(ôCLaecouuertes^médecine
Alzheimer
L'hypothèse
du diabète
Etsi lamaladied'Alzheimer
avaitpour origineuneforme
méconnue de diabète? Cette
hypothèse originaledéfendue
par deux chercheuses ouvre
des pistesthérapeutiques...
voire l'espoird'une prévention.
ParCoralie Hancok
Lt La maladie d'Alzheimer
est un diabète localisé
dans lecerveau. "Dans
l'univers dela neurolo
gie, cette affirmation a d'abord
sonné comme une provoca
tion. D'autant qu'elle émane
de deux scientifiques parfaite
ment respectables :Suzanne de
laMonte, de l'université améri
caine Brown (RhodeIsland), et
Suzanne Craft,du WakeForest
Médical Center (Caroline du
Nord, Etats-Unis). Des lésions
L'espérancedevie augmenteetavecelle,lenombrerie
personnestouchéesparlamaladien"
Alzheimerpourrait
doublerd'icià2030, etmêmetripleren2050 1Etpour
tant,plusd'unsiècleaprèssapremièredescriptionpar
lemédecinallemandAloisAlzheimer,
lescausesde la
pathologieéchappenttoujoursauxmédecins...
dans le cerveau des malades
d'Alzheimer dues à une banale
résistance à l'insuline... les
deux chercheuses qui ne tra
vaillent pas ensemble mais par
tagent lesmêmes conclusions
n'hésitent plus à défendre leur
explication audacieuse.
Il faut dire que des indices
troublants se sont accumulés
ces dix dernières années au
tour d'un lien entre la maladie
neurodégénérative et le dia
bète de type 2, qui se caracté
rise par un excès chronique de
sucre (glucose)dans le sang,en
raison d'une résistance des cel
lules àl'insuline. "Plusieurs di
zaines d'études ont montré que
ce diabète augmente de 1.5 à
2 fois le risque de développer
des lésions de typeAlzheimer ".
reconnaît Caroline Sanz, dia-
bétologue àla clinique Pasteur
de Toulouse. Sans compter les
malades qui n'ont pas encore
été diagnostiqués diabétiques
mais qui en montrent les pre
miers signes. Ainsi, en juillet
dernier, Raymond Turner (uni
versité Georgetown,Etats-Unis)
découvrait par hasard, lors de
mesures du taux de glucose
dans le sang, que 43 0k des pa
tients souffrant de la maladie
d'Alzheimer étaient en situa
tion de prédiabôte.
Pourtant, si le diabète de
type 2 constitue, de façon évi
dente, un facteur de risque
d'Alzheimer, il n'en serait pas
pour autant la cause.
David Blum, biologiste au
sein de l'équipe Alzheimer
et tauopathies (université
de Lille/Inserm), confirme:
"Quand on dit que le diabète
accroît le risque d'Alzheimer.
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Date : 01/06/2014
Pays : FRANCE
Page(s) : 67-69
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SUZANNE DE LA MONTE
Neuropathologisteàl'université
Brown(Etats-Unis)
f
)J.
on parle d'un diabète touchant
l'organisme engénéral. Or,rien
n'indique qu'une résistance à
l'insuline dans les cellules
du corps, caractéristique du
diabète de type 2, induit une
même résistance dans le cer
veau". Surtout que le cerveau
est un organe naturellement
àl'abri, comme protégé du
reste de l'organisme par des
règles biologiques qui lui sont
propres. Le diabète de type 2
pourrait toucher l'organisme et
épargner le cerveau.
UN3eTYPEDE
Tous les diabétiques ne déve
lopperont doncpas une maladie
d'Alzheimer etinversement, les
patients souffrant d'Alzheimer
ne sont pas tous diabétiques.
Voilà pourquoi Suzanne de la
Monte souhaiterait ajouter le
"diabète de type 3" celui qui
atteint précisément le cerveau
et dont découlerait la maladie
neurodésénérative aux deux
Les
récepteurs
ducerveauspécifiques
àl'insuline
sont80 7o
moinsactifs
aux
stadeslesplusavancés
d'Alzheimer
autres membres de la famille
déjà répertoriés, lestypes 1et2.
"Indéniablement, diabète et
Alzheimer ont beaucoup de
mécanismes en commun", re
connaît FlorencePasquier, neu
rologueau CHUde Lille.Ainsi,
en 2005, Suzanne de la Monte
montrait, après avoir autopsié
le cerveau de personnes décé
dées de la maladie d'Alzhei
mer, que l'action de l'insuline
dans le cerveau déclinait gra
duellement au cours de l'évo
lution de la maladie. "Aux
stades les plus avancés de la
pathologie, les récepteurs spé
cifiques à l'insuline sont 80 "/o
moins actifs que dans un cer
veau normal. Déplus, l'insuline
se lie beaucoup moins bien à
ces récepteurs", explique-t-
elle. De la même manière que
les cellules des diabétiques de
viennent peu àpeu insensibles
àl'insuline produite par lepan
créas pour réguler laglycémie,
les neurones des patients souf-
Lesautrespistes "iconoclastes"...
