Répondant à ces protestations, le colonisateur britannique prit diverses mesures afin d’atténuer
les conséquences du système des castes pour les Dalits et les membres des varnas inférieures,
notamment en leur donnant la possibilité d’obtenir des emplois plus « nobles ».
Gandhi (1869-1948) se montra également choqué par la misère et les ségrégations dont
étaient victimes les Intouchables et il lutta pour améliorer leur statut, mais c’est avec parcimonie qu’il
s’est engagé sur la voie de la réforme car il n’a jamais remis en cause le système des varnas en lui-
même. Il donna aux Intouchables le nom de « harijans » (enfants de Dieu), terme ambigu car
généralement utilisé pour désigner les enfants des femmes consacrées aux dieux des temples et qui, en
réalité, étaient des prostituées… Finalement, nombre d’Intouchables n’adhérèrent pas à l’approche
gandhienne jugée insuffisamment ambitieuse et trop paternaliste.
Le mouvement de libération des Intouchables n’a ainsi véritablement pris son essor qu’avec
l’action de Bhim Rao Ambedkar (1891-1956), l’un des premiers juristes Intouchables à avoir
pleinement réalisé sa carrière jusqu’à être nommé président du Comité de Rédaction de la nouvelle
constitution de l’Inde indépendante.
B.R Ambedkar est né dans une famille de Mahar, une sous-caste d’Intouchables. Grâce à
l’intervention et au soutien de certains professeurs et mécènes, il fut le premier Mahar à faire des
études à l’étranger ; il fut notamment élève du célèbre économiste Séligman. En 1917, il fut nommé
secrétaire du Maharaja de Baroda, dans le but d’être préparé à la fonction de ministre des finances de
l’Etat. Mais il quitta celle-ci pour retrouver sa liberté et exercer le métier de consultant, de comptable,
de professeur d’économie et de droit à Londres.
En 1918, il participa à la conférence sur les défavorisés à Nagpur, en Inde, ce qui fut le point
de départ de son engagement en faveur d’Indiens discriminés. En 1923, il créa l’association Ihitakarini
Sabha afin d’améliorer les conditions économiques et d’exposer les doléances des classes
défavorisées. Grâce à ses efforts, le corps législatif de Bombay décréta que « tout individu quelle que
soit sa caste, avait le droit de vivre en société, de fréquenter les écoles et d’accéder aux fontaines et
puits publics ». En 1929, il défendit la nécessité de séparer les électorats pour les classes défavorisées.
Dans les années 30, il forma le Parti Travailliste Indépendant et, en 1942, fut nommé au
Conseil exécutif du gouvernement général de l’Inde. Après l’indépendance, en 1947, il fut appelé à
présider le Comité de rédaction de la nouvelle constitution de l’Inde. Sous son impulsion, le
gouvernement adopta l’article 17, abolissant l’intouchabilité et interdisant sa pratique.
Dans les années 40, le Docteur B.R Ambedkar s’était converti au bouddhisme après avoir
abandonné l’hindouisme en 1935 ; nombreux furent alors les Dalits qui suivirent son exemple pour
exprimer leur refus du système social hindou qui les discriminait. Aujourd’hui encore, la plupart des
mouvements luttant pour la défense des Intouchables, dits « ambedkaristes » se réfèrent à ses idées et
ses écrits.
Une tentative de définition juridique de « l’Intouchable »
L’intouchabilité est issue d’un concept
religieux traditionnel d’exclusion et apparaît
comme une référence à un concept social
tacite. C’est pourquoi une définition
juridique générale et impersonnelle n’a
jamais véritablement vu le jour malgré
plusieurs tentatives officielles.
La première d’entre issue du recensement de
1911 définit les Intouchables selon 10 critères
tangibles voire prosaïques .
D’après le recensement de 1911 sont considérés
comme Intouchables les individus qui :
- n’ont pas la suprématie des brahmines
- ne reçoivent pas la « bénédiction » des
Brahmanes ou d’autres Gourous hindous
- ne sont pas soumis à l’autorité des Veda
- ne vénèrent pas les dieux hindous
- ne reçoivent pas le culte d’un bon Brahmane
- n’ont pas recours à un prêtre brahmine
- n’ont pas accès aux temples hindous
- sont « polluants »
- enterrent leurs morts (les Hindous de caste les
immolent)
- mangent du boeuf