RÉSUMÉ
L dAlbert Laberge, écrivain canadien-français de la première
moitié du XXe siècle, a fait lobjet de nombreuses études sur le plan thématique.
Considéré comme le premier auteur naturaliste du Québec et comme un
représentant de lanti-terroir, Laberge a retenu lattention des critiques pour son
humour noir et ses histoires sordides savamment mises en scène.
Toutefois, bien que les critiques reconnaissent la valeur de l
labergienne, ils ressentent un véritable malaise par rapport à la manière dont elle
est écrite. Laberge, comme la plupart de ses contemporains, introduit une langue
oralisée dans ses textes. Cependant, contrairement aux autres écrivains de son
époque, il ne limite pas lemploi de loralité aux dialogues; il utilise la langue
oralisée dans la narration de ses textes, sans employer de guillemets ou ditalique
pour marquer lemprunt de termes de registres populaires. Cette mise en contact
de la langue normative et de la langue oralisée a été vue par les critiques comme
une faute de langue et, en conséquence, Laberge fut qualifié dauteur mineur. Il
sera perçu comme un écrivain ne sachant pas réellement maîtriser les codes
langagiers propres à son métier.
Létude de lintroduction de la langue oralisée dans La Scouine et dans les
nouvelles labergiennes indique au contraire que Laberge effectuait un travail
stylistique constant et approfondi. Lanalyse formelle de l
quelle fonctionne comme un récit oralisé (concept développé par Jérôme Meizoz)
et quelle comporte de nombreuses constructions hybrides (notion empruntée à
Mikhaïl Bakhtine).
Cette relecture de l labergienne dun point de vue formel et
linguistique permet de situer Laberge comme lun des premiers écrivains
québécois de loralité.