Invalidité et incapacité de gain

publicité
2000/1
Bulletin des
assureurs Vie destiné aux
médecins suisses
Invalidité et incapacité
de gain
Supplément du Bulletin des médecins suisses • No 26 /28.06.2000
2
Sommaire
La notion de l’incapacité
de gain
L’invalidité, un phénomène
conjoncturel?
4
Renonciation au tort morale
en cas d’une distorsion cervicale:
conclusion d’une étude
32
canadienne
10
Le cas pratique
Incapacité de gain en raisons
de troubles psychiques
35
15
Capacité de gain amoindrie
en cas de maladies musculosquelettiques non spécifiques 18
Impressum
Editeur
ASA
Association Suisse
d’Assurances
1941 – 1998:
édité par les assureurs Vie
La commission responsable
de la parution du «Bulletin»
se compose comme suit:
• Josef Kreienbühl, PAX,
président
• Karl Ehrenbaum, Zurich
• Udo Hohmann, Bâloise
• Michel Janiaud,
Swiss Re
• Dr méd. Thomas Mall,
Bâloise
• Dr méd. Jan von Overbeck,
Swiss Re
• Dr méd. Emile Simon,
La Suisse
• Dr méd. Walter Sollberger,
Bernoise
• Peter Suter, Winterthur
• Dr méd. André Weissen,
PAX
Rédaction
Dr Jörg Kistler
C. F.-Meyer-Strasse 14
8022 Zurich
Téléphone 01- 208 28 28
E-mail [email protected]
Imprimerie
Dürrenmatt Druck AG
3074 Muri -Berne
Tirage
5500 exemplaires
3
Editorial
Dr Phil. Jörg Kistler,
Public Affairs
ASA
Chère lectrice, cher lecteur,
L’incapacité de gain est apparemment une notion claire. Tout
le monde sait de quoi il s’agit. Mais quand quelqu’un se trouve-t-il
«à l’incapacité de gain», pour utiliser le jargon des assureurs?
Et qui fixe une telle incapacité? La lecture de l’article du Docteur
Erich Peter montre comment les notions de l’invalidité et celle
de l’incapacité de gain sont définies dans les différentes lois et quel
rôle jouent les constatations médicales lors de l’appréciation du
degré de dite incapacité.
La détermination de l’invalidité et de l’incapacité de gain ne se fait
nullement selon des critères purement objectifs. Au contraire,
des facteurs subjectifs jouent un rôle à cet égard. Ainsi comprend-on
mieux pourquoi des facteurs dictés par la conjoncture ont également
des incidences à ce sujet. Pour les assureurs, ceci a des répercussions, comme le démontre le Prof. Philippe Maeder dans son article,
sur un assez grand nombre de cas d’invalidité et sur des paiements
de longue durée en cas de sinistre.
En conséquence, les assurances sont intéressées à éviter autant
que faire se peut une incapacité de gain qui s’éternise. Mais peut-on
avoir réellement prise sur une telle évolution? Dans quelle mesure
des éléments psychiques et sociaux viennent-ils influencer la
survenance d’une incapacité durable? Et quel rôle joue le fait qu’un
patient connaisse le diagnostic de sa maladie alors que son cas
suit son cours? Mme la doctoresse Béatrice Baldinger ainsi que les
deux spécialistes que sont M.M. les docteurs Witold Tur et Andreas
Klipstein se sont penchés sur ces questions.
L’incapacité de gain est une question qui occupe dans une même
mesure médecins et assureurs. Les deux ont intérêt à faire tout ce qui
est en leur pouvoir pour empêcher autant que possible une incapacité
durable. Mais l’angle sous lequel le médecin et les assurances considèrent le problème ne permet pas forcément de couvrir les mêmes
éléments. Si nous sommes parvenus, dans ce numéro, à rendre plus
compréhensible le problème de l’incapacité de gain et ses multiples
facettes, nous aurons déjà fait un pas en avant, à tous égards.
4
La notion de l’incapacité
de gain
Me Erich Peter,
docteur en droit et
avocat
Point de la situation
Au siècle dernier, de nombreuses
assurances sociales sont nées sans
qu’une harmonisation satisfaisante entre les divers textes légaux
y relatifs n’ait pu voir le jour. C’est
la raison pour laquelle certaines
notions sont souvent définies différemment selon les lois. Il arrive fréquemment qu’une obligation de
prestation incombe à plusieurs assureurs sociaux en même temps et,
éventuellement, à des assureurs
privés. S’agissant de l’incapacité de
gain, des prestations sont prévues
par exemple (hormis l’assuranceinvalidité) par l’assurance-accidents et la prévoyance professionnelle (le cas échéant, par l’assurance militaire ou par une assurance
privée également). Dans les chapitres qui suivent seront exposées les
diverses notions utilisées par les
différents assureurs en rapport
avec l’incapacité de gain. Ceci devrait permettre au médecin d’acquérir un point de vue global sur ce
domaine important.
Invalidité
L’invalidité au sens de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité (LAI)
est la diminution de la capacité de
gain, présumée permanente ou de
longue durée, qui résulte d’une
atteinte à la santé physique ou
mentale provenant d’une infirmité
congénitale, d’une maladie ou d’un
accident. La loi fédérale sur la prévoyance professionnelle (LPP) ne
définit pas elle-même la notion de
l’invalidité, mais renvoie à la LAI.
Dans la partie surobligatoire ou
facultative de la prévoyance professionnelle, les institutions de prévoyance ont été en mesure d’étendre le concept de l’invalidité en
faveur de l’assuré. Mais en règle
générale, c’est la même notion d’invalidité que celle de la LPP qui
s’applique au domaine «surobligatoire». La loi fédérale sur l’assurance-accidents (LAA) définit l’assuré comme invalide lorsqu’à la
suite d’un accident, sa capacité de
gain subit vraisemblablement une
atteinte permanente ou de longue
durée. Une invalidité au sens de la
LAA n’existe donc que si l’atteinte à
la santé subie est la conséquence
d’un accident professionnel, d’un
accident non professionnel assuré
ou d’une maladie professionnelle.
Jusque sur la question de la cause
de l’atteinte entraînant une incapacité de gain, la définition de l’invalidité contenue dans la LAA ne se
distance pas de celle de la LAI.
Ainsi, le Tribunal fédéral des assurances (TFA) a également constaté
qu’en ce qui concerne la notion
d’invalidité, il s’agissait d’un concept juridique identique dans le
domaine de l’assurance-accidents
et de l’assurance-invalidité. Est réputée invalidité la diminution de la
capacité de gain, présumée permanente ou de longue durée et qui
résulte d’une atteinte à la santé,
sur le marché du travail équilibré
entrant en considération pour l’assuré.
La notion d’invalidité recèle
donc en elle les trois caractéristi-
5
ques suivantes: l’élément médical
(atteinte à la santé), l’élément économique (incapacité de gain), et
l’élément causal (rapport de causalité adéquate entre l’atteinte à la
santé et l’incapacité de gain). L’élément économique du concept d’invalidité se fonde sur deux composantes, la limitation durable de la
capacité de travail [Ndt: la version
allemande parle à mon avis à tort
d’Arbeitsunfähigkeit] et la mise en
valeur de la capacité de travail résiduelle. Par conséquent, cet élément
économique se compose des deux
notions juridiques que sont l’incapacité de travail et l’incapacité
de gain qui en résulte. Quiconque
n’est pas au moins partiellement
incapable de travailler ne peut pas
subir une incapacité de gain. En
principe, l’incapacité de gain présuppose donc l’incapacité de travail.
Incapacité de travail
Si une atteinte à la santé est constatée, se pose alors la question de
savoir dans quelle mesure la limitation attendue va influencer la
capacité de travail. D’abord, il
s’agit de déterminer le «patrimoine
de performances purement fonctionnelles». Il y a lieu d’établir dans
quelle mesure – en raison de l’atteinte à la santé qu’il a subie –
l’assuré ne peut plus, ou alors seulement au risque d’aggraver son
état de santé, ou encore en faisant
un usage abusif et insupportable
de ses forces physiques et psychiques – exercer la profession qui
était la sienne jusqu’alors (ou bien,
pour la personne n’exerçant pas
d’activité lucrative, celle qu’elle
exerçait dans ses tâches traditionnelles jusqu’au moment de l’atteinte).
Le médecin traitant constate,
hormis l’incapacité de travail,
quels sont les travaux – et si oui
dans quelle mesure – que l’assuré
peut encore effectuer. L’incapacité
de travail ne peut pas être appréciée exclusivement d’un point de
vue médical abstrait. Il faut plutôt
examiner la portée de la limitation
de l’assuré dans ses capacités fonctionnelles. Le médecin est indirectement l’expert de la compagnie
d’assurances puisqu’il doit juger
sur la base d’une anamnèse, de
constatations et de thérapies, le
rapport entre les atteintes à la santé et le travail de l’assuré. Des pertes de revenu éventuelles ne seront
pas prises en considération lors de
la constatation de l’incapacité de
travail.
L’appréciation des incidences
de l’atteinte en question sur la capacité de travail et la détermination de l’incapacité de travail
partielle ou totale n’est pas faite de
façon définitive par le médecin. En
effet, celui-ci ne fait que prendre
position à cet égard. Sont compétents pour juger de l’incapacité de
travail l’administration [Ndt: pas
très clair, peut-être ajouter: de l’assurance-invalidité ou de l’assureur
privé, ou encore plus généralement, remplacer administration
par assureur] et, en cas de recours,
6
La notion de l’incapacité de gain
le juge. Ces deux instances apprécient la position du médecin comme
un moyen de preuve.
Incapacité de gain
1. Eléments fondamentaux
Pour fixer le taux d’invalidité, ce
n’est pas l’incapacité de travail qui
est déterminante, mais bien l’incapacité de gain définitive ou d’une
certaine durée. En réalité, l’incapacité de gain trouve également sa
cause dans l’atteinte à la santé,
mais contrairement à l’incapacité
de travail, des aspects juridiques
supplémentaires sont décisifs en
l’espèce, tels que l’auto-insertion,
l’insertion et la situation sur le
marché du travail. Est capitale la
possibilité résiduelle de gains après
le traitement médical et les mesures d’insertion, dans l’une quelconque des professions entrant en
ligne de compte pour l’assuré. Le
jugement à ce propos se fait compte
tenu d’un marché du travail équilibré à l’état fictif.
Si l’assuré éprouve des difficultés à mettre en valeur sa capacité de travail résiduelle sur le
marché du travail, ceci n’est pas
imputable à la situation conjoncturelle momentanément mauvaise,
mais doit trouver exclusivement sa
raison dans la personne de l’assuré. La construction juridique du
marché de travail fictivement équilibré doit fixer une délimitation
entre l’assurance-invalidité et l’assurance-accidents d’une part et
l’assurance-chômage de l’autre.
