Crises à répétition et perspectives de redressement pour le secteur

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Crises à répétition et perspectives de
redressement pour le secteur laitier
Thierry Pouch
APCA-DEAT-SERP
Assises du Lait
Pau-Orthez
18 janvier 2017
Deux années de crise structurelle
 Une dérégulation rapide et récente des marchés laitiers
• - Forte et nouvelle instabilité des cours internationaux des produits laitiers
• - Conséquences économiques, humaines, environnementales de la crise et
de la persistance de la volatilité des prix
• - Une dérégulation programmée du secteur laitier (fin des quotas en 2015)
• - Conséquences sur la géographie des activités laitières
 Une baisse des prix depuis 2014 : et maintenant?
•
•
•
•
- Une situation économique qui s’est aggravée depuis 2014
- Quelles réponses européennes et nationales ?
- La question de la compétitivité des exploitations laitières françaises
- Identifier des perspectives de redressement du secteur laitier
Diagnostic et causes de la crise
laitière
Une conjonction de facteurs ayant précipité la crise
3
Les étapes de la dérégulation du marché
Abandon progressif des outils de régulation des
marchés :
-Baisse des prix et contingentement des volumes
soutenus
-Compensation par des aides directes couplées puis
découplées
-Suppression progressive des quotas
Mise en place
des prix
garantis
Années 1960
Mise en place
des quotas
laitiers
Réforme de
la PAC
Fin du
régime des
quotas
laitiers
1984
2003
2015
En % de la valeur de la production laitière
de l'UE à 28 à partir de 2013
Une production européenne concentrée
Part de chaque Etat européen
dans la production laitière européenne*
25
20 21
20
2013
19
15 16
2014
17
2015
15
9 8 9
10
9 8 8
9 9 8
6 6 6
5 5 5
5
3 3 3
0
Allemagne
France
Italie
Pays-Bas
Royaume- Pologne
Espagne
Uni
* Production valorisée au prix de base, c'est-à-dire y compris les subventions sur les produits
1717 - Chambres d'Agriculture - Études économiques
Danemark
source : EUROSTAT
5
Production laitière UE : éléments de
cadrage
France
Allemagne
Pays-Bas
Irlande
Pologne
Nombre de
fermes
68 224
76 640
18 380
18 460
(2010)
151 250
Baisse
(2000)
-46 %
-49 %
-38 %
-42 %
-46 %
(2003)
Production
‘000 tonnes
23 700
30 000
12 500
5 500
12 200
Production
2008-2014
+6 %
+14 %
+14 %
+14 %
+16 %
Part à
l’export.
40 %
45 % (2011)
65 %
90 %
25 %
Collecte
coopérative
55 %
70 %
95 %
90 %
70 %
6
Depuis 2007, des cours de plus en plus
volatils
Indice des prix des produits laitiers
300
2002-2004 = 100
250
200
186*
150
100
* novembre 2016
50
janv-90
janv-93
janv-96
janv-99
janv-02
475 - Chambres d'Agriculture - Études économiques
janv-05
janv-08
janv-11
janv-14
source : FAO
7
Crise agricole : un essai de définition
 Pas de notion de crise dans l’OCM unique
• - « déséquilibre »
• - « menaces de perturbation » de marchés
 Mesures de sortie de crise
• - surtout ex-post
• - fondées sur des incitations privées
 Adaptées plutôt à une crise conjoncturelle
 Des réponses qui ne sont pas adaptées à la situation
économique réelle des éleveurs laitiers
Crise agricole : un essai de définition
Crise agricole : résulte d’une variation de prix, de revenu, consécutive à
un déphasage O/D, peu ou pas tolérable ou gérable par les acteurs
Crise conjoncturelle :
-déphasage temporaire
offre demande
-Ajustement dans
l’année
Crise structurelle :
•Durée longue et socialement inacceptable
Le cas de la crise actuelle ?
•Entrée dans une nouvelle volatilité prix
•Baisse des prix et revenus > 1 an
•Surproduction qui persiste
• Forte hausse de la production notamment
en Europe du Nord
• Surestimation de la demande mondiale
• Autres incertitudes (taux de change,
investissements productifs dans les pays
émergents…)
Pourquoi cette crise structurelle?
