morale et modernite : divergence et/ou convergence

Annales FLSH N° 16(2012)
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MORALE ET MODERNITE : DIVERGENCE ET/OU
CONVERGENCE
Par
Pr Jean-Faustin BONGILO Boendy,
FLSH
ABSTRACT
MORAL AND MODERNITY: DIVERGENCE AND CONVERGNCE
In this text: moral and modernity: divergence or convergence, we try
to shed a light on the relationship of compatibility and incompatibility
between the theories of modernity and moral.
In fact, moral in point of view customs, social values and religion
doesn’t work ideas of desacrilization and of efficiency, religion, politics
and all attitude opposite to production and consumption of good.
But the ideas of moral and modernity join together in the synthesis
between the real (custom, traditions, political and social ideas) and the
reasonable.
In short, the two theories must take into account the inseparability
between on the one hand, reality, sciences, technology, production, man
and politics and on the other hand, reason, consciousness, justice, and
governance.
O. INTRODUCTION
La réflexion mise au point, dans ces écrits, vise à examiner la
possibilité de mettre en relation deux concepts, mieux deux idées, celles
de la morale et de la modernité. La morale, que nous élucidons dans la
suite de ce texte, reste un effort dans la recherche « qui nous conduit vers
la sagesse et le Bien » (RUSS, J., 1996, p. 14).
La sagesse, cette culture cumulée qui donne à l’homme la lumière, la
connaissance de mener une vie ordonnée, conduit à la recherche du bien
acceptable par tous. Dans ce cas, la sagesse puise dans l’histoire, les
coutumes, les mœurs et la tradition. La morale sous-tend donc, en
définitive, une certaine idée de conversion ou d’orientation vers une
valeur, vers le bien. Orienter et/ou convertir ne signifie pas autre chose que
prendre en référence quelque chose qui existe déjà comme héritage d’une
autre époque et, pourquoi pas, d’un autre lieu et même d’une autre
communauté.
Nous nous engageons à établir un rapport entre ce concept et celui de
modernité rattaché à une époque essentiellement européenne, qui marque à
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la fois l’histoire et l’émergence de la science et de la technique. On appelle
moderne tantôt ce qui est récent, tantôt ce qui s’adapte à l’évolution des
mœurs. Dans ce cas, il ya risque, sur le plan purement historique, de
confondre moderne-au sens de ce qui est actuel-avec contemporain.
n’est pas notre préoccupation dans cette étude qui a la prétention
d’analyser l’idée de modernité en tant que ce qui est « tourné vers les
temps nouveaux » (Ibidem, p. 135) et, par conséquent, s’oppose au passé.
La principale question soulevée, dans cette étude, est donc celle de
savoir s’il est possible d’établir un rapport, si pas un rapprochement, entre
la morale et la modernité. Pour répondre à cette préoccupation, nous avons
l’obligation méthodologique de fixer la compréhension aussi bien de la
morale que de la modernité. Ainsi, outre ce point introductif, cet article
contient trois points essentiels, à savoir :
- L’idée de morale ;
- L’idée de modernité ;
- Les rapports entre la morale et la modernité.
Ces trois points sont chapeautés par une conclusion dans laquelle se
trouve notre point de vue sur les rapports entre ces deux idées qui sont au
centre des débats parfois houleux entre des grands spécialistes non
seulement en éthique, mais aussi en linguistique, en sociologie et dans bien
d’autres disciplines des sciences humaines.
1. La morale comme idée
Nous le savons, la morale en philosophie, voire même en français, est
la considération du bien, par rapport aux coutumes, aux mœurs, à la
tradition et à la volonté.
Il est essentiellement question de l’idée du bien que l’on peut
concevoir en vue justement d’ordonner la vie dans le but de faire régner la
quiétude et le bien-être au sein de la société. Par rapport à ce point de vue,
il existe plusieurs conceptions de la morale en tant qu’idée mais nous
considérons dans ce texte, trois approches, à savoir l’approche de
l’obligation morale, l’approche de l’obéissance à la loi universelle et celle
de la conscience morale.