Même en cas de crise économique
durable, l’appréciation de l’incapacité de gain doit toujours se fonder
sur l’hypothèse d’un marché du
travail fictif se trouvant dans un
état d’équilibre. Ce marché de travail suppose d’un côté un certain
équilibre entre l’offre et la demande en personnel et, de l’autre, un
marché structuré de telle sorte que
différentes possibilités d’engagement s’offrent aux personnes en
quête d’un emploi. Du point de vue
de sa structure, le marché du travail artificiellement équilibré doit
présenter un certain éventail d’activités différentes, tant sous l’angle
des conditions professionnelles et
intellectuelles exigées que du point
de vue de l’engagement physique.
L’incapacité de gain représente en
conséquence l’appréciation de l’incapacité de travail en fonction des
possibilités d’exploitation économique sur le marché de travail
équilibré. Il s’agit là d’une estimation opérée par l’assureur.
Les données médicales sont
une base importante pour déterminer quelles activités lucratives
autres que la dernière profession
exercée par l’assuré peuvent être
raisonnablement accomplies par
celui-ci sur le marché général équilibré et entrant en ligne de compte
au vu de la situation personnelle.
S’agissant de l’appréciation du
caractère raisonnable ou supportable d’une prestation de travail en
particulier, il y a lieu d’appliquer
une mesure objective, qui est basée
7
tant sur les conditions personnelles
de l’assuré que sur le point de vue
qui prédomine généralement. Lors
de cette appréciation, la formation,
la position sociale et le lieu du travail sont des points essentiels. On
ne saurait attendre d’un assuré
qu’il s’engage dans une nouvelle
activité lucrative qui, selon les données de l’expérience, lui est inaccessible en raison de sa formation
professionnelle ainsi que de ses
capacités intellectuelles et physiques. Celui qui jusqu’ici assumait
une fonction dirigeante ne peut
être affecté à un poste de subordonné. Par contre, il est possible
de demander à un indépendant
d’exercer une activité de salarié,
sous certaines conditions, et inversement également. Quant à la
question de la possibilité de mettre
en valeur la capacité de travail sur
le marché du travail équilibré, ce
ne sont pas les connaissances techniques du médecins qui permettront de juger, mais bien celles du
spécialiste des problèmes du marché du travail.
En résumé, est réputé sujet
d’une incapacité de gain quiconque, par suite d’une atteinte à sa
santé psychique et/ou physique,
ne peut plus exercer son activité
actuelle, ou seulement de façon
limitée, ou encore uniquement sous
le risque d’aggraver son état de
santé, et qui n’est plus en mesure
non plus d’entreprendre une autre
activité adaptée à son atteinte.
2. Genres d’incapacités de gain
déterminantes
a) Incapacité de gain permanente
Le Règlement sur l’assurance-invalidité (RAI) stipule que l’incapacité de gain est permanente lorsqu’on ne doit pas s’attendre, selon
toute vraisemblance, à une amélioration non plus qu’à une aggravation de l’état de santé de l’assuré.
Selon la jurisprudence, il faut admettre qu’il y a incapacité de gain
permanente lorsqu’on est en présence d’une atteinte à la santé largement stabilisée, fondamentalement irréversible qui, vraisemblablement, limitera de façon durable
la capacité de gain de l’assuré,
d’une manière ouvrant droit à la
rente d’invalidité. Une atteinte anciennement déclarée instable ne
peut être considérée comme relativement stabilisée que si son caractère a nettement changé, au point
qu’il peut être décrété qu’à plus ou
moins brève échéance, il n’y aura
pratiquement plus de changement
notable. En d’autres termes, l’incapacité de gain est permanente lorsqu’en raison de la stabilité de l’état
de l’assuré, il faut s’attendre à ce
qu’elle subsiste pendant la période
d’activité normale de l’intéressé,
compte tenu de son espérance de
vie. Comme l’invalidité est liée à
des considérations de gain, on partira, s’agissant de la notion de «permanente», de la période d’activité
de l’assuré. La condition d’une
incapacité de gain permanente est
donc un état de trouble physique ou
8
La notion de l’incapacité de gain
psychique. Un processus somatique, autrement dit une atteinte
instable ne remplit pas ces conditions.
déposée une éventuelle prétention
de rente, il y a toujours lieu d’examiner la variante incapacité de
gain «d’une certaine durée».
b) Incapacité de gain d’une
certaine durée
En cas d’incapacité de gain d’une
certaine durée, il ne s’agit pas d’un
état stable, mais instable, au contraire. L’état de santé va évoluer
selon toute vraisemblance, vers
une amélioration ou une péjoration. Si par exemple, un assuré est
opéré après un cancer, il n’y a pas
de constatation régulière établissant avec vraisemblance que son
état de santé est stable; il faut plutôt s’attendre à une amélioration
ou à une péjoration. En cas d’incapacité de gain d’une certaine
durée, l’assuré doit avoir été incapable de travailler au moins à 40%
en moyenne, sans interruption
notable pendant une année, et
après cette période, l’handicap
restreignant la capacité de gain
doit persister au moins dans la
même mesure (40%). Selon la jurisprudence, le critère de la stabilité,
éventuellement complété par celui
de l’irréversibilité, est déterminant
sans réserve pour la délimitation
du domaine d’application entre
incapacité de gain permanente et
incapacité d’une certaine durée.
Dans ce contexte, le critère de stabilité ne porte pas seulement sur
les incidences économiques, mais
également sur l’atteinte à la santé
elle-même. Si la stabilité de l’atteinte fait défaut au moment où est
3. Incapacité de gain en droit
des assurances privées
Dans le cadre du droit des assurances privées, l’incapacité de gain est
avant tout essentielle pour la détermination de la libération du service
des primes, par exemple dans le
cas d’une assurance de capital
financée par des primes, dans l’assurance-accidents privée et dans
l’assurance de la responsabilité
civile.
Pour la prestation d’invalidité
d’une assurance-accidents, la loi
sur le contrat d’assurance (LCA)
exige que l’incapacité de gain de
l’assuré soit vraisemblablement
limitée de façon permanente. Par
incapacité de gain, il faut entendre
en l’espèce toute atteinte à l’intégrité physique ou psychique, sans
que soit prises en compte la façon et
la portée de ses effets économiques
sur l’assuré. C’est une incapacité
de gain au sens abstrait du terme.
La LCA laisse la liberté de convenir
contractuellement, autrement dit
dans les Conditions générales d’assurance (CGA), le mode concret de
calcul de l’incapacité. Les CGA peuvent par exemple se fonder sur la
limitation subie sur le plan professionnel ou sur la limitation en
général, pour autant qu’elle ait des
conséquences financières. Les CGA
fixent les principes applicables au
calcul de l’invalidité. Elles contien-
9
nent le plus souvent le taux d’invalidité fixé par membre ou organe
touché, taux qui règle des états de
faits issus de la pratique et ouvrant
droit à une invalidité totale (par
exemple la perte des deux bras,
mains, pieds ou la cécité totale) ou
à une invalidité partielle (comme la
perte d’un œil: 30% d’invalidité, ou
la perte d’un pied: 40% d’invalidité). Si la somme d’assurance est
de CHF 100 000.– pour une invalidité totale, le droit de l’assuré en
cas de perte d’un œil sera de CHF
30 000.–. Le taux arrêté par membre ou organe est fondé sur des
estimations médico-théoriques,
autrement dit sur des valeurs moyennes. Il ne tient pas compte de la
manière dont l’invalidité touche la
profession de l’assuré, ni dans
quelle mesure, pas plus qu’il n’évalue si l’assuré subit un dommage
en raison de son invalidité (perte
de gain ou dépenses supplémentaires). Mais il est possible de
s’écarter de ce taux basé sur des
membres du corps en passant une
convention entre les parties, car le
petit doigt d’un pianiste n’a pas la
même «plus-value» que celui d’un
avocat. Dans l’assurance-accidents
privée, il y a également, hormis le
taux fixé par membre ou organe,
d’autres méthodes pour fixer le
degré d’invalidité. En ce qui concerne l’assurance complémentaire
LAA, c’est par exemple le degré
d’invalidité selon LAA qui est le
plus souvent repris, avec les
méthodes d’estimation y afférentes.
Dans l’assurance responsabilité
civile, ce n’est pas le taux par
membre déterminé qui s’applique,
mais la méthode de l’évaluation de
l’invalidité. Celle-ci est exclusivement jugée sur le point de savoir si
et dans quelle mesure elle entraîne
un dommage (par exemple une perte de gain) pour l’invalide. En rapport avec cette évaluation des conséquences financières, l’expert médical a pour tâche de décrire le
constat anatomico-fonctionnel et
de donner une estimation médicothorique, ce qui fournit une première approche pour juger des conséquences financières possibles
pour la personne touchée.
Littérature
• Locher Thomas: Grundriss des Sozialversicherungsrechts. (Bern 1994)
• Maurer Alfred: Schweizerisches Privatversicherungsrecht. (Bern 1995)
• Peter Erich: Die Koordination von Invalidenrenten.
Unter besonderer Berücksichtigung der intersystemischen Problematik. (Schriften zum Sozialversicherungsrecht, Bd. 3, Zürich 1997)
10
L’invalidité,
un phénomène conjoncturel?
Prof. Philippe Maeder,
membre de la direction
Swiss Re
La notion d’invalidité
L’assurance en cas d’invalidité fait
partie intégrante de la sécurité
sociale suisse. Elle offre un couverture de base aux personnes assujetties dans le cadre de l’Assurance
Invalidité fédérale AI (premier
pilier); celle-ci est complétée par
les prestations prévues au sein de
la prévoyance professionnelle, qui
est régie par la LPP (deuxième
pilier). De plus, les polices d’assurance vie individuelles à primes
périodiques (du troisième pilier)
prévoient couramment une ou plusieurs prestations en cas d’invalidité, sous forme de rente ou de libération du paiement des primes en
cas d’invalidité.
Mais que faut-il entendre par
invalidité? Quand peut-on admettre qu’une personne est invalide? A
ce propos, il n’est sans doute pas
inutile de se référer à la définition
légale figurant dans la LAI, art. 4:
«L’invalidité au sens de la présente
loi est la diminution de la capacité
de gain, présumée permanente ou
de longue durée, qui résulte d’une
atteinte à la santé physique ou
mentale provenant d’une infirmité
congénitale, d’une maladie ou d’un
accident.» Cette définition relativement objective est complétée par
des dispositions plus subjectives
relatives à l’évaluation de l’invalidité, que l’on trouve dans la LAI,
art. 28: «Pour l’évaluation de l’invalidité, le revenu du travail que
l’invalide pourrait obtenir en exerçant l’activité qu’on peut raisonnablement attendre de lui, après exé-
cution éventuelle de mesures de
réadaptation et compte tenu d’une
situation équilibrée du marché du
travail, est comparé au revenu qu’il
aurait pu obtenir s’il n’était pas
invalide.»
