L`effet nocif de la beauté idéale et l`effet répulsif de la beauté

L’effet nocif de la beauté idéale et l’effet répulsif de la beauté ordinaire
auprès des femmes en surpoids
Sylvie Borau
Associate Professor
Toulouse University, Toulouse Business School
20 Boulevard Lascrosses, 31068 Toulouse
Tel: +33 (0)5 61 29 49 08
L’effet nocif de la beauté idéale et l’effet répulsif de la beauté ordinaire auprès des
femmes en surpoids
Résumé :
Cette étude observe l’effet de l'exposition à des modèles féminins dans la publicité sur
l’anxiété corporelle des femmes adultes en fonction de leur IMC et va plus loin en examinant
également l’efficacité des modèles idéalisés et ordinaires dans la publicité en fonction de la
corpulence des consommatrices. Une expérimentation menée auprès de 600 répondantes
montre que les femmes avec un IMC élevé ressentent un niveau d’anxiété corporelle plus
élevé après avoir été exposées à une publicité contenant un modèle à la beauté idéale.
Cependant, cette étude révèle également l'effet répulsif du modèle ordinaire pour un produit
anti-cellulite chez les femmes en surpoids et l’attitude résistante de ces consommatrices face à
ce type de publicités.
Mots-clés : beauté idéale, IMC, anxiété corporelle, répulsion, résistance.
The toxic effect of ideal beauty and the repulsive effect of ordinary beauty among
overweight women
Abstract:
This study investigates the effect of exposure to female models in advertising on body-
focused anxiety amongst adult women with different BMI and go further by examining the
persuasive effects of idealized and ordinary models in advertising among women depending
on their corpulence. An experimentation conducted among 600 respondents shows that
women with high BMI experience stronger body-focused anxiety after being exposed to an ad
picturing an idealized model. However, this study also uncovers the repulsive effect of the
ordinary model when associated with an anticellulite product among overweight women and
the resistant attitude of these consumers towards this type of adverts.
Key-words: idealized beauty, BMI, body-focused anxiety, repulsion, resistance.
1
L’effet nocif de la beauté idéale et l’effet répulsif de la beauté ordinaire auprès des
femmes en surpoids
On relève aujourd’hui dans la publicité et plus globalement dans les médias occidentaux deux
grandes tendances dans la représentation de la beauté féminine : en majeur, une beauté
parfaite et stéréotypée dite « idéale » et, en mineur, une beauté plus proche des femmes de
tous les jours dite « ordinaire ». Cette beauté idéale se caractérise par des critères physiques
stéréotypés : ratio taille-hanche bas, clarté du teint et des cheveux, jeunesse, symétrie des
traits, grande taille et longues jambes, minceur extrême (Amadieu, 2002; Cunningham, 1986;
Etcoff, 1999; Jones et Hill, 1993). De plus, ces images de la beauté idéale sont généralement
retouchées, ce qui peuvent leur conférer un caractère irréel (Duke, 2002 ; Richins, 1991).
Enfin, les mannequins à la beauté idéale adoptent souvent une pose aguicheuse afin de
montrer l’efficacité du produit ce dernier permettant d’augmenter le pouvoir de séduction.
En revanche, la beauté ordinaire se traduit par des mannequins au physique plus proche de la
réalité, qui posent de manière plus naturelle, au sein d’images peu ou pas retouchées. C’est la
stratégie de communication « responsable » affichée par Body Shop dès le années 90 puis par
Dove en 2005 ou plus récemment H&M en 2013. Le choix de la beauté du modèle mis en
scène dans la publicité pose deux questions principales. La première concerne l’impact de
l’exposition à un modèle à la beauté plus ou moins idéale sur le bien-être individuel des
femmes - en termes d’insatisfaction ou d’anxiété corporelle. La deuxième porte sur le
caractère persuasif des annonces contenant un modèle à la beauté plus ou moins idéale. Les
chercheurs en marketing ont rarement appréhendé la question de manière holistique, c’est-à-
dire en intégrant à la fois les problématiques marketing et de bien-être. Cette recherche
s’attache à répondre à ces deux questions. De plus, la majorité des études a été réalisée auprès
d’une cible lycéenne ou étudiante. Notre recherche a été menée auprès de 600 femmes adultes
âgées de 18 à 35 ans et s’intéresse plus particulièrement aux réactions des femmes en
surpoids.
