La politique monétaire internationale dans un contexte de

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La répression financière
La politique monétaire
internationale dans un
contexte de répression
financière : un changement
de paradigme
Une évolution en profondeur de la
politique monétaire des banques
centrales.
Comprendre. Agir.
2
La politique monétaire internationale dans un contexte de répression financière :
un changement de paradigme
Sommaire
4 États-Unis : Focus sur le chômage
6 Zone euro – des signes avant-coureurs
d’une reprise de la croissance
7 Royaume-Uni : Focus sur la croissance
9 La politique monétaire du Japon
sur la corde raide
12 Comprendre
12 Agir
Publication
Allianz Global Investors
Europe GmbH
Bockenheimer Landstr. 42 – 44
60323 Francfort-sur-le-Main
Global Capital Markets & Thematic Research
Hans-Jörg Naumer (hjn)
Dennis Nacken (dn)
Stefan Scheurer (st)
Source des données – sauf indication contraire :
Thomson Reuters Datastream
3
La politique monétaire internationale dans un contexte de répression financière : un changement de paradigme
La politique monétaire internationale
dans un contexte de répression financière :
un changement de paradigme
Les banques centrales amorcent progressivement un
changement de cap majeur de leur politique monétaire.
La stabilité des prix ne constitue plus la clé de voute de la
politique des banques centrales à travers le monde.
En revanche, les banquiers centraux semblent poursuivre
d’autres objectifs, tels que la baisse du chômage, la relance
de la croissance économique et la stabilisation des marchés
financiers.
Par conséquent, il n’est guère étonnant que
les banques centrales cherchent davantage
à injecter des liquidités via des programmes
d’achats d’obligations (assouplissement quantitatif) qu’en influant sur les taux d’intérêt. De
ce fait, elles ont fortement élargi leurs bilans au
cours des dernières années – non seulement
afin de soutenir la croissance économique et
éviter le risque de spirale déflationniste – mais
également dans le but de garantir la stabilité
du système (cf. graphique n°1).
Le présent rapport étudie ce changement de
paradigme en analysant en détail la
politique monétaire engagée aux États-Unis,
au Royaume-Uni, au sein de la zone euro et
au Japon.
États-Unis : Focus sur le chômage
Sous la direction de Ben Bernanke, l’« ancienne
époque » où la Réserve Fédérale américaine
(Fed) construisait sa politique monétaire
autour de la gestion du taux des Fed Funds
semble belle et bien révolue.
Dans le cadre du double mandat de la Fed, qui
vise un équilibre entre le maintien de la stabilité des prix et un taux de chômage aussi faible
que possible, la question du taux de chômage
semble occuper une place de plus en plus
prépondérante dans les décisions de politique
monétaire de la banque centrale américaine.
Les taux d’intérêt, que la Fed prévoit de
conserver à des niveaux extrêmement faibles
jusqu’à la mi-2015, ne devraient être relevés
Graphique n°1 : L’expansion massive des bilans des banques centrales
indexé
700
Prévisions
600
500
400
300
200
100
0
Jan. 07 Jul. 07 Jan. 08 Jul. 08 Jan. 09 Jul. 09 Jan. 10 Jul. 10 Jan. 11 Jul. 11 Jan. 12 Jul. 12 Jan. 13 Jul. 13 Jan. 14 Jul. 14 Jan. 15
Banque Centrale Européenne (BCE)
Réserve Fédérale américaine (Fed)
Banque d'Angleterre (BoE)
Banque du Japon (BoJ)
Source : Datastream, AllianzGl Global Capital Markets & Thematic Research, prévisions internes, au mois de mai 2013.
4
qu’une fois que le taux de chômage sera
passé en-deçà du seuil de 6,5%. Début 2013,
le taux de chômage s’élevait à 7,6%.
Cependant, Janet Yellen, Vice-présidente
de la Réserve fédérale a indiqué qu’un recul
du taux de chômage au-dessous de 6,5% ne
sonnerait pas nécessairement la fin de la politique monétaire américaine expansionniste.
De plus, d’après nos estimations, le taux de
chômage aux États-Unis ne devrait pas passer
en-deçà du seuil de 6,5% avant fin 2017, voire
début 2018, ce qui laisse présager d’un maintien durable de la politique monétaire ultraaccommodante de la Fed. (cf. graphique n°2).