La LPP, à son art. 23, fait dépendre le droit à la prestation du
deuxième pilier de celui d’obtenir
celle du premier pilier. De ce fait,
cette prestation complémentaire
est liée aux mêmes conditions d’octroi. Les tarifs et conditions générales d’assurances stipulent donc
généralement que l’invalide est
une personne incapable totalement
ou partiellement d’exercer sa profession ou toute autre activité
lucrative conforme à sa situation
sociale, à ses connaissances et à ses
aptitudes.
Le caractère partiellement
subjectif de ce risque et la liberté
d’appréciation laissée aux médecins et aux responsables d’institutions de prévoyance se traduisentils par une évolution défavorable de
ce risque lorsque la conjoncture
économique se ralentit? Les statistiques mises sur pied par l’Association Suisse d’Assurances (ASA)
semblent le démontrer.
Evolution récente du risque
invalidité
Pour l’assurance collective, qui
assume la couverture du risque des
institutions de prévoyance – généralement de taille petite et moyenne – œuvrant dans le cadre de la
prévoyance professionnelle, l’ASA
établit tous les cinq ans une statis-
11
tique portant sur la fréquence des
cas d’invalidité, les probabilités
pour les invalides de recouvrer leur
activité ou de décéder, ainsi que le
degré moyen d’invalidité. Une comparaison dans le temps de ces indicateurs fournit des indications
intéressantes.
La figure 1 représente les probabilités, pour un homme, de devenir invalide et de l’être encore
à l’issue d’un délai d’attente de
trois mois; cette quantité est représentée par groupes d’âges et selon
les statistiques quinquennales successives de l’ASA.
Ce qui frappe de prime abord,
c’est que quelle que soit l’époque,
les probabilités afférentes à la classe d’âge de 50 à 64 ans sont environ
le triple de celles du groupe d’âge
central, entre 35 et 49 ans. Le deuxième constat est que cette fréquence des cas d’invalidité s’est
accrue au cours des 10 dernières
années, dans le même temps que
la conjoncture économique s’infléchissait. Peut-on observer la même
évolution pour les femmes ?
La figure 2 fait apparaître en
tout premier que les fréquences
d’invalidité sont moindres chez les
représentantes du sexe dit «faible», étant entendu que la statistique de l’ASA ne porte que sur une
partie de la population suisse, à
savoir les personnes au bénéfice de
la prévoyance professionnelle et
affiliées à une institution de prévoyance cédant son risque invalidité à une société d’assurances
suisse. Cette différence d’échelle
mise à part, les constats émis cidessus pour les hommes quant à
l’évolution du risque restent valables pour les femmes.
Quelles en sont les raisons?
Les statistiques précitées ne per-
Figure 1: Probabilités d’invalidité – Hommes
25
Probabilité en ‰
20
15
10
5
0
1976 – 80
15 – 34 ans
1981 – 84
35 – 49 ans
1986 – 90
50 – 64 ans
1991 – 95
12
L’invalidité, un phénomène conjoncturel?
Figure 2: Probabilités d’invalidité – Femmes
25
Probabilités en ‰
20
15
10
5
0
1976 – 80
15 – 34 ans
1981 – 84
35 – 49 ans
1986 – 90
1991 – 95
50 – 64 ans
mettent pas de le dire précisément,
mais un phénomène connu y contribue: l’employeur devant faire
face à l’obligation de réduire son
personnel est soulagé si l’assurance invalidité peut assurer à certains
un revenu de remplacement supérieur et de plus longue durée
qu’une indemnité de l’assurance
chômage. Or, l’aspect subjectif du
risque invalidité est tel qu’une personne souffrant de certains maux
et qui parvient à accomplir sa tâche
à satisfaction en période de plein
emploi peut également parfois,
avec de bonnes chances de succès,
faire valoir ses droits à toucher des
prestations de l’assurance invalidité si elle n’a pas d’autre choix,
voire parfois sous la pression de
son employeur.
Certains offices cantonaux de
l’AI ont contribué à cette évolution
en adoptant une attitude plus laxis-
te lors de l’examen des cas qui lui
ont été soumis en une période de
taux de chômage élevé. A cet égard,
on n’est guère surpris d’observer,
dans les figures 1 et 2, l’augmentation notoire de la fréquence des cas
d’invalidité pour les personnes
âgées de 50 ans et plus. Une analyse quantitative de ces données
nous montre cependant aussi que
c’est dans la classe d’âge de 15 à 34
ans que l’augmentation de la fréquence d’invalidité a été proportionnellement la plus forte entre les
deux dernières périodes de la statistique. Ce constat confirme que
l’hypothèse du «chômage déguisé»
énoncée ci-dessus n’est qu’une des
diverses causes de ce phénomène.
Qu’en est-il des autres mesures du risque invalidité, à savoir
son degré moyen, et la fréquences
des reprises d’activité? Au plan du
degré d’invalidité, tout d’abord, les
13
assureurs ont constaté légère augmentation, mais à peine marquée
(moins de 2%).
Quant à la probabilité, pour
un invalide, de reprendre une activité lucrative – de «réactiver», dans
le jargon des assureurs – elle a continuellement décru ses dernières
années, ce qu’illustre la figure 3.
La diminution entre les périodes
1986 / 90 et 1991/ 95 est, en moyenne, d’environ 10%, et pour le seul
groupe d’âges de 50 à 64 ans, de
25%. Une conjoncture économique
moins favorable contribue évidemment à diminuer les chances de
réinsertion des invalides.
Conséquences pour
les assureurs et les assurés
Pour les assureurs du premier
comme du deuxième pilier, les statistiques analysées précédemment
reflètent une augmentation de
leurs charges pour trois raisons:
ils enregistrent un plus grand
nombre de nouveaux cas
d’invalidité qu’auparavant;
ils doivent verser les prestations
plus longtemps;
le montant de celles-ci est aussi
légèrement plus élevé qu’avant.
L’état de déséquilibre des finances
de l’AI est bien connu, et nous ne
nous étendrons pas sur ce sujet ici.
Pour les assureurs privés, cette
augmentation des charges pour
plusieurs raisons simultanées se
traduit par des mesures générales
et ciblées. Une adaptation du niveau global des tarifs s’avère indispensable, et sa nécessité a été reconnue par l’Office fédéral des
assurances privées. Ayant observé
que le niveau du risque d’invalidité
variait considérablement d’une
institution de prévoyance à l’autre
Figure 3: Fréquences de «réactivité» des invalides
100
Probabilités (réactivité) en ‰
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
1976 – 80
Femmes
1981 – 84
Hommes
1986 – 90
1991 – 95
14
L’invalidité, un phénomène conjoncturel?
selon la branche économique à
laquelle appartenait l’entreprise
concernée ou sa situation géographique, certaines sociétés d’assurances on introduit ou vont instaurer un tarif tenant compte de ces
critères et / ou du niveau effectif du
risque présenté par le groupe d’assurés.
Cet abandon progressif d’un
tarif moyen - par conséquent d’une
solidarité entre les assurés de secteurs économiques différents –
constitue-t-il une nouveauté? En
Suisse, l’assurance accident professionnelle connaît déjà un régime
similaire depuis longtemps, et le
niveau effectif des sinistres est pris
en compte – pour les groupes d’une
certaine taille – dans l’assurance
d’indemnités journalières en cas de
maladie. A l’étranger, l’assurance
vie collective connaît également
depuis de nombreuses années des
tarifs faisant intervenir des catégories de professions, si bien que
l’évolution observée en Suisse
constitue sans doute un pas inéluctable vers une approche tarifaire
telle qu’elle est pratiquée à large
échelle.
Les «consommateurs», c’està-dire les assurés, sont-ils les victimes de cette évolution? Il y a fort
à parier que l’on puisse entendre
deux types de réactions: ceux que
l’on peut qualifier de «bons risques» s’en félicitent, et les autres
crient à l’abandon de la solidarité
dans une assurance sociale qui,
selon eux, devrait la maintenir de
manière extensive comme principe
intangible. Globalement, cette modification de l’approche des assureurs du deuxième pilier fait appel
à la responsabilité des assurés euxmêmes dans le contrôle des abus
que permet une telle branche d’assurance au caractère subjectif plus
marqué que d’autres comme l’assurance accidents par exemple. A
ce titre, elle devrait contribuer à
juguler l’augmentation des coûts
relevée ces dernières années et
maintenir les charges sociales
inhérentes à cette couverture à un
niveau supportable par la communauté toute entière. Ce but ne sera
toutefois atteint que si tous les
intervenants – employeur, gestionnaire de l’institution de prévoyance, médecin, assureur – agissent
dans l’esprit des lois et sans complaisance.
15
Incapacité de gain en raisons
de troubles psychiques
Si l’on en croit les statistiques,
entre un et deux tiers des patients
qui franchissent le seuil d’un cabinet de médecin de premier recours
(praticien généraliste, médecine
interne) souffrent de troubles
psychiques ou psychosomatiques.
Mais dans le traitement de tels
patients, la composante psychique
et sociale est encore bien trop peu
prise en compte. A titre d’exemple,
on pourra se référer aux douleurs
dorsales non spécifiques 1, si largement répandues dans toute la
population. Souvent, même en l’absence de tout substrat anatomicopathologique, elles sont encore
affublées de la notion futile de syndrome lombovertébral, ce qui est
propre à aiguiller pour ainsi dire le
patient sur une fausse voie – autrement dit purement somatique –
d’où il sera toujours plus difficile
de le ramener 2, avec le temps qui
passe. D’autre part, le médecin
traitant sera éventuellement amené, lui aussi, à ne plus avoir autre
chose à l’esprit qu’une cause somatique pour les plaintes subjectives
du patient.
Dans ce contexte, la douleur
exprimée par le patient – qui n’est
déjà guère objectivable en soi – est
un élément porteur de l’effort thérapeutique, qui doit cependant
trouver ses limites lorsqu’il devient
manifestement inapte à exercer
une influence sur les plaintes subjectives. A ce moment au plus tard,
autrement dit après un certain
temps consacré à la thérapie ordonnant des antirhumatismaux
et/ou des mesures de physiothérapie, la situation psycho-sociale du
patient doit faire partie de l’angle
d’approche du médecin-traitant. Il
convient de préciser toutefois que
la formulation utilisée, plutôt toute
faite, d’un transfert psychique ne
sera d’aucun secours, pas plus que
ne le serait le diagnostic d’une
dépression qui, dans de telles circonstances, n’est souvent pas de
mise, puisqu’il s’agit généralement
de réactions à un deuil tout à fait
normales sur le plan psychologique
et parfaitement perceptibles.
