![](//s1.studylibfr.com/store/data-gzf/80a7e7db4745fd5441eb0ecc1dda9cfb/1/002186423.htmlex.zip/bg5.jpg)
Il n’y a plus désormais à démontrer quel rôle décisif jouent les langues anciennes dans la contribution à la
linguistique indo-européenne. De fait, sans connaissance de la trilogie latin-grec-sanskrit, il demeure vain de prétendre
maîtriser non seulement la cohésion interne du système indo-européen, mais encore l’économie de n’importe quelle
langue de cette famille, ancienne ou moderne. De même, dans une optique plus affinée ou détaillée, la pratique du
latin, du gotique, du vieux-bulgare, devrait s’imposer respectivement à qui prétend s’intéresser à une langue romane,
germanique ou slave par exemple.
Il convient à présent de souligner, non plus dans une perspective scientifique, mais, cette fois, technique, l’intérêt
exceptionnellement formateur que revêt la fréquentation de langues légitimement réputées difficiles. La pratique
synchronique du latin et du grec, à travers l’étude grammaticale et la traduction des textes, nécessite des
connaissances théoriques de morphologie et de syntaxe, dont la richesse peut surprendre, surtout en grec ou en
sanskrit. La structure grammaticale des phrases est souvent (très) complexe, et leurs significations ne sont que
rarement transparentes et immédiates. Tout cela impose un jeu subtil d’analyses combinatoires conciliant données
morphologiques, données syntaxiques et émergence progressive du sens. L’intuition, l’aptitude à formuler des
hypothèses et à interpréter des données y sont largement sollicitées .Par ailleurs, le sens entrevu ne pourra devenir
définitif que par une approche graduelle dans l’attribution rationnelle d’un sémantisme précis à chacun des mots,
difficulté accrue par la polysémie qui caractérise le lexique antique… L’élaboration d’un mot à mot compréhensible,
parfois présenté sous forme de traduction juxtalinéaire, se fondera également sur une critique intrinsèque du texte,
critique à la fois linguistique, culturelle et littéraire, destinée à faire émerger avec certitude et précision, la
signification définitive.
La traduction finale fera appel à des qualités plus littéraires de finesse et de subtilité, dans la mesure où elle se doit
de rester fidèle au texte d’origine dans ses diverses dénotations, connotations ou intentions stylistiques, tout en
recherchant une solution heureuse et élégante, appelée traduction littéraire. Soulignons au passage que cette démarche
ne peut que susciter des compromis souvent difficiles.
La pratique des langues anciennes constitue ainsi un exercice indiscutablement inégalable eu égard à la diversité et
à la complexité des compétences mises en jeu. Elle sollicite la raison, le goût du jeu et du plaisir intellectuels, et, par là
même, se trouve digne de rivaliser en efficacité formatrice avec les activités mathématiques par exemple. En ce sens,
elle est particulièrement susceptible d’effacer le clivage fallacieux et stérile entre disciplines « littéraires » et
disciplines « scientifiques ».
Enfin, la manipulation de langues complexes, où règnent rigueur, précision et pertinence de l’analyse et de la
terminologie, ne peut que préparer utilement à une ouverture sur toutes les autres formations linguistiques. Elle
favorise naturellement le développement des aptitudes à l’analyse intrinsèque des textes, à la maîtrise de la logique
implicite, à la rigueur et à la finesse des commentaires littéraires, à la construction d’argumentations logiques,
convaincantes et persuasives…bref à toutes les diverses modalités et à tous les divers secteurs de la communication
moderne.
B / ILLUSTRATIONS CONCRETES DES OBJETS DE LA
LINGUISTIQUE DIACHRONIQUE ET COMPAREE :
I /EXEMPLES TRAITES DE PHONETIQUE DIACHRONIQUE :
L’objectif de l’analyse va consister à expliciter le mécanisme évolutif de quelques phonèmes à partir de leurs états
initiaux, représentés dans des formes prototypes reconstruites, jusqu’à leurs aboutissements tangibles, attestés dans des
mots issus du lexique des langues historiques.
1.1 Le phonème indo-européen (i.e.) / * bh /, son correspondant latin / f /, conservé en français.
Les mots fr. référer, fertile, transfert, présentent un / f / héritier direct du/ f / latin contenu par exemple dans le
verbe fero « je porte », et lui-même issu d’un / * bh / i.e. (l’astérisque note une forme reconstruite).