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DIAGRAMMES D’ELLINGHAM
A de rares exceptions près, les métaux ne se rencontrent pratiquement pas dans la nature à l’état de
corps simple métal. Leur minerai sont des formes combinées oxydées (oxydes, halogénures, car-
bonates, phosphates, sulfures, sulfates, nitrates…).
L’extraction du métal intervient le plus souvent par réduction de l’oxyde; il est donc nécessaire
d’étudier les réactions redox par voie sèche.
I–Construction du diagramme d’Ellingham
1) Les oxydes
a) définitions
Les oxydes, de formule générale MxOy, résultent de la combinaison de l’oxygène avec un autre élément
M. De très nombreux métaux et non–métaux brûlent dans le dioxygène dans des réactions dites
de combustion.
L’élément oxygène est très électronégatif donc les composés oxygénés se caractérisent par la présence
d’ions oxydes O2O (au moins de façon formelle).
Un élément présentant plusieurs états d’oxydation peut former différents oxydes de stœchiométries dif-
férentes. Certains oxydes présentent même simultanément un même élément à deux degrés
d’oxydation.
n.o.
exemples
nom officiel
nom usuel
+I Cl2O oxyde de chlore (I) hémioxyde de chlore
+II ZnO
FeO oxyde de zinc (II)
oxyde de fer (II) monoxyde de zinc
oxyde ferreux
+III Cr2O3
Al2O3
Fe2O3
oxyde de chrome (III)
oxyde d’aluminium (III)
oxyde de fer (III)
sesquioxyde de chrome
alumine
oxyde ferrique
+II,+III Fe3O4magnétite
+IV MnO2oxyde de manganèse (IV) dioxyde de manganèse
+V V2O5oxyde de vanadium (V) pentaoxyde de divanadium
+VI SO3oxyde de soufre (VI) trioxyde de soufre
b) réactions redox par voie sèche
Les réactions de combustion d’une espèce B dans le dioxygène gazeux sont des types suivants:
2 Mn(S) +O2(G) = 2 MnO(S) [n.o.(Mn) = +II]
4 Mn(S) + 3 O2(G) = 2 Mn2O3(S) [n.o.(Mn) = +III]
Mn(S) +O2(G) = MnO2(S) [n.o.(Mn) = +IV]
4 Mn(S) +7 O2(G) = 2 Mn2O7(S) [n.o.(Mn) = +VII]
ou encore 2 Mn2O3(S) + 4 O2(G) = 2 Mn2O7(S)
Dans toutes ces réactions, l’élément oxygène passe de l’état 0 à l’état II en gagnant formellement deux
électrons; il est donc réduit.
Ces électrons ne peuvent provenir que de l’élément antagoniste qui est donc oxydé: l’état d’oxydation
de celui–ci augmente.
Par analogie avec les réactions rédox en solution aqueuse, on peut finir un couple redox B est
l’espèce réduite et l’oxyde formé l’espèce oxydée conjuguée. Par exemple MnO(S)/Mn(S),
MnO2(S)/Mn(S), ou Mn2O7(S)/Mn2O3(S).
Les réactions évoquées ci–dessus sont donc des réactions redox par voie sèche. Elles mettent en jeu
les couples oxyde/B et O2/oxyde car dans l’oxyde, l’élément O et l’élément B possèdent des états
redox différents par rapport au corps simple.
Ce type de réactions se généralise en remplaçant le couple O2/oxyde par tout autre couple Ox/Red met-
tant en jeu des espèces en phase solide ou gazeuse.
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2) Construction du diagramme
a) réaction de formation
La comparaison directe, d’un système à l’autre, des conditions de formation des divers oxydes à partir
des corps simples correspondants, nécessite de fixer un paramètre comme référence.
Déf: Par convention, l’équation–bilan de la réaction d’obtention d’un oxyde MxOy à partir d’un corps
simple M s’écrit en faisant intervenir une mole de dioxygène:
2
2
2
x
y y
M O M O
G x y
+ =
( )
Cette convention oblige souvent à faire apparaître des coefficients stœchiométriques non entiers dans
les bilans.
