Anna s'ouvre enfin aux sentiments : elle confie que le spectacle lui apprend à s'exprimer et « à vivre » (l. 32). Le jeune héros baudelairien ne tarit pas de comparatifs : les comédiens sont « plus beaux », « mieux habillés », les femmes en particulier sont « plus belles » et « plus grandes » que dans le monde réel : pour lui, le théâtre magnifie le réel. Même fascination chez le narrateur du texte c, mais pour une raison diamétralement opposée : le plaisir voyeur de pénéter dans l'univers d'autrui « des hommes en train de vivre chez eux un jour de leur vie » . Questions a) Les ressemblances entre les trois textes : ● Les situations sont identiques Il s'agit à chaque fois d'un premier contact avec le théâtre Anna confesse que « cet amusement [lui] avait toujours été interdit »; Chez Baudelaire, la réplique de l'enfant, en soulignant sa passivité initiale (« Hier on m'a mené au théâtre ») trahit le néophyte; enfin, le chapeau qui précède le texte de Marcel Proust révèle explicitement que le narrateur « va pour la première fois au théâtre ». – Ce contact s'opère par le biais d'un spectacle tragique ou dramatique Anna évoque explicitement trois drames shakespeariens ; Baudelaire évoque des « poignard[s] » et des comédiennes à « l'air terrible » ; le « lever de rideau » comique du texte de Proust n'est qu'un bref intermède. – ● Ils sont tous les trois d'une très vive sensibilité Anna s'exprime constamment à l'aide de tournure hyperboliques et exaltées : « tout mon sang reflua dans mon coeur », « mon âme tout entière passa dans mes yeux » ; le jeune garçon, dans la simplicité de son expression, révèle une même émotion : « Ah! C'est bien beau! »; enfin, le héros proustien conçoit de la crainte, de la « peur », face aux réactions du public. – Leur expérience est celle d'une communion avec la scène mais pas avec le public Si le public est absent des textes a et b, il est carrément menaçant chez Proust, où le narrateur le qualifie de « brutes trépignantes ». – Les personnages se ressemblent Ils sont jeunes tous les trois au moment de la découverte Ainsi, Anna sort d'un « pensionnat sévère » et se trouve sous l'autorité d'un « tuteur » ; le héros de Baudelaire fait partie d'un groupe de « quatre beaux enfants » ; le paratexte nous révèle que le personnage de Proust est « adolescent ». – Ils éprouvent les uns et les autres un sentiment de malaise Anna souffre des « lumières » et de « [l']atmosphère chaude et embaumée » ; le jeune garçon avoue qu'il « a peur » et « envie de pleurer »; le narrateur proustien s'avoue « effrayé ». – – Le spectacle les fascine 1/7 ponctuation très particulière du passage, l'abondance des points de suspension, met en évidence ce « premier sentiment presque douloureux » évoqué par Anna, sentiment renforcé par l'hyperbole « tout mon sang reflua vers mon coeur ». Enfin, l'examen des sujets des verbes, de la ligne 8 à la ligne 10, révèle la discrétion du pronom « je » et, partant, la passivité de l'héroïne. Commentaire La pièce d'Alexandre Dumas Sous-titrée Désordre et génie, cette pièce de théâtre est basée sur la vie du très réel Edmond Kean, génial comédien britannique (1787-1833) qui connut une immense popularité en tant qu'acteur shakespearien. La stupeur elle s'exprime à son tour au moyen d'une hyperbole : « je restai muette et immobile comme la statue de l'étonnement ». Cette métaphore sera relayée par la suite aun moyen d'une anaphore au rythme ternaire : « je n'avais point respiré, je n'avais point parlé, je n'avais point applaudi », laquelle traduit une atonie qui n'est plus que de façade, comme en témoigne l'antithèse qui suit, où s'équilibrent et s'opposent deux couples d'adjectifs : « toujours froide et silencieuse, mais déjà ranimée et vivante au coeur. » (l. 18) Qu'est-ce qui provoque cette stupeur ? Essentiellement la voix, le discours. De la ligne 11 à la ligne 14, dix termes évoquent le sens de l'audition 1 contre deux seulement consacrés