdelalibido
 etdelamassemusculaireetdelaréductiondelafatigue
Stabilisateurs de l’humeur Ilspourraientêtreutilisésdanslecadredelamanieprimaireetsecondaire(AIDSmania)*
Traitements psychosociaux/ • Psychothérapieinterpersonnelle:metl’accentsurl’analyseducontextedevieetdesproblèmesinterpersonnels
psychothérapeutiques **  pourviserunemeilleureadaptationauxrôlessociauxetauxsituations
• Psychothérapiecognitive-comportementale:utilisedesoutilscommelapsychoéducation,larésolutiondes
 problèmes,larelaxationetlarestructurationcognitive
ISRS:inhibiteurssélectifsdelarecapturedelasérotonine;TCA:antidépresseurstricycliques;IP:inhibiteursdelaprotéase.
*Anoterqu’ilexistepeudedonnéessurleurefficacitéclinique;gestiondifficileenraisondesnombreusesinteractionspharmacologiques(tableau2).
**Anoterqu’iln’yaencorepresquepasd’études,d’uneméthodologierigoureuse,comparanttraitementspsychopharmacologiquesetapproches
psychothérapeutiques.
Tableau 1. Prise en charge psychiatrique et psychothérapeutique des troubles de l’humeur chez les patients VIH+
(Adaptéderéf.13,14).
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Traitements psychothérapeutiques
Certaines approches psychothérapeutiques (interperson-
nelles et cognitivo-comportementales) sont aussi efficaces
pour la prise en charge d’une symptomatologie dépressive
chez des patients VIH+ (tableau 1).13 Elles peuvent être ef-
fectuées en monothérapie, si les symptômes dépressifs
sont d’intensité légère à modérée ou en combinaison avec
les traitements pharmacologiques.14
intérêt dune consultation spécialisée
En raison de l’importante comorbidité psychiatrique si-
gnalée chez les patients infectés par le VIH, une collabora-
tion étroite entre médecin somaticien et psychiatre est né-
cessaire. Face à une symptomatologie dépressive ou toute
autre présentation clinique s’inscrivant dans le con texte
d’un trouble de l’humeur, il est important d’évaluer le po-
tentiel suicidaire car, bien que les taux de suicide parmi les
patients VIH+ aient diminué, ils restent encore bien supé-
rieurs à ceux observés dans la population générale. Une at-
tention particulière devra aussi être portée à l’indication à
un traitement psychopharmacologique. Comme déjà dit,
les traitements antirétroviraux peuvent présenter de nom-
breuses interactions pharmacologiques avec d’autres mo-
lécules, y compris les médicaments psychotropes. Il sera
donc important, en pratique clinique, d’évaluer le type et
le résultat potentiel de l’interaction afin de pouvoir mieux
orienter le choix des traitements.
Dans le contexte de la prise en charge des patients
VIH+, la psychiatrie de liaison peut jouer un double rôle.
D’un côté, il y a l’activité de consultation auprès de patients
hospitalisés ou suivis ambulatoirement dans un service
des maladies infectieuses, de neurologie ou tout autre ser-
vice. Ce type de consultation se montre utile pour évaluer
un éventuel diagnostic psychiatrique (troubles de l’humeur,
anxieux, etc.) et proposer un plan thérapeutique. D’un autre
côté, la psychiatrie de liaison peut offrir une collaboration
régulière et être intégrée dans le cadre d’un travail multi-
disciplinaire. Par exemple, plusieurs palettes de collabora-
tion existent aujourd’hui au CHUV. On citera la coopération
avec le service des maladies infectieuses, qui prévoit des
activités de soutien et de supervision aux équipes médi-
cales et infirmières confrontées à des patients dont la prise
en charge est souvent difficile. Une autre activité de con sul-
tation et de liaison psychiatrique encore plus spécialisée
est représentée par la récente plateforme Neuro-VIH du
CHUV, inaugurée le 29.9.2011. Cette plateforme s’adresse
en premier lieu à un sous-groupe de patients présentant
une atteinte neurologique centrale ou périphérique dans
le cadre de l’infection VIH. Les spécialistes impliqués dans
cette prise en charge sont le neurologue, l’infectiologue, le
neuropsychologue, le neuroradiologue et le psychiatre. Dans
ce contexte, la présence de troubles psychiatriques sus-
ceptibles par exemple, de péjorer des troubles cognitifs
en relation avec une atteinte neurologique sera évaluée.
