Le miel d’acacia est-il un faux ? Mi-juin, l’an dernier, dans l’Arboretum. Les inflorescences pendent en grappes, telles des petits papillons blancs agglutinés sous les feuilles. L’air embaume délicatement. S’il y avait des abeilles dans les environs, nous pourrions espérer goûter plus tard le miel qu’elles tireraient de ces fleurs. Mes visiteurs européens y reconnaissent l’acacia. Celui dont ils savourent le miel, à l’odeur florale. Les fleurs sont tout juste prêtes à faire des beignets, précisent certains d’entre eux. Du miel et des beignets d’acacia, bien entendu. En été, et jusqu’en hiver, ses petites gousses plates tournoient au vent. Et pourtant, l’arbre n’est pas un acacia. Il a été introduit en Europe où il s’est répandu. Utilisé pour le reboisement, il est même devenu l’emblème de la Hongrie. Son nom est : Robinier faux-acacia (Robinia pseudoacacia). Il est originaire de l’est des États-Unis. Il est naturalisé dans le sud du Québec. Jean Robin, herboriste du Roi, l’a planté à Paris. Il aurait obtenu les graines de John Tradescant, naturaliste anglais de la Virginia Company of London. Un rejeton (l’arbre drageonne facilement), planté vers 1600 square Viviani, est considéré comme le plus vieil arbre de la ville. Un autre spécimen, au Jardin des plantes, a été planté en 1636 par Vespasien Robin, fils de Jean. D’où le genre Robinia, créé en 1753 par Linné. Il a bien quelques éléments en commun avec l’acacia : les épines, souvent, n’étant pas les moins visibles! ; les feuilles composées et les fruits qui sont des gousses. Et ils ont tous les deux la particularité de fixer l’azote dans le sol. Pour tout dire, ils sont de la même grande famille, les Fabacées (du latin faba, fève) ou Légumineuses, celle-là même de nombreuses plantes alimentaires et fourragères. Mais les fleurs diffèrent : celles du robinier ressemblent à des papillons blancs et celles de l’acacia à des petites boules, en général jaunes. Et c’est là qu’entrent en scène les sous-familles. Le robinier est de la sous-famille des Fabacées (au sens strict) ou Papilionacées et l’acacia de celle des Mimosoïdées, comme son cousin le mimosa. Le robinier et quelques uns de ses semblables au Jardin Le genre compte quelques espèces. Les individus sont épineux ou non, les feuilles ont une foliole terminale et les fleurs sont blanches ou roses. Dans l’Arboretum, on trouve le R. pseudoacacia dans la collection des féviers avec lesquels il partage son titre de « grosse légume ». Le spécimen le plus spectaculaire – lorsqu’en fleurs odorantes - se trouve sur le sentier qui longe les sapins, à la croisée du deuxième chemin de contour. Certains cultivars ont des fleurs roses. C’est dans le Jardin des arbustes que pousse mon préféré, le R. ‘Lace Lady’. Tortueux et aux feuilles frisées, il voisine le Maackie de l’Amour (Maackia amurensis ou Cladastris amurensis). Ce dernier ressemble au robinier, à les confondre au premier regard ; toutefois, ses inflorescences sont dressées. Les deux sont situés près de la sculpture L’Oiseau, de Paul Borduas, le premier au sud, le deuxième au nord. Plus au nord-est, R. ‘ Hartweggii ’ a fleuri en août 2009 ! Du côté du local des Amis, j’ai découvert le petit Gainier du Canada. Ses fleurs rose foncé courent tout le long des branches. Ses feuilles, simples, apparaissent plus tard. Miel d’acacia mp juin 2010 le R. pseudoacacia, à Paris, et ses béquilles de ciment, à droite http://fr.wikipedia.org/wiki Fabacées (au sens large) ou Légumineuses Sous-familles : Césalpiniacées, dont : chicot févier (chicot du Canada (Gymnocladus dioicus), févier d’Amérique (févier épineux, Gleditsia triacanthos), gainier du Canada (gainier rouge, Cercis canadensis) ; aussi : caroubier (Ceratonia siliqua), tamarinier (Tamarindus indica) et flamboyant (Delonix regia) Fabacées (au sens strict) ou Papilionacées, dont : arachide, caragana, glycine, lupin, luzerne, haricot, soya, trèfle, maackie et lespédèze (tous deux au Jardin des arbustes) et… robinier Mimosoïdées, dont : mimosa des fleuristes (mimosa de Nice, Acacia dealbata, introduit d’Australie en France), sensitive (Mimosa pudica, Amérique, à voir dans la Cour des Sens) page 1 de 2 L’acacia Ce genre pousse dans des zones arides et chaudes. Il est indigène sur tous les continents, sauf en Europe où il a été introduit. D’Australie, nous connaissons le mimosa des fleuristes (Acacia dealbata). D’Afrique, les acacias dont les girafes sont friandes. ^ Mimosa des fleuristes (Acacia dealbata) < Robiniers : fleurs et épines du R. x slavinii ‘Hillieri’ (photos P.M.) ; gousses : R. pseudoacacia Je ne serais pas étonnée d’apprendre que les visiteurs européens continuent de déguster tranquillement leur miel et leurs beignets d’acacia tout en pensant tranquillement au robinier. Les produits du robinier ne seraient sans doute pas aussi savoureux. À l’oreille, et aux souvenirs les plus lointains, le nom d’acacia leur est doux (du vrai miel, je vous dis). Celui du robinier, sûrement un peu râpeux. Celui du robinier, d’un point de vue botanique, oui, aussi faux que le miel de trèfle est vrai. Mais les noms vernaculaires sont aussi de vrais noms de plantes. Ils ont leur histoire, souvent passionnante. L’arbre ne s’était-il pas d’abord appelé Acacia americana robini ? Et puis, certains visiteurs ne me rappellent-ils pas, à l’occasion, que notre cèdre est un thuya ? Mais le vrai, alors ? Un commerçant de mon voisinage m’a révélé, l’air rêveur, avoir déjà goûté LE miel d’acacia. Rare et au prix inabordable, il provenait de vrais acacias du Yémen et son goût était corsé. Au Yémen, on le vent surtout pour ses propriétés médicinales, lesquelles seraient multiples. Mise en garde : chez le Robinier faux-acacia, seule la fleur est comestible. Toutes les autres parties sont toxiques. Les graines du Chicot févier, même en succédané du café, peuvent aussi être toxiques. Les graines et les gousses du Févier d’Amérique sont consommées par les animaux. Système canadien d'information sur les plantes toxiques : http://www.cbif.gc.ca/pls/pp/ppack.html_doc?p_type=434&p_x=px&p_lang=fr Monique Poissant À la bibliothèque du Jardin : Farrar, John Laird. Les arbres du Canada. Fides, 1996. 0820 F3.1 F Marie-Victorin (Frère). Flore laurentienne. Gaëtan Morin éditeur, 2002. 0634.41 QUE M3.1 Mathieu, Jacques. Premier livre de plantes du Canada. Presses de l'Université Laval, 1998. 0250 M32.1 Roussillat, Michel. Le Robinier faux acacia. Actes Sud, 1997. 0500 LEG R6.1 Sur le Web : Jardin botanique de Montréal : http://www2.ville.montreal.qc.ca/jardin/jeunes/courrier/mimosa.htm Muséum national d’Histoire naturelle (France) : http://www.mnhn.fr/museum/front/medias/activite/6793_arbres_historiques.pdf «Vrai» miel d’acacia : http://www.beekeeping.com/abeille-de-france/articles/yemen.htm Miel d’acacia mp juin 2010 page 2 de 2