L`encyclique veritatis splendor : présentation critique - E

L'encyclique veritatis splendor : présentation
critique
Autor(en): Duquoc, Christian
Objekttyp: Article
Zeitschrift: Revue de théologie et de philosophie
Band (Jahr): 44 (1994)
Heft 4
Persistenter Link: http://doi.org/10.5169/seals-381523
PDF erstellt am: 17.04.2017
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REVUE DE THEOLOGIE ET DE PHILOSOPHIE. 126 (1994). P. 325-332
L'ENCYCLIQUE VERITATIS SPLENDOR :
PRÉSENTATION CRITIQUE
Christian Duquoc
Résumé
La lettre encyclique de Jean-Paul II. Veritatis splendor, ne laisse pas
indifferent par les questions qu'elle pose sur les rapports entre la foi et
Téthique. Tesprit et le corps, la conscience cl la vérité. Toutefois, lapertinence
des questions se trouve occultée, d'une part, par leur traitement autoritaire,
et d'autre part, par une argumentation fondée sur une théologie obsolète.
L'excès de schématisation causée par ces approches déficientes risque d'écar¬
ter cette lettre du débat éthique se déroulant dans notre société.
L'encyclique Veritatis Splendor' asuscité des réactions contrastées. Elle
aété reçue assez froidement par les théologiens catholiques, puis, peu àpeu
les jugements se sont faits plus nuancés. On assiste àun certain apaisement.
Uparaît résulter d'un soulagement que H. Küng afort bien exprimé dans une
phrase lapidaire :«rien de nouveau, sinon qu'il n'a pas été question d'infailli¬
bilité». Bref, sur la foi de rumeurs, les théologiens redoutaient des prises de
positions extrêmes: ils ont retrouvé, sous un mode quelque peu désuet et
relativement modéré, l'affirmation de convictions qui ne changent en rien la
situation du débat moral dans le catholicisme. Il ne faut cependant pas sous-
estimer l'apport de cette encyclique: elle pose, peut-être maladroitement,
quelques questions que tout moraliste contemporain doit affronter. Cette étude
apour but de mesurer la pertinence des solutions apportées.
Je l'organise autour de trois points d'inégale importance: leur ordre est
inverse àcelui du texte.
I. Une admonestation maladroite
IL Une reprise de la néo-scolastique
III. Des interrogations sérieuses sur les dualismes contemporains: la foi
séparée de l'éthique: l'intention du corps: la conscience de la loi.
C'est donc dans le troisième moment de cette étude que seront discutés
les éléments fondamentaux de l'encyclique.
1Parmi les huit différentes publications françaises de l'encyclique :Jean-Paui II.
Veritatis Splendor. La splendeur de la vérité. «L'enseignement moral de l'Église».
Introduction de Xavier Thévenot. Paris. Cerf. 1993.
326 CHRISTIAN DUQUOC
I. Une admonestation maladroite
La troisième partie de l'encyclique, le contrôle juridique, aété une des
raisons majeures de l'accueil froid de nombreux théologiens catholiques. Ils
ont senti dans cette volonté de contrôle un effort de l'autorité pour faire taire
les dissentiments en morale, et assurer par la police ce qui ne l'était pas par
la conviction. Cette stratégie est apparue dérisoire et de nature àporter atteinte
àl'autorité des documents émanant des responsables ecclésiastiques.
La réaction des théologiens me semble disproportionnée. Elle risque, en
effet, de passer pour un réflexe de caste et d'augmenter l'importance d'une
tradition malheureuse du pouvoir central. Celle-ci doit être traitée comme un
tic administratif, symptôme d'un doute sur l'argumentation proposée. Elle ne
doit pas être envisagée comme la forme normale d'exercice de «l'autorité»
qui doit tendre àconvaincre par argument; elle est une excroissance patho¬
logique quasi infantile s'expliquant par une situation de crise entraînant le
désarroi chez les responsables. Il leur appartiendrait de redéfinir leur style
d'autorité s'ils veulent être entendus dans une société le débat est premier
et s'assurer le collaboration libre des théologiens.