Dans le sillage de mesures similaires initiées
en 2008 et 2010, la Fed a lancé un troisième
programme d’assouplissement quantitatif
(QE) mi-décembre 2012, suite à la fin de
l’Opération Twist (programme de 600
milliards USD impliquant l’échange de dette
à court terme pour des emprunts d’État de
long terme). Ces nouvelles mesures de QE,
qui visent à soutenir la relance de l’économie
américaine et à réduire le taux de chômage,
s’articulent autour d’un programme mensuel
de 85 milliards USD. Ce programme viendra
élargir le bilan de la Fed de 1 000 milliards
USD (de 3 000 à 4 000 milliards USD) d’ici la
fin de l’année 2013, et même à 5 000 milliards
USD d’ici fin 2014. (cf. graphique n°3)1.
1
Source : Réserve Fédérale
de New York : « Statement
Regarding Purchases of
Treasury Securities and
Agency Mortgage-Backed
Securities », décembre
2012.
Les déclarations des membres de la Fed
(notamment du Président de la Réserve
fédérale de Chicago, Charles L. Evans) ne
constituent pas les seuls signes qui confirment que la politique actuelle d’argent bon
marché pourrait se prolonger durablement.
Une étude plus approfondie de l’évolution des
Graphique n°2 : Une politique monétaire durablement accommodante aux États-Unis
Hypothèse :
• Population active
+ 200 000 personnes
par mois
• Créations d’emplois :
150 000 par mois
• Taux de participation :
constant
11 %
10 %
9%
8%
7%
6%
5%
4%
3%
Jan. 00
Jul. 00
Jan. 01
Jul. 01
Jan. 02
Jul. 02
Jan. 03
Jul. 03
Jan. 04
Jul. 04
Jan. 05
Jul. 05
Jan. 06
Jul. 06
Jan. 07
Jul. 07
Jan. 08
Jul. 08
Jan. 09
Jul. 09
Jan. 10
Jul. 10
Jan. 11
Jul. 11
Jan. 12
Jul. 12
Jan. 13
Jul. 13
Jan. 14
Jul. 14
Jan. 15
Jul. 15
Jan. 16
Jul. 16
Jan. 17
Jul. 17
Jan. 18
2%
Taux de chômage aux États-Unis
Prévision
Objectif de la Fed
Source : Datastream, AllianzGI Global Capital Markets & Thematic Research, au mois de mai 2013.
Graphique n°3 : La Réserve Fédérale américaine – prêteur en dernier ressort
Bilan de la Fed jusqu'à la fin de l'année 2014.
Prévisions
en mds USD
QE1
QE2
QE3
4,500
1 350 mds USD en MBS
d’agences gouvernementales
600 mds USD
40 mds USD en MBS d’agences
gouvernementales
4,000
3,500
300 mds USD en bons
du Trésor américain
(Bons du Trésor
américains)
45 mds USD en bons du Trésor américain
(sur une base mensuelle)
3,000
2,500
2,000
1,500
QE1
QE2
QE3
1,000
500
0
Jan. 07 Jul. 07 Jan. 08 Jul. 08 Jan. 09 Jul. 09 Jan. 10 Jul. 10 Jan. 11 Jul. 11 Jan. 12 Jul. 12
Jan.13 Jul. 13 Jul. 14
Source : Datastream, AllianzGl Global Capital Markets & Thematic Research, prévisions internes, au mois de mai 2013.
5
La politique monétaire internationale dans un contexte de répression financière : un changement de paradigme
rapports de force au sein du FOMC de la Fed
(Federal Open Market Committee) semble
conforter cette analyse. À l’heure actuelle, le
remaniement prévu dans la composition du
FOMC laisse penser que la politique d’argent
bon marché défendue par le Président en
exercice de la Fed, Ben Bernanke, bénéficiera
d’un soutien marqué, et ce, en dépit des
récents signes d’opposition au programme
d’achats d’actifs massifs. Par conséquent,
la politique ultra-accommodante de la Fed
devrait continuer de bénéficier de la bienveillance de ses membres, malgré l’amélioration
de l’environnement économique du pays.
