La Contre-Réforme Catholique au XXI e siècle IL EST RESSUSCITÉ ! N o 172 - Février 2017 Rédaction : frère Bruno Bonnet-Eymard Mensuel. Abonnement : 30 € DEU X IÈM E SU PPLIQU E A U PA P E F R A N Ç O I S Maison Saint-Joseph, le 2 février 2017, en la fête de la Présentation. Très Saint Père, À votre prédécesseur, le pape émérite Benoît XVI, des amis communs demandèrent un jour, alors qu’il n’était encore que le cardinal Ratzinger, en charge de la Congrégation pour la doctrine de la foi auprès du pape Jean-Paul II, pourquoi il ne répondait jamais aux suppliques de l’abbé de Nantes. Le cardinal répondit que c’était une « question de principe ». Sachant que vous faites profession d’un principe contraire, et que nous vous voyons chaque jour répondre à toutes les plus humbles sollicitations, et « À la fin mon Cœur Immaculé triomphera. » ( 13 juillet 1917 ) FÉV. 2017 No 172 - P. 2 n’ayant cependant reçu aucun accusé de réception de votre part, je conclus que l’on n’a pas jugé opportun, au Vatican, de vous remettre ma supplique du 4 octobre 2016. À moins que l’annonce d’une indulgence plénière, accordée à partir du 26 novembre dernier, à l’occasion de l’année jubilaire que vous avez impérée, ne soit votre réponse. Nous vous en sommes très reconnaissants, Très Saint Père, mais cela ne suffit pas. Je me permets donc de revenir à la charge, mais par la voie publique, espérant que mon cri jeté à la Face de Dieu dans le désert vous parviendra, Dieu voulant, afin que vous vous rendiez aux volontés très précises de Notre-Dame de Fatima. Très Saint Père, Nous sommes entrés dans l’année du centenaire des apparitions de Notre-Dame de Fatima descendue du Ciel sur notre terre en 1917, au cœur de la Première Guerre mondiale, pour livrer une « bataille décisive » aux enfers qu’elle a montré aux trois petits voyants. Sœur Lucie précisait quarante ans plus tard : « Une bataille décisive est une bataille finale où l’on saura de quel côté est la victoire, de quel côté est la défaite. » (au Père Fuentes, le 26 décembre 1957 ) Pour remporter cette victoire, la Reine du Ciel a confié aux trois petits voyants, Lucie, François et Jacinthe, au cours de sa troisième apparition, le 13 juillet 1917, son intention de venir demander la consécration de la Russie à son Cœur Immaculé et la communion réparatrice des premiers samedis. « Si on écoute mes demandes, disait-elle, la Russie se convertira et on aura la paix. Sinon, elle répandra ses erreurs à travers le monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l’Église. » C’est le spectacle que nous offre le monde aujourd’hui, Très Saint Père, parce qu’ « On » n’a pas encore écouté les demandes de la Reine du Ciel. Pourtant, le président actuel de la Russie a déclaré dans son discours du jeudi 1er décembre 2016, prononcé dans la salle des fêtes du Kremlin : « Nous ne voulons nous opposer à personne, nous n’en avons pas besoin, ni nous, ni nos partenaires et la société mondiale. À la différence de certains de nos collègues internationaux qui voient dans la Russie un adversaire, nous ne cherchons pas et n’avons jamais cherché d’ennemis. Nous avons besoin d’amis. » Le président Poutine s’est même déclaré « prêt » à coopérer avec Donald Trump, jugeant « important de normaliser et commencer à développer » les relations russo-américaines. Pour que ces déclarations d’intentions pacifiques soient suivies d’effet, il faut et il suffit, Très Saint Père, que vous consacriez la Russie au Cœur Immaculé de Marie. Vous n’avez qu’un mot à dire ! Faute de quoi, quatre jours après la trêve signée le 31 décembre 2016 par l’entremise du président Poutine entre