Genre et Philosophie

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Approche philosophique de la notion de genre Le concept de genre étant relativement récent, on ne peut remonter bien loin dans l’histoire de la philosophie. On peut cependant regretter le caractère misogyne de la philosophie, dominée par les hommes depuis l’Antiquité. Néanmoins, on peut partir de l’expression de Simone de Beauvoir dans son ouvrage célèbre de 1949, le Deuxième sexe : « On ne nait pas femme, on le devient », ce qui signifie que l’on nait femelle mais qu’on devient femme comme catégorie socialement définie. 1°/ Le sexe précède le genre (comme sexe social) -­‐ Le sexe naturel et anté-­‐social précède le genre socialement construit Dans la foulée de Simone de Beauvoir, on a considéré pendant longtemps que le Genre était le sexe social, soit issu d’une construction sociale. Cette définition pose cependant de nombreuses questions pour lesquelles les réponses sont multiples : En quoi est-­‐ce une construction sociale ? Qu’est ce qui est construit réellement ? Si il y a du construit, y-­‐a-­‐t-­‐il du naturel ? Est-­‐ce l’obligation pour les hommes d’être masculins et les femmes féminines ? Le fait qu’il y ait des hommes et des femmes et que l’on ne puisse pas être l’un et l’autre, ou ni l’un, ni l’autre ? On le comprend donner un sens définitif au concept de genre s’avère difficile voire impossible. Le genre comme « sexe social » concerne les différences sociales entre hommes et femmes qui ne sont pas directement liées à la biologie. Le genre permettrait donc d’appréhender la différenciation des rôles sexués comme quelque chosed’autonome c’est-­‐à-­‐dire comme irréductible à des lois biologiques. Le biologique et le social sont deux domaines distincts, et l’on peut conclure que les inégalités entre hommes et femmes n’ont rien de naturelles mais sont arbitraires car socialement construites. Il y aurait donc d’un côté le biologique, le donné, le naturel sur lequel vient se superposer le social, le construit et le culturel. Les deux domaines sont donc appréhendés comme indépendants l’un de l’autre. Le sexe biologique serait un invariant, le genre ou sexe social serait contingent, soit modifiable, transformable et variable selon les sociétés et les cultures. En tant que construction sociale, le masculin et le féminin ne sont pas des catégories figées, singulières et immuables. Le genre agirait donc plus comme un processus ; processus qui permet à l’individu d’intérioriser les normes et les codes sociaux relatifs au masculin et au féminin. S’il existe deux sexes naturels ou biologiques, il existe également deux genres sociaux masculin et féminin qui viennent s’y superposer.Le genre permet donc de dénaturaliser les rapports entre les sexes et en faire l’objet d’une action politique. Cela a produit un terrain fertile pour le féminisme qui tend à voir dans le genre comme construction sociale, un indice de la domination masculine, du patriarcat et de la hiérarchisation des sexes qu’il faut combattre. Cependant l’analyse du genre comme ce qui est socialement construit dans les différences entre les sexes permet plusieurs interprétations : à titre d’exemple, il faut distinguer le « rôle de genre » qui désigne les comportements publics d’une personne (une personne s’identifie socialement à un homme ou une femme) et « l’identité de genre » qui renvoie à l’expérience privée qu’une personne à d’elle-­‐même (Est-­‐ce que je me définis moi-­‐même comme homme ou femme). Une des questions lancinantes qui a traversé la philosophie est de savoir lorsque l’on compare sexe et genre, est-­‐ce que l’on compare du naturel et du social ? Penser le genre comme la part sociale du sexe signifie qu’une fois que l’on a isolé le genre du sexe, on atteindrait un vrai sexe biologique, purement naturel qui soit pré-­‐social » ou « non-­‐
social ». On postule donc qu’il existe une nature stable et antérieure au genre, soit un sexe qu’il faut construire socialement, qu’il existe une nature pré-­‐culturelle susceptible de se plier à la construction sociale. 2°/ Critique du naturel – Le genre précède le sexe car il détermine les sexes -­‐ Le genre n’exprime pas la part sociale de la division des sexes, mais exprime la division des sexes elle-­‐même. On peut remettre en cause cette idée qu’il existe une base naturelle et biologique des sexes sur laquelle le genre viendrait se surajouter ou se superposer. On peut concevoir que le genre (sexe social) n’est pas déterminé par le sexe et le sexe n’est plus conçu comme une réalité naturelle. Le genre ne serait donc pas le sexe social. En réalité on peut concevoir le sexe comme social ou déjà social : le genre serait donc un système qui engendre la distinction entre les sexes. Le sexe en lui-­‐même ne serait rien : il s’agit d’une différence parmi d’autres entre les individus qui tire sa signification du genre. Le genre serait donc un principe d’organisation sociale qui crée la différenciation des sexes : le genre construit les sexes. Le genre est pensé comme un diviseur, un système de relations sociales