La Réserve fédérale américaine
tourne le dos à 100 ans d’histoire
La montée en puissance de la place du
marché de l’emploi dans le double mandat
de la Fed constitue un changement de cap
majeur de la politique de la banque centrale,
qui tourne ainsi le dos à 100 ans d’histoire.
La Fed avait toujours poursuivi un objectif de
maîtrise de l’inflation, mais n’y avait jamais
officiellement fait référence dans la liste de
ses missions, et ce, même dans les années
1980, lorsque le taux d’inflation et le taux de
chômage avaient respectivement touché un
point haut de près de 15% et 10%, plongeant
l’économie dans la récession.
Aux États-Unis, les prix à la consommation
et les prévisions d’inflation (mesurées par
l’écart entre les emprunts d’État américains à
10 ans et le taux des obligations indexées sur
l’inflation) ne donnent pas lieu à s’inquiéter
(cf. graphique n°4). Cependant la remontée
potentielle de l’inflation à l’avenir constitue
un risque non négligeable. Ce risque pourrait
découler d’une expansion potentielle du
programme de prêt ou d’une poursuite de la
politique reflationniste. En d’autres termes,
la politique économique agressive, ciblant le
risque de déflation, se traduit par une hausse
des prix des actifs, qui pourrait induire une
remontée de l’inflation.
La zone euro – des signes
avant-coureurs d’une reprise
de la croissance
Contrairement à la politique d’expansion
bilancielle engagée par d’autres banques
centrales dans le but de stimuler avant tout la
demande macroéconomique, la Banque centrale européenne (BCE) a élargi son bilan avec
pour objectif principal de mettre un terme
aux tensions financières qui pénalisaient la
zone euro et d’assurer le bon fonctionnement du mécanisme de transmission dans
un contexte de crise de la dette souveraine.
Dans le cadre de cette politique, et afin
d’éviter que les banques européennes ne
rencontrent des difficultés de refinancement,
la BCE a initié une série de mesures non conventionnelles, notamment des programmes
d’achat d’emprunts d’État émis par les pays
périphériques de la zone euro (le Securities
Markets Programme - SMP - et le Outright
MonetaryTransactions - OMT), l’octroi d’une
Facilité de Liquidité d’Urgence (Emergency
Liquidity Assistance - ELA) et le lancement
Graphique n° 4 : Une inflation persistante aux États-Unis
6%
5%
4%
3%
2%
1%
0%
–1 %
–2 %
2003
2004
2005
2006
Point mort d’inflation aux États-Unis
(en %, variation annuelle)
2007
2008
2009
2010
Prix à la consommation aux États-Unis
(en %, variation annuelle)
Source : Datastream, AllianzGI Global Capital Markets & Thematic Research, au mois de mai 2013.
6
2011
2012
Objectif d'inflation
de la Fed
Graphique n°5 : Les perspectives d’une période prolongée de politique monétaire
accommodante au sein de la zone euro – la crainte d’une déflation ?
4%
3%
2%
1%
0%
–1 %
2003
2004
2005
Prix à la consommation
au sein de la zone euro
(en %, variation annuelle)
2006
2007
2008
2009
Évolution de l’inflation sous-jacente des
prix à la consommation au sein de la
zone euro (en %, variation annuelle)
2010
2011
2012
Objectif d'inflation
de la BCE
Source : Datastream, AllianzGI Global Capital Markets & Thematic Research, au mois de mai 2013.
de deux opérations de refinancement à long
terme à 3 ans (long-term refinancing operations - LTRO), pour un montant total de plus
de 1 000 milliards EUR .
Bien que l’annonce de Mario Draghi, dans le
courant de l’été 2012, indiquant que la BCE
ferait tout ce qu’il faut pour sauver l’euro a
apparemment permis de restaurer la
confiance des investisseurs dans la monnaie
unique, la BCE n’est finalement parvenue qu’à
gagner du temps pour mettre en œuvre les
réformes qui s’imposent au niveau local.
Cependant, les taux d’intérêt qui ont touché
des points bas record – ressortant parfois
même en terrain négatif – permettent actuellement aux États-membres de la zone euro
d’alléger le poids de leur dette (voir également notre article : La dette – une descente
amorcée depuis des sommets historiques).
