D. Bailly L’Encéphale, 2006 ;
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501-5, cahier 2
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nature non prédatrice et désorganisée, contrairement à
ceux caractérisant le trouble des conduites qui traduisent
plus une tendance psychopathique. Ces données deman-
dent cependant à être précisées (7).
Un autre facteur pouvant compliquer l’évaluation dia-
gnostique est la fréquence de l’association entre trouble
bipolaire, trouble des conduites et troubles liés à l’utilisa-
tion de substances. Le trouble bipolaire et le trouble des
conduites chez l’enfant prépubère et le jeune adolescent
apparaissent comme deux facteurs de risque pour le
développement ultérieur, à la fin de l’adolescence, d’une
dépendance à l’alcool ou aux drogues. Une étude portant
sur des adolescents maniaques hospitalisés retrouve un
trouble lié à l’utilisation de substances chez 40 % d’entre
eux. C’est dire qu’il convient de penser à un possible trou-
ble bipolaire devant tout adolescent présentant un abus
ou une dépendance à l’alcool ou aux drogues (7).
TRAITEMENT
Traitement pharmacologique
Des données suggèrent que les thymorégulateurs
(lithium, carbamazépine, acide valproïque et ses dérivés)
pourraient avoir une certaine efficacité dans le traitement
des épisodes maniaques et des troubles bipolaires à
cycles rapides chez l’enfant et l’adolescent, la carbama-
zépine et l’acide valproïque pouvant se révéler plus effi-
caces que le lithium dans les états mixtes. Certains anti-
psychotiques (olanzapine, rispéridone) se sont aussi
montrés efficaces dans cette indication, utilisés seuls ou
en association avec un thymorégulateur. Par contre,
aucune donnée n’est à ce jour disponible concernant l’effi-
cacité des thymorégulateurs dans la prévention des récur-
rences du trouble bipolaire chez l’enfant et l’adolescent.
Il est clair que les études contrôlées sont aujourd’hui
insuffisantes pour proposer un schéma thérapeutique
« rationnel ». Aucune molécule n’a l’AMM dans cette
indication chez l’enfant et l’adolescent. Le choix du traite-
ment doit par ailleurs aussi tenir compte d’autres facteurs
liés à l’environnement, tels que les conditions de vie, le
degré d’information des parents sur la maladie, leurs
capacités à encadrer le traitement, notamment lors de la
prescription du lithium qui nécessite une surveillance par-
ticulière.
La question persiste de savoir si les thymorégulateurs
ont la même efficacité chez l’enfant, l’adolescent et
l’adulte. Pour certains auteurs, les formes à début pré-
coce, chez l’enfant prépubère et le jeune adolescent,
répondraient moins bien au traitement thymorégulateur.
Pour d’autres, cette inefficacité serait liée à la mise en
route au début des troubles d’un traitement inapproprié en
raison de la méconnaissance du diagnostic : l’absence de
traitement approprié entraînerait une multiplication des
épisodes affectifs et augmenterait les risques de compli-
cations (troubles du comportement, abus de substances,
conduites suicidaires), ce qui rendrait plus difficile la prise
en charge ultérieure (2, 4, 6).
Prise en charge psychothérapique
Tous les auteurs soulignent la nécessité d’une prise en
charge psychothérapique, afin de limiter les conséquen-
ces délétères du trouble bipolaire sur le fonctionnement
de l’enfant et sur son développement ultérieur. La plupart
des programmes proposés, basés sur des techniques
cognitivo-comportementales, comprennent des interven-
tions (le plus souvent en groupe) à destination à la fois
des enfants et des parents (2, 4, 6).
Les objectifs du traitement chez l’enfant et l’adolescent
sont multiples : apporter des connaissances sur la symp-
tomatologie du trouble bipolaire et sur son traitement ;
améliorer la gestion des symptômes ; développer les stra-
tégies d’adaptation (gestion des émotions, telles que
stress, anxiété ou colère ; apprentissage des techniques
de communication et de résolution de problèmes) ; amé-
liorer les relations entre l’enfant, sa famille et ses pairs (2).
Pour les parents, il s’agira de les préparer à la nécessité
d’une prise en charge au long cours. Les techniques uti-
lisées sont comparables à celles proposées aux enfants
(information sur le trouble bipolaire et son traitement ;
entraînement aux habilités éducatives, aux stratégies de
communication et de résolution de problèmes ; repérage
des situations à risque afin de favoriser le recours aux
aides appropriées). Elles visent à aider les parents à gérer
avec « souplesse » les troubles présentés et leur traite-
ment (2).
Enfin, il est recommandé de travailler en étroite colla-
boration avec le milieu scolaire, afin d’éviter l’échec sco-
laire et le rejet de l’enfant par ses pairs.
CONCLUSIONS
Tous les auteurs s’accordent pour dire qu’aujourd’hui
la très grande majorité des enfants et des adolescents
présentant un trouble bipolaire ne sont pas reconnus et
qu’ils sont non ou mal traités. Le rôle du médecin géné-
raliste est, à ce titre, particulièrement important. Sur le
plan du dépistage, il convient de savoir penser à un pos-
sible trouble bipolaire devant des troubles du comporte-
ment atypiques et fluctuants dans le temps, et ne pas
hésiter à orienter l’enfant ou l’adolescent vers une con-
sultation spécialisée pour une évaluation diagnostique
plus approfondie. Sur le plan thérapeutique, il s’agira de
travailler en étroite collaboration avec la famille afin
d’assurer une prise en charge effective qui sera, par
définition, nécessairement longue. Tout ceci apparaît
d’autant plus important qu’un dépistage et une prise en
charge précoces du trouble bipolaire chez l’enfant pour-
raient avoir d’indéniables effets préventifs sur la survenue
ultérieure, à l’adolescence, d’autres troubles (comporte-
ments suicidaires, troubles liés à l’utilisation de substan-
ces).