L'une des plus anciennes hypothèses concernant l'origine de la maladie
d'Alzheimer est celle d'un déficit en acétylcholine, un neurotransmetteur
impliqué dans les circuits neuronaux de la mémoire. Une théorie
sur laquelle s'appuient quelques-uns des rares traitements aujourd'hui
utilisés. Leur efficacité très limitée, voire nulle, lui afait perdre du crédit.
D'autres postulats, plus iconoclastes, ont aussi vu le jour: infection virale,
notamment par le virus de l'herpès (voir Science S Vie nc1133, p. 46),
surexposition à certains métaux (cuivre, aluminium), pollution de l'air, etc.
Comment la
résistance à l'insuline
dégrade le neurone
1L'insuline se fixe
moins sur le neurone
Lesrécepteursneuronauxà
"iTnsaliflejJeviennentmoinsactifs.,
englucose,indispensable
auriaîraTrerft^eslpIussuffisant.
frant de lamaladie d'Alzheimer
semblent,eux aussi, devenir ré
sistants à l'hormone.
Et cela n'est pas sans consé
quence sur les neurones. "L'in
suline,indispensable pourfaire
entrer leglucose dans les neu
rones d'un cerveau sain, parti
cipe aussi à la maintenance et
àlaréparation des synapses. Si
l'action de l'insuline estpertur
bée, les neurones peuvent être
altérés",explique FlorencePas
quier. Qui ajoute: "L'insulino-
résistance augmente également
le stress oxydatif et les méca
nismes inflammatoires, qui
peuvent favoriser la dégéné
rescence des neurones. "(Voir
infographie ci-dessus.)
Autres éléments troublants,
des traitements classiques du
diabète de type 2 montrent
une certaine efficacité sur la
maladie d'Alzheimer. "Les
molécules de la famille de la
thiazolidinedione. utilisées
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3. .. dont l'excès accentue les
lésions à l'extérieur du neurone...
L'enzyme
GSK3B,
chargéededégrader
l'insuline,est
débordée.Ellecontribueaussiàluttercontreles
plaquesamyloïdes:un rôlequ'ellenepeutplusjouer.
pour augmenter la sensibilité à
l'insuline, sont aussi capables
d'améliorer les déficits cogni-
tifs sur les modèles animaux
atteints d'Alzheimer", souligne
OlivierThibault, de l'université
du Kentucky (Etats-Unis).
DESTRAITEMENTSCOMMUNS
Quant à la metformine, le mé
dicament antidiabétique par
excellence, l'équipe de Freda
Miller, de l'université de To
ronto (Canada), montrait en
2012 qu'elle favorisait la crois
sance neuronale et améliorait
les capacités d'apprentissage
chez la souris.
Les essais sur l'homme n'ont
pas démarré, mais "des études
épidémiologiques semblent
montrer que les patients souf
frant à lafoisde diabète etdela
maladie d'Alzheimer et placés
sous metformine voient cette
dernière progresser plus lente
ment ",note Florence Pasquier.
L'hypothèse du diabète de
type 3 ne fait pourtant pas
l'unanimité. "L'excès de sucre
suffit àprovoquer des micro
lésions vasculaires dans le
cerveau et il est possible qu'à
cause d'elles, celui-ci résiste
moins bien àl'accumulation
des plaques amyloïdes [appe
lées aussi "plaques séniles", ty
piques de la maladie, formées
par le dépôt, àl'extérieur des
neurones, de la protéine bêta-
amyloïde]",noteCaroline Sanz.
Deson côté,l'équipe deDavid
Blum démontrait l'année der
nière sur des sourisque sil'obé
sité aggravait d'autres lésions
de lamaladie, caractérisées par
l'agrégation de la protéine tau
àl'intérieur des neurones, et
favorisait la perte de mémoire,
pour autant, elle n'entraînait
pas de résistance à l'insu
line. "L'insulino-i'ésistance ne
semble pas être la condition
sine qua non à l'apparition
des lésions caractéristiques
d'Alzheimer. D'autres dys
fonctionnements, notamment
ceux impliqués dans les voies
lipidiques, expliquent peut-être
les liens entre obésité, diabète
etmaladie d'Alzheimer", com
mente le biologiste.
LAlzheimer se révélera-t-elle
effectivement êtreune maladie
métabolique commeles autres?
Sitel étaitle cas,non seulement
de nouvelles pistes thérapeu
tiques seraient défrichées...
mais un autre changement plus
inattendu encore se profilerait:
laprévention ! "Mangermieux
et faire de l'exercice n'empê
cheront certes pas la maladie
d'Alzheimer d'apparaître, mais
il semble de plus en plus évi
dent qu'on pourra en relarder
l'apparition... et en freiner le
développement ".conclut Flo
rence Pasquier. La fatalité de
la maladie d'Alzheimer n'en
serait plus totalement une.
Avoir:les
chiffres,laprise^jp
encharge,les ^N
derniersessaisSAVOIR
cliniques,
PLUS
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