18 Animation Fédérale • N°92 • Novembre 2007
A la découverte de la Pensée sociale de l’Église
7. La vie économique - Le marché et l'État
La pensée
sociale de
l’Eglise dans
le domaine
économique
est fortement
marquée par la
pensée de Jean-
Paul II. Dans
les encycliques
Centesimus
Annus et
Sollicitudo Rei
Socialis, celui-
ci développe
une réfl exion
équilibrée mais
prophétique,
fruit de sa vie
en Pologne
communiste,
mais aussi de
ses voyages
dans le monde,
notamment
dans les pays
en voie de
développement.
Dans la Bible, les biens écono-
miques et la richesse ne sont
pas condamnés pour eux-mê-
mes, mais pour leur mauvais usage.
Le « riche » est celui qui met sa con-
ance dans les choses quil possède
plutôt quen Dieu. Léconomie doit
être un instrument au service de la
croissance globale de l’homme et de
la société et au service de la qualité
humaine de la vie.
Les biens, même légitimement pos-
sédés, conservent toujours une desti-
nation universelle ; toute forme d’ac-
cumulation indue est immorale, car
en plein contraste avec la
destination universelle as-
signée par le Dieu Créateur
à tous les biens. De fait, le
salut chrétien est une libé-
ration intégrale de l’homme,
libération par rapport au be-
soin, mais aussi par rapport
à la possession en soi. Pour
Grégoire le Grand, celui qui
garde les richesses pour lui
nest pas innocent ; les don-
ner à ceux qui en ont besoin
signifi e payer une dette.
Morale et économie
« C’est l’homme qui est l’auteur, le cen-
tre et le but de toute la vie économico-
sociale ». (Concile Vatican II, Gaudium
et Spes) Leffi cacité économique et la
promotion d’un développement soli-
daire de l’humanité sont inséparables.
Une croissance économique obtenue
au détriment des êtres humains, de
peuples entiers et de groupes sociaux,
condamnés à l’indigence et à l’exclu-
sion, nest pas acceptable.
L’homme et la société dans son en-
semble sont invités à pratiquer la
vertu essentielle de la solidarité pour
combattre, dans l’esprit de la justice et
de la charité, où quelles se présentent,
les « structures de péché » qui engen-
drent et maintiennent la pauvreté, le
sous-développement et la dégrada-
tion. (1)
Dans une certaine mesure, tous sont
responsables de tous, chacun a le de-
voir de sengager pour le développe-
ment économique de tous. cest un
devoir de solidarité et de justice, mais
c’est aussi la meilleure voie pour faire
progresser l’humanité tout entière. Si
elle est vécue moralement, l’économie
est donc la prestation d’un
service réciproque, à travers
la production de biens et de
services utiles à la croissance
de chacun. (2)
Mais le développement ne
peut pas être réduit à un
simple processus d’accumu-
lation de biens et de services.
« la disponibilité excessive de
toutes sortes de biens maté-
riels pour certaines couches de
la société, rend facilement les
hommes esclaves de la “ pos-
session ” et de la jouissance
immédiate (...). C’est ce qu’on
appelle la civilisation de “ consomma-
tion ” ». (1)
Initiative privée
et entreprise
La doctrine sociale reconnaît la juste
fonction du profi t, comme premier
indicateur du bon fonctionnement
de l’entreprise. Mais le profi t n’indique
pas toujours que l’entreprise sert cor-
rectement la société. Ainsi, le recours
à l’usure est moralement condamné.
Cette condamnation s’étend aussi aux
« C’est
l’homme qui
est l’auteur,
le centre et
le but de
toute la vie
économico-
sociale ».
(Concile
Vatican II)
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Animation Fédérale • N°92 • Novembre 2007
rapports économiques internationaux,
en particulier en ce qui concerne la si-
tuation des pays moins avancés, aux-
quels ne peuvent pas être appliqués
des systèmes fi nanciers abusifs sinon
usuraires. Pour Jean-Paul II, ou bien
tous les pays du monde participent au
développement économique, ou bien
celui-ci ne sera pas authentique. (1)
D’autre part, les entrepreneurs et les
dirigeants ne peuvent pas tenir comp-
te exclusivement de l’objectif écono-
mique de l’entreprise, des critères d’ef-
cacité économique, des exigences
de l’entretien du « capital » comme
ensemble des moyens de production :
ils ont aussi le devoir précis de respec-
ter concrètement la dignité humaine
des travailleurs qui œuvrent
dans l’entreprise.
Rôle du marché libre
Un vrai marché concur-
rentiel est un instrument
efficace pour atteindre
d’importants objectifs de
justice : modérer les excès
de profi t des entreprises ;
répondre aux exigences
des consommateurs ; réa-
liser une meilleure utilisa-
tion et une économie des
ressources.
Mais le marché ne peut pas trouver
en lui-même le principe de sa propre
légitimation. Le profi t individuel de
l’agent économique, bien que légi-
time, ne doit jamais devenir l’unique
objectif. À côté de celui-ci, il en existe
un autre, tout aussi fondamental et
supérieur, celui de l’utilité sociale, qui
doit être réalisé non pas en opposi-
tion, mais en cohérence avec la logi-
que du marché.
On ne peut souscrire à l’idée de pou-
voir confi er au seul marché la fourni-
ture de toutes les catégories de biens,
car une telle idée est basée sur une vi-
sion réductrice de la personne et de la
société. (2)
Laction de l’État
Il faut que le marché et l’État agissent
de concert l’un avec l’autre et devien-
nent complémentaires. En vue du
bien commun, il faut poursuivre l’ob-
jectif d’un juste équilibre entre liberté
privée et action publique.
L’action de l’État doit se conformer au
principe de subsidiarité ; elle doit aussi
s’inspirer du principe de solidarité et
établir des limites à l’autonomie des
parties pour défendre les plus faibles.
L’intervention de l’État dans le domai-
ne économique ne doit être ni enva-
hissante, ni insuffi sante. Le devoir fon-
damental de l’État est de « sauvegarder
(...) les conditions premières d’une éco-
nomie libre, qui présuppose
une certaine égalité entre les
parties, d’une manière telle
que l’une d’elles ne soit pas
par rapport à l’autre puis-
sante au point de la réduire
pratiquement en esclava-
ge ». (2) L’Etat doit assurer
des services publics effi ca-
ces et traduire dans la pra-
tique le principe de redistri-
bution.
Les nances publiques doi-
vent être capables de se
proposer comme instru-
ment de développement et de soli-
darité. Des fi nances publiques équita-
bles et effi caces produisent des eff ets
vertueux sur l’économie, car elles par-
viennent à favoriser la croissance de
l’emploi, à soutenir les activités des
entreprises et les initiatives sans but
lucratif, et contribuent à accroître la
crédibilité de l’État comme garant des
systèmes de prévoyance et de protec-
tion sociales, destinés en particulier à
protéger les plus faibles.
Enfi n, pour l’Église, le paiement des
impôts est un devoir de solidarité. Q
A suivre...
Résumé : Paul Dufl ot
Les notes renvoient à 3
grandes encycliques qui
parlent d'économie :
(1) Jean-Paul II, Ency-
clique Sollicitudo rei
socialis (1988)
(2) Jean-Paul II, Ency-
clique Centesimus an-
nus (1991)
(3) Paul VI, Encyclique
Populorum progressio
(1967)
En vue du
bien commun,
il faut
poursuivre
l’objectif
d’un juste
équilibre entre
liberté privée
et action
publique.
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