Bachar el-Assad et une partie de l’opposition syrienne, cette trêve était déjà menacée ! Sans attendre la réunion prévue à Astana, au Kazakhstan, à la fin du mois de janvier, autour de la table diplomatique. Cependant, il est significatif, Très Saint Père, que la prochaine étape pour régler la question syrienne soit prévue sans la moindre participation d’un pays occidental. En effet, en juillet 1946, l’écrivain américain William Thomas Walsh, interrogeait sœur Lucie : « Notre-Dame vous a-t-elle dit certaines choses se rapportant aux États-Unis d’Amérique ? » Elle me lança un regard plutôt surpris, raconte celui-ci. « Son sourire, légèrement ironique, suggérait que, peut-être, les États-Unis n’étaient pas aussi importants que je me l’imaginais, dans la marche générale de l’univers. – Non, dit-elle doucement. Jamais Notre-Dame n’a mentionné votre pays ; mais je désirerais qu’on dise des messes à mon intention aux États-Unis. ” Je le lui promis, et elle m’assura qu’elle prierait pour moi. » En ce début de l’année mariale, Russes et Turcs sont alliés pour la paix en Syrie, Israéliens et Américains renouent depuis l’investiture de Donald Trump, lui-même se montrant favorable à un rapprochement avec Vladimir Poutine ; une seule personne est au centre de cette nouvelle géopolitique, c’est vous, Très Saint Père, à qui Notre-Dame demande de consacrer la Russie à son Cœur Immaculé. Russes et Turcs étaient à couteaux tirés sur le dossier syrien depuis qu’un avion arborant les cocardes de la Turquie, pays membre de l’Otan, avait abattu un appareil russe ; casus belli, s’il en est ! « Cas d’une guerre » ouverte capable d’entraîner les grandes puissances dans le chaudron du Proche-Orient. Je ne sais si Votre Sainteté a lu la troisième partie du Secret de Notre-Dame de Fatima confié aux voyants le 13 juillet 1917. À ma connaissance, vous n’en avez jamais parlé. Elle rapporte une vision d’Apocalypse où « un Ange avec une épée de feu à la main gauche » se tient « à gauche de Notre-Dame ». Cette épée « scintillait, émettait des flammes qui paraissaient devoir incendier le monde, mais elles s’éteignaient au contact de l’éclat que, de sa main droite, Notre-Dame faisait jaillir vers lui. » Cette intervention de la Vierge Marie fut manifeste en 2013, l’année de votre avènement. Le lundi 9 septembre, à l’initiative diplomatique de Vladimir Poutine, l’Occident renonçait à bombarder la Syrie, moyennant la destruction des armes chimiques de Bachar el - ­ Assad. Mais c’était le fruit du chapelet récité en votre présence, à votre initiative, Très Saint Père, place Saint-Pierre le samedi 7 septembre, premier samedi du mois, et vigile de la Nativité de Marie. FÉV. 2017 En septembre 2015, l’intervention militaire russe en Syrie a de nouveau sauvé le régime de Bachar el-Assad et changé le cours de la guerre. Vingt-six missiles kalibr, tirés de la mer Caspienne, ont détruit onze cibles de l’État islamique en Syrie... C’était le 7 octobre, en la fête de Notre-Dame du Rosaire ! En décembre 2016, c’est encore la Russie qui a été l’instrument de l’Immaculée Conception écartant de sa main virginale l’épée de feu, par un renversement des alliances... miraculeux ! Erdogan était complice de l’État islamique, s’en voyant déjà le sultan, à condition de renverser Bachar el-Assad à Damas ! Mais en plus de la menace grandissante d’un Kurdistan indépendant, capable de briser l’unité territoriale de la Turquie, Erdogan a dû faire face à un coup d’État dramatique le 15 juillet. On a dit que la CIA avait ourdi le complot pour abattre Erdogan en soudoyant Fethullah Gülen et sa secte islamiste, ancienne