à la vue. – Elle met donc en scène la vie de ce dernier, qui d'une part est adulé par le public et recherché par la bonne société anglaise - jusqu'au prince de Galles qui affecte de le traiter en ami - et qui d'autre part se sent éternellement marginal et exclu. [...] Kean fait beaucoup penser à Dumas lui-même : comme l'acteur, l'écrivain s'est fait tout seul, a connu la gloire universelle, la fortune instantanée, l'amitié des grands de ce monde. Mais comme Kean, Dumas n'a jamais été pris au sérieux ... source: http://www.dumaspere.com Le bonheur Il se concrétise à partir du moment où Anna est capable de communiquer ses émotions, soit par la gestuelle « mes mains battirent, ma bouche applaudit » soit par la voix : « je pouvais parler, déjà, je pouvais dire... ». Tout naturellement, c'est la métaphore du jaillissement qui s'impose ici : « toutes les sensations amassées ... jaillirent à la fois de mon coeur trop plein... mes larmes coulèrent. » Semblable au jeune enfant du texte de Baudelaire, mais avec bien plus de moyens, Anna peut laisser libre cours à son enthousiasme dans deux séries de gradations soutenues à la fois par le jeu des anaphores et par la ponctuation, très saccadée : elle évoque ainsi « le même ravissement... le même bonheur... la même extase...» (l. 20) ou affirme avec feu « c'est beau ! ... c'est grand!.. c'est sublime!... » (l. 21) – a) Comment se traduit l'émotion d'Anna? L'émotion d'Anna prend trois formes successives, rythmées par les trois représentations auxquelles assiste la jeune femme : cette émotion se traduit d'abord par une oppression, puis par de la stupeur avant de s'épanouir en bonheur radieux. L'oppression Elle prend un tour paradoxal dans la mesure où des termes à connotation ordinairement laudative comme « lumière », « « chaude » et « embaumée » sont ici détournées pour évoquer une sensation de malaise. Par ailleurs, la – 1 Voix (2x), vibra, mélodieux, entendu, paroles, prononcer, oreilles, muette, j'écoutai 2/7 b) Quels pouvoirs du théâtre cet extrait met-il en valeur ? en juger. Entretemps, le théâtre a réagi comme un révélateur, par la faculté qu'il a de concentrer les sentiments, comme le résume cette phrase où les ellipses et le rythme ternaire traduisent la vivacité du processus : « Roméo m'avait fait connaître l'amour, Othello la jalousie, Hamlet le désespoir. » Par empathie, par identification, « l'âme de l'acteur » est venue remplir un « vide » (l. 30) renforcé dans la dernière tirade par la répétition anaphorique de la préposition « sans » : « Je languissais sans force, sans désir, sans espoir ». Le miracle vient d'opérer. L'art peut guérir ce contre quoi « toute science échoue ». Deux aspects sont à prendre en compte : le théâtre magnifie le réel et il apprend à vivre. Le théâtre magnifie le réel C'est ce que suggère l'expression « palais de féeries et d'enchantements » de la ligne 24. Contrairement au héros proustien du texte c, la jeune femme cherche visiblement dans le théâtre non pas une référence au quotidien mais quelque chose qui soit de l'ordre du surnaturel, ou, du moins, de l'inouï : Anna entend des « vers mélodieux comme jamais [elle] n'en avait entendu... des paroles d'amour comme jamais [elle] n'aurait cru... » (lignes 12 et 13). Ici, la répétition de l'adverbe « jamais » met en relief le caractère exceptionnel de ces représentations. Dans la relation même qu'elle fait de son expérience, Anna oublie la présence de son interlocuteur, qui, par trois fois, s'acharne vainement à la ramener à la réalité : « Et qui jouait Roméo ? » , « Et qui jouait Othello ? » « Et qui jouait Hamlet, Anna ? » – CONCLUSION : L'intérêt de ce fragment de scène est multiple: Le théâtre apprend à vivre C'est un bouleversement total que vit la jeune femme. Total, parce qu'il concerne son « être » (lignes 12 et 30), son « coeur » (lignes 18 et 27 ), son « âme » (lignes 13, 30 et 31), total aussi par son intensité, sensible dans le jeu