1.1. L’approche de l’obligation morale
En considérant la morale sous l’angle de l’obligation morale, nous
voudrions prendre en compte la pression exercée par la société sur les
individus en vue de guider leurs actions ou de les apprécier a posteriori.
Jacqueline Russ (Ibidem, p. 416) voit en l’ « obligation morale » une sorte
de « système d’habitudes exerçant une pression sur notre volonté, pression
d’origine essentiellement sociale ». Dans le langage ordinaire, on n’hésite
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pas à dire : « la morale oblige », pour signifier qu’on n’a pas de choix,
qu’on doit agir selon les principes moraux qui régissent la société à
laquelle l’on appartient.
En d’autres termes, la société, qui est le monde de la vie d’un tel ou
tel individu, exerce sur celui-ci une pression pour prévenir a priori et Juger
a posteriori ses actes. Dans ce contexte, l’obligation morale a comme
fondement les coutumes, les mœurs ou la tradition, la religion ou encore la
règlementation Judiciaire.
Concernant les mœurs, les coutumes et les traditions, même si nous
établissons assez rarement une distinction entre ces termes, elles
présentent pourtant des nuances significatives entre elles. A la base,
considérons les mœurs comme un ensemble des règles d’actions
collectives qui règlementent la conduite de l’homme dans une société
donnée et s’extériorisent dans les institutions (CUVILLIER, A., 1954, p.
228).
La pluralité et la diversité de celles-ci impliquent la pluralité et la
diversité de la conception de la morale et partant, de la considération du
bien et du mal. En peu de mots, retenons ici, à la suite d’Armand
CUVILLIER (1954, p. 180) que la coutume sauve « comme une valeur par
elle-même ».
Au niveau des communautés tribales, poursuit le même auteur
(Ibidem), les coutumes s’érigent en « norme absolue, indiscutée et
indiscutable » et, par conséquent, imposable.
C’est dans ce sens que dans certains cas, elles tendent à se
transformer en ce que l’on appelle « coutume juridique » qui, proche de la
loi, permet de tout Juger (Ibidem).
Quant à la tradition, A. CUVILLIER (ibidem) affirme
qu’elle « implique toujours l’idée… d’une convenance » qui, comme telle,
se transmet à la fois par la parole, les écrits et les actes, spécialement en ce
qui concerne la profession et l’art. Fait ainsi partie des traditions, « la
transmission intellectuelle des croyances, idées, représentations
collectives » (Ibidem).
Il n’est pas, par conséquent faux d’affirmer que les différentes
cérémonies d’initiation, qu’elles soient religieuses, laïques, politiques ou
scientifiques, font partie des traditions, notamment le rite de la
circoncision, du sacrement de l’ordre ou du baptême, de l’intronisation
d’un chef et de la collation des grades académiques.
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Voyons ensuite les normes juridiques et religieuses dans leurs rapports
avec la moralité. Comme développé dans notre communication à la 14e
semaine philosophique de Kisangani (BONGILO BOENDY, J.F., 2012,
pp 213-232), le terme droit est compris dans cette réflexion « comme
pouvoir » au sens positif en tant que pouvoir moral avec un idéal
d’autorisation (« il est permis ou autorisé de ») ; la grève par exemple est
autorisée comme revendication de quelque chose. Au sens négatif, il s’agit
d’un obstacle, d’une interdiction (il ne faut pas empiéter sur le droit
d’autrui, car ce serait lui causer un tort). Compris dans les deux sens, le
droit règlementer, prévient et apprécie les actes à poser et ceux déjà posés.
C’est donc déterminer le bien et le mal par la société.
Par-delà cet ordre social ou naturel, qui fonde et établit la valeur
morale, il y a lieu d’épingler « l’ordre surnaturel » qui établit un lien entre
la moralité et la religion.
En effet, celle-ci Joue un rôle moral dans ce sens que les mœurs ne
sont pas étrangères aux motifs religieux. Nous savons que les
commandements de Dieu et ceux de différentes églises ou religions
exigent à ce que les pratiquants se comportent avec dignité au sein de la
société pour la cohésion et pour une certaine « élévation spirituelle de
l’homme » (CUVILLIER, A. , op. cit. , p. 421). Toute religion est pourvue
d’une morale.