alliée de l’AKP , le précédent parti présidentiel. Ce qui est sûr, c’est que les services russes ont tiré le président turc de ce très mauvais pas. Depuis, Erdogan et Poutine ont mené de conserve, avec l’Iran, des négociations de paix en Syrie avec les « rebelles », qui ont abouti... le 8 décembre 2016, en la fête de l’Immaculée Conception ! Touchant l’Iran, le plan d’action global ( PAGC ) conclu le 14 juillet 2015 avec les puissances du groupe 5 + 1 ( États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne), est entré en vigueur le 16 janvier 2016. L’Agence internationale de l’énergie atomique ( AIEA ) vérifie et contrôle la mise en œuvre par l’Iran des engagements pris. Celui-ci semblait donner toute satisfaction et cependant le lancement d’un missile par l’Iran remet peut-être en cause le PAGC . Et de toute façon, le maintien de ce régime de sanctions, même si elles sont suspendues, pénalise les relations économiques de Téhéran avec le reste du monde, les banques hésitant à travailler avec l’Iran. À l’encontre du risque d’escalade entre Washington et Téhéran, et pour donner une prédominance médiatrice à la Russie, pays chrétien, sur la puissance musulmane perse, votre intervention, Très Saint Père, par sa consécration au Cœur Immaculé de Marie, serait décisive. De même, en ce qui concerne la Corée du Nord qu’aucun accord international ne contrôle lorsque son leader affirme que son pays en est « aux dernières étapes avant le lancement test d’un missile balistique intercontinental ». C’est l’héritage, en ligne directe, des « erreurs de la Russie ». Le “ seul antimissile ” qui tienne, en ce péril extrême, est... encore et toujours la consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie ! Il n’y a pas de plus pressante intention de prière à donner à notre pèlerinage jubilaire. La paix du monde dépend de vous, Très Saint No 172 - P. 3 Père, de vous seul, de votre obéissance au Cœur Immaculé de Marie. L’acte de consécration de la Russie au Cœur Immaculé de Marie ne sera pas une ingérence dans les affaires de ce pays, mais un acte de pure obéissance à la Très Sainte Vierge, à qui la Russie est confiée depuis mille ans. Notre-Seigneur l’a dit à Lucie qui lui demandait pourquoi « il ne convertirait pas la Russie sans que sa Sainteté fasse cette consécration ». Notre-Seigneur répondit : « Parce que je veux que toute mon Église reconnaisse cette consécration comme un triomphe du Cœur Immaculé de Marie, afin d’étendre ensuite son culte et placer, à côté de la dévotion à mon Divin Cœur, la dévotion à ce Cœur Immaculé. – Mais, mon Dieu, dis-je, le Saint-Père ne me croira pas, si vous ne le mouvez vous-même par une inspiration spéciale. – Le Saint-Père ! Priez beaucoup pour le Saint-Père. Il la fera, mais ce sera tard. Cependant le Cœur Immaculé de Marie sauvera la Russie, elle lui est confiée. » Dans vos vœux à la Curie romaine, Très Saint Père, vous vous êtes plaint de la « résistance cachée » et « malveillante » que vous percevez dans les rangs de vos propres collaborateurs, suscitée par « le démon qui inspire des mauvaises intentions, souvent dans des habits d’agneau ». Vous ne pouviez mieux dire pour qualifier la « résistance cachée » et « malveillante » aux volontés de la Très Sainte Vierge elle-même, telle que cette résistance s’est manifestée lors du Congrès international [anti ] marial organisé par la PAM I à Fatima en septembre 2016. On la perçoit jusque dans le communiqué qui annonce votre volonté d’accorder l’indulgence plénière aux pèlerins de Fatima. Le texte précise que cette indulgence est « christologique ». C’est pourquoi « le diocèse de