des hyperboles : qu'on se réfère à « Tout mon être tressaillit » (l. 12) – on remarquera en passant l'allitération – ou bien encore à « mon âme tout(e) entière passa dans mes yeux et dans mes oreilles » (l. 14). Si l'on regarde attentivement le texte, on voit combien l'exclamation finale d'Anna (« je commençai seulement de ce jour à respirer, à sentir, à vivre! ») constitue un écho à la résignation des lignes 7 et 8 où elle avoue avoir chargé naguère « les personnes qui [l']accompagnaient de sentir, de penser, de vivre pour [elle] ». Symboliquement, c'est le thème de la respiration qui sous-tend ce parcours vers une renaissance. Qu'on se reporte aux lignes 9, 11, 17 et 31 pour – sur le plan psychologique, il révèle le cheminement d'Anna et explique sa fascination pour le théâtre – sur le plan dramatique, il peut préluder à un rapprochement entre le comédien Kean et la jeune femme férue de drames shakespeariens – sur le plan littéraire il met en valeur deux caractéristiques du Romantisme : – 1. Le héros romantique est souvent un être malheureux, atteint de ce que Musset a nommé « le mal du siècle » et que l'héroïne de Dumas définit ainsi : « Je ne désirais rien, je n'espérais rien, je n'aimais rien ». Cela ne l'empêche pas de se révéler – comme Anna – un être d'une sensibilité très vive, voire maladive. 2. Par réaction contre le goût classique, le Romantisme témoignera sans cesse de son intérêt pour les drames de Shakespeare et fera du théâtre le fer de lance de son action. 3/7 rêver un instant le public pour qu'il oublie ses soucis. Souvent critiquée, cette modeste fonction, fondée essentiellement sur l'émotion ressentie par le spectateur, a prouvé son efficacité. Dissertation Quelles émotions et quelles réactions le théâtre cherche-t-il à provoquer chez le spectateur? 1er exemple : le vaudeville, « comédie sans prétentions psychologiques ni morales, fondée sur un comique de situations, d'intrigues et de quiproquos. » (TLF) Le succès non démenti des pièces de Feydeau ou de Labiche depuis le XIXe siècle témoigne de la persistance d'un vaste public d'amateurs qui n'est certes pas plus méprisable qu'un autre! Plus largement, le rire est l'une des émotions que le théâtre cherche en priorité à nous transmettre, et les plus grands auteurs, Shakespeare et Molière en tête, n'ont pas dédaigné de s'y essayer. Il s'agit ici d'un canevas : une véritable dissertation demanderait qu'on supprime les intertitres et qu'on instaure des transitions. Par ailleurs, le plan fonctionne sous la forme thèse-antithèse. La synthèse – toujours difficile à faire – se trouve dans la conclusion, mais on pourrait bien sûr envisager une troisième partie autonome. 2e exemple : le metteur en scène Robert Hossein s'est fait depuis des années le spécialiste des productions théâtrales à grand spectacle. Dernière en date, BenHur n'a pas failli à la règle l'année dernière : plus de 300 comédiens et figurants, un budget de 13 millions d'euros ! Des esprits chagrins regretteront peut-être le tour spectaculaire de ce qu'on peut qualifier de « show », mais à l'heure où le cinéma vole tant de spectateurs au théâtre, est-il vraiment opportun de faire la fine bouche ? Et de quel droit mépriser la culture populaire ? INTRODUCTION Les textes a et b du corpus ont ceci en commun qu'ils défendent implicitement une conception identique du théâtre : il serait destiné à distraire par le spectacle d'une vie plus grande et plus belle, ainsi qu'à éduquer par la contagion de l'exemple. Distraire, éduquer : voilà deux fonctions que se propose donc le théâtre, soucieux à la fois d'émouvoir et de faire réagir le spectateur. Mais laquelle de ces deux fonctions l'emporte sur l'autre ? II. Antithèse : la fonction du théâtre est d'éduquer I. Thèse : le théâtre est fait pour distraire Les censeurs les plus sévères assignent pour leur part deux buts pédagogiques au théâtre : réformer nos moeurs, éveiller nos consciences. On peut