En réalité, il faut plutôt questionner le patient sur les conditions
sociales et les charges psychiques
ainsi que sur sa façon personnelle
de vivre (coping) les douleurs, envers lesquelles il peut par exemple
lutter activement ou, au contraire,
se sentir pieds et poings liés, sans
espoir. En outre, la réaction des
proches qui, par exemple, sont plus
qu’attentionnés parce qu’ils considèrent le patient comme un malade, n’est pas une bagatelle pour
l’évolution subséquente de tels
troubles, pas plus d’ailleurs que
l’inclusion éventuelle de ces parents dans le processus thérapeutique.
D’autre part, il y a toujours
lieu de se souvenir de la valeur
pathogène secondaire de maladie
de telles douleurs subjectives, de
sorte qu’il convient d’interroger
l’intéressé sur sa formation scolaire et professionnelle ainsi que
sur sa situation actuelle au travail.
Des facteurs perturbateurs pour un
Dr med. Witold Tur,
Spécialiste FMH
en psychiatrie
et psychothérapie
16
Incapacité de gain en raisons de troubles psychiques
traitement approprié de la maladie
consistent par exemple en une
morbidité multiple, un âge avancé,
une situation professionnelle difficile (mobbing, menace de perdre
son emploi, résiliation du contrat
de travail), une situation économique difficile (dettes, pauvreté), conditions de logement défavorables
et, finalement, des facteurs individuels tels qu’une procédure judiciaire en cours, une menace d’expulsion (détenteur de permis A et B),
formation scolaire et professionnelle manquante ou lacunaire, absence de connaissances linguistiques, défaut d’enracinement socioculturel, faibles capacités intellectuelles et capacités motrices
fines 3, 4.
Maintenant, si en pareil cas,
l’assureur indemnité journalière
ou rente demande des renseignements sur la capacité de travail, il
est recommandé d’utiliser l’un des
systèmes de diagnostic les plus utilisés et les plus reconnus, le diagnostic orienté ICD –10 5, car seul
les diagnostics effectués dans ce
cadre, à l’appui de critères d’inclusion et d’exclusion, sont vérifiables
et compréhensibles pour le lecteur
des rapports médicaux.
De simples pourcentages concernant une éventuelle réduction
de la capacité de travail dans l’activité traditionnelle ou dans une
activité de substitution supportable sont également peu utiles et
difficiles à calculer. Ont nettement
plus de relief les descriptions concrètes de ces fonctions physiques et
psychiques comportant une limitation, et peut-être aussi l’énumération des facteurs susmentionnés,
même s’ils sont réputés étrangers à
l’invalidité dans le cadre des CGA
ou de la LAI.
En qualité d’expert-psychiatre, on ne se défait pas comme d’un
manteau, dans le cadre de l’exécution d’expertises, du comportement de base du médecin-thérapeute; aussi serait-on heureux de
pouvoir repérer suffisamment tôt
des assurés souffrant essentiellement de troubles psychiques ou
somatiques sans constats pathologiques y afférents, éventuellement
aussi dans l’esprit d’une «second
opinion» car, par exemple, après
plus d’une année d’inactivité professionnelle, il n’est plus possible
de faire autre chose que de constater lapidairement, s’agissant d’une
éventuelle réhabilitation, que toute
mesure médicale ou professionnelle, quelle qu’elle soit, est dénuée
de tout sens 6; en effet, après un
«sevrage» de travail qui a duré
plusieurs mois, presque plus personne ne réussit à reprendre son
ancienne activité ou à se lancer
dans une nouvelle profession 7.
C’est pourquoi, il y a lieu de lutter
suffisamment tôt contre un déconditionnement de l’esprit et du
corps.
Ainsi les sujets souffrant de
troubles dépressifs, dont le diagnostic et la thérapie causent toujours des difficultés en médecine
générale et qui ont débouché sur
une incapacité de travail, devraient
17
être adressés à un médecin spécialiste en cas de résistance aux soins.
Une autre option consisterait à soumettre à l’assureur une proposition
d’expertise. A cet égard, il est également important de savoir quels
médicaments le patient a ingurgités, à quelles doses et pendant combien de temps, si une méthode de
psychothérapie a été utilisée et, si
oui, laquelle. Il convient aussi de
rappeler sans cesse qu’une réaction au décès, tout à fait normale
sur le plan psychologique et bien
perceptible, ne remplit souvent pas
les critères d’un épisode de très
légère dépression, et que le travail
permet parfois à l’intéressé de se
déconnecter du décès qui l’a touché.
Avant que le diagnostic de
troubles somatoformes ne soit
posé, on devrait également garder
à l’esprit les critères du «développement de symptômes physiques
pour des motifs d’ordre psychique», car ces diagnostics sont
souvent pris l’un pour l’autre.
Littérature
1 Wagenhäuser F. J.: Die Rheumamorbidität in einer
Zürcher Landgemeinde. Huber, Bern 1969
2 Keel P.: Chronische Rückenschmerzen.
Praktische Bewältigung durch ganzheitlichen
Zugang. DIA-GM, 11, 829 – 837, 1995
3 Kopp H. G., Willi H. und Klipstein A.:
Im Graubereich zwischen Körper, Psyche und sozialen
Schwierigkeiten. Teil I: Neue Entwicklungen in der
Diagnose und Therapie von somatoformen Störungen
(am Beispiel von chronischen Schmerzpatienten).
Schweiz Med Wochenschr 127, 1997, 1380 – 1390
4 Kopp H. G., Willi H. und Klipstein A.:
Im Graubereich zwischen Körper, Psyche und sozialen
Schwierigkeiten. Teil II: Die psychiatrische Begutachtung von somatoformen Störungen (am Beispiel
von chronischen Schmerzpatienten). Schweiz Med
Wochenschr 127, 1997, 1430 – 1439
5 Organisation mondiale de la santé: Classification
statistique internationale des maladies et
des problèmes de santé apparentés. Version 1.0,
état août 1994. Publié par: Deutsches Institut
für Medizinische Dokumentation und Information
DIMDI. Huber, Bern-Göttingen-Toronto-Seattle, 1994
6 Kübler R. S.: Die interdisziplinäre medizinische
Begutachtung zuhanden der Invalidenversicherung.
Beschreibung eines Kollektivs von 298 begutachteten
Personen und des Verlaufs nach der Begutachtung an
der medizinischen Begutachtungsstelle Spital Pflegi.
Med. Diss. Zürich, 1998
7 Schuler C.: Ärztliche Feststellung der Arbeitsund Berufsunfähigkeit. Schweiz. Ärztezeitung, 70,
1989, 1815
18
Capacité de gain amoindrie
en cas de maladies musculosquelettiques non spécifiques
Introduction
En cas de maladies et de douleurs
musculosquelettiques, il s’agit
pour une majorité d’entre elles de
syndromes de douleurs non spécifiques. «Non spécifique» signifie en
l’espèce qu’aucune maladie définie
(par ex. spondylite ankylosante),
aucun pathomécanisme délimitable (par ex. infiltration tumorale) ni
lésion parfaitement délimitée sur
le plan anatomique (par ex. compression de la racine d’un nerf avec
les pertes neurologiques y afférentes à la suite d’une hernie discale
correspondante) ne peuvent être
attribués à ce syndrome de douleur.
Ceci concerne, par ex. dans le domaine des douleurs lombaires,
Dr med.
Andreas Klipstein,
Dipl. Health Ergonomics,
Inst. für Physikalische
Medizin, Universitätsspital, sowie AEH,
Zentrum für Arbeitsmedizin, Ergonomie
und Hygiene GmbH,
Zürich
environ 80% de tous les cas. Le
pronostic de ce syndrome de douleurs non spécifiques est favorable,
ainsi 80 à 90% des patients souffrant de douleurs lombaires «banales» se rétablissent dans les
6 semaines. Cette dernière atteinte
est pourtant à elle seule très fréquente et responsable de 18% de
toutes les allocations de rentes
dans l’UE (voir Illustration 1). Les
récidives sont monnaie courante
(entre 50 à 60%). 10% de l’ensemble des patients subissent une incapacité de gain après un épisode
de douleurs dorsales de plus de
3 mois; autrement dit, ils souffrent
de douleurs chroniques, et les coûts
qui en résultent s’élèvent à environ
Enquête UE «Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, 1996
Illustration 1: Douleurs au travail
Douleurs dorsales
Stress
Education générale
Douleurs musculaires
Migraines
Douleurs aux yeux
Etats d’anxiété
Troubles du sommeil
Probl. avec les oreilles
Problèmes de peau
Douleurs d’estomac
Allergies
Troubles respiratoires
Maladies cardiaques
0
5
10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95 100
Part des employés souffrant de douleurs (en %)
19
90% de la perte financière causée
par des douleurs dorsales. Sont
mal connus dans ce contexte les
coûts supplémentaires, engendrés
par ex. par des co-morbidités – de
la part de membres de la famille
aussi – par le remplacement de personnel dans l’entreprise, la perte
de productivité pour l’entreprise,
la société et la famille (par ex. des
travaux ménagers non rémunérés,
etc.). On estime que dans une entreprise, les prestations d’assurance ne couvrent les coûts engendrés
par la perte du travail d’un collaborateur qu’à concurrence de 1/3 à 1/5.
Le pronostic d’un retour dans le
processus du travail se péjore dra-
Tableau 1
Classe de risque
Facteur de risque
Association avec des douleurs
dorsales (n études)
positif
aucun
negatif
Facteurs de risques
physiques sur le lieu
du travail
Manipuler des charges
Se baisser et pivoter souvent
Charges lourdes
Position statique au travail
Activité hautement répétitive
Vibration dans tout le corps
16
09
06
03
01
12
03
01
01
04
02
01
0
0
0
0
0
0
Facteurs de risques
psychologiques sur le lieu
de travail
Stress mental
Insatisfaction au travail
Rythme de travail élevé
Manque de soutien
Travail monotone / absence
de contrôles
03
05
01
00
05
02
02
03
02
02
0
0
0
0
0
Facteurs de risques
individuels
Age
Sexe
Taille
Poids
Consommation de nicotine
Activités sportives
Célibat
Bas niveau de formation
12
02
02
01
05
02
00
05
14
07
10
17
11
10
07
07
3
0
0
0
0
2
0
0
20
Capacité de gain amoindrie en cas de maladies musculosquelettiques non spécifiques
matiquement avec la durée de
l’absence. Ainsi, selon des études
antérieures, après six mois d’incapacité de travail, 50% des intéressés reprennent un jour une quelconque activité professionnelle
alors qu’après 2 ans d’inactivité,
seuls 2% le feront encore. Si l’on
pense que ces chiffres ont été
recensés en des périodes économiquement équilibrées, avant la
globalisation, au moment où la
migration était modérée et à défaut
de toute différenciation des professions, on peut admettre qu’aujourd’hui, spécialement dans les
branches et populations à risques,
les conditions sont bien plus défavorables. Malgré certaines améliorations légales en matière de sécurité au travail, de prévention des
maladies et de campagnes en faveur de la promotion générale de la
santé, les prestations d’assurance
(indemnités journalières et rentes)
enregistrent une hausse, en particulier en raison de ces états de douleurs non spécifiques. Existe-t-il
des explications et des moyens
d’influencer cette situation?