Leiria-Fatima recommande de participer activement à une célébration ou à une prière, en l’honneur de la Vierge Marie, de prier le Notre Père, de réciter le Credo, et d’invoquer la Vierge Marie ». Nous retrouvons ici cette maligne omission du chapelet, âprement discutée au Concile et finalement ratifiée dans la Constitution conciliaire Lumen gentium (n o 68 ). C’est vraiment une victoire du diable contre « la Femme » descendue du Ciel à six reprises, il y a cent ans, tous les treize du mois, de mai à octobre, pour demander « qu’on récite le chapelet tous les jours ». Vos prédécesseurs, de Jean XXIII à Benoît XVI, ont éludé la consécration de la Russie et la dévotion réparatrice au Cœur Immaculé de Marie. Sous votre pontificat, “ on ” élude le chapelet ! Autant dire qu’on vous prive du seul et ultime moyen que Dieu vous offre de mener à bien la gigantesque “ réforme ” que vous avez entreprise pour le salut de l’Église et du monde. Absit ! frère Bruno de Jésus - Marie. FÉV. 2017 No 172 - P. 4 C ON T R E - R ÉVOLU T ION M A R I A LE (2) par frère Bruno de Jésus-Marie DÉSIR DU MARTYRE Juillet 1936 : les milices révolutionnaires s’emparent de Pontevedra, puis de Tuy où le palais épiscopal est assailli. Mais le 26, Tuy est libérée par les forces nationalistes. Sœur Lucie resta au couvent avec quatre autres sœurs volontaires. Elles vécurent quelque temps dans le grenier, gardées par un soldat, parce que la maison était occupée par une garnison militaire. C’est elle qui rassurait ses compagnes. On aurait dit que la peur n’entrait pas dans son cœur ! Elle avait reçu l’ordre de ne jamais sortir sans être accompagnée par un soldat. Mais quand elle devait aller au jardin chercher quelque chose dont elle avait besoin, elle disait sans cérémonie à la sentinelle : “ Je dois aller au jardin. Si vous voulez venir avec moi, venez ; sinon, je n’ai pas peur. ” Et la sentinelle, pour obéir à la consigne, la suivait. En juillet 1936 , sœur Lucie livre au Père Aparicio ses sentiments intimes : « Malgré la proximité de tant de tempêtes et de dangers, le Bon Dieu veillait sur mes sœurs, de sorte que nous pouvons dire que nous sommes passées par l’eau et le feu, et que nous en sommes sorties saines et sauves. Grâce à Dieu, jusqu’à présent, nous n’avons encore rien eu à souffrir de plus que quelque peur. « En vérité, je ne me suis pas affligée un seul moment ; en partie à cause de la confiance que j’avais dans les Saints Cœurs de Jésus et de Marie, et de la joie que je ressentais d’aller m’unir à eux dans le Ciel. Mais il me semble bien qu’ils ne me voulaient pas là-haut maintenant. Ils veulent que je leur offre le sacrifice d’attendre la conversion de cette nation. Et je ne m’effrayais pas, peut-être en partie aussi par ignorance de toute la gravité du péril dans lequel nous nous trouvions. « Maintenant, nous sommes dans l’attente de ce qui arrivera. Nous nous confions à Notre-Seigneur, à la protection du Cœur Immaculé de Marie qui, bientôt, nous accordera des jours de paix et de tranquillité. S’il n’en est pas ainsi, je suis prête. Et rien ne me sera plus agréable que de donner ma vie pour Dieu, afin de lui payer en quelque manière le don de sa vie pour moi ; je reconnais cependant être indigne d’une si grande faveur. » Le Père Aparicio, né le 14 février 1879, entré dans la Compagnie de Jésus le 8 septembre 1895, ordonné prêtre le 1er juillet 1912, était le confesseur des sœurs Dorothées lorsqu’elles reçurent Lucie comme novice à Tuy, le 24 octobre 1925. Lucie partit pour Pontevedra le jour suivant, puis revint à Tuy le 16 juillet 1926. Elle commença à se confesser au Père Aparicio