La répression financière La politique monétaire internationale dans un contexte de répression financière : un changement de paradigme Une évolution en profondeur de la politique monétaire des banques centrales. Comprendre. Agir. 2 La politique monétaire internationale dans un contexte de répression financière : un changement de paradigme Sommaire 4 États-Unis : Focus sur le chômage 6 Zone euro – des signes avant-coureurs d’une reprise de la croissance 7 Royaume-Uni : Focus sur la croissance 9 La politique monétaire du Japon sur la corde raide 12 Comprendre 12 Agir Publication Allianz Global Investors Europe GmbH Bockenheimer Landstr. 42 – 44 60323 Francfort-sur-le-Main Global Capital Markets & Thematic Research Hans-Jörg Naumer (hjn) Dennis Nacken (dn) Stefan Scheurer (st) Source des données – sauf indication contraire : Thomson Reuters Datastream 3 La politique monétaire internationale dans un contexte de répression financière : un changement de paradigme La politique monétaire internationale dans un contexte de répression financière : un changement de paradigme Les banques centrales amorcent progressivement un changement de cap majeur de leur politique monétaire. La stabilité des prix ne constitue plus la clé de voute de la politique des banques centrales à travers le monde. En revanche, les banquiers centraux semblent poursuivre d’autres objectifs, tels que la baisse du chômage, la relance de la croissance économique et la stabilisation des marchés financiers. Par conséquent, il n’est guère étonnant que les banques centrales cherchent davantage à injecter des liquidités via des programmes d’achats d’obligations (assouplissement quantitatif) qu’en influant sur les taux d’intérêt. De ce fait, elles ont fortement élargi leurs bilans au cours des dernières années – non seulement afin de soutenir la croissance économique et éviter le risque de spirale déflationniste – mais également dans le but de garantir la stabilité du système (cf. graphique n°1). Le présent rapport étudie ce changement de paradigme en analysant en détail la politique monétaire engagée aux États-Unis, au Royaume-Uni, au sein de la zone euro et au Japon. États-Unis : Focus sur le chômage Sous la direction de Ben Bernanke, l’« ancienne époque » où la Réserve Fédérale américaine (Fed) construisait sa politique monétaire autour de la gestion du taux des Fed Funds semble belle et bien révolue. Dans le cadre du double mandat de la Fed, qui vise un équilibre entre le maintien de la stabilité des prix et un taux de chômage aussi faible que possible, la question du taux de chômage semble occuper une place de plus en plus prépondérante dans les décisions de politique monétaire de la banque centrale américaine. Les taux d’intérêt, que la Fed prévoit de conserver à des niveaux extrêmement faibles jusqu’à la mi-2015, ne devraient être relevés Graphique n°1 : L’expansion massive des bilans des banques centrales indexé 700 Prévisions 600 500 400 300 200 100 0 Jan. 07 Jul. 07 Jan. 08 Jul. 08 Jan. 09 Jul. 09 Jan. 10 Jul. 10 Jan. 11 Jul. 11 Jan. 12 Jul. 12 Jan. 13 Jul. 13 Jan. 14 Jul. 14 Jan. 15 Banque Centrale Européenne (BCE) Réserve Fédérale américaine (Fed) Banque d'Angleterre (BoE) Banque du Japon (BoJ) Source : Datastream, AllianzGl Global Capital Markets & Thematic Research, prévisions internes, au mois de mai 2013. 4 qu’une fois que le taux de chômage sera passé en-deçà du seuil de 6,5%. Début 2013, le taux de chômage s’élevait à 7,6%. Cependant, Janet Yellen, Vice-présidente de la Réserve fédérale a indiqué qu’un recul du taux de chômage au-dessous de 6,5% ne sonnerait pas nécessairement la fin de la politique monétaire américaine expansionniste. De plus, d’après nos estimations, le taux de chômage aux États-Unis ne devrait pas passer en-deçà du seuil de 6,5% avant fin 2017, voire début 2018, ce qui laisse présager d’un maintien durable de la politique monétaire ultraaccommodante de la Fed. (cf. graphique n°2). Dans le sillage de mesures similaires initiées en 2008 et 2010, la Fed a lancé un troisième programme d’assouplissement quantitatif (QE) mi-décembre 2012, suite à la fin de l’Opération Twist (programme de 600 milliards USD impliquant l’échange de dette à court terme pour des emprunts d’État de long terme). Ces nouvelles mesures de QE, qui visent à soutenir la relance de l’économie américaine et à réduire le taux de chômage, s’articulent autour d’un programme mensuel de 85 milliards USD. Ce programme viendra élargir le bilan de la Fed de 1 000 milliards USD (de 3 000 à 4 000 milliards USD) d’ici la fin de l’année 2013, et même à 5 000 milliards USD d’ici fin 2014. (cf. graphique n°3)1. 