 Une crise qui pouvait être anticipée
 La Commission européenne tablait sur une croissance de la
demande mondiale de produits laitiers de +2%/an
 Fin des quotas laitiers annoncée et hausse de la production en
Europe du Nord (Irlande, Pays-Bas, Allemagne)
 Croissance de l’économie mondiale en berne, des pays émergents
importateurs de produits laitiers (OPEP avec la baisse du prix du baril
de pétrole), de la Chine en particulier
 Facteur géopolitique : les sanctions infligées par l’UE et les EtatsUnis à la Russie, et la contrepartie avec l’instauration de l’embargo
russe toujours en vigueur
 Une crise de surproduction de lait dans le monde
10
L’économie chinoise au ralenti
Taux de croissance du PIB de la Chine
16
en % en volume
14
12
10
8
6,5*
6
4
*Estimation 2016
2
0
1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016
899 - Chambres d'Agriculture - Études économiques
source : OCDE
11
Des importations chinoises moins
vigoureuses
Importations chinoises de produits laitiers
sur les 9 premiers mois
2013
2014
2015
2016
700
en milliers de tonnes
600
500
400
300
200
100
0
Poudres grasses
Poudre maigre
2355 - Chambres d'Agriculture - Etudes économiques
Lactosérum
laits liquides
Laits infantiles
source :GEB - Institut de l'Elevage,
d'après douanes chinoises
12
Mais un taux de dépendance élevé
Taux de dépendance alimentaire en Chine
Poudre de lait écrémé
70
66,6
en %
60
50
40
30
20
1995
1997
1999
2001
2003
2355 - Chambres d'Agriculture - Etudes économiques
2005
2007
2009
2011
2013
source : FAO
13
L’embargo russe : une balle dans le pied
de l’UE
en euros
Evolution des exportations françaises de produits alimentaires vers
la Russie
Viande bovine
Porc
- Chambres d'Agriculture - Etudes économiques
Légumes/fruits
Fromage
source : Eurostat
14
Des perspectives
inquiétantes
L’UE principale
responsable des
surplus internationaux
en 2015
UE
+3,2 Mo t
EU
+1,2 Mo t
Exports 2015
66 Mo de t
NZ
-0,3 Mo t
2015
15
Augmentation estimée de la production de lait des principaux producteurs européens (2014‐2024). Source: Jongeneel et Van Berkum, 2015.
Pays
Variation de
Variation en
membres
la
millions de tonnes
production
en %
Pays-Bas
Allemagne
Danemark
Pologne
Belgique
Irlande
RoyaumeUni
17,3
9,5
8,0
14,7
6,1
27,2
4,5
2,2
3,1
0,4
1,8
0,2
1,7
0,6
France
Total
8,9
-
2,4
12,4
Conséquence sur la viande bovine
Cotations du broutard (prix moyen pondéré)
3
2015
en euros/kg vif
2,9
2,8
2016
2,7
2014
2,6
2,5
2,4
1er trimestre
2e trimestre
138- Chambres d'Agriculture -Études économiques
3e trimestre
4e trimestre
source : FranceAgriMer
16
Des réponses tardives et
insuffisantes
Le rôle de la Commission européenne et de la France
17
Réponses européennes : l’OCM unique
 Prix d’intervention faible depuis 2009
 Activation du stockage privé depuis 2014
 Des volumes aidés significatifs mais décalés par rapport au
stockage public antérieur
 Activation des Articles 219-226 de l’OCM unique
 Fonds de mutualisation (Article 39, second pilier de la PAC) :
très peu adopté, sauf dans trois pays de l’UE
 Observatoire européen des marchés laitiers créé en 2014
 Autres instruments : les OP et les contrats
18
Les mesures européennes et nationales
de soutien à l’élevage
 Depuis juillet 2015, annonce d’un paquet de mesures pour le
secteur de l’élevage européen
 Aide à la réduction de la production laitière (150 millions d’€),
mesures d’aides pour les élevages (lait, bovin, porcin et
ovin/caprin, 350 millions d’€ dont 49,9 pour la France)
 Allègement des charges sociales, fiscales
 Garantie des emprunts par la BPI
19
Un rapide regard sur l’expérience
américaine
L’assurance marge : préserver l’outil de production
laitier et exporter
20
États-Unis : Le Farm Bill 2014-2018
 Une protection de la marge – DMPP
• - Compensation si en moyenne et durant deux mois consécutifs, la marge
Prix du lait - Coût d’alimentation < 4 $/cwt (69 €/1 000L)
• - Possibilité d’assurance supplémentaire pour couvrir une marge jusqu’à 8
$/cwt (138 €/1 000L)
-
La prime augmente pour
4 millions de livres (± 200 vaches)
des
livraisons
supérieures
à
États-Unis : Le Farm Bill 2014-2018
Marge =
Prix du lait moyen USA
Coût d’alimentation =
Prix boisseau Maïs = 49 % de la ration
+
Prix tonne tourteau Soja = 27 % de la ration
+
Prix tonne foin de Luzerne = 24 % de la ration
Des perspectives durablement
favorables ou temporaires?