La phase des espèces autres que O2 dépend de la température.
b) tracé du diagramme
On trace l’enthalpie libre standard des bilans finis ci–dessus dans l’approximation d’Ellingham
c’est–à–dire que l’on considère que rH° et rS° ne dépendent pas de T (en dehors des tempéra-
ture de changements de phases).
Dans cette approximation, on peut donc écrire
r
r
r
G
H
S
°
=
°
°
(
)
(
)
.
(
)
0
0
Sur tout intervalle de température aucun changement de phase ne se produit, rG°(T) est un seg-
ment de droite dont la pente est l’opposé de l’entropie standard de la réaction étudiée.
Remarque: Si le métal et son oxyde sont solides (ou liquide), leur entropie molaire standard est gli-
geable et l’on a donc rS° S°(O2) – 200 J.K–1.mol–1
Dans ce cas, les droites d’Ellingham relatives aux différents couples oxyde/métal sont sensible-
ment parallèles entre elles.
En revanche, lors d’un changement de phase de M ou de MxOy, les grandeurs rH°(T0) et rS°(T0) sont
modifiées ce qui entraîne un changement de pente du segment suivant de la courbe rG°(T). Ce-
pendant, la courbe est continue pour T = TCE.
Exemple 1: Pour l’oxyde MgO, on donne:
rH°f(MgO(S)) = – 601,7 kJ.mol–1; S°(Mg(S)) = 32,7 J.K–1.mol–1; S°(O2(G)) = 205,0 J.K–1.mol–1;
S°(MgO(S)) = 26,9 J.K–1.mol–1
Température de fusion de Mg: TF = 649°C; Enthalpie de fusion LF = 9,2 kJ.mol–1.
u pour T < TF, le bilan est 2 Mg(S) + O2(G) = 2 MgO(S) (1)
rG°1(T) = 2(–601,7) – T(2.26,9 – 2.32,7 – 205)10–3 = –1203,4 + 0,2166 T en kJ.mol–1.
u pour T > TF, le bilan est 2 Mg(L) + O2(G) = 2 MgO(S) (2); en notant (3) le bilan de fusion Mg(S) = Mg(L),
on constate que (2) = (1) – 2.(3). Or rH°3 = LF et rS°3 =
L
TF
F
. On obtient
rG°2(T) = –1203,4 + 0,2166 T – 2.9,2 + T 2.9,98.10–3 = –1222 + 0,236 T
Exemple 2: Pour l’oxyde ZnO, on donne:
rH°f(ZnO(S)) = – 348,3 kJ.mol–1;
S°(Zn(S)) = 41,6 J.K–1.mol–1; S°(O2(G)) = 205,0 J.K–1.mol–1
S°(ZnO(S)) = 43,6 J.K–1.mol–1
Température de fusion de Zn TF = 420°C; Enthalpie de fusion LF = 6,7 kJ.mol–1.
u pour T < TF, le bilan est 2 Zn(S) + O2(G) = 2 ZnO(S) (1)
rG°1(T) = 2(–348,3) – T(2.43,6 – 2.41,6 – 205)10–3 = –696,6 + 0,201 T en kJ.mol–1.
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u pour T > TF, le bilan est 2 Zn(L) + O2(G) = 2 ZnO(S) (2); en notant (3) le bilan de fusion Zn(S) = Zn(L),
on constate que (2) = (1) – 2.(3). Or rH°3 = LF et rS°3 =
L
TF
F
. On obtient
rG°2(T) = –696,6 + 0,201 T – 2.6,7 + T 2.9,67.10–3 = –710 + 0,220 T
Remarques: Ÿ On vérifie que pour T = TF, on a rG°1 = rG°2 ;
Ÿ en général, le métal se vaporise pour une température inférieure à la température de fusion de
l’oxyde;
Ÿ pour le changement d’état solide–liquide, le changement
de pente est peu visible alors que pour le changement li-
quide–gaz, il est important.
