RePrint Re MEDIZIN & PRAXIS — Plaies Infectées — Un nouveau pansement antibactérien sans agent pharmacologique actif pour le soin des plaies infectées A. Ljungh, T. Wadström © Copyright 2005 by Verlag für MEDIZINISCHEPUBLIKATIONEN Bernd von Hallern Vogelsang 28, 21682 Stade Germany A. Ljungh, T. Wadström A. Ljungh T. Wadström Service de microbiologie médicale, Université de Lund, Suède Un nouveau pansement antibactérien sans agent pharmacologique actif pour le soin des plaies infectées Les infections retardent la cicatrisation. Elles sont provoquées par des microorganismes pathogènes qui pénètrent dans la plaie, s'y multiplient et y produisent des toxines qui agissent à la fois sur les tissus de la plaie, et sur l'organisme dans son ensemble. Les approches thérapeutiques habituelles comprennent l’administration d’une antibiothérapie systémique et d’un traitement antiseptique topique. Les agents actifs utilisés dans ce but peuvent cependant avoir des effets secondaires sur les cellules endogènes. L'action du pansement Cutisorb® Sorbact® en revanche repose sur le principe de l'interaction hydrophobe, et nettoie la plaie par un procédé purement physique sans effets secondaires. Cet article explique le principe de fonctionnement et les différents facteurs intervenant dans la cicatrisation. Infection des plaies et traitement des plaies Après avoir colonisé les tissus, les microbes se multiplient dans la plaie, y provoquent des lésions tissulaires locales dues à la libération de toxines et d'enzymes, et peuvent également se propager à la circulation sanguine. L'organisme humain dispose de multiples mécanismes de défense, notamment le système du complément, la phagocytose, les peptides antimicrobiens (défensines) et d'autres structures du système immunitaire inné. Des anticorps spécifiques dirigés contre les microorganismes peuvent également être mobilisés pour réduire le nombre des germes pathogènes. De nombreuses études ont montré que des numérations tissulaires élevées de microorganismes retardaient la cicatrisation de la plaie. La dose infectieuse est significativement réduite chez les patients atteints de diabète sucré, traités par des corticostéroïdes ou des immunosuppresseurs ou présentant une irrigation sanguine périphérique altérée. La présence de corps étrangers comme des sutures chirurgicales réduit également le niveau infectieux.1 Des numérations bactériennes supérieures à 105 par gramme de tissu par ailleurs sain ont montré une corrélation avec une mauvaise cicatrisation de la plaie et une réduction de la survie des greffons cutanés.2 Par ailleurs, il a été montré, chez les rongeurs, un nombre réduit de bactéries favorisaient le processus de cicatrisation des plaies en stimulant la production d'hydroxyproline de collagène.3, 4 Le traitement initial d'une plaie comprend généralement son nettoyage mécanique avec de l'eau, des solutions tampons ou des antiseptiques pour éliminer les bactéries et les débris.5,6 Cette étape est essentielle dans la mesure où les débris empêchent la cicatrisation de la plaie. L'administration systémique d'antibiotiques est indiquée si des signes d'infection 8 sont présents, ou si les bactéries se sont disséminées dans la circulation sanguine. Des décennies d'expérience ont montré qu'il est souvent recommandé d'éviter l'utilisation d'antibiotiques locaux, en raison du risque d'antibiorésistance. Des problèmes significatifs sont aujourd'hui rencontrés avec un certain nombre de germes pathogènes présents dans les plaies et multirésistants aux antibiotiques, notamment Staphylococcus aureus, Enterococcus spp., Pseudomonas aeruginosa, mais également les staphylocoques coagulase négatifs et les streptocoques. 7-9 Outre la limitation de l'utilisation des antibiotiques aux situations pour lesquelles ils sont clairement indiqués, il existe le besoin d'un procédé nouveau et efficace pour traiter les infections de plaies. Le principe d'hydrophobie offre une approche alternative intéressante au traitement des plaies infectées. Le principe d'hydrophobie et hydrophobicité bactérienne Les lois de la nature imposent qu'un système aura toujours tendance à évoluer vers l'état énergétique le plus bas possible. Lorsque deux molécules ayant la capacité de repousser l'eau (hydrophobes) se rencontrent, les molécules d’eau environnantes les forcent à former l'une avec l'autre des liaisons hydrogène. Bien qu'il n'existe aucune force d'attraction entre les molécules hydrophobes elles-mêmes, elles s'associent par un processus dénommé interaction hydrophobe. Les molécules d'eau expulsées entourent les molécules hydrophobes comme un revêtement, et les maintiennent ensemble (Figure 1).10 De nombreuses études ont montré que les bactéries, notamment Staphylococcus aureus et les streptocoques du groupe A - des germes pathogènes fréquemment présents dans les plaies - et la levure Candida albicans, exprimaient généralement une importante hydrophobicité à leur surface cellulaire.11-14 Cette propriété est d'une importance essentielle pour les micro-organismes dans la mesure où, par exemple, elle leur permet de se lier aux surfaces des substrats nutritifs. Plusieurs structures rendant la surface cellulaire hydrophobe ont été identifiées, notamment les appendices protéiques piliformes, les fimbriae, d'Escherichia coli qui assurent l'adhésion à la paroi intestinale.15,16 D'autres structures hydrophobes sont constituées par l'acide lipoteichoïque de la paroi cellulaire des bactéries Gram positif13 