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Agir pour la démocratie
En Allemagne, le « régime d’austérité », inscrit dans la Constitution sous
l’appellation « frein à l’endettement », suit la logique de la légitimité politique
des « contraintes » et, dans les faits, élimine la décision démocratique de la
vie de la communauté. Là où des intérêts économiques sont transformés en
« contraintes » et où, de ce fait, l’alternative démocratique n’existe plus, même
une « légitimation par une procédure » n’a aucun sens parce que le contenu est
déterminé à l’avance. Le transfert de ce modèle à l’Europe entraîne simulta-
nément une « déseuropéisation » : les processus de décision sont organisés au
niveau intergouvernemental, essentiellement entre l’Allemagne et la France ;
les majorités au Conseil européen sont parcellisées, tandis que la Commission
de l’UE, et encore plus le Parlement européen, deviennent spectateurs.
La démocratie économique : un renouvellement stratégique
Après avoir remporté ses premiers succès pour imposer la démocratie po-
litique, le mouvement ouvrier s’est orienté vers la démocratisation des entre-
prises, an que les salariés et leurs représentants puissent disposer de leurs
propres droits institutionnels, de leurs organisations et commissions représen-
tatives, avec des pouvoirs aussi grands que possible. Ce fut – avec des perspec-
tives transformatrices de portée diverse – le programme du mouvement ouvrier
social-démocrate de gauche. Ce « modèle » du transfert de la démocratie « de
la politique vers l’économie » ne fonctionne pas. Premièrement, parce que le
domaine politique lui-même, en évacuant la démocratie, s’est délégitimé. Cela
n’a aucun sens de vouloir généraliser un système politique qui fonctionne de
plus en plus mal, tant au plan de la prise de décision que de la représentation,
et qui est discrédité. Deuxièmement, parce que le système de domination au
niveau de l’entreprise a changé. Dans le fordisme, l’opposition entre le capital
et le travail était présente et devenait évidente dans la pratique des discussions
entre les parties ; l’objectif à atteindre était clair : limiter le pouvoir du capital.
Mais quand ce type de démocratie ne concerne plus que des secteurs de
plus en plus réduits, de nouvelles options émergent. Alors que la stratégie de
xation des frontières visait, en dernière instance, la séparation entre les fonc-
tions du capital et celles du travail et ne contestait pas le fait que, sans chan-
gement du mode de production capitaliste, le droit souverain d’investir restait
du domaine exclusif du capital, aujourd’hui ce droit souverain doit être mis
en question. Là où il n’est plus possible de xer des frontières selon le mode
ancien commence le débat sur le cadre et par conséquent sur la répartition des
investissements, sur les ressources humaines, les budgets, les allocations de
temps, sur la passation des commandes, ainsi que sur les façons de les traiter.
La politique de l’entreprise ne constitue donc plus un domaine réservé du
management mais entre dans le champ de la représentation des intérêts des
salariés.