comme les autres religieuses. Il la comprit si bien qu’elle lui ouvrit toute son âme. Dans une lettre du 15 août 1936, elle lui redit son désir du martyre : « Je désire beaucoup et demande à notre Bon Dieu et au Cœur Immaculé que ces jours de retraite soient le point de départ d’un véritable progrès spirituel et d’une offrande de moi-même toujours plus totale et complète à notre Bon Dieu. Je veux me donner aux Cœurs de Jésus et de Marie et Les aimer, non seulement pour moi, mais aussi pour tous ceux qui demeurent dans les rangs des persécuteurs de ces Sacrés Cœurs et de leurs lois. Pour ceux qui, en même temps que la vie temporelle, veulent obstinément perdre l’éternelle. « Qu’ils sont beaux ces jours de fervente retraite pour nous préparer à ce que le Seigneur veut de nous. Ah ! que je voudrais le martyre ! Je ne mérite pas cette grâce, mais je la désire et l’espère de la divine Miséricorde. » Et dans son carnet personnel, elle écrit : « Je passai à Pontevedra les premiers mois de la révolution communiste, prête à accepter le martyre si Dieu voulait m’en faire la grâce, mais Il m’a réservé un autre martyre, guère plus facile parfois : c’est le lent martèlement du renoncement qui crucifie et immole, comme le frottement continuel d’une lime sourde consume dans l’usure continuelle de la vie qui s’est donnée pour toujours, et redit : Ce que tu voudras, Toi, mon Dieu et mon Seigneur ! “ Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. ” ( Mc 8, 34 ) « Oui ! c’est le programme tracé par Dieu pour mon chemin, renoncer à tout, à moi-même. À la dernière place, celle que personne ne convoite, où il n’y a pas d’illusion, ni vanité, à rester là par Amour, ignorée, inconnue, oubliée, c’est mieux que d’être persécutée par la jalousie, l’envie, l’ambition, c’est ne rien avoir que les autres puissent désirer, c’est ne pas avoir un poste, passer inaperçue dans le silence et dans l’ombre ! C’est Te suivre, Bon Jésus, dans FÉV. 2017 l’anéantissement de l’Hostie sainte, du Tabernacle abandonné, dans l’outrage et le sacrilège prolongé à travers les âges jusqu’à la consommation des siècles. C’est le renouvellement permanent de mon oui . » RÉPANDRE LA DÉVOTION DES CINQ PREMIERS SAMEDIS Malgré les troubles de la guerre d’Espagne, le martyre n’était pas la vocation de sœur Lucie. En 1936, sa mission ne faisait que commencer. À force d’insister, de prier, de se sacrifier, elle obtint de son évêque, l’évêque de Leiria, qu’il écrive lui-même au Saint-Père, le pape Pie XI, en mars 1937, pour lui exposer les deux grandes demandes de Notre-Dame : la consécration de la Russie et l’approbation de la dévotion réparatrice des premiers samedis du mois. Cette requête de Mgr da Silva parvint au Pape deux semaines après la publication de son encyclique Divini Redemptoris , condamnant le communisme athée et persécuteur comme « un fléau satanique ». Le 8 avril, le Saint-Siège accusait réception... et ne donnait aucune suite aux demandes du Ciel ! Alors, la seconde guerre prédite le 13 juillet 1917, vingt ans auparavant, aura lieu. Le signe avant-coureur d’une « lumière inconnue », annoncé par la Sainte Vierge dans son “ secret ” du 13 juillet, brilla dans la nuit du 25 janvier 1938. Au matin du mercredi 26 janvier, on pouvait lire à la une des journaux : « Une aurore boréale exceptionnelle a sillonné, hier soir, le ciel de l’Europe occidentale. » Sœur Lucie contempla avec ses compagnes à Tuy, en Espagne, ce spectacle grandiose et étonnant qu’elle seule pouvait expliquer, tant à son évêque qu’au chanoine Galamba, à sa supérieure, à ses confesseurs. À savoir que Dieu nous prévenait que « sa