1 Source : Réserve Fédérale de New York : « Statement Regarding Purchases of Treasury Securities and Agency Mortgage-Backed Securities », décembre 2012. Les déclarations des membres de la Fed (notamment du Président de la Réserve fédérale de Chicago, Charles L. Evans) ne constituent pas les seuls signes qui confirment que la politique actuelle d’argent bon marché pourrait se prolonger durablement. Une étude plus approfondie de l’évolution des Graphique n°2 : Une politique monétaire durablement accommodante aux États-Unis Hypothèse : • Population active + 200 000 personnes par mois • Créations d’emplois : 150 000 par mois • Taux de participation : constant 11 % 10 % 9% 8% 7% 6% 5% 4% 3% Jan. 00 Jul. 00 Jan. 01 Jul. 01 Jan. 02 Jul. 02 Jan. 03 Jul. 03 Jan. 04 Jul. 04 Jan. 05 Jul. 05 Jan. 06 Jul. 06 Jan. 07 Jul. 07 Jan. 08 Jul. 08 Jan. 09 Jul. 09 Jan. 10 Jul. 10 Jan. 11 Jul. 11 Jan. 12 Jul. 12 Jan. 13 Jul. 13 Jan. 14 Jul. 14 Jan. 15 Jul. 15 Jan. 16 Jul. 16 Jan. 17 Jul. 17 Jan. 18 2% Taux de chômage aux États-Unis Prévision Objectif de la Fed Source : Datastream, AllianzGI Global Capital Markets & Thematic Research, au mois de mai 2013. Graphique n°3 : La Réserve Fédérale américaine – prêteur en dernier ressort Bilan de la Fed jusqu'à la fin de l'année 2014. Prévisions en mds USD QE1 QE2 QE3 4,500 1 350 mds USD en MBS d’agences gouvernementales 600 mds USD 40 mds USD en MBS d’agences gouvernementales 4,000 3,500 300 mds USD en bons du Trésor américain (Bons du Trésor américains) 45 mds USD en bons du Trésor américain (sur une base mensuelle) 3,000 2,500 2,000 1,500 QE1 QE2 QE3 1,000 500 0 Jan. 07 Jul. 07 Jan. 08 Jul. 08 Jan. 09 Jul. 09 Jan. 10 Jul. 10 Jan. 11 Jul. 11 Jan. 12 Jul. 12 Jan.13 Jul. 13 Jul. 14 Source : Datastream, AllianzGl Global Capital Markets & Thematic Research, prévisions internes, au mois de mai 2013. 5 La politique monétaire internationale dans un contexte de répression financière : un changement de paradigme rapports de force au sein du FOMC de la Fed (Federal Open Market Committee) semble conforter cette analyse. À l’heure actuelle, le remaniement prévu dans la composition du FOMC laisse penser que la politique d’argent bon marché défendue par le Président en exercice de la Fed, Ben Bernanke, bénéficiera d’un soutien marqué, et ce, en dépit des récents signes d’opposition au programme d’achats d’actifs massifs. Par conséquent, la politique ultra-accommodante de la Fed devrait continuer de bénéficier de la bienveillance de ses membres, malgré l’amélioration de l’environnement économique du pays. La Réserve fédérale américaine tourne le dos à 100 ans d’histoire La montée en puissance de la place du marché de l’emploi dans le double mandat de la Fed constitue un changement de cap majeur de la politique de la banque centrale, qui tourne ainsi le dos à 100 ans d’histoire. La Fed avait toujours poursuivi un objectif de maîtrise de l’inflation, mais n’y avait jamais officiellement fait référence dans la liste de ses missions, et ce, même dans les années 1980, lorsque le taux d’inflation et le taux de chômage avaient respectivement touché un point haut de près de 15% et 10%, plongeant l’économie dans la récession. Aux États-Unis, les prix à la consommation et les prévisions d’inflation (mesurées par l’écart entre les emprunts d’État américains à 10 ans et le taux des obligations indexées sur l’inflation) ne donnent pas lieu à s’inquiéter (cf. graphique n°4). Cependant la remontée potentielle de l’inflation