Annales FLSH N° 16(2012)
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raison. A cette question, la réponse est que je ne peux que faire ou
accomplir mon devoir moral.
Dans son fondement de la métaphysique des mœurs, KANT, E.,
présente cette formule comme une interprétation rationaliste du devoir qui
prône la transcendance de la Raison par rapport aux mobiles empiriques
(N.P.P.A., p.293).
Face aux conflits, d’ailleurs inévitables, en l’homme, entre la
représentation de la loi et les mobiles empiriques, la loi morale doit
prendre « la forme d’un impératif », d’un « commandement » ou encore
d’une « contrainte ». Le devoir moral ou mieux, l’impératif moral, est
pour Kant, un « impératif catégorique » qu’aucune condition empirique ou
sentimentale ne peut entraver.
Une telle loi est purement formelle ou intentionnelle. C’est pourquoi
Kant la veut universelle, respectueuse de la personne porteuse de la Raison
placée à la fin de l’action et jouissant de l’autonomie. Cette loi, toute
personne raisonnable se l’impose en devenant législateur et sujet auquel
s’applique la loi en même temps. Le danger d’une telle conception est que
si la transcendance signifie isoler le sujet et la raison, l’impératif serait fort
bien un non-sens par rapport à la nature humaine.
En effet, « l’obéissance à la loi universelle » de la raison, en tant
qu’effort pour établir un « principe suprême de moralité », est en fait la
disponibilisation des principes a priori des devoirs et de la conduite
(RUSS, J., op. cit., p. 262 et 248).
Or, il est difficile d’imaginer la possibilité d’existence d’une raison
absolue qui établirait des principes a priori et qui ferait absolument fi aux
conditions concrètes de la vie et aux sentiments. Car il ne s’agit pas d’une
personne imaginaire, voire fictive qui fait une expérience morale mais bien
un agent concret, situé dans l’espace et dans le temps.
Ce point de vue rejoint celui d’Alain RENAUT qui, selon le
commentaire de J.F. BONGILO BOENDY (2009, p. 193), pense que « la
raison est une autorité absolue et libre » qui proclame « son autonomie et
se rattache à un idéal » qu’elle se fixe.
On peut également lire avec bonheur l’intéressant ouvrage de C.
Larmore et A. Renaut pour plus de détails (LARMORE C & RENAUT A.,
2004). Au lieu d’aller si loin en proclamant le primat, voire la
transcendance de la raison, l’on devrait se limiter à attribuer à la raison ce
qu’elle est, ce qu’on lui a toujours reconnu, à savoir « la faculté d’ordre »
dans la vie morale. En d’autres termes, à établir l’ordre, la cohérence,
l’intelligibilité, pour éviter l’inconséquence dans le comportement. Saint