` acacia~ , compagnon d`e`xode`

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l~’ acacia~, compagnon d’e`xode`
V``
L’Arche d’alliance
est apportée à
Jérusalem par le
roi David. Elle
est construite
entièrement en bois
d’acacia selon les
instructions divines.
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ers l’an 1250 av. J.-C., le peuple d’Israël secoue les chaînes
qui le retiennent esclave en Égypte depuis plus de quatre
siècles. Dans les pas de Moïse, il part pour quarante années
d’exode à travers le désert du Sinaï, avec l’espoir d’arriver un jour à
la Terre promise, au pays de Canaan. Dans cette errance, les Hébreux
s’égarent notamment à adorer un veau d’or. Dieu fait alors appel à
Moïse pour les remettre dans le droit chemin. Au sommet du Sinaï,
il parle au vieux patriarche et lui indique comment bâtir un lieu sacré
où il viendra retrouver son peuple. Ce sera la Tente de la rencontre,
ou Tabernacle, un sanctuaire de bois et de toile adapté à la vie nomade. Les indications divines, extrêmement précises, occupent deux
chapitres entiers du livre de l’Exode et l’acacia, cité 26 fois, y joue
un rôle fondamental. « On fera une arche de bois d’acacia, de deux
coudées et demie de longueur, d’une coudée et demie de largeur et
d’une coudée et demie de
hauteur […]. Tu feras des
barres de bois d’acacia,
et les revêtiras d’or, et tu
passeras ces barres dans les
boucles le long des côtés
de l’arche pour la porter. »
Les piliers du tabernacle
et de son enceinte, les
cloisons, les meubles, tout
est « de bois d’acacia »,
etsé shittim. Il est vrai que
Le point de vue du botaniste
Acacia seyal, tout comme Acacia tortilis, pourrait être le shittah des Hébreux. C’est une légumineuse (famille
des Fabacées), de la sous-famille des mimosas. Il ne doit pas être confondu avec notre acacia, qui est un robinier
(Robinia pseudoacacia). Acacia seyal porte de longues épines sur les branches et à la base des feuilles,
des fleurs sphériques et jaune vif caractéristiques des mimosas, des fruits en forme de cosses spiralées.
Il produit de la gomme arabique.
Répartition : Du Sénégal au Kenya, en Égypte et au Soudan.
dans cette aridité, aucun autre végétal
ne peut atteindre 15 mètres de haut et
shittah
fournir un bois d’œuvre solide. Sans
doute s’agissait-il de l’Acacia seyal, ou
acacia rouge, un épineux de la famille
des mimosas. D’une belle couleur brun
orangé, chargé en tanin, son bois résiste
aux insectes et les Égyptiens l’utilisaient
S’arracher aux acacias
pour les sarcophages. En revanche, c’est
un bois lourd, d’autant que l’Éternel
En hébreu, l’acacia est shittah, shittim au pluriel, dont la racine semble empruntée
demande qu’il soit recouvert d’or ou
à l’égyptien shondète, « ce qui pousse dans les lieux secs ». La dernière fois où cet
de cuivre et fixé par des socles d’argent
arbre est cité dans l’histoire des Hébreux, c’est le jour où ils vont enfin entrer au
massif. À l’intérieur du tabernacle, le
pays promis par Dieu : « ils s’arrachèrent hors des acacias [la ville de Shittim] et
mobilier est également en acacia : le
entrèrent jusqu’au Jourdain » (Josué 3. 1). À noter le verbe « s’arracher », comme
grand autel pour sacrifier les taureaux
si une douloureuse rupture avec l’acacia était nécessaire pour symboliser la fin de
et les béliers, celui pour brûler l’encens,
l’errance en Égypte, vers un avenir inconnu.
la table où reposent les douze pains
symbolisant les tribus d’Israël et, dans
le Lieu Très Saint, derrière le Voile, l’Arche d’alliance abritant les
dix commandements. L’ensemble devait peser un poids considérable,
sur les pistes de roche et de sable, dans la chaleur torride du désert…
L’exode des Hébreux prendra fin sur les rives du Jourdain et ils laisseront derrière eux l’acacia. Cet arbre ne liera plus désormais son nom
qu’à certains lieux où il s’épanouit et le cèdre prendra sa place dans
les boiseries du temple de Salomon.