Quels leviers de redressement possibles?
24
Des prix mieux orientés partout
Prix du lait en Europe et dans le monde
50
45
Allemagne
en €/100 kg
40
France
35
31,23*
28,76**
26,37*
30
Nouvelle Zélande
25
* *Septembre 2016
20
* Octobre 2016
15
févr-07
févr-08
févr-09
févr-10
févr-11
2378 - Chambres d'Agriculture - Etudes économiques
févr-12
févr-13
févr-14
févr-15
févr-16
Sources : Commission européenne et Dairyco
25
Un redressement en cours des prix des
produits laitiers
Prix des produits laitiers dans l'UE
Cheddar
Beurre
Poudre de lait écrémé
Poudre de lait entier
4 500
4 000
en $/tonne
3 500
3 000
2 500
2 000
1 500
1 000
janv-10
oct-10
août-11
2384 - Chambres d'Agriculture - Etudes économiques
juin-12
mars-13
janv-14
nov-14
août-15
juin-16
source : Commission européenne, USDA (Market news)
26
Léger redressement du prix du lait en
France
400
Prix du lait payé au producteur
en France (prix standard)
en €/1000 litres
380
360
2015
340
320
2014
300
2016
280
260
Janv. Fév. Mars Avril
Mai
Juin
Juil.
Août Sept. Oct.
Nov. Déc.
(*) Prix, toutes primes comprises, toutes qualités confondues, ramené à un lait standard (38g de MG, 32g de
MP)
2376 - Chambres d'Agriculture - Etudes économiques
Source : FranceAgriMer
27
Les transformateurs payent un peu plus
Prix du lait* pratiqués
par quelques transformateurs européens
*lait standard : MG : 4,2 %, MP : 3,4 %
450
en €/ t
400
350
300
250
200
Lactalis - Fr
Nordmilch - All
Sodiaal - Fr
Friesland Campina - PB
150
janv-14 avr-14
juil-14
oct-14 janv-15 avr-15
2379 - Chambres d'Agriculture - Etudes économiques
juil-15
oct-15 janv-16 avr-16
juil-16
oct-16
Source : LTO
28
Des charges encore supérieures malgré
le redressement des prix
Evolution comparée des indices de prix du lait (IPPAP)
et des coûts de production (IPAMPA)
130
120
2010 = 100
110
100
90
IPPAP Lait de vache (CVS)
80
IPAMPA-Lait de vache
70
Tendance linéaire IPAMPA
60
janv-12
janv-13
janv-14
2377 - Chambres d'Agriculture - Etudes économiques
janv-15
janv-16
Source : Institut de l'élevage -INSEE
29
Hausse durable ou feu de paille?
 Repli des collectes dans les principaux bassins de production
mondiaux, sauf aux Etats-Unis
 Collecte européenne en repli de 2% par rapport à l’été 2015 (-4% en
Allemagne et -7% en France)
 Attention : regain de prix qui pourrait encourager les producteurs à
augmenter la production, la Commission prévoit même une hausse
de la collecte de +0,5% en 2017
 Stocks d’intervention encore importants (350 000 tonnes)
 Le programme européen d’aide à la baisse des livraisons n’est pas
assez contraignant (cas de l’Irlande qui envisage de faire croître sa
production de lait)
 Dynamique qui dépendra aussi de la baisse du cheptel en Europe
 Demande mondiale mieux orientée : beurre, fromages, poudres
30
Quelles perspectives?
 Capter la demande mondiale émanant des pays émergents et des régions
d’Afrique du Nord et Subsaharienne (production insuffisante, de mauvaise
qualité, transition nutritionnelle…)
 Incertitudes fondamentales : parités monétaires, coût de l’énergie et du
transport…), multiplication et pérennité des embargos, impacts des accords de
libre-échange bilatéraux (Canada, Australie-Nouvelle-Zélande, TAFTA…),
pressions environnementales, préoccupations sociétales exprimées par les
consommateurs (bien-être animal, qualité des productions/environnement…),
état de la concurrence internationale
 Atouts indéniables de la France : climat, coût du foncier, potentiel
agronomique (productions fourragères), savoir-faire, qualité et diversité des
produits, l’innovation… (rappel : troisième exportateur européen, second
excédent commercial européen et troisième poste excédentaire de la balance
commerciale agroalimentaire nationale)
 Renforcer la création de valeur, organiser les filières dans une logique
partenariale, s’adapter à l’hétérogénéité des demandes…
31
Avec mes remerciements
[email protected]
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