mais qu’il doit le faire pour des raisons fi nancières. Est-ce une affi r-
mation crédible ou une ruse pour vendre un citron? Si le vendeur
dit vrai, il doit nous fournir le dossier d’entretien de la voiture.
Les utilisateurs d’états fi nanciers ont des besoins d’information
semblables à ceux des lecteurs d’annonces de voiture d’occasion,
et les intérêts des banques vont dans le même sens que ceux des
vendeurs de voiture. La comptabilité peut fournir de précieuses
informations aux utilisateurs, y compris les régulateurs et les légis-
lateurs, en permettant de distinguer les bons actifs des citrons. Les
bons actifs ne méritent pas d’être ramenés à des cours déprimés si
les banques ont la capacité et l’intention de les détenir assez long-
temps pour récupérer leur investissement. Les citrons, eux, méritent
d’être dévalués puisqu’ils ne rapporteront pas, même si les banques
les gardent longtemps. Cela n’a rien à voir avec la persistance de
l’effet de la liquidité sur les cours, ni avec l’effi cience des marchés,
mais plutôt avec l’évaluation fondamentale de l’actif. Comme les
vendeurs de voitures d’occasion, les banques ont tout intérêt à
convaincre les auditeurs que leurs actifs ne sont pas des citrons en
leur présentant des données détaillées sur la capacité fi nancière
des emprunteurs et des hypothèses plausibles sur le montant et le
calendrier des rentrées futures, ainsi que sur le co-mouvement des
prix de leurs actifs et de ceux d’actifs semblables sur le marché. À
notre avis, il ne s’agit pas de savoir si les pertes qui ne sont pas dues à
des défaillances des emprunteurs doivent faire l’objet d’une note ou
être reléguées dans les AERG, mais plutôt si les chiffres sont appuyés
par un audit rigoureux renforçant la plausibilité des fl ux de trésore-
rie attendus. Les premières preuves empiriques vont dans ce sens.
Procyclicalité – premières preuves empiriques
Trois études empiriques récentes commencent à nous renseigner
sur les jugements des investisseurs sur les valeurs comptables
des actifs et des passifs des banques américaines lors de la crise.
Au moyen de régressions transversales, les auteurs ont estimé les
multiples attribués par les actionnaires aux valeurs comptables de
niveaux 1, 2 et 3 pour déterminer le prix des actions des banques au
cours de 2008. Le tableau ci-dessus résume les résultats.
L’une des études couvre l’ensemble de 2008 et montre que les in-
vestisseurs ont évalué en moyenne les actifs et passifs de niveaux 1
et 2 à peu près à leurs valeurs comptables. Les actifs de niveau 3 ont
toutefois subi une forte décote : le cours de l’action ne refl était en
moyenne que 68 % de la valeur portée au bilan. De plus, les passifs
de niveau 3 ont été évalués à plus du double de leurs valeurs comp-
tables, de sorte que, pour chaque dollar de passifs de niveau 3, le
cours de l’action baissait de 2,19 $. Les investisseurs ont donc pris
les valeurs comptables de niveau 3 avec un grain de sel.
Un constat important de l’étude est que là où la gouvernance
était forte, on a relevé des multiples plus élevés pour les actifs et
plus bas pour les passifs, surtout aux niveaux 2 et 3. Les éléments
de gouvernance pris en compte étaient l’indépendance du conseil
d’administration, la présence d’un comité d’audit actif, la structure
de propriété, le contrôle interne et la taille du cabinet d’audit. Les
deux autres études portent sur les multiples d’évaluation en fi n de
trimestre. À la fi n du 1
er
trimestre de 2008, la valeur d’une augmen-
tation de 1 $ de l’actif net de niveau 1 était de 0,81 $ à 0,84 $, et celle
d’une augmentation correspondante des valeurs comptables de
niveaux 2 et 3 était de 0,65 $ à 0,77 $. Certains multiples ont cepen-
dant connu une chute spectaculaire avec l’intensifi cation de la crise,
notamment les actifs de niveau 3, tombés à 0,28 $ au 3
e
trimestre,
alors que le multiple utilisé pour ces actifs dépassait à peine zéro,
sauf pour les banques dont les ratios de capitalisation étaient bons
et qui étaient auditées par l’un des Quatre Grands.
L’une des études, qui porte sur les petites banques cotées sur le
NASDAQ, montre que le multiple pour les actifs de niveau 1 a aug-
menté aux 2e et 3e trimestres. Cela laisse entendre que les investis-
seurs ont pensé que les actifs avaient été trop dépréciés, donc que la
comptabilité avait été légèrement procyclique en précédant, plutôt
qu’en suivant, la détérioration de l’économie. Voici trois ébauches
de conclusion de ces premières études :
1-Si la CJV a un effet procyclique, il ne s’est manifesté que pour les
actifs de niveau 1, dévalués autant que les investisseurs le jugeaient
nécessaire, sinon plus dans le cas des petites banques cotées sur le
NASDAQ. Il s’agissait là d’actifs que les banques étaient susceptibles
de vendre si elles avaient besoin de liquidités. Par contre, les valeurs
des actifs de niveau 3 n’étaient pas assez diminuées. Pour ces actifs,
la comptabilité était en retard sur le cycle économique. Les banques
n’auraient probablement pas pu les vendre pendant la crise.
2-Les investisseurs ont généralement trouvé les valeurs comptables
des actifs de niveau 3 trop élevées, surtout lorsque la crise s’est in-
tensifi ée. Cet écart refl était probablement les délais d’application
des modèles d’évaluation, l’incertitude quant à la juste valeur de
ces actifs et la possibilité, pour les directions, de les surévaluer pour
servir leurs propres fi ns.
3-La qualité des ratios de capitalisation, des auditeurs et de la gou-
vernance a infl ué sur les coeffi cients d’évaluation pour les actifs
de niveaux 2 et 3. L’évaluation en fonction d’un modèle, y compris
le modèle de l’IASB fondé sur les pertes sur prêt, est une méthode
22 CAmagazine mars 2010
Deux études sur les fourchettes d’évaluation Une étude portant sur tous
des multiples portant sur les trimestres de 2008 les trimestres de 2008
(Dollars de cours des actions par dollar d’actifs des trois niveaux de la hiérarchie d’évaluation)
Place dans la hiérarchie T 1 T 2 T 3 Tous les trimestres
Niveau 1
0,81 $ – 0,84 $ 0,64 $ – 1,03 $ 1,01 $ 1 $ pour les actifs, et pour les passifs
Niveau 2
0,77 $ 0,58 $ – 0,63 $ 0,50 $ 1 $ pour les actifs, et pour les passifs
Niveau 3
0,65 $ – 0,71 $ 0,37 $ – 0,42 $ 0,28 $ 0,68 $ pour les actifs;
- 2,19 $ pour les passifs