à l’avenir constitue un risque non négligeable. Ce risque pourrait découler d’une expansion potentielle du programme de prêt ou d’une poursuite de la politique reflationniste. En d’autres termes, la politique économique agressive, ciblant le risque de déflation, se traduit par une hausse des prix des actifs, qui pourrait induire une remontée de l’inflation. La zone euro – des signes avant-coureurs d’une reprise de la croissance Contrairement à la politique d’expansion bilancielle engagée par d’autres banques centrales dans le but de stimuler avant tout la demande macroéconomique, la Banque centrale européenne (BCE) a élargi son bilan avec pour objectif principal de mettre un terme aux tensions financières qui pénalisaient la zone euro et d’assurer le bon fonctionnement du mécanisme de transmission dans un contexte de crise de la dette souveraine. Dans le cadre de cette politique, et afin d’éviter que les banques européennes ne rencontrent des difficultés de refinancement, la BCE a initié une série de mesures non conventionnelles, notamment des programmes d’achat d’emprunts d’État émis par les pays périphériques de la zone euro (le Securities Markets Programme - SMP - et le Outright MonetaryTransactions - OMT), l’octroi d’une Facilité de Liquidité d’Urgence (Emergency Liquidity Assistance - ELA) et le lancement Graphique n° 4 : Une inflation persistante aux États-Unis 6% 5% 4% 3% 2% 1% 0% –1 % –2 % 2003 2004 2005 2006 Point mort d’inflation aux États-Unis (en %, variation annuelle) 2007 2008 2009 2010 Prix à la consommation aux États-Unis (en %, variation annuelle) Source : Datastream, AllianzGI Global Capital Markets & Thematic Research, au mois de mai 2013. 6 2011 2012 Objectif d'inflation de la Fed Graphique n°5 : Les perspectives d’une période prolongée de politique monétaire accommodante au sein de la zone euro – la crainte d’une déflation ? 4% 3% 2% 1% 0% –1 % 2003 2004 2005 Prix à la consommation au sein de la zone euro (en %, variation annuelle) 2006 2007 2008 2009 Évolution de l’inflation sous-jacente des prix à la consommation au sein de la zone euro (en %, variation annuelle) 2010 2011 2012 Objectif d'inflation de la BCE Source : Datastream, AllianzGI Global Capital Markets & Thematic Research, au mois de mai 2013. de deux opérations de refinancement à long terme à 3 ans (long-term refinancing operations - LTRO), pour un montant total de plus de 1 000 milliards EUR . Bien que l’annonce de Mario Draghi, dans le courant de l’été 2012, indiquant que la BCE ferait tout ce qu’il faut pour sauver l’euro a apparemment permis de restaurer la confiance des investisseurs dans la monnaie unique, la BCE n’est finalement parvenue qu’à gagner du temps pour mettre en œuvre les réformes qui s’imposent au niveau local. Cependant, les taux d’intérêt qui ont touché des points bas record – ressortant parfois même en terrain négatif – permettent actuellement aux États-membres de la zone euro d’alléger le poids de leur dette (voir également notre article : La dette – une descente amorcée depuis des sommets historiques). De plus, au cours des derniers mois, Mario Draghi a laissé entendre que la banque centrale pourrait maintenir durablement sa politique monétaire accommodante et a déclaré que la BCE serait prête à intervenir en cas de retournement des indicateurs économiques de la zone euro ou en cas de risque déflationniste imminent au sein d’un État-membre périphérique. Si ces déclarations se confirment dans les faits, les taux d’intérêt directeurs devraient rester cantonnés autour de leur point bas historique pendant une période prolongée (cf. graphique n°5). Royaume-Uni : Focus sur la croissance Au Royaume-Uni, la politique monétaire a également été assouplie. L’objectif de stabilité des prix défendu par la Banque d’Angleterre (BoE) – et prôné dans ses décisions depuis 1998 – est en passe d’être progressivement remplacé par un objectif de croissance nominale. Le débat a été lancé par le prochain gouverneur de la BoE, Mark Carney, qui a dans le passé soutenu un tel objectif, notamment à