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le principe des mêmes progrès, la nature a donné à certains une abondance de talent
qu’elle a refusée à d’autres ». En outres « les circonstances développent ces talents ou
les laissent enfouis dans l’obscurité ». De là viendrait l’inégalité entre les nations (Cf.
« Le progrès de l’esprit humain », in Écrits économiques). Cette position de Turgot
manifeste un mélange de deux philosophies : celle de Descartes (1596-1650) et celle de
Montesquieu (1689-1755) son contemporain.
En effet, Descartes affirmait comme principe de la bonne conduite du raisonnement
en vue de l’accession à la vérité que le « bon sens » ou raison est la chose la mieux
partagée. Chaque sujet en a reçu en part égale. Toutefois, ce qui introduit la différence,
voire l’inégalité entre les sujets vient de ce que certains en font bon usage et d’autres un
mauvais usage. Les uns l’appliquent bien et les autres mal. Mais on notera que pour
Turgot l’inégalité n’est pas le fait unique de la nature qui dispense les talents à certains
hommes et en refuse à d’autres. L’inégalité vint aussi des circonstances qu’il faut
entendre comme étant aussi bien sociales que physiques. Et, en cette dernière
occurrence, sa pensée est proche de celle de Montesquieu, en particulier le
Montesquieu de la théorie des climats. Pour lui, en effet, les mœurs, les coutumes, les
lois et les caractères des peuples sont déterminés par la nature des climats. Ainsi en
Chine « des causes tirés de la plupart du physique du climat ont pu forcer les causes
morales dans ce pays, et faire des espèces prodiges. Le climat de la Chine est tel qu’il
favorise prodigieusement la propagation de l’espèce humaine » (cf. De l’esprit des lois
L. VIII, chap. 21, Œuvres Complètes, Gallimard p. 366-367, Pléiade).
De même « les Indiens sont naturellement sans courage : les enfants même des
Européens nés aux Indes perdent celui de leur climat » Ibid., p. 478. Mais en quoi le
climat des Indes ne serait-il pas le leur ? Pourrait-on rétorquer à Montesquieu.
Conformément à la pensée naturaliste, l’histoire humaine est le fait d’un déterminisme
naturel. Aussi, ces thèses qui soutiennent l’idée d’une influence de la nature, du milieu,
sur le devenir de l’homme trouvent un appui du côté de la biologie et notamment dans
le transformisme lamarckien (1744-1829).
Pour Lamarck, l’action du milieu sur les êtres vivants, contraint ceux-ci à s’adapter.
En s’adaptant à l’environnement, ils résistent à une perturbation exogène grâce à une
modification de leur structure biologique. D’où cette loi selon laquelle « rien ne se perd
rien ne se crée ; tout se transforme ». Le transformisme induit ceci que l’existence des
différents êtres vivants résulte d’un processus de transformation provoqué par