De plus, au cours des derniers mois, Mario
Draghi a laissé entendre que la banque centrale
pourrait maintenir durablement sa politique
monétaire accommodante et a déclaré que la
BCE serait prête à intervenir en cas de retournement des indicateurs économiques de la zone
euro ou en cas de risque déflationniste imminent au sein d’un État-membre périphérique. Si
ces déclarations se confirment dans les faits, les
taux d’intérêt directeurs devraient rester cantonnés autour de leur point bas historique pendant
une période prolongée (cf. graphique n°5).
Royaume-Uni :
Focus sur la croissance
Au Royaume-Uni, la politique monétaire a
également été assouplie. L’objectif de stabilité
des prix défendu par la Banque d’Angleterre
(BoE) – et prôné dans ses décisions depuis
1998 – est en passe d’être progressivement
remplacé par un objectif de croissance
nominale. Le débat a été lancé par le prochain
gouverneur de la BoE, Mark Carney, qui a dans
le passé soutenu un tel objectif, notamment à
l’occasion de son mandat de gouverneur de la
Banque du Canada.
Contexte : la croissance économique
nominale inclut la croissance
économique réelle et les prix à la
consommation. Cependant, ces deux
variables peuvent évoluer indépendamment
l’une de l’autre. En d’autres termes, en cas
de « choc de l’offre » - par exemple sur les
marchés pétroliers – ces deux paramètres
risquent d’évoluer en sens inverse. Les prix
seraient amenés à augmenter du fait de la
rareté de l’offre, tandis que la croissance
économique réelle reculerait. En revanche,
en cas de « choc de la demande », ces deux
variables évolueraient parallèlement.
Les défenceurs d’un objectif de croissance
nominale espèrent asseoir la croissance
de l’économie réelle, même en cas de
pressions inflationnistes supérieures à
l’objectif fixé.
7
La politique monétaire internationale dans un contexte de répression financière : un changement de paradigme
Une politique monétaire accommodante
peut être employée à cette fin. À cet égard, la
BoE a acheté, pour le moment, environ 375
milliards GBP d’emprunts d’État. L’argent
bon marché ainsi injecté peut contribuer à
relancer la demande économique réelle et
stimuler l’inflation. Toute la question est de
savoir s’il s’agissait effectivement du but poursuivi par la BoE ces dernières années.
Source: Banque des
Règlements Internationaux
(BRI) « Search for yield as
rates drop further », Revue
trimestrielle de la BRI,
septembre 2012.
2
À nouveau gouverneur, « nouvelle »
politique monétaire ?
La BoE a indiqué qu’elle entendait poursuivre
son programme d’achats d’obligations en cas
de détérioration de l’environnement économique. Cependant, il n’est pas certain que la
prochaine vague d’achat d’obligations, pour
un montant de 25 milliards GBP (mentionné
dans le compte-rendu de la réunion de la
banque centrale de février 2013), contribue
efficacement à la relance de la croissance
économique. Or, dans l’éventualité où un
stimulus supplémentaire deviendrait nécessaire, la BoE pourrait être amenée à recentrer
sa politique monétaire sur des mesures
directes, telles que le Funding for Lending
Scheme (FLS – programme de financement
du crédit), qui apporte depuis 2012 de la
liquidité aux banques. Les conditions du
programme dépendent de la capacité des
banques à conserver, voire accroître, leurs
activités de prêts aux entreprises2.
Toutefois, il convient de noter qu’à ce jour
l’efficacité du FLS reste à démontrer.
L’objectif d’inflation de la BoE de 2%, instauré
depuis 2004, n’a été atteint sur aucun mois
depuis décembre 2009 – ce qui signifie que
les prix à la consommation augmentent plus
rapidement (cf. graphique n°6). D’après le
rapport sur l’inflation de la BoE de février
2013, les autorités monétaires anticipent
même des hausses de prix au-delà de l’objectif d’inflation au cours des trois prochaines
années. Par conséquent, si la BoE venait à
poursuivre son objectif de stabilité des prix, la
politique monétaire devra être systématiquement resserrée afin de ramener l’inflation
dans la borne établie – ce qui semble de
moins en moins probable dans l’environnement économique actuel.
Par ailleurs, on ne peut exclure que la BoE
décide d’adopter une approche similaire
à celle de la Réserve fédérale américaine,
à savoir de cibler une réduction du taux de
chômage. Au sein de la banque centrale,
des discussions se sont récemment
Parallèlement à un assouplissement de son
objectif de stabilité des prix, la BoE pourrait
également initier des mesures visant à
relancer l’économie britannique.
