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RÉSUMÉ
Notre contribution présente les éléments caractéristiques de l’interprétation deleuzienne de
la métaphysique de Baruch Spinoza effectuée dans Spinoza et le problème de l'expression et
montre quels prolongements elle trouve dans les travaux suivants de Gilles Deleuze que sont
Différence et répétition et Logique du sens. Pour bien comprendre le contexte et la particularité
de l’interprétation deleuzienne du spinozisme, nous nous intéressons dans un premier temps à
l'interprétation qu'en a offerte Martial Gueroult à la même époque dans Spinoza. I, Dieu (Éthique
I). Nous accordons alors une attention particulière à sa lecture des premières propositions de
l'Éthique et ainsi à sa thèse de l'existence d'une infinité de substances-attribut réellement
distinctes et constitutives d'une Substance absolument infinie, c'est-à-dire Dieu ou l'ens
realissimum. Nous nous attardons ensuite à la lecture expressionniste de Deleuze qui aborde
directement le problème de l’unité de la substance et de la diversité des attributs en posant la
question du type de distinction qui s'applique à l'absolu, question qui est au centre de la
problématique de la relation de l'un et du multiple. Pour Deleuze, c'est l'univocité des attributs qui
permet d’expliquer l’unité de la diversité des attributs dans la Substance de telle sorte que pour ce
dernier, comme pour Gueroult, Dieu est unité d'un divers. Finalement, nous considérons que
Deleuze s’approprie le maillage conceptuel qu’il dégage de l’expressionnisme de Spinoza et qu'il
s’engage dans un travail de perfectionnement de celui-ci qui constitue selon nous une quête de
l’univocité qui le mène au fondement d’une véritable ontologie univoque. Cette réappropriation
qui passe par un aplanissement du spinozisme implique des déplacements que nous proposons
d’aborder à partir de trois éléments clefs de sa lecture de Spinoza, soit sa conceptualisation de
l'essence de mode comme degré intrinsèque d’intensité, l’assimilation de la distinction réelle à
une distinction formelle et, dans un cadre plus général, la conception génétique de Dieu présentée
dans les premières propositions de l’Éthique. Dans chacun des cas, nous relions la lecture
deleuzienne et les prolongements qu'elle trouve dans ses travaux avec l’interprétation que
propose Gueroult dans le premier volume qu’il dédie à Spinoza. En définitive, c'est
principalement deux aspects de la métaphysique deleuzienne qui sont traités, soit la multiplicité
substantive et la synthèse disjonctive, en montrant comment la logique de la distinction,
l’univocité de l’être ainsi que l’immanence de l’un et du multiple sont intimement interreliées par
l’expressionnisme qui permet conséquemment d'aboutir à la fameuse formule pluralisme =
monisme.
MOTS CLÉS
Deleuze, Spinoza, Gueroult, Expressionnisme, Dieu, monisme, pluralisme, synthèse disjonctive,
multiplicité substantive.