1
CHAPITRE V
DYNAMIQUE DES COURANTS OCEANIQUES
Partim 2 : courants « avec frottement »
V.1 Introduction
Jusqu’à présent, les termes de friction entre les couches de fluide ou entre le fluide et le milieu
extérieur au système considéré ont été négligés. Cette hypothèse de travail conduit à
découpler le milieu marin du milieu extérieur: action directe du vent à l’interface air mer, rôle
du fond et des côtes sur l’écoulement fluide.
A l’échelle des courants océaniques, c’est-à-dire aux grandes échelles spatiales horizontales,
les effets côtiers (latéraux) ne sont délibérément pas pris en compte.
L’action du vent à l’interface air-mer est responsable de nombreux phénomènes marins
(mélange des couches superficielles, entraînement des masses d’eau, phénomènes d’upwelling
et downwelling). Les interactions entre l’écoulement fluide et le fond jouent également un
rôle non moins important dans la dynamique des courants et le transport des sédiments.
Au chapitre précédent, nous avons indiqué, sans justification, que l’action de l’interface se
manifeste sur une couche d’eau dont l’épaisseur est donnée en bonne approximation par la
formule d’Ekman (IV.1).
2
En prenant comme dans le chapitre précédent une longueur caractéristique verticale de
23
10 à 10 m et une viscosité turbulente verticale de 2-12
10 à 10 m /
s
, le rapport entre le
terme de Coriolis et le terme de cisaillement vertical de l’écoulement donné par:
2
2
2
v
t
t
z
z
f
lfu
u
z
υ
υ
(V.1)
varie entre 4
10 à 10 . Le terme de Coriolis est donc dominant par rapport au terme de
cisaillement à ces échelles.
Dans les couches proches des interfaces (air-mer et mer-fond), les longueur caractéristiques
verticales sont en réalité beaucoup plus petites. Il en résulte que les termes de frottement
verticaux seront d’une importance proche de ceux de Coriolis.
Remarque: l’action des termes de viscosité moléculaire, comparée à celle de Coriolis se
manifeste dans une couche dont l’épaisseur est de l’ordre de 0,1 m. L’observation indique
d’autre part que le vent se fait sentir à des profondeurs largement supérieures à 0,1 m. La
contribution moléculaire sera donc négligeable dans les couches situées à des profondeurs
supérieures à 0,1 m.
Comme la dynamique des courants océaniques dépend de la viscosité turbulente verticale qui
elle-même est fonction de la turbulence, il convient de rappeler les concepts importants de la
turbulence géophysique et d’introduire les liens existant entre turbulence et paramètres de
turbulence comme viscosité et diffusivité turbulentes.
V.2 Turbulence et viscosité turbulente.
Comme on cherche à décrire l’état moyen d’un système et à étudier son évolution dans
l’espace et le temps, on s’intéresse aux valeurs moyennes sans vouloir reproduire la structure
détaillée des phénomènes. Les équations d’évolution des grandeurs moyennes contiennent des
3
termes associés à la moyenne du produit de fluctuations (cfr. Chap III). Les équations
d’évolution pour les variables moyennes se présentent sous la forme générale suivante :
()
.( ) . .
BB B
BBQ B
t
α
+∇ = +∇ ∇ −∇vJ (V.2)
avec v la vitesse moyenne
B la moyenne de la variable d’état A sur l’intervalle de temps considéré.
La décomposition de la variable A se réalisant comme suit :
ABC=+
(V.3)
avec
B
A= et 0C=
Le dernier terme du membre de droite de (V.2) représente l’action du flux turbulent
BC=< >Jww et C représentent respectivement les fluctuations de la vitesse et de la
variable d’état A.
Ces flux turbulents sont exprimés en terme des grandeurs moyennes par des expressions de la
forme :
,, ,BtB tB tB
xxy yz z
BBB
xyz
∂∂
λλ λ
∂∂

=− + +


Jeee (V.4)
où les ,tB
i
λ
sont des fonctions des variables de position dans l’espace temps. Pour la plupart
des applications, les termes associés aux phénomènes moléculaires sont négligeables.
Les coefficients turbulents
()
,,,
,,
tB tB tB
xyz
λλλ
ne sont évidement pas les mêmes dans les trois
directions et n’ont pas d’origine moléculaire. Les coefficients de viscosité ou de diffusion
turbulente augmentent avec la taille des tourbillons et le taux de transfert d’énergie. Nous ne
pouvons dans ce cours détailler la façon de calculer les valeurs de ces coefficients d’échange
turbulent.
4
V.3 Influence du frottement dans la dynamique des courants : Courants d’Ekman.
Jusqu’à présent, les termes de frottement ont été négligés vis-à-vis de ceux de Coriolis. Afin
de montrer l’influence du frottement dans la dynamique des courants, nous ferons une série
d’hypothèses simplificatrices :
1- écoulement stationnaire,
2- homogénéité horizontale de l’écoulement moyen,
3- masse volumique constante,
4- viscosité turbulente verticale constante.
Dans ces conditions, la dynamique des courants est régie par une forme très simplifiée des
équations de mouvement
2
2
vt
z
qu
f
x
z
υ
∂∂
−=+
∂∂
(V.5a)
2
2
t
z
qv
fu yz
υ
∂∂
+=−+
∂∂
(V.6b)
ou
1
vx
q
f
x
z
τ
ρ
−=+
∂∂
(V.5b)
1
y
q
fu yz
τ
ρ
+=−+
∂∂
(V.6b)
y
et
x
ττ
les deux composantes de la contrainte de cisaillement horizontale.
Soustrayant de ces deux équations, la partie géostrophique
3
f
q∧=
g
ev (V.7)
il vient :
21
12
vt
zu
f
υ
−=+
(V.8)
5
21
12
t
zv
fu
z
υ
+=+
(V.9)
en tenant compte de 0
q
xz
∂∂ =
∂∂
avec 1
g
uuu=− et 1
v=v-v
g
(V.10)
Dans l’intégration verticale des équations différentielles couplées (V.8 et 9) il convient de
tenir compte des conditions aux limites. Comme il s’agit d’équations différentielles du second
ordre deux conditions sont nécessaires : l’une en surface l’autre au fond.
Condition à l’interface air-mer : le cisaillement vertical dans l’eau est le même que celui dans
l’air au niveau de l’interface air-mer. Cette contrainte de surface est habituellement modélisée
comme suit :
1
,x
¨
w
t
sx z air d
s
uC
z
τρυ ρ
≡≡
w
(V.11)
1
,y
¨
w
t
sy z air d
s
vC
z
τρυ ρ
≡≡
w
avec air
ρ
masse volumique de l’air,
ρ
masse volumique de l’eau
w vitesse du vent prise généralement à 10 mètres au-dessus de l’interface,
d
C coefficient de traînée (drag coefficient) de l’ordre de 3
310 , à une hauteur de
10 mètres pour une stratification neutre de l’air. La valeur numérique de ce
coefficient dépend de la hauteur où se mesure le vent et de la stabilité de la
couche d’air proche de l’interface air-mer.
Conditions au fond : pour la simplicité des calculs on suppose un océan infini et une vitesse
non géostrophique nulle.
10=u pour
z
→−∞ (V.12)
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