justice était prête à frapper les nations coupables », écrit sœur Lucie dans son Troisième Mémoire , le 31 août 1941. « Et c’est pourquoi je me mis à demander avec insistance la communion réparatrice des premiers samedis et la consécration de la Russie. » Plus d’un an s’était écoulé depuis que Mgr da Silva avait transmis au pape Pie XI la demande de la consécration de la Russie, et Rome n’avait toujours pas répondu. Le 6 février 1939, sœur Lucie écrit : « Dans une communication intime, Notre-Seigneur m’a fait connaître que le moment de grâce dont il m’avait parlé en 1938 allait finir. La guerre, avec toutes les horreurs qui l’accompagnent, commencera bientôt [...]. La guerre se terminera lorsque la justice de Dieu sera apaisée. » « Dans une autre communication, Notre-Seigneur m’a dit, vers mars (ou mai ) 1939 : “ Demande, insiste No 172 - P. 5 de nouveau pour qu’on divulgue la communion réparatrice des premiers samedis en l’honneur du Cœur Immaculé de Marie. Le moment approche où les rigueurs de ma justice vont punir les crimes de plusieurs nations. Quelques-unes seront anéanties. À la fin, les rigueurs de ma justice tomberont plus sévèrement sur ceux qui veulent détruire mon règne dans les âmes. ” » Le cardinal Cerejeira témoignera que l’imminence de la guerre avec sa violence et son extension, avait été communiquée par sœur Lucie à l’évêque de Leiria sept mois avant son déclenchement : « En effet, disait‑il, j’ai eu en main la lettre du 6 février 1939 où la voyante disait imminente (elle a écrit éminente) la guerre prédite par Notre-Dame » et promettait au Portugal sa protection « grâce à la consécration à son Cœur Immaculé faite par l’épiscopat portugais ». Le 14 février 1939, sœur Lucie écrit à sa mère : « Maman chérie, « J’ai reçu la lettre de D. Maria Francisca, dans laquelle elle me disait que vous étiez très affligée à cause de moi. Moi, grâce à Dieu, je vais bien. J’ai de la peine de vous savoir en mauvaise santé. Combien je compatis à vos douleurs ! Ah ! que ne donnerais-je pas pour pouvoir aller vous soulager ! mais c’est un sacrifice que notre Bon Dieu nous demande afin de sauver les âmes. Que le Bon Dieu nous demande tout ce qu’Il veut, mais qu’Il convertisse les pauvres pécheurs. Nous serons heureuses au Ciel d’avoir souffert pour Lui sur la terre. Ne vous attristez pas de la croix que Notre-Seigneur vous envoie. C’est pour que votre récompense soit plus grande dans l’éternité. Alors, nous jouirons de la félicité de notre Bon Dieu, dans la mesure où, ici-bas, nous aurons souffert, unis à ses douleurs et à ses amertumes, et nous sommes bien heureuses d’avoir la grâce de pouvoir L’aimer en souffrant. En lisant cela, ne pensez pas que je souffre beaucoup. Non ! Je n’en suis même pas digne. « Ah ! Si seulement le Seigneur voulait bien m’associer à sa Croix et se servir de mon rien pour sauver beaucoup, beaucoup d’âmes ! Demandez-Lui cette grâce pour moi [...]. » Le 19 mars 1939, sœur Lucie écrit au Père Aparicio qui est parti pour le Brésil le 9 novembre 1938 : « J’ai reçu, il y a quelques jours, la lettre de votre Révérence, dans laquelle vous m’appreniez la mort de votre bon père. Aussi je m’empresse de venir vous présenter mes condoléances très affligées. Je sais par la mort du mien, dont je me souviens encore avec douleur, combien cette peine est grande. Mais c’est notre Bon Dieu qui ainsi nous communique une part de sa croix. Qu’il soit béni pour tout. Je ne FÉV. 2017 manquerai pas d’offrir quelques-unes de mes pauvres prières pour son repos éternel. « Je vous remercie pour l’intérêt que vous prenez à toutes mes affaires. Tout comme toujours. Je