l’occasion de son mandat de gouverneur de la Banque du Canada. Contexte : la croissance économique nominale inclut la croissance économique réelle et les prix à la consommation. Cependant, ces deux variables peuvent évoluer indépendamment l’une de l’autre. En d’autres termes, en cas de « choc de l’offre » - par exemple sur les marchés pétroliers – ces deux paramètres risquent d’évoluer en sens inverse. Les prix seraient amenés à augmenter du fait de la rareté de l’offre, tandis que la croissance économique réelle reculerait. En revanche, en cas de « choc de la demande », ces deux variables évolueraient parallèlement. Les défenceurs d’un objectif de croissance nominale espèrent asseoir la croissance de l’économie réelle, même en cas de pressions inflationnistes supérieures à l’objectif fixé. 7 La politique monétaire internationale dans un contexte de répression financière : un changement de paradigme Une politique monétaire accommodante peut être employée à cette fin. À cet égard, la BoE a acheté, pour le moment, environ 375 milliards GBP d’emprunts d’État. L’argent bon marché ainsi injecté peut contribuer à relancer la demande économique réelle et stimuler l’inflation. Toute la question est de savoir s’il s’agissait effectivement du but poursuivi par la BoE ces dernières années. Source: Banque des Règlements Internationaux (BRI) « Search for yield as rates drop further », Revue trimestrielle de la BRI, septembre 2012. 2 À nouveau gouverneur, « nouvelle » politique monétaire ? La BoE a indiqué qu’elle entendait poursuivre son programme d’achats d’obligations en cas de détérioration de l’environnement économique. Cependant, il n’est pas certain que la prochaine vague d’achat d’obligations, pour un montant de 25 milliards GBP (mentionné dans le compte-rendu de la réunion de la banque centrale de février 2013), contribue efficacement à la relance de la croissance économique. Or, dans l’éventualité où un stimulus supplémentaire deviendrait nécessaire, la BoE pourrait être amenée à recentrer sa politique monétaire sur des mesures directes, telles que le Funding for Lending Scheme (FLS – programme de financement du crédit), qui apporte depuis 2012 de la liquidité aux banques. Les conditions du programme dépendent de la capacité des banques à conserver, voire accroître, leurs activités de prêts aux entreprises2. Toutefois, il convient de noter qu’à ce jour l’efficacité du FLS reste à démontrer. L’objectif d’inflation de la BoE de 2%, instauré depuis 2004, n’a été atteint sur aucun mois depuis décembre 2009 – ce qui signifie que les prix à la consommation augmentent plus rapidement (cf. graphique n°6). D’après le rapport sur l’inflation de la BoE de février 2013, les autorités monétaires anticipent même des hausses de prix au-delà de l’objectif d’inflation au cours des trois prochaines années. Par conséquent, si la BoE venait à poursuivre son objectif de stabilité des prix, la politique monétaire devra être systématiquement resserrée afin de ramener l’inflation dans la borne établie – ce qui semble de moins en moins probable dans l’environnement économique actuel. Par ailleurs, on ne peut exclure que la BoE décide d’adopter une approche similaire à celle de la Réserve fédérale américaine, à savoir de cibler une réduction du taux de chômage. Au sein de la banque centrale, des discussions se sont récemment Parallèlement à un assouplissement de son objectif de stabilité des prix, la BoE pourrait également initier des mesures visant à relancer l’économie britannique. Graphique n°6 : Le Royaume-Uni – la fin de la politique de stabilité des prix ? 6% 5% 4% 3% 2% 1% 0% 94 95 96 97 98 Prix à la consommation au Royaume-Uni (en %, variation annuelle) 99 00 01 02 03 04 05 06 07 Évolution de l’inflation sous-jacente des prix à la consommation au Royaume-Uni (en %, variation annuelle) 08 09 11 12 Objectif d'inflation de la BoE Source : Datastream, AllianzGI Global Capital Markets & Thematic Research, au mois de mai 2013. 