Les responsables catholiques, avant d'user d'une menace de sanction,
devraient méditer ces deux phrases de P. André Taguieff2:
«Seule l'argumentation permet de rompre àla fois avec l'état théologique,
qui survit dans l'adhésion aux absolus idéologiques, et avec l'état de guerre.»
«L'assurance dans l'anathème est inséparable de la soumission jubilatoire
àl'autorité du dogme.»
L'Eglise catholique, comme témoin du Christ, n'a rien àgagner àde telles
soumissions.
II. Une reprise de la néo-scolastique
L'encyclique use d'une théologie particulière, la néo-scolastique. Elle aide
àtraiter deux questions difficiles: celle issue de la théorie dite de l'option
fondamentale, et celle des actes intrinsèquement mauvais. Le recours àla
théologie néo-scolastique pour traiter ces questions aboutit àun oubli du temps.
Aussi la morale proposée apparaît-elle abstraite.
1) L'option fondamentale et sa critique
L'encyclique critique une orientation jugée infidèle àune donnée de la
théologie classique des actes moraux :l'abandon du caractère premier de l'acte
au profit de l'intention dans la valeur morale de la personne devant Dieu. La
théorie de l'option fondamentale relativiserait considérablement l'action effec¬
tive ou l'omission coupable au profit d'une option invérifiable portant sur Dieu
'¦Esprit, 1/1/94, pp. 125-127.
L'ENCYCLIQUE VERITATIS SPLENDOR: PRÉSENTATION CRITIQUE 327
comme bien. Le texte officiel reproche àcette interprétation visant àrelâcher
le lien entre les actes et leur poids eschatologique un idéalisme conduisant au
dualisme: elle déconnecterait la reconnaissance de Dieu des décisions concrè¬
tes de la moralité, au risque, sans doute, de rompre le lien entre le premier
commandement et le second qui résume toutes les autres déterminations.
C'est sur ce fond d'inquiétude que suscite une banalisation des implications
quotidiennes de la moralité que l'encyclique emprunte àla théologie scolas¬
tique du péché sa réfutation de la théorie de l'option fondamentale. Elle
rappelle que les humains peuvent transgresser en toute connaissance de cause
des impératifs graves de la loi divine, et que cette transgression affecte la
qualité morale de la personne, puisqu'elle la détourne de Dieu en l'affranchis¬
sant de sa volonté :elle lui préfère un bien créé déconnecté de sa relation à
la volonté divine signifiée par la loi. Une telle transgression, lorsqu'il s'agit
de matière grave, est qualifiée de «péché mortel» en raison de sa conséquence
eschatologique: la perdition.
L'emprunt fait ici àla théologie scolastique n'honore pas la question sous-
jacente àl'élaboration de la théorie de l'option fondamentale. Celle-ci ne
relativise pas les actes moraux ou les omissions graves :elle les situe dans une
dynamique du rapport temporel àDieu et de la construction de la personnalité.
Elle aété élaborée pour penser le rapport àDieu dans une perspective qui ne
fasse pas grever toute transgression ou omission concrète grave d'un poids
éternel apparemment disproportionné. Elle tient compte de la subjectivité de
l'enjeu dans l'horizon de la temporalité.
Le retour àla perspective néo-scolastique laisse entier le problème posé.
En effet, cette théologie objectiviste ignore la subjectivité incertaine et ses
conditionnements dans la détermination de son objet, et elle écarte la tempo¬
ralité comme affectant la construction de la personnalité dans son accès àDieu.
Aussi, manquant l'articulation entre la subjectivité et son rapport àla loi, elle
atomise la relation àDieu. Sans doute s'affranchit-elle d'un certain caractère
légaliste et. àterme, odieux par l'acceptation que la conscience n'accède que
fort rarement àla lucidité des enjeux que requiert de soi le lien au salut ou
àla perdition. Bref, la gravité objective des actes ou des omissions qualifie
rarement la personne dans sa relation àDieu :l'être humain est trop peu éclairé
pour que des enjeux définitifs touchent son action défaillante. On aboutit ainsi
àun paradoxe. La théorie de l'option fondamentale avait pour fin de surmonter
l'écart entre la qualification morale de la personne et ses actes ou omissions.
