L`Histoire sans fin des technologies de l`écrit. Traité de

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Analyse de Michèle BATTISTI
michele.battisti @adbs.fr
I2D - Information, données & documents
n°2, juin 2015
©ADBS
L’Histoire sans fin des technologies de
l’écrit. Traité de bricolage réfléchi
pour épris de curiosité
Paris, Presses des Mines, 2014. - 108 p.
– (Les carnets de Lilith). - ISBN 978-23567-1145-8 : 15 €
Béatrice Vacher, Isabelle Le Bis
« BRICOLER SEREINEMENT AVEC LES TECHNOLOGIES »
Le titre de l’ouvrage donne le ton. Il y a beaucoup d’humour et d’intelligence dans ces quelque cent
pages qui se moquent gentiment de notre besoin, voire (pour certains) de notre amour du classement dont les auteures relativisent, avec brio, l’efficacité. Vouloir agir rationnellement, raisonnablement, quoi de plus légitime pourtant !
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Mais, dans le 1 chapitre, on découvrira que la technologie, « conçue pour retrouver facilement nos
e
documents, en favorise la dispersion, voire la perte », dans le 2 chapitre que, « conçue pour simplifier
e
la vie », elle fabrique « du contrôle à grands coups de normes figées » et, dans le 3 que, « conçue
pour conserver, partager », elle est « source d’amnésie, voire d’exclusion ». Un constat qui se vérifie au fil du temps et qui
serait terrible, angoissant si ce n’est qu’il donne l’occasion de mettre l’accent sur le poids de l’humain, du dialogue, de la
« puissance de l’écoute flottante en action » ou encore sur le partage et le « bricolage collectif quotidien », « la reconnaissance mutuelle », qui résolvent bien des problèmes. Ou lorsque mépris et inattention, souligne-t-on aussi, sont les sources
des difficultés rencontrées bien plus que les complications techniques trop souvent mises en avant.
« Fais-moi un plan de classement » ! Oui. Pourquoi pas ? Mais les classements sont multiples, nous le savons, les buts collectifs ne sont pas toujours clairs, les préférences des uns et des autres « vagues, contradictoires et évolutives » et il y a toujours des choses que l’on « a du mal à caser » ou que « tout le monde ne case pas au même endroit », soit autant d’obstacles
pour le public et de perplexité pour les gestionnaires de l’information.
Ce désir d’ordre, bien ancré (chez certains du moins), reste donc un vœu pieu, face à cette technologie, parée pourtant de
toutes les vertus, « qui fabrique du désordre ». Les anecdotes pour le prouver foisonnent, comme ces abréviations des
moines copistes imaginées pour copier plus vite qui se traduisent par des pertes de temps lorsqu’il s’agit de les reconstituer
ou, encore, sur un autre plan, lorsque l’on passe insensiblement de « l’ organisation bienfaisante au contrôle pernicieux »,
comme le démontrent un grand nombre d’autres exemples. Les solutions, comme on le constatera, de prime abord judicieuses, engendrent complexité, embarras, incompréhension, confusion, exclusion… voire même des litiges. Et que dire des
manières d’aborder le classement, si différentes et si fascinantes dans d’autres cultures, non occidentales ?
Il n’y a pas de progrès permanent en matière de classement, on l’aura compris, et le numérique n’y change rien. Ce sont une
foultitude de « petits arrangements », la débrouillardise de l’humain, sans lesquels rien ne fonctionnerait, qui ont la part
belle. Vous ne trouverez d’ailleurs pas de solutions dans cet ouvrage mais, après l’avoir lu, vous serez indéniablement « armés pour bricoler sereinement avec les technologies » qui ne manqueront pas de s’offrir à vous.
Voici un ouvrage brillant, émaillé d’histoires amusantes et étonnantes, qui fait appel à l’histoire, à la philosophie, à la sociologie, à l’économie, etc. Il est publié dans une collection qui « se penche sur des faits de manière joyeuse et critique ». Voilà
qui devrait attiser votre curiosité.∎
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