8 10 concentrées autour de la possibilité d’adopter une approche de « forward guidance » (déclarations relatives aux perspectives d’évolution de la politique monétaire). En d’autres termes, la banque centrale pourrait annoncer ouvertement son intention de conserver les taux d’intérêt aux niveaux actuels extrêmement faibles pendant une période déterminée. La politique monétaire japonaise sur la corde raide Dans la course à la politique monétaire la plus expansionniste, la palme pourrait être remportée par le Japon, suite à la récente victoire électorale du Parti Liberal Démocrate (PLD). En effet, cette transition ouvre la voie à une approche plus agressive de la politique monétaire et budgétaire au sein du pays. Le nouveau premier ministre, Shinzo Abe, a déjà annoncé le lancement d’un programme d’achat d’emprunts d’État et d’autres actifs par la banque centrale japonaise, visant à relever le taux d’inflation au-delà des 2% au cours des deux prochaines années. Ce nouvel objectif d’inflation, qui vient se substituer au précédent objectif à moyen terme de 1% fixé en février 2012, a été défini au cours d’une réunion de la Banque du Japon de janvier 2013, en concertation avec le président de la banque centrale, Haruhiko Kuroda. À titre de comparaison, l’inflation recule actuellement de 0,9% sur un an. La dernière fois que l’inflation des prix à la consommation a atteint, très brièvement, le seuil de 2% au Japon remonte à mi-2008. La banque centrale espère que la remontée du taux d’inflation se traduira par une hausse des niveaux de revenus, ce qui devrait soutenir les dépenses de consommation. Ce cercle vertueux devrait permettre de remettre l’économie japonaise sur la voie d’une croissance durable, après deux décennies de récession et de déflation. Le Japon souhaite également réduire sa dette en ayant recours à des taux d’intérêt réels négatifs. Parallèlement aux prix à la consommation, la faiblesse des rendements des emprunts d’État japonais à 10 ans illustre également l’importance de l’emprise de la déflation sur l’économie japonaise (cf. graphique n°7). Afin d’extirper le pays de cette spirale déflationniste et de générer une croissance économique pérenne, la Banque du Japon a annoncé le lancement des mesures suivantes à l’occasion de sa réunion d’avril dernier : • Au cours des deux prochaines années, la masse monétaire (M0), qui ressortait juste en-deçà de 140 000 milliards JPY à fin 2012 (environ 1 400 milliards USD), devrait être relevée à 270 000 milliards JPY (près de 2 800 milliards USD), soit de 60% du PIB à la fin de l’année 2014. • Le volume des emprunts d’État détenus par la Banque du Japon devrait être multiplié par deux, de 89 000 milliards JPY (environ 900 milliards USD) fin 2012 à 190 000 milliards JPY (près de 2 000 milliards USD) d’ici la fin 2014. Cette hausse représente environ 7 500 milliards JPY (approximativement 78 milliards USD) d’achats mensuels, ou 90 000 milliards JPY (environ 940 milliards USD) d’achats annuels. Haruhiko Kuroda a fait référence à ces mesures comme rentrant dans le cadre d’une politique d’assouplissement quantitatif (cf. graphique n°8). Pour ramener ces mesures dans un contexte plus global, les achats d’obligations annuels réalisés par la Réserve fédérale américaine représentent 9 La politique monétaire internationale dans un contexte de répression financière : un changement de paradigme Graphique n°7 : Une déflation bien ancrée au Japon 4% 3% Nouvel objectif d'inflation de la BoJ 2% 1% 0% –1 % –2 % 94 96 98 00 02 Prix à la consommation (en %, variation annuelle) Rendement des emprunts d’État japonais à 10 ans (en %, variation annuelle) 04 06 08 10 12 Prix à la consommation, hors alimentation et énergie (en %, variation annuelle) Les performances passées ne préjugent pas des performances futures. Source : Datastream, AllianzGI Global Capital Markets & Thematic Research, au mois de mai 2013. Graphique n°8 : Volume des achats d’obligations par la Banque du Japon en trillions de yen 250 JGBs 200 190 150 Obligations d’entreprises 140 100 50 Billets de Trésorerie ETF Programme de financement du crédit 89 J-REITs 0 Fin 2012 Fin 2013 Fin 2014 Source : Banque du Japon, AllianzGl Global Capital Markets & Thematic Research, au mois de mai 2013. Source : Banque du Japon : « Introduction of the “Quantitative and Qualitative Monetary Easing” », avril 2013. 