La courbe a en général l’allure suivante:
Déf: On appelle diagramme d’Ellingham l’ensemble des courbes
rG°(T) tracées, dans l’approximation d’Ellingham, pour
différentes réactions d’obtention d’oxydes avec la même
quantité de O2
3) Interprétation des points du diagramme
a) états d’équilibre
Si le métal et son oxyde sont dans une phase condensée (solide ou liquide), la variance du système {M,
MxOy, O2(G)} est v = (3 1) + 2 3 = 1. Le système est monovariant, on ne peut choisir arbitrai-
rement qu’un seul facteur pour établir un état d’équilibre, par exemple T. Alors la pression du
système, notée pEQ, est une fonction de T. Cette pression est celle de O2.
Par ailleurs, pour le bilan 2
2
2
x
y y
M O M O
G x y
+ =
( ) , on peut écrire l’affinité chimique du système dans
un état quelconque A= − ° rO
G T RT
p
p
( ) ln 0
2
b g.
A l’équilibre, A = 0 donc
rEQ
EQ
O
O
G T RT p
pRT p
p
° = − =( ) ln ln
0
2
2
0
b g
b
g
.
La droite d’Ellingham correspond donc aussi à l’équation
RT p
pf Tln ( )
EQ O2
0
b
g
= et le point d’abscisse T sur
cette droite représente l’état d’équilibre du système à cette température.
b) états hors d’équilibre
En étendant la remarque précédente, on peut considérer que chaque point du diagramme d’Ellingham a
pour coordonnées (T, RT p
p
ln O2
0
b
g
). Dans un état
quelconque du système, on a
A= −RT
p
p
ln
(
)
EQ
O
O2
2
b g .
Le point E représente l’état d’équilibre à T. Le point A
représente un état tel que p(O2) > pEQ(O2) Ce ne
peut être un état d’équilibre donc il manque une
phase condensée. Or, d’après l’expression établie ci–dessus, l’affinité dans cette état est po-
sitive et le système chercherait, s’il le pouvait, à évoluer dans le sens direct du bilan. Il man-
que donc le métal pour permettre cette évolution. Le point A représente donc un état
coexistent l’oxyde et O2(G).
T
rG°(T)
T
F
TE
T
RT p
p
ln O2
0
b
g
T
RT p
p
ln EQ O2
0
b
g
E
A
T
RT p
p
ln O2
0
b
g
T
RT p
p
ln EQ O2
0
b
g
E
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Conclusion: L’ensemble des points « au–dessus » de la courbe d’Ellingham représentent des états
coexistent l’oxyde et O2. On parle de domaine de stabilité de l’oxyde.
De la même façon, les points en dessous de la courbe représentent des états coexistent le métal M et
O2. C’est le domaine de stabilité du métal.
Remarque: Les domaines ainsi finis ne sont pas des domaines de prédominance mais des domaines
d’existence exclusive.
c) cas où le métal ou l’oxyde est gazeux
Prenons l’exemple du couple CO(G)/C(S) mis en jeu dans le bilan 2 C(S) + O2(G) = 2 CO(G).
On a cette fois (rαi)(G) = 2 1 > 0 donc on peut prévoir que rS°
2 S°(CO) S°(O2) > 0: la pente de la droite d’Ellingham
est donc négative.
La variance de cet équilibre est v = (3 1) + 2 2 = 2: le sys-
tème est divariant et l’on peut fixer arbitrairement deux
paramètres intensifs (T et p ou T et p(O2)).
La condition d’équilibre est Kp
p
°= [ ( )]
[ ( )]
CO
OEQ
2
EQ2
. On peut écrire
0
2 0
20
2
= ° +
F
H
G
I
K
J= ° +
F
H
G
I
K
J+
F
H
G
I
K
J
∆ ∆
rEQ
2
EQ rEQ
2
EQ
CO
O
CO
O
G T p
pG T p
pp
p
( ) ln [ ( )]
[ ( )] ( ) ln [ ( )] ln [ ( )] On peut redon-
ner à la droite d’Ellingham la même signification que pour un système monovariant à condi-
tion d’imposer p(CO)EQ = 1 bar.
Il en résulte que les points situés « au–dessus » de la droite correspondent à des états tels que
p(CO) > 1 bar: c’est le domaine de prédominance de CO (mais pas d’existence exclusive car
l’équilibre est divariant). L’ensemble des points au–dessous représente le domaine de prédo-
minance de C(S).