Facteurs propices à l’incapacité
de gain
Divers facteurs propices tant pour
l’apparition que pour la chronification de douleurs musculosquelettiques non spécifiques, en particulier de douleurs dorsales lombaires, ont été découverts. Le
Tableau 1 montre l’importance de
divers facteurs de risques pour
l’apparition de douleurs dorsales,
dans une «review» globale (selon
Burdorf 1997). Une association
positive d’un facteur risque avec
l’apparition de douleurs dorsales
signifie que dans une étude mandatée pour une «review», le facteur
risque correspondant a été prouvé.
N équivaut à la somme des études
avec preuve du facteur de risque
correspondant. Le Tableau 2 montre les facteurs de risque d’une
«chronification» (incapacité de travail >3 mois).
Les facteurs de risque physiques jouent de loin, à ce propos et
comme par le passé, le plus grand
rôle dans de nombreux emplois.
S’agissant des facteurs psychosociaux, ils ont par contre été sousestimés en rapport avec des activités
physiquement semi-lourdes à lourdes, compte tenu de généralisations contenues dans des études
connues. Ainsi, les sacs de ciment
pèsent-ils 50 kg comme auparavant, en dépit des recommandations contraires, ce qui est tolérable pour une infime partie de la
population est donc inadmissible,
pour des raisons de discrimination
également. En ce qui concerne des
activités dites légères (en particulier des postes de travail modernes
dans les bureaux et le secteur informatique), les facteurs de charges
mentales jouent un rôle toujours
croissant. Les facteurs individuels
sont généralement surestimés en
ce qui touche à l’apparition de douleurs, notamment du côté des médecins, mais aussi chez les représentants de la promotion de la san-
21
Tableau 2
Facteurs associés
au travail
Facteurs associés
à la maladie
Facteurs individuels
Travail difficile
Travail monotone
Charge de travail élevée
Insatisfaction
Manque de soutien
Chômage
Peur du licenciement
Arrêt de travail de longue
durée prescrit médicalement
Douleurs dorsales antérieures
Repos au lit prolongé
Douleurs irradiantes
Traitement avec mesures
passives
Examens médicaux
Incompréhension vécue
Etat dépressif
Bas niveau de formation
et de revenu
Peur face à la vie en général
Crainte des douleurs
Attitude face à la vie
(par ex. déléguer les responsabilités à autrui)
Faute d’autrui vécue
Faute
té. Ils jouent toutefois un rôle plus
important en ce qui concerne la
«chronification».
Syndrome de l’extension
des symptômes
Matheson définit le syndrome de
l’extension des symptômes comme
un type de comportement invalidant, acquis et maintenu sous
l’effet de facteurs sociaux, dans
lequel le fait de se plaindre et de
montrer les symptômes aide celui
qui en souffre à garder le contrôle
sur son environnement, les circonstances de sa vie et son équilibre
psychique. Sont importants à ce
propos l’aspect syndromal – autrement dit, certaines observations
sont rassemblées – ainsi que l’aspect multifactoriel – en d’autres
termes, une référence ne suffit pas
et il n’est pas possible non plus de
classifier le problème dans un domaine spécialisé de la médecine.
Le syndrome ne saurait être évaluateur, autrement dit, il ne doit pas
être utilisé dans l’optique d’une
dévaluation du problème de la santé ou d’un lien automatique avec
une valeur pathologique permettant la prescription d’un arrêt de
travail, mais d’une manière apte à
décrire et reconnaître le problème;
ce côté dévaluateur se produit trop
souvent avec des notions telles que
«aggravation», «transfert fonctionnel» et aussi avec le «diagnostic» psychiatrique des troubles
douloureux somatoformes (F45.5
de l’ICD –10). Une extension des
symptômes se distingue par les
caractéristiques suivantes: prise
en compte/expression diffuse des
symptômes avec un degré de douleur très élevé (8 et plus sur l’échel-
22
Capacité de gain amoindrie en cas de maladies musculosquelettiques non spécifiques
le de 10), sans référence à des aspects/mesures qui renforcent ou
affaiblissent le symptôme, absence
de stratégie en matière d’efforts
personnels, absence d’efficacité de
tous les traitements, report sur
autrui du contrôle sur la maladie et
ses conséquences, orientation de la
fonction vers les symptômes jusqu’à s’y trouver emprisonné; d’un
autre côté, au niveau du comportement: mesure non plausible du
handicap démontré en comparaison du constat clinique et de l’expérience générale, très basse estime de sa propre efficacité comparée aux capacités effectives (suivre
des instruments), manque de disponibilité à tolérer des charges
supportables et respect insuffisant
des règles de la réhabilitation. Les
«Non-organic physical signs» selon
Waddell s’avèrent également très
précieux. Il s’agit simplement en
l’occurrence d’observations et de
tests standardisés à effectuer.
3 signes positifs ou davantage sur 5
possibles sont liés à un mauvais
outcome en ce qui concerne la reprise du travail, le succès de la
réhabilitation et d’interventions
opérationnelles. La combinaison
de tests récemment publiée et validée en Suisse par Oesch va dans la
même direction.
Les facteurs ouvrant la voie à
une extension sont présentés dans
le Tableau 2. Sur le plan des pronostics, une telle évolution dépend
essentiellement d’une option en
faveur d’un traitement favorisant
une extension des symptômes ou
d’un traitement restreignant cette
extension.
Ouvrir la voie de l’extension
des symptômes, autrement dit agir
défavorablement sur l’évolution du
cas:
Non-reconnaissance de troubles
de l’adaptation.
Examens médicaux répétés lors
de la recherche des causes des événements inexplicables, en particulier en l’absence d’une formulation
claire de la question clinique, ainsi
que des traitements déjà expérimentés et jugés inutiles (indépendamment de mesures de reconditionnement «naturellement» plus
douloureuses).
«Feel good trap», autrement dit
l’amoindrissement des symptômes
ressenti comme défavorable à long
terme par le fait d’un allègement et
d’un traitement en conséquence
des symptômes (et toujours moins
efficace), qui conduit a un comportement incontrôlé.
En conséquence de quoi: déconditionnement et expérimentation
du fait que les symptômes dépendant de la charge se transforment
toujours plus, en dépit d’un «bon
traitement», en douleurs durables
indépendantes de la charge.
Communication de messages
inadaptés («phénomènes d’usure»
sans importance, qui suggèrent
une progression; «ne plus soulever
de charges lourdes», bien que ceci
ne se justifie pas et qu’éluder une
telle situation dans la vie de tous les
jours soit une exigence incontournable).
23
Prise en charge de responsabilités qui en fait reviennent au patient
(concernant sa santé, son rôle fonctionnel et social, chômage de longue durée).
Réduire l’extension des symptômes,
autrement dit, agir favorablement
(en sus du fait de fermer la porte aux
mesures susmentionnées):
Communication à l’échelon de la
fonction et non pas des douleurs
(prendre connaissance des douleurs, mais mesurer le succès /
échec à l’aune de critères fonctionnels, par ex. dans les activités de la
vie quotidienne).
Intervenir en qualité de conseiller, non pas à titre d’auxiliaire en
cas d’urgence.
Réinsertion rapide et progressive dans le travail, éventuellement
accompagnée de mesures d’entraînement.
Recours plus précoce (au plus
tard après 6 semaines) à un spécialiste en rhumatologie/orthopédie,
le cas échéant à un psychiatre), qui
procède à un constat adéquat et
suffisamment approfondi, afin que
la réhabilitation subséquente puisse se faire sans troubles (comme le
prévoient les lignes directrices de
la FMH).
Lorsque l’extension des symptômes
existe déjà:
En cas d’oppositions, inclusion
plus rapide de toutes les personnes
intéressées (parents, employeur,
thérapeutes, conseillers juridiques, médecins-conseils).
Un programme de traitement
multimodal (en milieu ambulatoire
ou stationnaire) est élaboré à l’appui d’objectifs convenus («goaling
process») en matière de comportement, de déconditionnement et de
problématique psychosociale (en
particulier, inclusion de l’employeur et de la famille) (par ex. entraînement ergonomique/réhabilitation portant sur le travail, le cas
échéant un programme interdisciplinaire concernant la douleur).
Renonciation à des mesures de
traitement individuel non établies
en réseau.
Expertise faite de bonne heure,
moyennant recours au test des
capacités et des convictions et confrontation avec les résultats et case
management (voir ci-dessous).
Prévenir l’extension des
symptômes est nettement plus
simple et prometteur que de traiter
une telle extension. Le risque d’une
extension des symptômes croît
avec la durée d’une absence au travail. Il y a lieu de souligner que très
peu de patients recherchent une
telle évolution si défavorable pour
eux et liée à tant de souffrances.
Estimation de la capacité
de gain
La base de l’évaluation de la capacité de gain réside dans la détermination de la capacité de travail
jugée médicalement. Celle-ci porte
soit sur une activité concrète (en
règle générale lorsque le sujet a
encore un emploi) ou alors, dans
l’esprit d’une capacité de travail
24
Capacité de gain amoindrie en cas de maladies musculosquelettiques non spécifiques
médico-théorique, sur une alternative, le cas échéant une activité
adaptée au handicap subi. Il n’appartient pas au médecin de fixer si
la dernière activité est supportable
compte tenu des conditions économiques et professionnelles d’un
individu. Le médecin n’est ni orienteur professionnel, ni ne doit se
renseigner sur les incidences économiques (capacité de gain) ou sur
le droit à des prestations de rente
(invalidité). Par contre, il devrait
s’en tenir, lors de l’évaluation de
la capacité de travail, à certaines
règles que Raspe a résumées:
Se fondant sur le modèle IDH
(Impairment-Disability-Handicap)
de WHO, la capacité de travail tout
comme d’autres conséquences de la
maladie dépendent des troubles de
la capacité (Disability) ou, pour parler en termes positifs, des capacités
et des ressources d’une personne.
Le dommage structurel ou fonctionnel (Impairment), par ex. une
«discopathie», une limitation de la
mobilité ou une «douleur», a éventuellement une influence révélatrice sur un handicap ou une capacité. Ainsi, comme chacun le sait, il
n’y a aucun rapport entre l’étendue
de «modifications dégénératives»
et les effets de la maladie, autrement dit le pronostic concernant
l’incapacité de gain à long terme.