3 10 environ 7% du PIB des États-Unis, tandis que la Banque du Japon envisage d’accroître son programme d’achats d’actifs annuel à un niveau équivalent à 15% du PIB du pays. • La duration moyenne des obligations achetées sera relevée à 7 ans, contre moins de 3 ans actuellement. Cependant, l’achat d’obligations à 40 ans est également envisagé comme moyen d’injecter un stimulus supplémentaire dans l’économie et d’encourager les investisseurs à se reporter davantage sur des actifs plus risqués dans leur allocation au risque de duration. Selon Kuroda, ces mesures constituent une forme d’assouplissement qualitatif (« qualitative easing »). • L’établissement du taux directeur entre 0,0% et 0,1%, soit un niveau très faible depuis 2008, ne permet plus de susciter l’intérêt des investisseurs.3 L’un des effets secondaires de cette approche se matérialise par les pressions induites sur le cours du yen par les mesures de politique monétaire. Ces efforts ont remporté un franc succès, dans la mesure où la devise japonaise s’est d’ores et déjà fortement dépréciée par rapport au dollar américain – perdant près de 20% depuis le début de l’année 2013 – tandis que le marché d’actions japonaises (NIKKEI) s’est envolé pour toucher un point haut, atteignant le record de décembre 2007 (cf. graphique n°9). Cette dévaluation du yen a permis aux entreprises du secteur de l’export au Japon de saisir davantage d’opportunités d’améliorer leurs chiffres de vente et leurs bénéfices. Cette tendance pourrait soutenir la relance de l’économie japonaise, en dépit des allégations d’une « guerre des changes » qui ferait rage à travers le monde. Graphique n°9 : Conséquences des mesures de politique monétaire initiées par la Banque du Japon USD / Yen Points 130 20,000 120 18,000 16,000 110 14,000 100 12,000 90 10,000 80 8,000 70 6,000 2003 2004 USD / Yen 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 NIKKEI (échelle de droite) Source : Datastream, AllianzGI Global Capital Markets & Thematic Research, au mois de mai 2013. Parallèlement à ces mesures de politique monétaire, qui présentent beaucoup de similitudes avec l’approche adoptée par la Réserve fédérale aux États-Unis, la politique budgétaire devrait également contribuer à sortir le Japon de la récession. Début janvier, le nouveau premier ministre, Shinzo Abe, a annoncé un programme de relance économique via le financement de projets de travaux publics de grande envergure, pour un montant total de 10 000 milliards JPY (soit près de 100 milliards USD ou 2,2% du PIB). Cependant, la politique monétaire de Shinzo Abe, souvent surnommée « Abenomics » par les médias japonais en référence à la très controversée politique « Reaganomics » conduite par Ronald Reagan aux États-Unis dans les années 1980, comporte un certain nombre de risques : • Si les taux de rendement des emprunts d’État à 10 ans venaient à se rapprocher des 2%, contre près de 0,60% début mai (point bas de 2003), le service de la dette pourrait devenir de plus en plus onéreux. Le programme de relance économique proposé pourrait également accroître le taux d’endettement du Japon. • De plus, il sera probablement difficile de changer les mentalités des entreprises et des investisseurs, afin de relancer l’investissement et la consommation dans le sillage de 15 années de baisse des prix. • Si l’on intègre le vieillissement de la population japonaise, il n’est guère étonnant de noter que le système de retraite national du Japon (avec une capacité d’investissement de plus de 100 000 milliards JPY – soit plus de 1 000 milliards USD) envisage de revoir sa stratégie d’investissement au détriment des emprunts d’État japonais. Près de 70% du total des actifs de ce fonds sont investis en emprunts d’État japonais. Cette décision pourrait pénaliser le marché des emprunts d’État japonais et induire