II–Utilisations du diagramme
1) Corrosion d’un métal par le dioxygène
Déf: On dit qu’un métal est corrodé à une température T s’il est oxy par O2 à cette température. La
pression du dioxygène correspondant s’appelle pression de corrosion.
Soit un couple oxyde/métal dont la droite d’Ellingham est représentée ci–dessous.
On met le métal M en présence de dioxygène gazeux à la pression p(O2).
Pour les températures telles que M et son
oxyde sont en phases condensées, la va-
riance est 1 et, à l’équilibre, le choix de
T impose la valeur de p et donc celui de
p(O2)EQ.
Traçons la courbe T g T RT p
p
→ =
F
H
G
I
K
J
( ) ln C
0
pour une valeur fixée pC de p(O2). C’est
une droite de pente gative car le plus souvent, pC < p0. Elle coupe la droite d’Ellingham au
point C d’abscisse TC(pC).
Les points de la droite g(T) correspondront à des états d’existence de l’oxyde (c’est-à-dire de corrosion
du métal) s’ils sont au-dessus de la droite d’Ellingham.
Conclusion: Pour une pression de corrosion pC fixée en dioxygène, il existe une température limite de
corrosion TCL telle que le métal est corrodé si T TCL.
rG°T
CO(G)
C(S)
T
RT p
p
ln O2
0
b
g
RT p
p
ln EQ O2
0
b
g
C
TC(pC)
g(T)
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On peut trouver TCL graphiquement ou par le calcul avec la relation : r CL
CL
C
G T
RT p
p
°=
F
H
G
I
K
J
( ) ln
0
Remarque: Comme la pente de la droite de la droite d’Ellingham est en général positive, la température
limite de corrosion augmente si l’on augmente la pression de corrosion pC.
Si l’on impose la température TC, la corrosion a lieu si p(O2) > pC.
Conclusion: Pour une température TC donnée, il existe une pression de corrosion limite pCL telle que le
métal est corrodé à cette température si p(O2) > pCL.
On peut trouver pCL graphiquement ou par le calcul avec la relation p p G T
RT
CL r C
C
=°
F
H
G
I
K
J0exp ( ).
Remarque: Pour la même raison que ci–dessus, la pression de corrosion limite augmente avec T.
On peut calculer la pression de corrosion théorique pour un certain nombre de métaux:
METAL OXYDE pC à 298 K
(en bar)
pC à 1300 K
(en bar)
Al Al2O34.10–186 2.10–34
Ag Ag2O 1.10–4 4.104
Ca CaO 3.10–212 1.10–40
Cu CuO 4.10–46 1.10–3
Fe FeO 4.10–85 5.10–15
Fe Fe3O44.10–88 2.10–14
Mg MgO 1.10–200 2.10–37
Mn MnO 5.10–128 8.10–24
Hg HgO 4.10–22 2.108
Au Au2O32.10+15 4.1010
Pb PbO 6.10–24 2.10–7
Si SiO25.10–151 2.10–28
Ti TiO 1.10–156 5.10–29
Zn ZnO 2.10–112 8.10–17
On constate qu’en général, la pression de corrosion limite est très faible même à des températures éle-
vées. Dans l’air p(O2) = 0,2 bar, on a p(O2) > pCL et la plupart des métaux sont corrodés sauf
quelques métaux dits nobles (or, platine).
Tous les autres métaux doivent être protégés par une couche imperméable (peinture, film plastique,
émail, traitement de surface). Dans certains cas, c’est la couche d’oxyde elle–même, formée lors-
que le métal est placé dans l’air, qui empêche la poursuite de la corrosion (alumine Al2O3, mini-
um Pb3O4).
2) Réduction des oxydes métalliques
Considérons deux couples M1xOy/M1 et M2x’Oy’/M2 dont le bilans de formation sont:
2
2
1 2 1
x
yM O yM O
x y
+ = et 2
2
2 2 2
x
yM O yM O
x y
'
' ' ' '
+ =
Si l’on met en présence un métal et l’oxyde de l’autre métal, on peut écrire le bilan
2
2
2
2
1 2 1 2
x
yMyM O yM O
x
yM
xy x y
+ = +
'
'
'
''
On a rG°(T) = rG°1(T) – rG°2(T) et l’affinité chimique s’écrit :
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