produisant deux sexes posés comme antagonistes. Le genre est le marqueur de la division sociale qui fait exister hommes et femmes comme groupes distincts : le genre précède le sexe car le genre crée le sexe anatomique en transformant en distinction pertinente pour la société une différence anatomique dépourvus d’implications sociales. Entrons plus dans le détail : On peut objecter qu’affirmer que si le genre précède et détermine le sexe, qu’en est-­‐il du corps physique et de sa matérialité biologique ? Nous avons tous un corps, certes, il s’agit d’une réalité insurmontable. Mais identifier le sexe de quelqu’un n’est pas toujours si évident et l’on peut même dire que les critères pour expertiser/identifier le sexe varie selon les cultures et l’histoire (hormones, anatomie, ADN, gonades…). La question est pertinente pour les individus qui sont sexuellement indéterminés (intersexes). Lorsqu’un médecin doit définir le sexe d’un enfant intersexe ou qu’il doit pratiquer une opération chirurgicale, le choix du sexe est souvent déterminé par plusieurs critères liés à la nécessité sociale de distinguer les hommes et les femmes. (capacité à uriner, tailles des organes génitaux, capacité à avoir des enfants…). On peut donc conclure que le sexe, jusque dans sa matérialité est construit par le genre. En effet le sexe est un ensemble de données et ne se limite pas à un seul élément. Il existe donc plusieurs données dont la matérialité biologique est incontestable mais qui ne suffisent pas à déterminer le sexe en tant que tel. Le sexe est donc quelque chose de complexe car si les éléments qui le composent sont d’ordre biologique, le travail par lequel ces éléments sont reliés est social. Le sexe est donc un ensemble de données hétérogènes qui sont unifiées et réduite à une seule donnée elle-­‐
même transformée en réalité binaire (homme-­‐femme). Les différences anatomiques homme – femme indépendantes l’une de l’autre sont constituée en réalité pertinente et appréhendable par le genre. Le genre divise donc l’humanité en deux groupes distincts (hommes et femmes) etla différence des sexes peut ainsi être définie comme un phénomène « biosocial ». 3°/ Déconstruction du genre Le problème est que lorsque l’on parle de sexe, on ne se limite pas à la réalité anatomique mais nous identifions ou nous faisons correspondre un groupe de personnes à leurs attributs génitaux (groupe des femmes / groupes des hommes). Ce qui est socialement construit, c’est l’obligation sociale de se voir assigner un sexe à la naissance. Pour être cohérent, la société nous impose de posséder un sexe stable exprimé parun genre stable. De même, ce qui est socialement construitc’est de faire correspondre un sexe donné à des stéréotypes de genre : il n’y a pas là de nécessité biologique à cette correspondance mais une obligation sociale. Sexe et genre sont donc liés par une convention sociale.C’est ce qu’on appelle le continuum physico-­‐social. Appartenir à l’humanité signifie donc appartenir à l’une des deux classes d’être naturels qui la composent : les hommes ou les femmes. Nous définir comme homme ou femme, implique donc de nous classer dans l’humanité. La question est de savoir quel est le statut de toute une série d’individus tels les transsexuels, les transgenres, les intersexes, les travestis, les hommes efféminés ou les femmes masculines…ou toutes les personnes en questionnement par rapport à leur sexe ou leur sexualité. Faut-­‐il les exclure de l’humanité étant donné qu’ils n’entrent pas dans lescatégories de sexes socialement définies ? (ex. des transsexuels nés dans un « mauvais corps » et pour lesquels on fait tout pour les rendre normaux soit faire correspondre via une opération chirurgicale leur sexe biologique à leur genre).Que faire donc de tous les individus qui ne répondent pas aux normes de genre ? Certains mouvements ont ainsi tenté de remettre en cause l’idée d’une relation naturelle entre sexe et genre. Ils visent à travailler l’identité sexuelle et à troubler les représentations sociales en rompant la bi-­‐catégorisation qui ne tolère que deux sexes et rompt la nécessité sociale entre sexe et genre, le continuum physico-­‐social entrer sexe et genre. L’objectif est de ne pas enfermer des minorités dans des catégorisations définitives ou des essences qui les oppriment. L’objectif est donc de déconstruire la notion de genre pour subvertir les normes sociales qui s’y attachent. Olivier Vanderhaegen (Fonctionnaire de Prévention à Uccle et maître-­‐assistant en histoire et philosophie à la Haute Ecole Paul-­‐Henri Spaak) Bibliographie Pour la réalisation de ce résumé, les ouvrages suivants ont été utilisés : Isabelle CLAIR, Sociologie du Genre, Paris, 2012 E. NEVEU et C. GUIONET, Féminin/Masculin, Sociologie du Genre, Paris, 2009 (2eme éd) J. BUTLER, Trouble dans le genre, Paris, 2006 (Trad de l’américain Gender Trouble) S. CHAUVIN, A. JAUNART, A. REVILLARD, Introduction au Gender Studies, Bruxelles, 2008 (1ere éd.) E. DORLIN, Sexe, genre et sexualités, Paris, 2008 
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