2
1. Cadre théorique et hypothèses de la recherche
1.1. Les modèles à la beauté idéale, source d’anxiété corporelle auprès des femmes en
surpoids
Les résultats de recherches montrent que l’exposition à des images représentant des modèles à
la beauté idéale influencerait le jugement des femmes sur ce qui constitue un niveau
acceptable d’attractivité (Marting et Kennedy, 1993) et modifierait le niveau de satisfaction
corporelle ou d’estime de soi corporelle ou d’anxiété corporelle
1
à la baisse (Cash, Cash et
Butters, 1983 ; Groesz, Levine et Murnen, 2002 ; Halliwell et Dittmar, 2004 ; Irving, 1990 ;
Levine et Harrison, 2004 ; Lin et Kulik, 2002 ; Richins, 1991 ; Tiggeman et Mc Gill, 2004).
Deux méta-analyses réalisées par Groesz, Levine et Murnen (2002) et Grabe, Ward et Hyde
(2008) permettent de conclure que, globalement, l’exposition aux images idéalisées a un
impact négatif sur la satisfaction corporelle des femmes. Les mannequins à la beauté idéale
étant généralement très minces, ils participent de la diffusion de cette norme de minceur
largement véhiculée dans la publicité et dans les médias (Silverstein et al., 1986). Cet objectif
du corps parfait aurait pour conséquence une augmentation de l’insatisfaction corporelle des
femmes voire des comportements alimentaires dangereux comme la boulimie ou l’anorexie
(Myers et Biocca, 1992 ; Stice et Shaw, 1994). Des recherches sur la satisfaction corporelle
ont effectivement indiqué que la majorité des femmes estimaient être insatisfaites par leur
corps (Mintz et Betz, 1986), mais que cette insatisfaction restait plus élevée chez les femmes
en surpoids. L’Indice de Masse Corporelle (IMC) a ainsi été identifié comme facteur de
vulnérabilité face aux images idéalisées de la beauté (Durkin, Patxon et Sorbello, 2007 ;
Smeesters, Mussweiler et Mandel, 2010). Dès lors, nous formulons l’hypothèse suivante :
H1. Auprès des femmes ayant un IMC élevé c’est-à-dire >25, (versus <25), le niveau
d’anxiété corporelle est plus élevé (versus plus bas) après avoir été exposées à une
publicité contenant un modèle à la beauté idéale (versus ordinaire ou sans modèle).
1
L’anxiété corporelle est définie comme l’inquiétude ou l’angoisse ressentie par un individu à l’égard de son
propre corps (Reed, Thompson, Brannick, et Sacco, 1991).
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1.2. Les modèles à la beauté idéale, potentiellement source de répulsion et de
résistance auprès des femmes en surpoids
L’exposition à des publicités contenant des modèles à la beauté idéale peut également
provoquer des réactions affectives de rejet (Cahill et Mussap, 2007) ou plus généralement des
humeurs négatives fortes (Tiggeman et Mc Gill, 2004). Tissier-Desbordes et Manceau (2002)
constatent aussi des réactions affectives négatives de rejet ou de répulsion face à des images
de modèles très attractifs et nus. Aaker et Bruzzone (1985) et Hogg et Fragou (2003)
soulignent quant à eux que des stimuli publicitaires avec une mise en scène trop irréaliste
peuvent susciter de l’irritation et du rejet. On peut supposer que la pose séductrice des
modèles à la beauté idéale peut également engendrer de la répulsion compte tenu de la
concurrence intra-sexuelle qu’elle instaure avec la consommatrice (Abed, 1998).
Cocanougher et Grady (1971) ou encore Banister et Hogg (2001) avancent enfin que certains
individus ont des groupes de référence négatifs. D’après ces auteurs, l’utilisation de certains
groupes de référence dans la publicité peut s’avérer répulsif auprès de consommateurs
potentiels. Compte tenu de l’insatisfaction corporelle que ressentent les femmes en surpoids à
la vue de modèles très minces et à la beauté idéale, ces dernières devraient ressentir de la
répulsion à l’égard de ces modèles. Nous postulons donc l’hypothèse suivante :
H2. Auprès des femmes ayant un IMC élevé, >25, (versus <25), l’intensité des
réactions affectives de répulsion est plus forte (versus plus faible) après avoir été
exposées à une publicité contenant un modèle à la beauté idéale (versus ordinaire)
2
.
Plusieurs études qualitatives (e.g. Duke, 2002 ; Hogg et Fragou, 2003 ; Milkie, 1999)
soulignent la capacité de résistance de certaines consommatrices face à l’idéal de beauté
majoritairement médiatisé. En adoptant une approche constructiviste, Milkie (1999) insiste
sur l’influence considérable des répondantes dans la sélection, l’interprétation et la critique
2
La deuxième hypothèse compare la répulsion ressentie à l’égard d’un modèle à la beauté idéale vs. la répulsion
ressentie à l’égard d’un modèle non idéal. Dès lors, il n’est pas possible de comparer ces résultats à une publicité
sans modèle (la répulsion à l’égard de la publicité en général n’ayant pas été mesurée).
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