n’ai pas encore parlé avec la Révérende Mère provinciale. Il me semble qu’elle est bien disposée. J’ai envoyé à sa Révérence la petite page sur la Communion réparatrice des premiers samedis, que votre Révérence m’a envoyée de Lisbonne. Sa Révérence l’a apportée à Mgr l’évêque de Porto, pour demander la permission de la faire imprimer et publier. Son Excellence a accordé la permission désirée et a voulu garder la petite page. Notre Révérende Mère provinciale m’a écrit alors pour en demander une autre, et moi, comme je n’en avais pas, j’ai écrit une carte postale à Braga, place Sainte-Thérèse, pour demander la faveur que l’on m’en envoie une ou plus de Sardão. Je ne sais pas si l’on a satisfait à ma demande, ni si c’était là qu’il fallait demander. « De la pratique de cette dévotion unie à la consécration au Cœur Immaculé de Marie, dépend la guerre ou la paix du monde. C’est pourquoi je désirais tant sa propagation et surtout aussi parce que telle est la volonté de notre Bon Dieu et de notre si chérie Mère du Ciel ... » Au Brésil, le Père Aparicio propagea du nord au sud la dévotion au Cœur Immaculé de Marie. Le 20 juin 1939, Sœur Lucie lui écrit de nouveau pour l’avertir du péril imminent : « Je vous remercie et suis très reconnaissante des photographies que vous m’avez envoyées, comme de l’imprimé. J’ai eu plaisir à voir combien la nouvelle demeure de votre Révérence est jolie. Voilà qui est bien pour dissiper les regrets de notre belle terre, que vous devez avoir. La chaleur doit se faire sentir maintenant. Combien je pense à votre Révérence à ce sujet ! « Quelle source de mérites pour le Ciel vous avez là ! Ce sont des âmes sans nombre que vous allez donner à notre Bon Dieu avec tous ces sacrifices ! Je vous envie. Combien de fois je me suis offerte et j’ai demandé à aller en Afrique et Notre-­ Seigneur ne veut pas de moi. À peine votre Révérence a ouvert la bouche, aussitôt on l’a acceptée. Patience. À vrai dire, pour cela aussi je ne vaux pas l’argent du voyage. J’accepte l’humiliation de mon rien, à la place du sacrifice que je ferais en y allant. Par ici, tout est comme toujours. Le mois dernier, la jeunesse catholique féminine a tenu ici, à la maison, sa réunion de tous les centres du diocèse, sous la présidence de Mgr l’Archevêque. Le collège de Póvoa est venu ici en grande sortie. Ils étaient à peu près cent et plus. J’ai dû m’enfermer à clé et, même ainsi, je ne me suis pas échappée. No 172 - P. 6 Patience ! Je vois que c’est cela que le Seigneur veut de moi. « Je ne me souviens pas si j’ai déjà répondu à la dernière lettre de votre Révérence, à laquelle était jointe la copie de la feuille sur les cinq samedis. La copie, je l’ai envoyée à notre Révérende Mère provinciale qui m’a fait dire qu’elle va essayer d’obtenir la permission pour la faire imprimer. « Notre-Dame a promis de remettre à plus tard le fléau de la guerre, si cette dévotion était propagée et pratiquée. Nous la voyons repousser ce châtiment dans la mesure où l’on fait des efforts pour la propager. Mais je crains que nous ne puissions faire davantage que ce que nous faisons, et que Dieu, mécontent, lève le bras de sa miséricorde et laisse le monde être ravagé par ce châtiment, qui sera comme il n’y en a jamais eu, horrible, horrible . « Pour la santé, c’est ainsi : tiens et ne tombe pas. Il faut beaucoup souffrir pour Dieu et je ne suis pas généreuse. Ne manquez pas de prier toujours pour moi, j’en ai grand besoin. Dans mes pauvres prières, je ne manque pas de prier pour votre Révérence. « Servante indigne, Marie Lucie de Jésus, religieuse de Sainte-Dorothée. » Le Père Aparicio