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l~’ aloè```s, un parfum d’é``te`rnité`
Le point de vue du botaniste
Aquilaria agallocha - L’aloès de la Bible n’est pas l’Aloe vera mais un arbre tropical de la famille des Aquilaria,
haut de 6 à 20 m, aux feuilles vert foncé, un peu semblables à du cuir.
Leurs fleurs sont discrètes. Des dix-sept espèces que compte le genre,
huit produisent une résine odoriférante en cas d’attaque de certains champignons.
Répartition : En Inde et Asie du Sud-Est, mais Aquilaria a pratiquement disparu d’Indonésie,
de Thaïlande et de Birmanie. Il est très menacé en Nouvelle-Guinée et en Malaisie.
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arfum parmi les plus précieux, l’aloès exalte la vénération
du roi Salomon pour sa bien-aimée dans le Cantique des
cantiques. « Tes jets font un verger de grenadiers, avec les
fruits les plus exquis : le nard et le safran, le roseau odorant et le cinnamome, avec tous les arbres à encens ; la
myrrhe et l’aloès, avec les plus fins arômes. » Dans les Psaumes, le
poète choisit l’aloès pour dresser un portrait élogieux du roi d’Israël
à l’occasion de ses noces. «Tu aimes la justice, tu détestes le mal,
aussi Dieu, ton Dieu, t’a oint d’une huile de joie, de préférence à tes
compagnons. Tes vêtements ne sont que myrrhe,
aloès et casse. » Quant à la séductrice des
Proverbes, elle tente d’attirer un amant
par de voluptueuses promesses : « J’ai
parfumé mon lit, de myrrhe, d’aloès et
de cinnamome… » Aromate puissant et
sacré, l’aloès est destiné à embaumer
le corps crucifié de Jésus. « Nicodème
[…] vint aussi apportant un mélange
de myrrhe et d’aloès d’environ cent
livres. Ils prirent donc le corps de
Jésus et l’enveloppèrent de linges,
avec les aromates, comme les Juifs ont
coutume d’ensevelir. »
Mais pour trouver les fragrances de
ce parfum-là, il faut oublier Aloe vera,
ou plutôt Aloes socotrina, plante succulente des zones arides, aux feuilles
charnues et épineuses. Malgré ses
mille vertus médicinales, cet aloès à la
’ahalim
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Un parfum de confusion ?
L’aloès ne se trouve qu’au pluriel dans la Bible : au masculin ’ahalim, au féminin ’ahalot. Sa
racine en hébreu aussi bien qu’en grec vient de son nom indien aghil. Celui-ci a pour origine
le sanscrit agaru ou aguru, dont le « r » s’est adouci en « l ». Les Portugais, en entendant
nommer cet arbre agulu dans leurs comptoirs de la Compagnie des Indes, l’ont peut-être
transcrit aquilae, d’où le nom d’Aquilae lignum, c’est-à-dire « bois d’aigle ». En grec ancien, il
a été nommé agallokhon.
L’embaumement du
corps de Jésus, frotté
avec de la résine
de bois d’aloès au
parfum puissant.
senteur fraîche ne peut rivaliser
avec les effluves capiteux du
« bois d’aloès » évoqué dans la
Bible. Cette résine odoriférante
est restée longtemps une énigme.
Importée de l’Asie lointaine,
connue dans le monde arabomusulman sous le nom de bois
d’oud, ailleurs de bois d’agar ou
de bois d’aigle, elle ne se recueille
que sur des Aquilaria, de grands
arbres sauvages dispersés dans les
forêts tropicales. Lorsqu’elles sont
agressées par des champignons,
certaines espèces se défendent
en produisant un composé organique qui accroît la densité du
bois et fait passer sa couleur d’un
beige pâle à un brun très foncé,
au parfum extrêmement puissant.