Les dix commandements de Dieu (Ex, 20, 3-17) rentrent dans ce
contexte, dont quatre prônent les devoirs de l’homme envers Dieu et six
déterminent les obligations de l’homme envers ses semblables. Pour ce qui
nous concerne ici, les principes religieux interdisent par exemple le
meurtre, le vol, la convoitise, la destruction des biens, l’adultère et
recommandent le respect pour Dieu. Les appréciations des actes sont
émises par rapport à ces commandements et façonnent la conscience
morale.
En définitive, les mœurs (les coutumes et les traditions), la justice et la
religion constituent un ensemble de garde-fous et une pression de la
société sur l’homme en vue de réguler son comportement.
1.2. Approche d’obéissance à la loi universelle
C’est pour échapper au relativisme et à ce qu’il implique que certains
auteurs, notamment E. Kant, ont souligné l’importance et la nécessité
d’une loi universelle en matière de morale. Pour y parvenir, il est
important de donner suite à cette interrogation capitale : « que dois-je
faire ? » La réponse se formule de la manière suivante : « Toute prétention
au bien doit se soumettre à l’obéissance à la loi universelle » dictée par la
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raison. A cette question, la réponse est que je ne peux que faire ou
accomplir mon devoir moral.
Dans son fondement de la métaphysique des mœurs, KANT, E.,
présente cette formule comme une interprétation rationaliste du devoir qui
prône la transcendance de la Raison par rapport aux mobiles empiriques
(N.P.P.A., p.293).
Face aux conflits, d’ailleurs inévitables, en l’homme, entre la
représentation de la loi et les mobiles empiriques, la loi morale doit
prendre « la forme d’un impératif », d’un « commandement » ou encore
d’une « contrainte ». Le devoir moral ou mieux, l’impératif moral, est
pour Kant, un « impératif catégorique » qu’aucune condition empirique ou
sentimentale ne peut entraver.
Une telle loi est purement formelle ou intentionnelle. C’est pourquoi
Kant la veut universelle, respectueuse de la personne porteuse de la Raison
placée à la fin de l’action et jouissant de l’autonomie. Cette loi, toute
personne raisonnable se l’impose en devenant législateur et sujet auquel
s’applique la loi en même temps. Le danger d’une telle conception est que
si la transcendance signifie isoler le sujet et la raison, l’impératif serait fort
bien un non-sens par rapport à la nature humaine.
En effet, « l’obéissance à la loi universelle » de la raison, en tant
qu’effort pour établir un « principe suprême de moralité », est en fait la
disponibilisation des principes a priori des devoirs et de la conduite
(RUSS, J., op. cit., p. 262 et 248).
Or, il est difficile d’imaginer la possibilité d’existence d’une raison
absolue qui établirait des principes a priori et qui ferait absolument fi aux
conditions concrètes de la vie et aux sentiments. Car il ne s’agit pas d’une
personne imaginaire, voire fictive qui fait une expérience morale mais bien
un agent concret, situé dans l’espace et dans le temps.
Ce point de vue rejoint celui d’Alain RENAUT qui, selon le
commentaire de J.F. BONGILO BOENDY (2009, p. 193), pense que « la
raison est une autorité absolue et libre » qui proclame « son autonomie et
se rattache à un idéal » qu’elle se fixe.
On peut également lire avec bonheur l’intéressant ouvrage de C.
Larmore et A. Renaut pour plus de détails (LARMORE C & RENAUT A.,
2004). Au lieu d’aller si loin en proclamant le primat, voire la
transcendance de la raison, l’on devrait se limiter à attribuer à la raison ce
qu’elle est, ce qu’on lui a toujours reconnu, à savoir « la faculté d’ordre »
dans la vie morale. En d’autres termes, à établir l’ordre, la cohérence,
l’intelligibilité, pour éviter l’inconséquence dans le comportement. Saint
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