un risque de duration pour les investisseurs, dans la mesure où seulement 10% de la dette nationale japonaise est détenue par des investisseurs étrangers. Toute la question est de savoir si la politique économique japonaise portera ses fruits. Dans le passé, plusieurs tentatives similaires ont été amorcées pour sortir, sans grand succès, le pays de sa spirale déflationniste. En conséquence, l’attention du pays devrait également être centrée sur les réformes structurelles, dans la mesure où les seules avancées concrètes observables n’ont été réalisées pour le moment que sur le front du sentiment des investisseurs. Les statistiques économiques réelles ne traduisent toujours aucun signe d’amélioration. Cependant, un point semble clair : les rendements des emprunts d’État maintenus à des niveaux artificiellement faibles sont favorables à l’inflation (comme le suggèrent les prévisions d’inflation à long terme) et devraient induire une perte concrète de pouvoir d’achat. 11 La politique monétaire internationale dans un contexte de répression financière : un changement de paradigme Comprendre. À travers le monde, les banques centrales évoluent progressivement d’un modèle de prêteur en dernier ressort vers celui d’acheteur en dernier ressort d’obligations (souveraines). Par conséquent, les rendements sont généralement conservés artificiellement à des niveaux extrêmement faibles – avec pour « scénario idéal » un environnement de taux réels négatifs. Il en résulte un contexte de répression financière. Cependant, l’indépendance de certaines banques centrales risque à cet égard d’être remise en question, ce qui a récemment été le cas au Japon et même aux États-Unis suite à la déclaration du président de la Réserve fédérale de St Louis, James Bullard, lors de la conférence annuelle de l’American Economic Association (AEA) qui s’est tenue en janvier dernier. Les banques centrales sont ainsi contraintes de payer un prix élevé pour leur politique monétaire expansionniste qui vise à remettre l’économie mondiale sur la voie d’une croissance durable. À l’instar du Japon, les banques centrales doivent de plus en plus s’accommoder d’un environnement inflationniste afin de se sortir d’une spirale déflationniste ou de parvenir à stabiliser leurs marchés financiers. Nous assistons là à un véritable changement de paradigme de la politique monétaire internationale. Agir Les conséquences pour les investisseurs : 1. Les banques centrales resteront les principaux acheteurs d’emprunts d’État. Les niveaux artificiellement bas des taux d’intérêt (avec pour « scénario idéal » un environnement de taux réels négatifs) facilitent le processus de désendettement au niveau national, mais pénalisent les investisseurs. 2. Par conséquent, le rendement réel reste une composante clé des décisions d’investissement. Stefan Scheurer 12 Notes 13 La politique monétaire internationale dans un contexte de répression financière : un changement de paradigme Notes 14 Document communiqué par Allianz Global Investors France S.A. Allianz Global Investors France est une Société de Gestion de portefeuille agréée par la Commission des Opérations de Bourse le 30 juin 1997 sous le numéro GP-97-063. Société Anonyme au capital de 10 159 600 euros – RCS Paris 352 820 252 – Siège Social : 3 boulevard des Italiens, 75113 Paris Cedex 02. Avant toute décision d’investissement, un investisseur devrait consulter son conseiller financier pour évaluer l’investissement et s’assurer de l’adéquation à l’investissement en fonction de sa situation, son profil de risque et ses objectifs. Ce document est réalisé à titre d’information et ne saurait constituer une offre commerciale ou de conseil d’ordre juridique ou fiscal. Les opinions développées, ainsi que les données du portefeuille ou du contexte économique, sont représentatives au jour indiqué et sont donc susceptibles d’être modifiées à tout moment sans préavis. AllianzGI France s’efforce d’utiliser des informations pertinentes, fiables et contrôlées. 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