Graphique n°6 : Le Royaume-Uni – la fin de la politique de stabilité des prix ?
6%
5%
4%
3%
2%
1%
0%
94
95
96
97
98
Prix à la consommation
au Royaume-Uni
(en %, variation annuelle)
99
00
01
02
03
04
05
06
07
Évolution de l’inflation sous-jacente
des prix à la consommation au Royaume-Uni
(en %, variation annuelle)
08
09
11
12
Objectif d'inflation
de la BoE
Source : Datastream, AllianzGI Global Capital Markets & Thematic Research, au mois de mai 2013.
8
10
concentrées autour de la possibilité
d’adopter une approche de « forward
guidance » (déclarations relatives aux
perspectives d’évolution de la politique
monétaire). En d’autres termes, la banque
centrale pourrait annoncer ouvertement son
intention de conserver les taux d’intérêt aux
niveaux actuels extrêmement faibles pendant
une période déterminée.
La politique monétaire japonaise
sur la corde raide
Dans la course à la politique monétaire la
plus expansionniste, la palme pourrait être
remportée par le Japon, suite à la récente
victoire électorale du Parti Liberal Démocrate
(PLD). En effet, cette transition ouvre la voie
à une approche plus agressive de la politique
monétaire et budgétaire au sein du pays.
Le nouveau premier ministre, Shinzo Abe, a
déjà annoncé le lancement d’un programme
d’achat d’emprunts d’État et d’autres actifs
par la banque centrale japonaise, visant à
relever le taux d’inflation au-delà des 2% au
cours des deux prochaines années. Ce nouvel
objectif d’inflation, qui vient se substituer au
précédent objectif à moyen terme de 1% fixé
en février 2012, a été défini au cours d’une
réunion de la Banque du Japon de janvier
2013, en concertation avec le président de la
banque centrale, Haruhiko Kuroda. À titre de
comparaison, l’inflation recule actuellement
de 0,9% sur un an. La dernière fois que
l’inflation des prix à la consommation a
atteint, très brièvement, le seuil de 2% au
Japon remonte à mi-2008. La banque centrale
espère que la remontée du taux d’inflation
se traduira par une hausse des niveaux de
revenus, ce qui devrait soutenir les dépenses
de consommation. Ce cercle vertueux devrait
permettre de remettre l’économie japonaise
sur la voie d’une croissance durable, après
deux décennies de récession et de déflation.
Le Japon souhaite également réduire sa dette
en ayant recours à des taux d’intérêt réels
négatifs. Parallèlement aux prix à la consommation, la faiblesse des rendements des
emprunts d’État japonais à 10 ans
illustre également l’importance de l’emprise
de la déflation sur l’économie japonaise
(cf. graphique n°7).
Afin d’extirper le pays de cette spirale
déflationniste et de générer une croissance
économique pérenne, la Banque du Japon a
annoncé le lancement des mesures suivantes
à l’occasion de sa réunion d’avril dernier :
• Au cours des deux prochaines années, la
masse monétaire (M0), qui ressortait juste
en-deçà de 140 000 milliards JPY à fin 2012
(environ 1 400 milliards USD), devrait être
relevée à 270 000 milliards JPY (près de
2 800 milliards USD), soit de 60% du PIB à la
fin de l’année 2014.
• Le volume des emprunts d’État détenus
par la Banque du Japon devrait être
multiplié par deux, de 89 000 milliards
JPY (environ 900 milliards USD) fin 2012
à 190 000 milliards JPY (près de 2 000
milliards USD) d’ici la fin 2014. Cette
hausse représente environ 7 500 milliards
JPY (approximativement 78 milliards USD)
d’achats mensuels, ou 90 000 milliards
JPY (environ 940 milliards USD) d’achats
annuels. Haruhiko Kuroda a fait référence à
ces mesures comme rentrant dans le cadre
d’une politique d’assouplissement quantitatif (cf. graphique n°8). Pour ramener ces
mesures dans un contexte plus global, les
achats d’obligations annuels réalisés par la
Réserve fédérale américaine représentent
9
La politique monétaire internationale dans un contexte de répression financière : un changement de paradigme
Graphique n°7 : Une déflation bien ancrée au Japon
4%
3%
Nouvel objectif d'inflation de la BoJ
2%
1%
0%
–1 %
–2 %
94
96
98
00
02
Prix à la consommation (en %, variation annuelle)
Rendement des emprunts d’État japonais à 10 ans
(en %, variation annuelle)
04
06
08
10
12
Prix à la consommation, hors alimentation et énergie
(en %, variation annuelle)
Les performances passées ne préjugent pas des performances futures.