Les diagnostics sont certes souhaitables mais ils ne représentent
en aucune manière une condition
pour le caractère supportable
d’une activité du point de vue médical. Il est faux de décréter sans
esprit critique une «reconnaissance ou un rejet» d’une limitation
fonctionnelle sur la base du seul
diagnostic. Deux exemples: des
patients Bechterew souffrant de
lésions structurelles spécifiques
ont un diagnostic bien plus favorable en ce qui concerne les handicaps à long terme que des sujets
présentant de constantes douleurs
dorsales non spécifiques; le diagnostic (syndromal!) d’une fibromyalgie implique encore souvent,
suivant l’idéologie de la personne
jugeant du cas, la reconnaissance
ou non d’un handicap, sans que les
capacités effectives n’aient fait
l’objet d’une analyse.
Quant à savoir si une capacité de
travail supportable du point de vue
médical peut être mise en œuvre ou
non dans une activité concrète, la
capacité de gain (niveau handicap)
exerce peut-être une influence,
mais non pas la capacité de travail.
Jusqu’à un certain point, s’applique en l’espèce une obligation pour
le patient comme pour l’environnement – par ex. l’employeur – de
réduire le dommage.
ll est évident que des obstacles surgissent dans l’application de ces
principes, ainsi:
Les handicaps et les capacités
sont plus difficiles à juger que des
dommages structurels ou fonctionnels (Impairments) et exigent une
grande expérience. Une recommandation hâtive et irréaliste pour
un travail «léger» peut indiquer la
déchéance sociale brutale et retirer
25
prématurément au patient – ainsi
qu’à son environnement, y compris
l’employeur – son sens des responsabilités.
Le handicap expérimenté et vécu
peut fortement s’écarter d’une dimension concevable pour le cas en
question (ceci fait partie d’une
extension des symptômes). Souvent, des attentes irréalistes sont
nourries, même de la part des
parents.
Porter une double casquette, ce
qui ne paie pas et constitue un rôle
difficile à tenir: celui du médecintraitant («celui qui aide») et le médecin «expert» («l’empêcheur»).
Pression économique qui rend
impossible une (auparavant, toute)
occupation à long terme dans un
secteur-niche.
Manque de disponibilité de l’employeur pour accepter et occuper
en conséquence une personne «à
moitié en bonne santé» et non performante à part entière.
Mélange difficile à doser entre
pression et octroi de ce qui est demandé.
Manque de temps au cours des
consultations ordinaires pour des
discussions et informations.
D’un autre côté, il existe tout
simplement aujourd’hui des mesures d’appui et des moyens auxiliaires qui, utilisés notamment en combinaison et à divers niveaux, sont
en mesure de restreindre les évolutions défavorables. Un pas important consiste en l’évaluation adaptée des capacités et de leurs perturbations.
Appréciation des perturbations
des capacités
Hormis l’appréciation et la reconnaissance d’une extension des
symptômes («yellow flags»), le jugement porté sur les perturbations
des capacités ou sur les capacités
en soi est également essentiel, mis
à part la condition pour le constat et
la recommandation de la capacité
de travail supportable du point de
vue médical, pour discuter avec le
patient des objectifs convenus. Les
possibilités et les moyens auxiliaires suivants sont à disposition:
Interroger le patient sur ses
ADL’s («activities of daily living»),
qui comprennent au moins la locomotion, les soins corporels, l’exécution des activités quotidiennes
simples telles que des mouvements,
travaux de conservation, et la manipulation de charges ainsi que les
contacts sociaux. Une classification
devrait avoir lieu, par ex. comme
Steinbrocker l’a définie pour des
maladies rhumatismales. Le temps
consacré à cet effet est minimal,
mais le résultat, bien que meilleur
qu’en cas d’interrogation sur les
symptômes, est non spécifique et
non fiable, notamment dans l’hypothèse d’une extension des symptômes.
Une interview structurée ou
l’usage d’un questionnaire portant
sur la fonction: mis à part les instruments les plus connus tels que
le «Roland and Morris Questionnaire» spécifique pour le dos ou le
«SF-36» axé sur l’état de santé
général, le groupe de travail Ergo-
26
Capacité de gain amoindrie en cas de maladies musculosquelettiques non spécifiques
nomie de la Communauté de travail
suisse pour la réhabilitation SAR a
traduit et travaillé le «PACT-Spinal
Function Sort» de L. N. Matheson.
Ce questionnaire présente l’avantage d’être utilisable spécifiquement pour le travail et il a été validé à l’appui d’activités impliquant
diverses exigences physiques. A
titre de résultat, peut être jugée la
résistance à l’épreuve subjective
pour des activités en position assise, des activités légères, mi-lourdes, lourdes et très lourdes. D’autre
part, il est possible de découvrir
l’exactitude du «self-rating» et – en
cas d’écarts, d’inconsistances, de
niveau inexplicablement bas, et en
comparaison de résultats de tests,
d’une auto-évaluation trop basse –
une éventuelle extension des symptômes. Pour l’évaluation des capacités, l’utilisation de la pure vue
subjective du patient est limitative.
Même en cas de comportement
maladif «adéquat», celle-ci s’éloigne de la réalité avec un éloignement croissant des charges de la vie
de tous les jours.
Le test de charge axé sur la réalité («performance»): le groupe de
travail Ergonomie SAR a introduit
en Suisse, il y a quelques années de
cela, l’«évaluation de la capacité
de réalisation fonctionnelle appliquée au travail EFL» («Evaluation
der arbeitsbezogenen funktionellen Leistungsfähigkeit») (FCE, System Isernhagen), des lignes directrices y afférentes ainsi qu’un système de formation et de contrôle de
la qualité. La méthode est mainte-
nant établie et reconnue dans toute
la Suisse. Elle se fonde sur des critères d’observation standardisés.
Sont relevés les niveaux de résistance à l’épreuve qui sont encore
jugés ergonomiquement sûrs pour
des activités rarement exécutées
de jour, ou pour des activités répétitives (tests kinésiophysiques). Le
test permet, mis à part l’usage
directement réhabilitant, un jugement le plus objectif possible de la
capacité de charge appliquée au
travail en tant que condition de la
réinsertion professionnelle, le cas
échéant pour des mesures professionnelles également. Au niveau du
comportement, ce test rend possible l’évaluation des rapports avec
la douleur. La procédure s’est avérée valable en rapport avec les
objectifs fixés et (lors de récentes
études) suffisamment fiable. Elle
exige cependant beaucoup de
temps. Les capacités neuropsychologiques ne sont pas examinées en
particulier. S’agissant de l’interprétation des résultats, des aspects
cliniques et psychosociaux sont
aussi significatifs et devraient être
inclus selon les possibilités.
En outre, il existe une série de
tests partiellement assistés par
ordinateur. Ceux-ci sont pourtant
basés sur des charges maximales
atteignables volontairement et
leurs faiblesses se situent dans la
dépendance à la motivation, le défaut d’évaluation des aspects de
sécurité et du comportement ergonomique ainsi que dans l’absence
de spécificité pour les charges du
27
travail. Ils pourraient éventuellement se créer une place privilégiée
dans la planification de l’entraînement et lors de la mise au clair de la
disposition à la réhabilitation, mais
non pas dans la réinsertion au travail, ni en matière d’évaluation de
la capacité de gain.
L’appréciation des exigences du
travail joue un rôle lorsque l’emploi
existe encore. En l’occurrence, le
médecin/thérapeute qui n’est pas
familier avec les rapports de travail
est généralement submergé. Une
interrogation systématique sur les
obligations et les charges de travail
est nécessaire, mais elle prend
beaucoup de temps et n’est pas toujours fiable. En cas de doute, des
renseignements doivent être pris
auprès de tiers ou les conditions
sont à vérifier sur place, à l’aide
d’une «Arbeitsplatzabklärung»
(APA) (élucidation des conditions
de la place de travail). Le groupe de
travail Ergonomie SAR a introduit
en Suisse une méthode fiable et pas
trop onéreuse ainsi qu’un système
de formation et de qualité. La clarification de la situation doit être
exécutée en cas de changements
potentiels des conditions de travail
(souvent des emplois de bureau) et
lorsque les charges de travail ne
sont pas claires ainsi qu’en cas de
réinsertion compliquée (emplois
dans l’industrie). De plus, un questionnaire a été développé en ce qui
concerne la charge de travail, qui
est cependant en cours de validation actuellement.
Mesures propices à la réduction
de l’incapacité de gain
Les perturbations de la capacité
dues à la douleur et l’absentéisme
dans le domaine musculosquelettique sont multifactoriels et les mesures sont complexes. Un processus de modification doit, autant que
faire se peut, comprendre tous les
niveaux. Ci-après sont brièvement
esquissées les possibilités actuelles et futures à différents échelons.
L’illustration 2 présente un tableau
de la séquence temporelle.
A l’échelon de l’individu concerné, il y a d’abord des aspects préventifs dans le sens d’un comportement orienté vers la santé, qui
implique la réduction des facteurs
de risque, davantage de mouvement dans la vie quotidienne (ou
mouvement alternatif face à des
maintiens monotones au travail,
par ex.) et un comportement tout à
fait responsable face aux risques
d’accident, au travail comme pendant les loisirs. Les limites de l’importance de facteurs de risque individuels ont déjà été évoquées. Il y a
lieu de relever ici aussi le poids
d’un perfectionnement constant,
qui procure la possibilité de variations dans le travail, l’âge venant.
De nombreux aspects comportementaux sont cependant inculqués
et relèvent de l’influence culturelle.
Ceci nous mène à la question «ne
pas pouvoir?» ou «ne pas vouloir?», qui est une question d’attitude face à la vie, et non pas une
question médicale. En principe,
tout patient incapable de travailler
28
Capacité de gain amoindrie en cas de maladies musculosquelettiques non spécifiques
Illustration 2: Mesures au fil du temps
Perte du travail
Perte durable du travail
1re prévention
2ème prévention
3e prévention
Médecine du travail,
ergonomie et hygiène
Sécurité au travail
Diminution des facteurs
de risques individuels
Conseil de la médecine
du travail
Gestion des absences
Case Management précoce
Expertise précose
Réhabilitation du travail
Mesures professionnelles
Case Management
a cependant l’obligation de limiter
le dommage, même si cela se fait
dans des mesures différentes.
Notre expérience nous montre que
la conscience de ce devoir n’est
souvent pas présente. Une information y relative doit être donnée, non
pas de manière évaluative, mais
explicative, en référence aux normes légales et règles de jeu en
vigueur. Précisément, les patients
dotés d’un bagage culturel qui les
exonère de leur propre responsabilité se sentent par ailleurs offensés,
ce qui a généralement des conséquences défavorables. Le Conseil
des psychiatres est interrogé de
temps à autre sur la raisonnabilité
et le sens de mesures – sur le plan
professionnel et médical – de nature à limiter potentiellement le
dommage.