Ce bois d’aloès, révéré en parfumerie pour sa sensualité mais impossible à synthétiser, a de tout temps
valu son pesant d’or… Il faut aujourd’hui encore 70 kilos de bois
pour obtenir 20 ml d’huile essentielle dont le prix avoisine le millier
d’euros. Leur rareté et leur valeur risquent de signer l’arrêt de mort
des Aquilaria, menacés par la surexploitation dans toute l’Asie du
Sud-Est. Le millénaire bois d’aloès ne sera plus alors qu’un parfum
de légende…
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Q```uand s’é`ve`ille`
l~
shaqèd
l’a~~m~andie`r
’amandier est le premier arbre fruitier à fleurir, dès la fin de
l’hiver. Avant même de porter des feuilles, il ouvre ses fleurs
caressées de rose pâle en un somptueux bouquet. L’amandier joue un rôle spirituel particulier dans la Bible. Lors de l’Exode,
les chefs de certaines maisons d’Israël se dressent contre Moïse et son
frère Aaron, le grand prêtre. Dieu vient secourir ces derniers mais
les rebelles continuent de « murmurer ». Alors, l’Éternel commande
que chacun des chefs apporte un bâton et le dépose au Tabernacle.
Aaron cueille une branche sur un amandier sauvage semblable à ceux
qui poussent encore sur les collines rocailleuses de Palestine. « Le
lendemain, lorsque Moïse entra dans la Tente du rendez-vous, voici,
la verge d’Aaron, pour la maison de Lévi, avait fleuri, elle avait poussé
des boutons, produit des fleurs, et mûri des amandes. » Devant ce
signe indubitable, les rebelles s’inclinent. Plus tard, Isaïe
verra un signe dans cette branche prodigieuse : « Une
pousse germera du tronc de Jesse ; un rejeton fleurira de
ses racines […] la Vierge concevra et enfantera un Fils… »
Des mystiques chrétiens du Moyen Âge y liront une correspondance entre la branche fructifiant sans racines et
la naissance de Jésus sans procréation. Enfin, la branche
d’Aaron est un lointain ancêtre de la crosse des évêques
parfois encore ornée de fleurs ou d’amandes.
Le point de vue du botaniste
Prunus amygdalus - L’amandier appartient à la grande famille des Prunus,
comme le cerisier et l’abricotier. L’amandier sauvage, Prunus amygdalus, a donné naissance à la variété dulcis
(amande douce) et à la variété amara (amande amère), ainsi qu’à de nombreux hybrides
à vocation fruitière ou ornementale.
Répartition : Venue d’Iran et d’Afghanistan, l’amande s’est diffusée dans le bassin méditerranéen dès l’Antiquité.
Elle est parvenue aux États-Unis, aujourd’hui premier producteur mondial, au xixe siècle.
Mais l’amandier est surtout symbole de vigilance. Cette
notion apparaît dans la première prophétie de Jérémie
sous la forme d’un beau jeu de mots, bâti autour de
la racine hébreu, shaqad, commune aussi bien au mot
« amande » qu’à un verbe signifiant « veiller, être attentif » : « Yahvé me dit : “Que vois-tu Jérémie ?” Et je
dis : “Je vois un rameau de veilleur / d’amandier”. Et
Yahvé me dit : “C’est bien vu car je veille à faire ma
parole.” »
Ce rameau de veilleur valide donc la voix du prophète,
porte-parole de Dieu car il a appris à voir ce qui est
important. Cette même notion de vigilance se retrouve
dans le chandelier à sept branches, la ménorah que Dieu
commande à Moïse pour le Tabernacle et dont l’amandier est la référence : « La première branche portera trois
calices en forme de fleur d’amandier, avec bouton et
fleur ; la deuxième branche portera aussi trois calices en
forme de fleur d’amandier, avec bouton et fleur ; il en
sera ainsi pour les six branches partant du candélabre. »
Et Dieu demande que cette grande lampe soit éternellement tenue allumée, comme une âme éveillée.
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LE vigile
Deux mots hébreux désignent l’amande : le
premier, louz, est emprunté à l’araméen. Il
perdure dans l’arabe luz et aurait évolué en
nux, nuts, noix… Le second, shaqèd, est
souvent employé au pluriel, shaquedim, s’il
s’agit des amandes, ou meshaqoudim, « en
forme d’amande ». Sa racine signifie veiller,
ne pas céder au sommeil lorsqu’on est de
garde, mais aussi attendre empli de hâte,
faire attention au bien comme au mal, être
attentif au moindre signe, mettre tout son
cœur et ses forces à guetter, sans se laisser
divertir.
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Parmi tous les bâtons des chefs
de tribu, seule la branche
d’amandier d’Aaron, l’élu
de Dieu, prend vie et fleurit.
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