et les protéines de C. albicans qui ont été désignées par le terme « hydrophobines ».17 Hydrophobicité de la surface cellulaire comme trait caractéristique de la virulence La phase initiale des infections de la peau et des muqueuses est caractérisée par l'adhésion microbienne aux tissus traumatisés, assurée par les interactions hydrophobes entre les microbes et les structures tissulaires de l’hôte ou par des interactions de charges électriques. Une méthode simple pour déterminer l'hydrophobicité de la surface cellulaire est le test d'agrégation au sel.18,19 L'utilisation de ce test a permis de montrer que les conditions de croissance influençaient l'expression de l'hydrophobicité de la surface cellulaire : des conditions de culture reproduisant une plaie, c'est-à-dire en présence de sérum et en incubation dans une atmosphère à 5 % de CO2, ont favorisé l'expression de l'hydrophobicité de la surface cellulaire de Staphylococcus aureus, des staphylocoques MEDIZIN & PRAXIS «INFECTED WOUNDS» A. Ljungh T. Wadström Principe de l’hydrophobicité Figure 1 Deux molécules hydrophobes, A et B, entrent en contact et se lient l'une à l'autre par une interaction hydrophobe, entraînant l'expulsion des molécules d'eau (adapté de10). à coagulase négative, d'Escherichia coli, d'Enterobacter cloacae, de Pseudomonas aeruginosa, de Candida albicans et de plusieurs autres espèces bactériennes (Tableau 1).21 Des milieux pauvres en nutriments simulant une situation de carence pour les bactéries au niveau de la peau favorisent l'expression dans différents micro-organismes de molécules qui assurent la médiation de la liaison des protéines de la matrice extracellulaire.22, 23 La méthode Sorbact® Les pansements Cutisorb® Sorbact® reposent sur les propriétés Figure 2 Photographie au microscope électronique de micro-organismes se liant à Cutisorb® Sorbact®, grossissement × 2 000 : Staphylococcus aureus (jaune), Enterococcus faecalis (bleu), Pseudomonas aeruginosa (rose), Klebsiella spp. (vert), et Candida albicans (orange). MEDIZIN & PRAXIS «INFECTED WOUNDS» hydrophobes des germes pathogènes. Ils sont constitués d’une trame acétate ou coton recouverte d'un ester gras (produit par imprégnation avec du chlorure de diacylcarbamoyle (DACC)) qui confère au matériau de fortes propriétés hydrophobes. Dans l'environnement humide d'une plaie exsudative, les micro-organismes adhèrent aux fibres du pansement par interaction hydrophobe et sont éliminés de la plaie lorsque le pansement est changé. Au cours du traitement, Cutisorb® Sorbact® réduit la quantité de microorganismes et crée les conditions pour la mise en œuvre d'un processus naturel de cicatrisation. Figure 3 Staphylococcus aureus (jaune), Pseudomonas aeruginosa (rose) et Klebsiella spp. (vert) adhérant à la surface hydrophobe des fibres de Cutisorb® Sorbact® (grossissement × 15 000). 9 A. Ljungh T. Wadström Tableau 1 Influence des conditions de croissance sur l'expression de l'hydrophobicité de la surface cellulaire de trois bactéries typiques des plaies mesurée par le test d'agrégation au sel (d'après21) Conditions de croissance Sang, O2 Sang, CO2 à 5 % Sang + sérum, CO2 à 5 % Hématine, O2 Hématine, CO2 à 5 % Hématine + sérum, CO2 à 5 % Hydrophobicité de la surface cellulaire (test d'agrégation au sel) Staphylococcus aureus >2 2 1 >2 2 0,5 Escherichia coli >2 2 0,5 2 2 0,25 Pseudomonas aeruginosa >2 >2 1 >2 2 1 Une faible valeur du test d’agrégation au sel correspond à une forte hydrophobicité de la surface cellulaire. L'expression de l'hydrophobicité de la surface cellulaire augmente en présence de sérum dans le milieu de croissance et sous atmosphère de CO2, ce qui est indiqué par les valeurs plus faibles obtenues au test d'agrégation au sel. L'efficacité de cette approche a été démontrée dans plusieurs études. Ce pansement hydrophobe a favorisé la cicatrisation des plaies chez des porcs infectés par Staphylococcus aureus.24 Une étude clinique sur la prévention des infections du cordon ombilical des nouveau-nés a montré des résultats comparables à ceux obtenus avec une désinfection par une solution d'éthanol/chlorhexidine.25 La cicatrisation des plaies chez des patients présentant des infections de plaies provoquées par différents micro-organismes ainsi que la prise des greffons cutanés ont également été améliorées.26-28 L’utilisation de Cutisorb® Sorbact® a réduit le nombre de micro-organismes infectieux à des niveaux inférieurs à ceux altérant ou empêchant le processus de cicatrisation. Il n'élimine pas toutes les bactéries, mais cela s'avère en définitive bénéfique, car il a été montré qu’un faible nombre de micro-organismes stimulait la cicatrisation des plaies.3 Ces résultats indiquent que Cutisorb® Sorbact® peut constituer une alternative à l'utilisation des antibiotiques et des antiseptiques topiques, et par conséquent qu’il a la capacité de réduire le développemnt de micro-organismes antibiorésistants. Références : 01. Wadström T, Ljungh Å (1995) Pathogenesis of wound infections. In: Altmeyer P (ed.) Wound healing and infections. Springer Verlag, Stuttgart 02. Raahave D (1990) Wound contamination correlates with postsurgical infection rates: a new assessment technique. In: Wadström T et al (eds) Pathogenesis of wound and biomaterialassociated infections. Springer Verlag, London, 525-532 03. Laato M, Niinikoski J, Gerdin B (1990) The effect of Staphylococcus aurues bacteria and its products on wound healing. 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