considérer le théâtre comme un divertissement, au sens banal ou au sens pascalien2 du terme, dont l'essentiel et modeste talent consisterait à faire – Réformer nos moeurs 1er exemple : Molière n'a jamais caché son souhait d'améliorer les hommes. Il avait fait sienne la devise castigat ridando mores (il corrige en riant les moeurs). En peignant des personnages excessifs, des comédies comme l'Avare 2 Selon Blaise Pascal (1623-1662), l'homme cherche constamment à se détourner de son néant et de sa condition misérable en se jetant à corps perdu dans la première occupation venue – y compris le travail. 4/7 2e exemple : le théâtre engagé de Brecht (1898-1956) Tournant le dos à toute possibilité d'identification, le théâtre de l'Allemand Bertolt Brecht souhaite entretenir chez le spectateur un « effet de distanciation » qui l'amènera à réfléchir à ce qu'il voit. Au metteur en scène d'imaginer les moyens de concrétiser cet effet. ou le Tartuffe étaient censées détourner les gens des défauts qui y étaient tournés en ridicule. 2e exemple : La tragédie, à l'époque classique, est censée susciter « la terreur et la pitié ». Le but avoué est, reprenant en cela Aristote3, de provoquer une catharsis, c'est-à-dire de se purifier de ses passions, et ainsi devenir meilleur. Le problème est que nul ne se croit atteint des maux dénoncés sur scène par la tragédie et la comédie. Or, comment se guérir d'un mal dont on ne se croit pas atteint ? Mais il y a pire... Dans le texte c du corpus, Proust souligne fort justement le voyeurisme du spectateur : or, quel bien peut-on attendre d'une activité qui encourage un tel vice ? Quant à la valeur cathartique des spectacles violents, elle sera débattue encore longtemps... – CONCLUSION Faut-il donc prôner un théâtre didactique ou se cantonner au théâtre de divertissement ? D'un côté, un spectacle qui n'est que divertissement devient vite inconsistant. D'un autre côté, la valeur édifiante du spectacle théâtral est, on l'a vu, assez mince. Quant à sa valeur pédagogique, on pourrait la penser ennuyeuse : le théâtre est cher ; faut-il en plus subir une assommante leçon de morale ou de militantisme politique ? Eveiller nos consciences L'idée est de faire comprendre au spectateur que ce qu'il voit n'est qu'un tissu d'apparences, une mascarade dont le sens est ailleurs. De lui, on n'attend pas nécessairement une émotion, mais une réaction. La solution nous vient de Brecht lui-même : «Un théâtre où on ne rit pas, dit-il, est un théâtre dont on doit rire.» Voilà le didactique réconcilié avec le divertissement dans une phrase pleine de bon sens. « Le secret est d' abord de plaire et de toucher » affirme Boileau : le théâtre, c'est avant tout des émotions, des larmes, du rire. Le reste vient après. Le spectateur prendra ce qu'il pourra, selon son propre degré de subtilité et ses aptitudes à la réflexion. Shakespeare et Molière, en dépit de leur talent, ne se sont jamais prétendus élitistes... 1er exemple : le théâtre de la cruauté d'Antonin Artaud4 Dans Le théâtre et sont double, Artaud dit ceci : « Nous ne sommes pas libres. Et le ciel peut encore nous tomber sur la tête. Et le théâtre est fait pour nous apprendre tout cela. » Loin de nous divertir, le théâtre nous remet sous les yeux notre humaine et cruelle condition et nous fait réfléchir au sens de notre existence. 3 Aristote (384-322 av. J.-C.) Philosophe et savant grec, précepteur du futur Alexandre le Grand. Son influence sur la pensée occidentale est considérable. 4 Artaud (1896-1948) poète, comédien et théoricien du théâtre, a joué un rôle très important dans l'évolution du théâtre moderne. 