L'encyclique lui reproche de le creuser, mais elle-même, par son objectivisme
de la transgression ou de l'omission, et son jugement pessimiste sur la liberté
dont jouissent les humains, exacerbe le dualisme dénoncé: l'articulation entre
la qualité de l'être humain, ses actes et l'eschaton demeure ici impensée. Le
danger de cette présentation réside dans la légèreté avec laquelle la perdition
est évoquée. Le christianisme risque ànouveau de paraître odieux et culpa¬
bilisant.
328 CHRISTIAN DUQUOC
2) Les actes intrinsèquement mauvais
Dans sa défense de l'objectivité des actes, l'encyclique adiscerné un
danger dans ce qu'elle appelle le «conséquentialisme» et le «propor-
tionnalisme». Pour le dire brièvement, selon ces théories, un acte ne tient pas
en lui-même: il s'inscrit dans une connexion de facteurs. Ses effets futurs
entrent dans le jugement àporter, ils appartiennent de droit àl'œuvre de
discernement. Dans ce cadre, il fut largement discuté aux U.S.A.. pendant la
dernière guerre, de la légitimité morale ou non du bombardement des popu¬
lations civiles.
Considérons le texte de l'encyclique qui se rapporte àcette question
(pp. 119-120) :
Le conséquentialisme «entend définir les critères de la justice d'un agir
déterminé àpartir du seul calcul des conséquences prévisibles de l'exécution
d'un choix.»
Le proportionnalisme, «qui pondère entre eux les valeurs des actes ct les
biens poursuivis, s'intéresse plutôt àla proportion qu'il reconnaît entre leurs
effets bons et leurs effets mauvais, en vue d'un 'plus grand bien' ou du
'moindre mal' réellement possibles dans une situation particulière.»
L'encyclique poussant àl'extrême la logique de ces deux théories, note
que dans une telle perspective, il ne peut yavoir interdiction absolue de
comportements déterminés, même lorsqu'il s'agit d'un acte en contradiction
avec une norme négative universelle.
L'encyclique refuse que ces théories puissent en appeler àla casuistique :
celle-ci se déroulait dans l'horizon d'une loi douteuse et ne «remettait pas en
cause la validité absolue des préceptes moraux négatifs.» Les actes intrinsè¬
quement mauvais ne peuvent être ordonnés àDieu et ne sauraient donc être
l'objet d'un acte moral. Au §80. l'encyclique, sur la base de Vatican II,
énumère les actes intrinsèquement mauvais, sur l'immoralité objective des¬
quels il n'y apas de doute. Je ne suis pas sûr que la présentation corresponde
àla logique de la théorie, et cela pour trois raisons:
1) La détermination des actes intrinsèquement mauvais n'est pas donnée
apriori, elle est l'effet d'un affinement culturel. L'Eglise elle-même n'a pas
craint pendant des siècles de justifier des actes qui furent ensuite jugés comme
intrinsèquement mauvais. On ne peut aussi facilement évacuer le doute, car
les préceptes négatifs sont eux-mêmes historiquement sujets àinterprétation.
2) Les théories en question visent àl'établissement d'un discernement
éthique il est nécessaire de prendre en compte les conséquences: celles-
ci ne sont pas assurées d'être bonnes par la seule objectivité bonne d'un acte.
Ce dernier se situe dans un entrelacs de facteurs.
3) Les théories en question veulent traiter de façon rationnelle la question
si difficile des conflits de devoirs: la connaissance du mal par le précepte
négatif est souvent insuffisante pour choisir l'acte àaccomplir. Le cas si
complexe de la bioéthique illustre àquel point il est difficile d'acquérir un
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