Des troubles cognitifs (déficit attentionnel, troubles mné-
siques) peuvent aussi quelques fois être entièrement liés
au syndrome psychiatrique.
366 Revue Médicale Suisse
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Psychotropes : Types Mécanismes Résultats Attitudes cliniques
classes pharmacologiques d’interaction d’interaction de l’interaction
Antidépresseurs Bupropion+ritonavir IsoenzymesCYP450; qqP* Associationdéconseillée
Qpremierpassagehépatique
Millepertuis+indinavir CYP4503A4 QQAR* Inefficacitécliniquedel’AR;
 éviterassociation
Néfazodone+ritonavir/ CYP4503A qqP* QdosageduPd’aumoins70%
 delavirdine/éfavirenz
Sertraline+ritonavir CYP4502D6 qqP* QdosageduPd’aumoins70%
Trazodone+ritonavir CYP4503A qP* QdosageduP
 Tricycliques
a+ritonavir CYP4502D6 qP* QdosageduPd’aumoins50%
Venlafaxine+ritonavir CYP4502D6 qP* QdosageduP
Stabilisateurs Carbamazépine+ritonavir CYP4503A qqP* QdosageduPd’aumoins70%
de l’humeur  CYP4503A4 QAR* Eviterassociation
b
Carbamazépine+indinavir/ CYP4503A4 QAR* Inefficacitécliniquedel’AR;
delavirdine  éviterassociation
b
Valproate/lamotrigine Glucuronyltransférase QP* InefficacitécliniqueduP;
+nelfinavir  éviterassociation
Antipsychotiques Clozapine/pimozide+ritonavir IsoenzymesCYP450 qqP* Associationdéconseillée
Phénothiazines+ritonavir CYP2D6 qP* QdosageduPd’aumoins50%
Anoterquelamajeurepartiedesinteractionspharmacologiquessontsignaléesdansdesétudescliniquesavecdespetitséchantillons.
*concentrationplasmatique;P:médicamentpsychotrope;AR:médicamentantirétroviral;CYP:cytochrome.
Pourlesinteractionspharmacologiques,voiraussilesite:www.hiv-druginteractions.org
aAmitriptyline,clomipramine,imipramine,trimipramine.
bAjustementdelaposologienonétudié.
Tableau 2. Interactions pharmacologiques d’intérêt clinique pour la gestion du traitement des troubles mentaux
chez les patients VIH+ sous thérapie antirétrovirale
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15 février 2012 367
conclusion
Au vu de l’impact des troubles de l’humeur sur la santé
des patients VIH+, en particulier des troubles dépressifs
unipolaires, le clinicien se trouve régulièrement confronté
aux défis diagnostiques et thérapeutiques d’une dimen-
sion psychiatrique dans cette population vulnérable. Des
traitements psychotropes efficaces sont actuellement dis-
ponibles, mais une attention particulière doit être portée
aux interactions pharmacologiques. Des traitements psycho-
thérapeutiques doivent aussi être envisagés
même s’ils sont
encore peu étudiés dans cette population
. La psychiatrie de liai-
son peut exercer un rôle de consultation auprès de pa-
tients hospitalisés ou suivis en ambulatoire et elle peut être
intégrée dans le cadre d’un travail multidisciplinaire dans
une fonction de consultation, soutien et supervision.
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* à lire
** à lire absolument
Bibliographie
Implications pratiques
Depuisl’introductiondelatrithérapieenSuisse,lestauxde
suicideparmilespatientsVIH+ontdiminuémaisilsrestent
encorebiensupérieursàceuxprésentsdanslapopulation
générale
Lestraitementsantirétrovirauxpeuventprésenterdenom-
breusesinteractionspharmacologiquesavecd’autresmolé-
cules,ycomprislesmédicamentspsychotropes:laconnais-
sancedutypeetdurésultatdel’interactionestimportante
danslapratiquecliniquepourmieuxorienterlechoixdes
traitementspharmacologiquesetpermettrelesajustements
posologiquesnécessaires
Lespatientsprésentantuneatteinteneurologiquecentrale
oupériphériquedanslecadredel’infectionVIHpeuventêtre
adressésàlaplateformeNeuro-VIHduCHUVdeLausanne
quicomprenduneéquipepluridisciplinairedecliniciens(neu-
rologue,infectiologue,neuropsychologue,neuroradiologue
etpsychiatredeliaison)
>
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