5/7 contrariées de Rodrigue et Chimène – pas la chanteuse, l'autre... « Ah! J'oubliais, a lancé le prof : j'aurais besoin de quelques volontaires pour interviewer le metteur en scène à l'issue du spectacle... Et attendez-vous à une représentation assez ... originale!» Et c'est ainsi que votre serviteur s'est retrouvé, à 23h07, des étoiles plein les yeux, en compagnie d'une dizaine de personnes, face au magicien de la soirée... Invention Vous venez d'assister à la représentation théâtrale d'une pièce que vous avez aimée. Vous décidez alors de faire part de votre enthousiasme au metteur en scène qui, après le spectacle, a accepté de s'entretenir avec le public au sujet de son travail, du jeu des comédiens... C'est Solange qui a pris la parole la première. Toujours précise et vindicative, Solange... Votre devoir peut prendre la forme d'un discours ou d'un dialogue. _ Monsieur Rogero, n'avez-vous pas eu l'impression de trahir l'esprit de Corneille en préférant la version de sa pièce la plus ancienne ? L'esprit de Corneille... Pimbêche! On souhaite proposer ici des pistes pour le travail d'invention et non un devoir complet. Le texte ci-dessous, pour rendre le devoir plus réaliste, s'inspire d'une mise en scène tout à fait particulière du Cid par Laurent Rogero et le groupe Anamorphose. On trouvera un compte-rendu de leur travail en cliquant sur le logo ci-contre, et une critique de leur spectacle en annexe ci-dessous. Les arguments qui leur sont empruntés figurent en rouge . Le reste est pure invention. _ Absolument pas, Mademoiselle. Je souhaite monter le Cid dans sa version de 1637, le Cid que Corneille écrivit à l’âge de 31 ans et qui eut tant de succès qu’il fit scandale - un scandale qui explique en partie les corrections que l’auteur fit de sa pièce jusqu’en 1660 pour aboutir à la version qui fait ordinairement référence. J'aime le théâtre qui vit, qui crée, qui invente! _Comme le jeune Corneille! Les mots m'ont échappé : Laurent Rogero se tourne vers moi avec curiosité et me fait un signe, comme pour m'inviter à poursuivre. Je souris : _ Je suppose que vous n'avez pas non plus demandé à Corneille l'autorisation de faire cohabiter des marionnettes et des comédiens... Le prof de français nous a dit comme ça : « Bon, on va étudier le Cid de Corneille – pas le chanteur, l'autre... » Toujours pince-sans-rire, le père Vaucanson! Et il a ajouté : « ...et on ira voir la pièce! ». « Alors, on n'est peutêtre pas obligé de lire le livre... », a risqué Julien. Le regard meurtrier du père Vaucanson l'a dissuadé de poser d'autres questions... On voyait bien tout de même que ça l'embêtait, le Julien, de se pastiller l'histoire des amours _ Vous avez raison, dit-il en riant. Mais vous avez compris, je pense, ma démarche. Mon spectacle tire sa force de la convention, il ne cherche pas à rendre "réalistes" ou encore "crédibles" des personnages qui sont si loin de 6/7 nous. D’ailleurs, qui peut croire de nos jours qu’un père, vexé par une gifle, envoie son propre fils inexpérimenté se faire démolir par un vétéran pour sauver son honneur ? Il s’agit de rendre sa liberté à l’imagination du spectateur, en développant la suggestion. _ Mais, monsieur, et la tradition scénique française? Allons bon, revoilà ma Solange qui monte au créneau! _ Mademoiselle, si vous voulez parler de tradition, parlons-en : les marionnettes appartiennent une tradition! Les tréteaux sur lesquels vous avez vu jouer les comédiens appartiennent à une tradition ! Ce théâtre doit piller, avec joie et sans complexe, les traditions théâtrales qui parient sur l’émerveillement des spectateurs : s’émouvoir des grandes passions et jubiler au spectacle d’acteurs qui, comme des enfants, jouent les héros. Je profite du silence embarrassé de Solange pour reprendre l'initiative : _ Vous évoquez beaucoup la liberté et le plaisir des spectateurs. Quels rapports entretenez-vous avec vos comédiens ? _ vous voulez savoir si j'ai le souci de leur propre liberté ? La réponse est oui. Vous voulez savoir si j'ai le souci de leur propre plaisir ? La réponse est encore oui. Le théâtre met en jeu quatre partenaires : l'auteur, le metteur en scène, le comédien et le public. Je ne conçois pas un instant que l'un puisse prendre le pas sur l'autre.... 7/7