Source : Datastream, AllianzGI Global Capital Markets & Thematic Research, au mois de mai 2013.
Graphique n°8 : Volume des achats d’obligations par la Banque du Japon
en trillions de yen
250
JGBs
200
190
150
Obligations d’entreprises
140
100
50
Billets de Trésorerie
ETF
Programme de financement du crédit
89
J-REITs
0
Fin 2012
Fin 2013
Fin 2014
Source : Banque du Japon, AllianzGl Global Capital Markets & Thematic Research, au mois de mai 2013.
Source : Banque du
Japon : « Introduction
of the “Quantitative and
Qualitative Monetary
Easing” », avril 2013.
3
10
environ 7% du PIB des États-Unis, tandis
que la Banque du Japon envisage
d’accroître son programme d’achats
d’actifs annuel à un niveau équivalent
à 15% du PIB du pays.
• La duration moyenne des obligations
achetées sera relevée à 7 ans, contre
moins de 3 ans actuellement. Cependant,
l’achat d’obligations à 40 ans est également
envisagé comme moyen d’injecter un
stimulus supplémentaire dans l’économie
et d’encourager les investisseurs à se
reporter davantage sur des actifs plus
risqués dans leur allocation au risque
de duration. Selon Kuroda, ces mesures
constituent une forme d’assouplissement
qualitatif (« qualitative easing »).
• L’établissement du taux directeur entre
0,0% et 0,1%, soit un niveau très faible
depuis 2008, ne permet plus de susciter
l’intérêt des investisseurs.3
L’un des effets secondaires de cette approche
se matérialise par les pressions induites sur
le cours du yen par les mesures de politique
monétaire. Ces efforts ont remporté un franc
succès, dans la mesure où la devise japonaise
s’est d’ores et déjà fortement dépréciée par
rapport au dollar américain – perdant près de
20% depuis le début de l’année 2013 – tandis
que le marché d’actions japonaises (NIKKEI)
s’est envolé pour toucher un point haut,
atteignant le record de décembre 2007
(cf. graphique n°9). Cette dévaluation du
yen a permis aux entreprises du secteur de
l’export au Japon de saisir davantage d’opportunités d’améliorer leurs chiffres de vente
et leurs bénéfices. Cette tendance pourrait
soutenir la relance de l’économie japonaise,
en dépit des allégations d’une « guerre des
changes » qui ferait rage à travers le monde.
Graphique n°9 : Conséquences des mesures de politique monétaire initiées par la Banque
du Japon
USD / Yen
Points
130
20,000
120
18,000
16,000
110
14,000
100
12,000
90
10,000
80
8,000
70
6,000
2003
2004
USD / Yen
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
NIKKEI (échelle de droite)
Source : Datastream, AllianzGI Global Capital Markets & Thematic Research, au mois de mai 2013.
Parallèlement à ces mesures de politique
monétaire, qui présentent beaucoup de
similitudes avec l’approche adoptée par la
Réserve fédérale aux États-Unis, la politique
budgétaire devrait également contribuer à
sortir le Japon de la récession. Début janvier,
le nouveau premier ministre, Shinzo Abe, a
annoncé un programme de relance économique via le financement de projets de travaux
publics de grande envergure, pour un montant total de 10 000 milliards JPY (soit près de
100 milliards USD ou 2,2% du PIB).
Cependant, la politique monétaire de Shinzo
Abe, souvent surnommée « Abenomics »
par les médias japonais en référence à la très
controversée politique « Reaganomics »
conduite par Ronald Reagan aux États-Unis
dans les années 1980, comporte un certain
nombre de risques :
• Si les taux de rendement des emprunts
d’État à 10 ans venaient à se rapprocher
des 2%, contre près de 0,60% début mai
(point bas de 2003), le service de la dette
pourrait devenir de plus en plus onéreux.