A l’échelon du médecin et
des professions paramédicales,
la question a été déjà abordée sous
la description de l’extension des
symptômes. C’est souvent à ce niveau que s’oriente la suite du
déroulement du cas. Dans l’esprit
d’une prévention de l’instauration
d’états chroniques, la FMH organise des séminaires «Back-intime». Le programme est excellent.
Malheureusement, il est majoritairement suivi par des gens qui
sont déjà sensibilisés au problème.
Après 6 semaines d’incapacité de
travail, il s’agit d’exhiber les «cartons jaunes». Les difficultés décrites doivent inciter à envoyer plus
tôt le patient chez le spécialiste. La
tâche première de celui-ci est
d’éclairer soigneusement le patient. Si la réintégration ne réussit
pas (dans le sens d’une reprise progressive du travail), le patient sera
dirigé vers un centre disposant des
moyens d’évaluer la capacité de
réalisation fonctionnelle (le cas
échéant, élucidation des conditions
29
de l’emploi) et d’exécuter un programme ergonomique ou vers une
clinique R & R; une autre option
consiste encore à exiger, par l’intermédiaire du médecin-conseil de
l’assurance, une expertise neutre
qui soit faite suffisamment tôt, au
moyen de méthodes précitées.
Dans ce cadre, il y a suffisamment
de temps, de ressources et d’expériences pour les éclaircissements
qui nécessitent un engagement
considérable et qui porte sur la
résistance à l’épreuve, pour des
entretiens avec le patient et son
environnement, et pour la mise en
réseau des informations à disposition; toutes ces mesures peuvent
être financées également hors
LAMal. Comme déjà décrit plus
haut, ceci a lieu dans le cadre
d’une exécution équitable, compte
tenu des exigences décrites plus
avant en matière de qualité et en
fonction absolue du patient!
Au niveau de l’entreprise
existe le plus grand potentiel, comme indiqué dans l’introduction.
Malheureusement, les mesures
(primaires) préventives sont souvent considérées comme du «luxe»
et non pas comme une obligation
allant de soi à l’égard du collaborateur, ni comme une intervention
conforme aux principes économiques et de nature à épargner des
coûts (ceci est d’ailleurs démontrable). En outre, la «prévention»
est encore trop fortement assimilée
à la «prévention contre les accidents», même si les coûts engendrés par les accidents profession-
nels sont de moins en moins importants en comparaison des autres
arrêts de travail. Par rapport à ce
qui se fait à l’étranger, la Suisse est
nettement en retard en matière de
promotion de la santé dans les entreprises. Bien que la loi ait désormais imposé le recours obligatoire
à des «médecins du travail et
autres spécialistes de la sécurité du
travail» (ASA), un grand travail de
sensibilisation est encore à réaliser
en ce domaine. Au stade de la prévention secondaire, certains rapports établissent que l’introduction
d’une gestion des absences, en particulier, est utile lorsqu’elle est couplée à un système de feed-back, par
exemple à l’aide de contacts téléphoniques établis par des profanes.
Est moins attrayante pour l’entreprise la création d’emplois de
niche. Nos expériences à ce sujet
sont positives quand des exigences
claires sont fixées (pas de «travail
léger», mais indication de la durée
de charge, pauses supplémentaires
et données importantes aussi exactes que possible ainsi qu’une durée
prévisible de la libération) et que
celles-ci sont transmises par contact direct (au moins par téléphone). Il va de soi que ceci s’avère
beaucoup plus difficile lorsque le
collaborateur a été déclaré, par
certificat médical, incapable de
travailler pendant 12 mois et qu’il
n’a plus fait entendre parler de lui,
si ce n’est auprès du bureau des
salaires. Mais là aussi, des succès
sont en principe possibles.
30
Capacité de gain amoindrie en cas de maladies musculosquelettiques non spécifiques
A l’échelle des assureurs indemnité
journalière et rentes, qui (hormis le
patient) bénéficieraient le plus
directement d’une amélioration de
la problématique de l’incapacité de
gain, il s’agirait de tendre à un contrôle amélioré des cas, à un financement de bilans précoces indépendants des compagnies d’assu-
Littérature
• Burgdorf A, Sorock G: Positive and negative evidence
of risk factors for back disorders. Scand J Work
Environ Health 1997; 23:243 – 56.
• Abenhaim L et al.: The role of activity in the therapeutic management of back pain. Report of the international Paris task force on back pain.
Spine 2000; 25,4:1S – 33S.
• Kopp HG, Willi J, Klipstein A: Im Graubereich
zwischen Körper,Psyche und sozialen Schwierigkeiten.
Teil l: Neue Entwicklungen in der Diagnose und Therapie von somatoformen Störungen.
Schweiz Med Wochenschr 1997; 127:1380 – 1390.
Teil 2: Die psychiatrische Begutachtung von
somatoformen Störungen (am Beispiel von chronischen Schmerzpatienten). Schweiz Med Wochenschr
1997; 128:1380 –1390.
• Kopp HG, Oliveri M, Thali A: Erfassung und Umgang
mit Symptomausweitung. SUVA-Medizinische
Mitteilungen, 1998; Nr. 70:56 – 78.
• Oesch P, Kool J, Wunderlin B, Knüsel O: Rehabilitation
von Patienten mit chronischen Rückenbeschwerden:
Assessment, Ergebnis und Prädiktive Faktoren.
Phys Rehab Kur Med 1997; 7:224 – 230.
• Raspe HH: Mindestanforderungen an das ärztliche
Gutachten zur erwerbsbezogenen Leistungsfähigkeit
von Kranken mit chronisch-unspezifischen
Schmerzen. Versicherungsmedizin 1997;
49,4:118 –125.
• Stucki G, Klipstein A: Rückenerkrankungen.
In: Innere Medizin, Thieme, 1.Auflage, 1999.
rance (expertises effectuées très
tôt) ainsi qu’à un case management
le plus indépendant possible, au
sens d’un suivi de cas en réseau,
qui couvre le plus possible tous
les aspects de l’approvisionnement
médical optimal, jusqu’aux mesures professionnelles pertinentes et
à la garantie financière. La réussite de telles mesures, sous l’angle
financier également, a été démontrée au Canada et aux USA . Mais la
condition pour y parvenir est également une certaine réorientation du
mode de pensée, à partir du principe «defend and deny», pour atteindre un comportement plus
généreux et soucieux du développement général. Il existe ici des
limites dans notre système d’assurance, compte tenu de possibles
intérêts partiaux, mais il y a des
sociétés d’assurances qui sont en
passe d’intégrer ce mode de pensée. Une motivation pour faire passer les entreprises à travers les
mesures de prévention primaire et
secondaire réside dans des primes
échelonnées en fonction du risque,
éventuellement aussi dans une
influence directe sur les primes en
cas d’adoption d’une gestion des
absences et d’une gestion des cas.
Il n’est pas nécessaire d’évoquer longuement ici le fait qu’au
niveau de la société, certaines évolutions en direction d’un démantèlement de la responsabilité sociale
pourraient coûter cher à long terme. Un développement dans le sens
de la suggestion de moyens médicaux illimités telle qu’elle est diffu-
31
sée dans les masses-médias, tout
simplement avec le soutien du
corps médical, ne saurait nous
tromper sur le fait qu’en cas de
douleurs chroniques et de perturbations multifactorielles, les solutions ne sont ni simples, ni spectaculaires.
Situation et tendances actuelles
en Suisse
Ces éléments ont déjà été évoqués
dans le détail. En résumé, des progrès concrets existent dans le domaine de prévention secondaire et
dans la réinsertion professionnelle,
mais ils devraient être encore
mieux exploités. Dans ce domaine,
la situation en Suisse est en voie de
progrès. Le perfectionnement du
corps médical est sur le bon chemin
mais il est, lui aussi, encore trop
peu mis à profit. La gestion des
absences et, dans une mesure plus
limitée, le case management commencent aussi à prendre pied. La
véritable prévention est par contre, en comparaison internationale
et mis à part la prévention des accidents, encore distancée en Suisse
et devrait être encouragée plus
fortement pas des incitations.
L’incapacité de travail, en
particulier en cas de douleurs
musculosquelettiques non spécifiées, est multifactorielle et l’amélioration de la situation est complexe et onéreuse.
Adresses
à contacter
Arbeitsgruppe
Ergonomie,
Schweizerische
Arbeitsgemeinschaft
für Rehabilitation SAR:
Sekretariat
Dr. M. Oliveri,
Rehaklinik,
5454 Bellikon (EFL)
Sekretariat
Dr. A. Klipstein,
c/o AEH,
St. Jakobstrasse 57,
8004 Zürich (APA)
Swiss Ergo: Fr. M. Graf,
SECO-Arbeit und
Gesundheit, Kreuzstrasse 26, 8008 Zürich
(Ergonomie und
Betriebliche Gesundheitsförderung,
ehemals BIGA)
32
Renonciation au tort morale en cas
d’une distorsion cervicale:
conclusion d’une étude canadienne
Dr sc. nat.
Beatrice Baldinger
Swiss Re Life & Health
Mythenquai 50/60
8022 Zurich
Certains médecins, patients et
législateurs sont d’avis qu’il faut
considérer les maladies du point
de vue purement biologique. En
d’autres termes, ils considèrent les
paramètres sociaux, économiques
et légaux dans l’analyse des symptômes et du comportement comme
secondaires. Cependant une étude
canadienne récente 1 démontre une
diminution frappante du nombre et
de la durée des prétentions d’assurance après la suppression des
prestations compensatoires pour
des blessures causées par un accident de la circulation. L’apparition
et le pronostic des dommages corporels liés à une distorsion cervicale suite à un accident de la route
pourrait dépendre, selon ces auteurs, du type de prestations compensatoires octroyées en cas de
douleurs et de souffrance.
En janvier 1995, dans le Saskatchewan (Canada), le système
légal de prestations compensatoires
dans le cadre des dommages corporels causés suite à un accident de la
circulation routière a été modifié; en
effet, l’ancien système qui tenait
compte des douleurs et des souffrances a été remplacé par un système dit de «no-fault» qui ne se préoccupe ni des douleurs ni des souffrances. Afin de déterminer si cette
suppression des prétentions d’assurance avait un effect direct avec une
meilleure convalescence, des auteurs canadiens 1 ont étudiés des
personnes qui ont fait valoir leurs
prétentions d’assurance à la suite
d’un accident de la route entre le 1er
juillet 1994 et le 31 décembre 1995.
Sur les 9006 assurés ayant fait valoir leurs prétentions, 7462, soit le
83%, remplissaient les critères d’un
traumatisme par distorsion cervicale. Les demandes de prestations
d’assurance durant les 6 derniers
mois du système des prestations
compensatoires s’éleva à 417 sur
100 000 personnes. A titre de comparaison, dans la première et la
deuxième période de 6 mois du
système dit de «no-fault», les prétentions demandées s’élevaient
à 302 respectivement à 296 sur
100 000 personnes. Dans la réalisation des cas de sinistre, toutes
périodes confondues, il apparaît que
les femmes sont plus nombreuses
que les hommes. La différence entre
la dernière période du système de
prestations compensatoires et les
2 périodes combinées du système dit
«no-fault» s’élève à 43% chez les
hommes et 15% chez les femmes.
