Comment pose-t-on la question en français populaire
?
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Introduction
Quand on parle des variantes du français qui sont parlées par certains groupes ou par des classes sociales
particulières, on utilise le terme sociolecte. Le sociolecte que nous allons analyser dans ce mémoire est le
français populaire, ou bien, en d'autres termes, un emploi non standard du français.
Dans le passé, le français populaire était souvent condamné à être un français “mal parlé” dont feraient usage
les couches sociales défavorisées de la population. Aussi, le français populaire était-il souvent désigné par les
notions «populaire», «parler racaille» ou «caillera» (cf. Gadet 2002). Cependant, cette opinion s’est avérée
ne pas être juste, parce qu’il ne s’agit pas d’un français mal appliqué, mais justement d’une autre variante
linguistique du français qui constitue un “ensemble homogène” (cf. Gadet: 1992: 3). Il est alors possible de
dresser un inventaire des formes grammaticales, lexicales, phonologiques, etc. qui ont évolué de façon
indépendante de la norme et qui sont caractéristiques du français populaire. Cet ensemble homogène peut
alors être qualifié de populaire.
Plusieurs linguistes ont déjà tenté de décrire de façon adéquate les traits syntaxiques et sémantiques
du français populaire tel qu’il a évolué jusqu’à présent. Vu le fait que le français populaire ne se trouve pas
dans les grammaires traditionnelles, il leur a fallu avoir recours à des corpus dans lesquels on fait usage de la
langue populaire. Comme le français populaire était souvent considéré comme un langage parlé et non pas
comme un langage écrit, il n'était pas courant de l’utiliser dans la littérature. Pourtant, le langage populaire
est introduit dans l'oeuvre de l'auteur Céline comme étant non seulement un langage oral mais comme un
langage écrit aussi. C'est pour ces raisons que le roman Voyage au bout de la nuit (1932), dans lequel le
narrateur utilise la langue populaire, a été très utile aux linguistes.
A part du lexique populaire on y trouve beaucoup de phénomènes qui sont caractéristiques du
français populaire, comme l’absence du ne de la négation ou par exemple le dédoublement du sujet
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. Ainsi,
la façon dont on pose la question en langue populaire est un des traits qui distingue nettement le français
populaire du français standard. La phrase (1) est un exemple de l’interrogation populaire:
(1) Quand c’est-ce que c’est qu’il a dit ça? Gadet (1992: 19)
C’est justement ce phénomène de l’interrogation en français populaire qui nous intéressera dans ce mémoire,
une interrogation, qui, comme nous le verrons, diffère beaucoup par rapport à celle du français standard. Le
but du mémoire sera de trouver une réponse à la question suivante: Comment l’interrogation du français
populaire se construit-elle et quelles sont les différences avec le français standard? Ainsi, nous pouvons
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Voir Bauche (1951), Gadet (1992), Guiraud (1965) pour une présentation et une description précises des traits
syntaxiques du français populaire.