Le programme de relance économique
proposé pourrait également accroître le
taux d’endettement du Japon.
• De plus, il sera probablement difficile de
changer les mentalités des entreprises
et des investisseurs, afin de relancer
l’investissement et la consommation dans
le sillage de 15 années de baisse des prix.
• Si l’on intègre le vieillissement de la population japonaise, il n’est guère étonnant de
noter que le système de retraite national
du Japon (avec une capacité d’investissement de plus de 100 000 milliards JPY
– soit plus de 1 000 milliards USD) envisage
de revoir sa stratégie d’investissement au
détriment des emprunts d’État japonais.
Près de 70% du total des actifs de ce fonds
sont investis en emprunts d’État japonais.
Cette décision pourrait pénaliser le marché
des emprunts d’État japonais et induire un
risque de duration pour les investisseurs,
dans la mesure où seulement 10% de la
dette nationale japonaise est détenue par
des investisseurs étrangers.
Toute la question est de savoir si la politique
économique japonaise portera ses fruits.
Dans le passé, plusieurs tentatives similaires
ont été amorcées pour sortir, sans grand
succès, le pays de sa spirale déflationniste.
En conséquence, l’attention du pays devrait
également être centrée sur les réformes
structurelles, dans la mesure où les seules
avancées concrètes observables n’ont été
réalisées pour le moment que sur le front du
sentiment des investisseurs. Les statistiques
économiques réelles ne traduisent toujours
aucun signe d’amélioration. Cependant,
un point semble clair : les rendements des
emprunts d’État maintenus à des niveaux
artificiellement faibles sont favorables à l’inflation (comme le suggèrent les prévisions
d’inflation à long terme) et devraient induire
une perte concrète de pouvoir d’achat.
11
La politique monétaire internationale dans un contexte de répression financière : un changement de paradigme
Comprendre.
À travers le monde, les banques centrales évoluent progressivement d’un modèle de prêteur en
dernier ressort vers celui d’acheteur en dernier ressort d’obligations (souveraines).
Par conséquent, les rendements sont généralement conservés artificiellement à des niveaux
extrêmement faibles – avec pour « scénario idéal » un environnement de taux réels négatifs.
Il en résulte un contexte de répression financière. Cependant, l’indépendance de certaines
banques centrales risque à cet égard d’être remise en question, ce qui a récemment été le cas au
Japon et même aux États-Unis suite à la déclaration du président de la Réserve fédérale de
St Louis, James Bullard, lors de la conférence annuelle de l’American Economic Association (AEA)
qui s’est tenue en janvier dernier. Les banques centrales sont ainsi contraintes de payer un prix
élevé pour leur politique monétaire expansionniste qui vise à remettre l’économie mondiale sur
la voie d’une croissance durable. À l’instar du Japon, les banques centrales doivent de plus en plus
s’accommoder d’un environnement inflationniste afin de se sortir d’une spirale déflationniste ou
de parvenir à stabiliser leurs marchés financiers. Nous assistons là à un véritable changement de
paradigme de la politique monétaire internationale.
Agir
Les conséquences pour les investisseurs :
1.
Les banques centrales resteront les principaux acheteurs d’emprunts d’État. Les niveaux
artificiellement bas des taux d’intérêt (avec pour « scénario idéal » un environnement
de taux réels négatifs) facilitent le processus de désendettement au niveau national,
mais pénalisent les investisseurs.
2.
Par conséquent, le rendement réel reste une composante clé des décisions
d’investissement.
Stefan Scheurer
12
Notes
13
La politique monétaire internationale dans un contexte de répression financière : un changement de paradigme
Notes
14
Document communiqué par Allianz Global Investors France S.A.
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Bourse le 30 juin 1997 sous le numéro GP-97-063. Société Anonyme au capital de 10 159 600 euros – RCS Paris 352 820 252
– Siège Social : 3 boulevard des Italiens, 75113 Paris Cedex 02.
Avant toute décision d’investissement, un investisseur devrait consulter son conseiller financier pour évaluer l’investissement
et s’assurer de l’adéquation à l’investissement en fonction de sa situation, son profil de risque et ses objectifs.
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indiqué et sont donc susceptibles d’être modifiées à tout moment sans préavis. AllianzGI France s’efforce d’utiliser des
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Juin 2013
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