Alzheimer - Clinique Pasteur

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Date : 01/06/2014
Pays : FRANCE
Page(s) : 67-69
Diffusion : 326912
Périodicité : Mensuel
Surface : 263 %
(ôCLaecouuertes^ médecine
Alzheimer
L'hypothèse
du diabète
Et si la maladie d'Alzheimer
avait pour origine une forme
méconnue de diabète? Cette
hypothèse originaledéfendue
par deux chercheuses ouvre
des pistesthérapeutiques...
voire l'espoird'une prévention.
ParCoralie Hancok
Lt
L
a maladie d'Alzheimer
est un diabète localisé
"
dans le cerveau. Dans
l'univers de la neurolo
gie, cette affirmation a d'abord
sonné comme une provoca
tion. D'autant qu'elle émane
de deux scientifiques parfaite
ment respectables : Suzanne de
la Monte, de l'université améri
caine Brown (Rhode Island), et
Suzanne Craft, du Wake Forest
Médical Center (Caroline du
Nord, Etats-Unis). Des lésions
L'espérancedevie augmenteet avecelle, lenombrerie
personnestouchéespar lamaladien"Alzheimerpourrait
doublerd'icià 2030, et mêmetripleren 2050 1Et pour
tant, plus d'unsiècleaprèssapremièredescriptionpar
lemédecinallemandAloisAlzheimer,lescausesde la
pathologieéchappenttoujoursauxmédecins.. .
dans le cerveau des malades
d'Alzheimer dues à une banale
résistance à l'insuline... les
deux chercheuses —qui ne tra
vaillent pas ensemble mais par
tagent les mêmes conclusions —
n'hésitent plus à défendre leur
explication audacieuse.
Il faut dire que des indices
troublants se sont accumulés
ces dix dernières années au
tour d'un lien entre la maladie
neurodégénérative et le dia
bète de type 2, qui se caracté
rise par un excès chronique de
sucre (glucose) dans le sang, en
raison d'une résistance des cel
lules à l'insuline. "Plusieurs di
zaines d'études ont montré que
ce diabète augmente de 1.5 à
2 fois le risque de développer
des lésions de typeAlzheimer ".
reconnaît Caroline Sanz, diabétologue à la clinique Pasteur
de Toulouse. Sans compter les
malades qui n'ont pas encore
été diagnostiqués diabétiques
mais qui en montrent les pre
miers signes. Ainsi, en juillet
dernier, Raymond Turner (uni
versité Georgetown, Etats-Unis)
découvrait par hasard, lors de
mesures du taux de glucose
dans le sang, que 43 0k des pa
tients souffrant de la maladie
d'Alzheimer étaient en situa
tion de prédiabôte.
Pourtant, si le diabète de
type 2 constitue, de façon évi
dente, un facteur de risque
d'Alzheimer, il n'en serait pas
pour autant la cause.
David Blum, biologiste au
sein de l'équipe Alzheimer
et tauopathies
(université
de Lille/Inserm), confirme:
"Quand on dit que le diabète
accroît le risque d'Alzheimer.
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Comment la
résistance à l'insuline
dégrade le neurone
SUZANNE DE LA MONTE
Neuropathologisteà l'université
Brown (Etats-Unis)
)J.
f
on parle d'un diabète touchant
l'organisme en général. Or,rien
n'indique qu'une résistance à
l'insuline dans les cellules
du corps, caractéristique du
diabète de type 2, induit une
même résistance dans le cer
veau". Surtout que le cerveau
est un organe naturellement
à l'abri, comme protégé du
reste de l'organisme par des
règles biologiques qui lui sont
propres. Le diabète de type 2
pourrait toucher l'organisme et
épargner le cerveau.
UN 3eTYPEDE DIABÈTE?
Tous les diabétiques ne déve
lopperont donc pas une maladie
d'Alzheimer et inversement, les
patients souffrant d'Alzheimer
ne sont pas tous diabétiques.
Voilà pourquoi Suzanne de la
Monte souhaiterait ajouter le
"diabète de type 3" —celui qui
atteint précisément le cerveau
et dont découlerait la maladie
neurodésénérative —aux deux
L'insuline se fixe
1 moins sur le neurone
Lesrécepteursneuronauxà
"iTnsaliflejJeviennentmoinsactifs.,
—Uagport
englucose,indispensable
auriaîraTrerft^eslpIussuffisant.
Lesrécepteurs
ducerveau
spécifiques
sont80 7omoinsactifsaux
à l'insuline
d'Alzheimer
stadeslesplusavancés
autres membres de la famille
déjà répertoriés, les types 1 et 2.
