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arfum parmi les plus précieux, l’aloès exalte la vénération 
du roi Salomon pour sa bien-aimée dans le Cantique des 
cantiques. « Tes jets font un verger de grenadiers, avec les 
fruits les plus exquis : le nard et le safran, le roseau odo-
rant et le cinnamome, avec tous les arbres à encens ; la 
myrrhe et l’aloès, avec les plus fins arômes. » Dans les Psaumes, le 
poète choisit l’aloès pour dresser un portrait élogieux du roi d’Israël 
à l’occasion de ses noces. «Tu aimes la justice, tu détestes le mal, 
aussi Dieu, ton Dieu, t’a oint d’une huile de joie, de préférence à tes 
compagnons. Tes vêtements ne sont que myrrhe, 
aloès et casse. » Quant à la séductrice des 
Proverbes, elle tente d’attirer un amant 
par de voluptueuses promesses : « J’ai 
parfumé mon lit, de myrrhe, d’aloès et 
de cinnamome… » Aromate puissant et 
sacré, l’aloès est destiné à embaumer 
le corps crucifié de Jésus. « Nicodème 
[…] vint aussi apportant un mélange 
de myrrhe et d’aloès d’environ cent 
livres. Ils prirent donc le corps de 
Jésus et l’enveloppèrent de linges, 
avec les aromates, comme les Juifs ont 
coutume d’ensevelir. »
Mais pour trouver les fragrances de 
ce parfum-là, il faut oublier Aloe vera, 
ou plutôt Aloes socotrina, plante suc-
culente des zones arides, aux feuilles 
charnues et épineuses. Malgré ses 
mille vertus médicinales, cet aloès à la 
’ alos, un parfum d’trnit
senteur fraîche ne peut rivaliser 
avec les effluves capiteux du 
« bois d’aloès » évoqué dans la 
Bible. Cette résine odoriférante 
est restée longtemps une énigme. 
Importée de l’Asie lointaine, 
connue dans le monde arabo-
musulman sous le nom de bois 
d’oud, ailleurs de bois d’agar ou 
de bois d’aigle, elle ne se recueille 
que sur des Aquilaria, de grands 
arbres sauvages dispersés dans les 
forêts tropicales. Lorsqu’elles sont 
agressées par des champignons, 
certaines espèces se défendent 
en produisant un composé orga-
nique qui accroît la densité du 
bois et fait passer sa couleur d’un 
beige pâle à un brun très foncé, 
au parfum extrêmement puissant. 
Ce bois d’aloès, révéré en parfu-
merie pour sa sensualité mais impossible à synthétiser, a de tout temps 
valu son pesant d’or… Il faut aujourd’hui encore 70 kilos de bois 
pour obtenir 20 ml d’huile essentielle dont le prix avoisine le millier 
d’euros. Leur rareté et leur valeur risquent de signer l’arrêt de mort 
des Aquilaria, menacés par la surexploitation dans toute l’Asie du 
Sud-Est. Le millénaire bois d’aloès ne sera plus alors qu’un parfum 
de légende… 
‰
Le point de vue du botaniste
Aquilaria agallocha 
- L’aloès de la Bible n’est pas l’
Aloe vera
 mais un arbre tropical de la famille des 
Aquilaria
, 
haut de 6 à 20 m, aux feuilles vert foncé, un peu semblables à du cuir. 
Leurs fleurs sont discrètes. Des dix-sept espèces que compte le genre, 
huit produisent une résine odoriférante en cas d’attaque de certains champignons.
Répartition : En Inde et Asie du Sud-Est, mais 
Aquilaria
 a pratiquement disparu d’Indonésie, 
de Thaïlande et de Birmanie. Il est très menacé en Nouvelle-Guinée et en Malaisie.
L’embaumement du 
corps de Jésus, frotté 
avec de la résine 
de bois d’aloès au 
parfum puissant. 
’ahalim
UN PARFUM DE CONFUSION ?
L’aloès ne se trouve qu’au pluriel dans la Bible : au masculin ’
ahalim
, au féminin
 ’ahalot
. Sa 
racine en hébreu aussi bien qu’en grec vient de son nom indien 
aghil
. Celui-ci a pour origine 
le sanscrit 
agaru
 ou 
aguru
, dont le « r » s’est adouci en « l ». Les Portugais, en entendant 
nommer cet arbre 
agulu
 dans leurs comptoirs de la Compagnie des Indes, l’ont peut-être 
transcrit 
aquilae
, d’où le nom d’
Aquilae lignum
, c’est-à-dire « bois d’aigle ». En grec ancien, il 
a été nommé 
agallokhon
.