La durée moyenne des prestations, dès le jour de l’accident
jusqu’à la fin du paiement des prestations passe de 433 jours (CI
409 – 457) à 194 jours (CI 182 – 206)
pour la première période, de même
qu’à 203 jours pour la seconde
(CI 193 – 213). L’intensité des douleurs de la nuque, le degré de capacité fonctionnelle physique, tout
comme la présence ou l’absence de
symptômes dépressifs sont très
fortement dépendants dans les
2 systèmes du facteur temps, à
savoir, la durée totale depuis le jour
de l’accident jusqu’à la fin du paiement des prestations.
33
Il apparaît que la suppression des
prestations compensatoires pour
les douleurs et les souffrances est
en étroite relation avec la régression des déclarations de sinistre
et un meilleur pronostic quant
aux blessures par distorsion cervicale1, 2.
De toute évidence, la question
se pose de savoir si les changements de système ont contraint
un patient sérieusement atteint, à
souffrir en silence sans être équitablement dédommagé pour un sinistre de plus longue durée 2. Quelques réflexions laissent en outre
présupposer que ces explications
ne sont pas plausibles. Ainsi, le
paiement des frais médicaux et de
l’incapacité pour perte de gain
seraient plus élevés sous le nouveau système. Il apparaît également très vraisemblable que le
patient obtienne les soins médicaux nécessaires et il semble invraisemblable qu’il doive supporter une perte de revenu importante. Il était possible de se plaindre si
les frais médicaux et la perte de
revenu dépassaient le paiement
standard. Dans la présente étude,
seules les petites blessures ont été
investiguées; en effet, les patients
nécessitant une hospitalisation de
plus de 2 jours, n’ont pas été retenus dans ce travail.
D’autres hypothèses ont été
soulevées, par exemple celle de
savoir si la diminution de la fréquence et de la durée étaient effectivement une conséquence du
changement de système et non pas
les conséquences d’un incident
concomitant ou d’un effet de
Hawthorne(«qui cherche, trouve»).
Dans la présente étude les auteurs
peuvent exclure certaines des
hypothèses. Ainsi il n’y a pas eu de
diminution ni de la fréquence des
plaintes pour les dommages causés
aux véhicules, ni dans le nombre
des kilomètres effectués dans la
période du système «no-fault». Les
patients traités avant et après le
changement de système en regard
de la formation, la profession, l’état
de santé avant l’accident et les
symptômes après l’accident sont
comparables.
Les résultats de l’étude de
Cassidy et al. confirment des observations antérieures. Ainsi, en 1987
le Victoria (Australie) a entrepris
une série de changements suite à
l’augmentation par 3 x du nombre
de cas de distorsion cervicale dans
un laps de temps de 6 mois. Sous le
régime de la nouvelle législation,
seule une plainte était autorisée si
l’accident avait été annoncé auprès
de la police et si les premiers $ 317
des frais médicaux avaient été
payés par le plaignant lui-même.
Les premiers 5 jours du revenu
manqué n’étaient pas compensés
et seuls les patients avec des lésions
sérieuses pouvaient déposer une
demande de compensation. En
1988, soit un an plus tard, le
nombre de plaintes avait chuté de
68% 3, 4. En Lituanie où très peu de
conducteurs disposent d’une couverture d’assurance en cas d’accident, les garanties invalidité sont
34
Renonciation au tort morale en cas d’une distorsion cervicale: conclusion d’une étude canadienne
rares et la prévalence des cas de
distorsion cervicale est insignifiante. Dans une étude rétrospective menée en Lituanie, des personnes impliquées dans un accident de
la circulation routière, de 1 à 3 ans
après la collision, n’avaient pas plus
de douleurs dans la nuque ni de
maux de tête qu’un groupe contrôle
de personnes non accidentées 5.
Est-ce que cela signifie que
les personnes qui se plaignent
après distorsion cervicale simulent? Peu vraisemblable. Il existe
des rapports sur des accidents de la
Références
Spitzer WO. et al. Scientific monograph of the Quebec
Task Force on Whiplash-Associated Disorders:
redefining «whiplash» and its management.
Spine 1995; 20:Suppl:1S – 73S
1 Cassidy JD, et al. Effect of eliminating compensation
for pain and suffering on the outcome of insurance
claims for whiplash injury. N Engl J Med 2000;
342/16:1179 – 86.
2 Deyo RA; Pain and Public Policy, Editorial.
N Engl J Med 2000; 342/16:1211 – 13.
3 Reilly PA, et al. Epidemiology of soft tissue
rheumatism: the influence of the law. J Rheumatol
1991; 18:1448 – 9.
4 Awerbuch MS. Whiplash in Australia: illness or injury?
Med J Aust 1992;157:193 – 6.
5 Schrader H, et al. Natural evolution of late whiplash
syndrome outside the medicolegal context.
Lancet 1996; 347:1207 – 11.
6 Haynes RB, et al. Increased absenteeism from work
after detection and labeling of hypertensive patients.
N Engl J Med 1978; 299:741– 4
7 Colledge A. A model for the prevention of iatrogenic
disease associated with work-related low back pain.
J Occup Rehab 1993; 3:223 – 32.
route mis en scène et d’autres
plaintes frauduleuses, mais elles
représentent probablement moins
de 5% de toutes les plaintes enregistrées pour distorsion cervicale4.
La majorité de ces plaintes présente sans doute de vrais symptômes,
mais ce qui va déterminer la gravité
de l’atteinte et sa durée, c’est la
manière avec laquelle les symptômes sont décrits, appréciés et traités. L’attribution d’un label diagnostique peut aggraver l’évolution de la maladie et de nombreux
médecins sont d’avis que de trop
nombreux tests peuvent renforcer
le sentiment latent d’un patient 6 et
déclencher des réactions de peur
injustifiées chez le sujet 7. Il est
plausible que certains patients font
valoir des prétentions d’assurance,
non pas à cause de la gravité des
symptômes ou de l’invalidité, mais
en raison de l’incapacité à gérer
leurs symptômes; à cela s’ajoute la
peur engendrée par les conséquences de ces symptômes et le désir
conscient ou inconscient de faire
valoir des prestations financières.
Les résultats les plus importants de l’étude Cassidy et al.
devraient inciter les médecins praticiens à considérer les facteurs
sociaux et économiques et à en
reconnaître la portée pronostique.
En relation avec la législation,
cette étude devrait mettre en question le concept de l’invalidité définie comme purement biologique
et encourager les payeurs des compensations à revoir les définitions
de l’invalidité.
35
Le cas pratique
Anamnèse personnelle
Au moment de la maladie, âgé de
28 ans, célibataire, monteur en
fenêtres, employé depuis octobre
1998 auprès d’un petit entrepreneur dans l’Oberland zurichois,
suit une école du soir deux fois par
semaine.
Anamnèse
Le 08.03.1999, l’assuré consulte
son médecin de famille pour des
douleurs dorsales. Ces douleurs
sont apparues 3 semaines plus tôt
et irradient dans la hanche et la
jambe gauches. Dès le 6.03.1999, il
est à l’incapacité de travail à 100%.
Une tentative de reprise du travail
à 50% après 2 jours échoue en
mars. Le pronostic du médecin de
famille, compte tenu de l’activité de
l’assuré, est défavorable.
Déroulement du cas du point
de vue de l’assurance
Sur mandat de la «Zurich», l’assuré est envoyé le 19.04.1999 chez un
orthopédiste du réseau de partenaires de la compagnie. Le jour suivant, l’examen a lieu et dans le
délai d’une semaine, un autre rendez-vous est fixé pour une consultation chez un neurochirurgien –
également du réseau de partenaires précité.
Le neurochirurgien décide
avec le patient, le 17.05.1999, de
procéder à une opération, qu’il ne
peut cependant effectuer que dans
une clinique privée (l’assuré ne
bénéficie que de la couverture en
division commune). La Zurich se
déclare d’accord de prendre en
charge les frais supplémentaires et
l’opération a lieu le 28.05.1999. Le
traitement en milieu stationnaire
est achevé le 01.06.1999. Les contrôles ultérieurs ont lieu du cabinet
du neurochirurgien.
Dès le16.06.1999, capacité de
travail à 50% et dès le 01.07.1999,
à 100%.
Commentaire
Au premier coup d’œil, il s’agit d’un
cas de maladie tout à fait normal,
de l’avis de l’assureur. L’âge de l’assuré et le pronostic plutôt défavorable sous l’angle de l’activité en
relation avec le diagnostic (syndrome lomboradiculaire L5/S1) ont
incité la «Zurich» à suivre spécialement ce dossier. Un accompagnement actif du patient avec de nombreux contacts avec tous les intéressés ont constitué la pierre angulaire d’une évolution positive du
cas. En même temps, le patient a pu
bénéficier du réseau de l’assurance
et a ainsi obtenu en quelques heures l’accès à des spécialistes. L’opération nécessaire, réalisée par les
deux spécialistes (hôpital privé et
médecin spécialisé), a pu se faire
dans un délai de quelques jours et
seule la prise en charge volontaire
des coûts par la Zurich l’a rendue
possible.
Mis à part l’influence positive
sur les coûts dans le domaine du
traitement et de l’indemnité journalière, le processus de l’affaire a
aussi été garanti indirectement
chez l’employeur, par le retour
Karl Ehrenbaum,
membre de la direction,
Zurich
36
Le cas pratique
rapide de l’assuré dans sa profession initiale. L’extension du cas à
d’autres branches de l’assurance
sociale a été évitée (par ex. des clarifications de la situation professionnelle par l’assurance-invalidité).
Dans l’ensemble, il est possible, à l’appui de cet exemple de
montrer qu’une réaction rapide et
active et la gestion du réseau y afférente peuvent être l’amorce d’une
réduction des coûts dans le domaine de la santé – sans oublier pour
autant l’attitude «win-win» adoptée par tous les intéressés.
37
Avis concernant l’édition 1999 / 2
L’édition 1999/2 était si riche que nous avons malheureusement été
contraints de raccourcir l’article de Mme Milos. C’est ainsi que nous
avons abandonné en particulier la partie concernant les formes de
thérapies et les nombrueses références en matière de littérature.
Nous aimerions attirer votre attention sur le fait que le texte intégral
peut être demandé chez Mme Milos, Culmannstrasse 8, CH-8091
Zurich.
38
Gentests und Risikoprüfung: technische Aspekte
39
Schweizerischer Versicherungsverband
Association Suisse d’Assurances
Associazione Svizzera d’Assicurazioni
Téléchargement