"Indéniablement, diabète et
Alzheimer ont beaucoup de
mécanismes en commun", re
connaît Florence Pasquier, neu
rologue au CHU de Lille. Ainsi,
en 2005, Suzanne de la Monte
montrait, après avoir autopsié
le cerveau de personnes décé
dées de la maladie d'Alzhei
mer, que l'action de l'insuline
dans le cerveau déclinait gra
duellement au cours de l'évo
lution de la maladie. "Aux
stades les plus avancés de la
pathologie, les récepteurs spé
cifiques à l'insuline sont 80 "/o
moins actifs que dans un cer
veau normal. Déplus, l'insuline
se lie beaucoup moins bien à
ces récepteurs", explique-telle. De la même manière que
les cellules des diabétiques de
viennent peu à peu insensibles
à l'insuline produite par le pan
créas pour réguler la glycémie,
les neurones des patients souf-
Les autres pistes "iconoclastes".. .
L'une des plus anciennes hypothèses concernant l'origine de la maladie
d'Alzheimer est celle d'un déficit en acétylcholine, un neurotransmetteur
impliqué dans les circuits neuronaux de la mémoire. Une théorie
sur laquelle s'appuient quelques-uns des rares traitements aujourd'hui
utilisés. Leur efficacité très limitée, voire nulle, lui a fait perdre du crédit.
D'autres postulats, plus iconoclastes, ont aussi vu le jour: infection virale,
notamment par le virus de l'herpès (voir Science S Vie nc 1133, p. 46),
surexposition à certains métaux (cuivre, aluminium), pollution de l'air, etc.
frant de lamaladie d'Alzheimer
semblent, eux aussi, devenir ré
sistants à l'hormone.
Et cela n'est pas sans consé
quence sur les neurones. "L'in
suline, in dispensable pour faire
entrer le glucose dans les neu
rones d'un cerveau sain, parti
cipe aussi à la maintenance et
à la réparation des synapses. Si
l'action de l'insuline est pertur
bée, les neurones peuvent être
altérés ", explique Florence Pas
quier. Qui ajoute: "L'insulinorésistance augmente également
le stress oxydatif et les méca
nismes inflammatoires, qui
peuvent favoriser la dégéné
rescence des neurones. " (Voir
infographie ci-dessus.)
Autres éléments troublants,
des traitements classiques du
diabète de type 2 montrent
une certaine efficacité sur la
maladie d'Alzheimer. "Les
molécules de la famille de la
thiazolidinedione.
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3. . . dont l'excès accentue les
lésions à l'extérieur du neurone. . .
L'enzymeGSK3B,chargéede dégraderl'insuline,est
débordée.Ellecontribueaussià luttercontreles
plaquesamyloïdes:un rôlequ'elle ne peutplusjouer.
pour augmenter la sensibilité à
l'insuline, sont aussi capables
d'améliorer les déficits cognitifs sur les modèles animaux
atteints d'Alzheimer", souligne
Olivier Thibault, de l'université
du Kentucky (Etats-Unis).
DESTRAITEMENTSCOMMUNS
Quant à la metformine, le mé
dicament antidiabétique par
excellence, l'équipe de Freda
Miller, de l'université de To
ronto (Canada), montrait en
2012 qu'elle favorisait la crois
sance neuronale et améliorait
les capacités d'apprentissage
chez la souris.
Les essais sur l'homme n'ont
pas démarré, mais "des études
épidémiologiques
semblent
montrer que les patients souf
frant à la fois de diabète et de la
maladie d'Alzheimer et placés
sous metformine voient cette
dernière progresser plus lente
ment ", note Florence Pasquier.
L'hypothèse du diabète de
type 3 ne fait pourtant pas
l'unanimité. "L'excès de sucre
suffit à provoquer des micro
lésions vasculaires dans le
cerveau et il est possible qu'à
cause d'elles, celui-ci résiste
moins bien à l'accumulation
des plaques amyloïdes [appe
lées aussi "plaques séniles", ty
piques de la maladie, formées
par le dépôt, à l'extérieur des
neurones, de la protéine bêtaamyloïde]", note Caroline Sanz.
De son côté, l'équipe de David
Blum démontrait l'année der
nière sur des souris que si l'obé
sité aggravait d'autres lésions
de la maladie, caractérisées par
l'agrégation de la protéine tau
à l'intérieur des neurones, et
favorisait la perte de mémoire,
pour autant, elle n'entraînait
pas de résistance à l'insu
line. "L'insulino-i'ésistance ne
semble pas être la condition
sine qua non à l'apparition
des lésions caractéristiques
d'Alzheimer. D'autres dys
fonctionnements, notamment
ceux impliqués dans les voies
lipidiques, expliquent peut-être
les liens entre obésité, diabète
et maladie d'Alzheimer", com
mente le biologiste.
LAlzheimer se révélera-t-elle
effectivement être une maladie
métabolique comme les autres?
Si tel était le cas, non seulement
de nouvelles pistes thérapeu
tiques seraient défrichées...
mais un autre changement plus
inattendu encore se profilerait:
la prévention ! "Manger mieux
et faire de l'exercice n'empê
cheront certes pas la maladie
d'Alzheimer d'apparaître, mais
il semble de plus en plus évi
dent qu'on pourra en relarder
l'apparition... et en freiner le
développement ". conclut Flo
rence Pasquier. La fatalité de
la maladie d'Alzheimer n'en
serait plus totalement une.
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