fut tellement saisi par cette lettre qu’il la lut à tous les membres de sa communauté. Et le Pape ? Il n’en tint aucun compte ! Le 10 août, le Père Aparicio notait : « La façon dont sœur Lucie affirme et pronostique les événements m’a impressionné. Elle ne doute pas, et elle parle catégoriquement comme quelqu’un qui voit les événements futurs. Je pense même que Notre-Dame les lui a fait connaître. » Sœur Lucie ne cessait de faire le siège de son évêque. Au début de l’été, à la suite d’un décollement de la rétine, Mgr da Silva est hospitalisé à Lisbonne et son état est un temps très alarmant. Interprétant son épreuve comme un avertissement divin, l’évêque prend la décision de recommander prochainement la dévotion réparatrice au Cœur Immaculé de Marie. Il était tard, mais il ne sera jamais « trop tard » pour faire la volonté de Dieu. Aujourd’hui encore... diffusons notre “ petite feuille ” sur les cinq premiers samedis. Et prions pour le Saint-Père dont dépend la paix des âmes en ce monde et en l’autre, selon qu’il fera ou non la consécration de la Russie demandée par Notre-Dame. LA CONSÉCRATION, ESPÉRANCE DE SŒUR LUCIE En ce dimanche 1er janvier 2017, premier jour de la semaine et du centenaire de Fatima, nous trouvons dans une lettre de sœur Lucie au Père Gonçalves l’expression parfaite de nos sentiments. FÉV. 2017 No 172 - P. 7 Le Père Gonçalves, né le 2 février 1894, de la Compagnie de Jésus, était supérieur de la résidence des jésuites à Tuy en 1929. Il venait quelquefois dans la chapelle des sœurs Dorothées. Sœur Lucie lui confia la grande théophanie trinitaire du 13 juin. Il avait transmis au pape Pie XII la demande de consécration de la Russie en avril 1940, espérant que le Saint-Père pourrait l’accomplir en mai. « Tuy, le 15 juillet 1940. « Révérend Père, « Avec reconnaissance, je vous remercie de votre dernière lettre. Elle a dû se croiser avec la mienne que, j’espère, vous aurez reçue. « Quant à la consécration de la Russie, elle ne s’est pas faite au mois de mai comme votre Révérence l’espérait. Elle doit se faire, mais pas tout de suite. Dieu l’a ainsi permis maintenant afin de punir le monde de ses crimes. Nous l’avons bien mérité. Ensuite il écoutera nos pauvres prières. « Cependant j’ai une peine cela ne soit pas fait. Pendant ce se perdre ! C’est Dieu, pourtant Mais en même temps, il montre ne pas être écouté. immense de ce que temps, tant d’âmes vont qui permet tout cela. une si grande peine de « Si je ne me trompe, il a toujours la même disposition d’accorder la grâce promise. Ah ! si l’on pouvait satisfaire ses désirs ! Je ne cesse de prier et de me sacrifier à cette intention, et je vous remercie infiniment de vos prières et de vos sacrifices dans ce même but. Vous donnerez ainsi satisfaction au Cœur de notre si chère Mère du Ciel, qui ne manquera pas de vous en récompenser. » Dans sa lettre du 18 août 1940 au même Révérend Père Gonçalves, elle continue d’insister : « J’en suis au troisième jour de la retraite, et Dieu n’a pas voulu me donner la joie de la faire sous votre direction. Patience ! D’ailleurs, cette espérance ne m’a jamais animée, car ce n’est pas le chemin par lequel Dieu me conduit. Il préfère d’ordinaire le sacrifice, et, dans l’état où se trouve le monde, ce qu’il désire ce sont des âmes qui, unies à Lui, se sacrifient et prient. Ah ! si je pouvais satisfaire ce désir si ardent de son Divin Cœur ! Mais malheureusement elles sont bien nombreuses les infidélités par lesquelles je réponds aux inspirations de sa grâce. Maintenant, plus que jamais, il a besoin d’âmes qui se donnent sans réserve. Et comme le nombre en est petit ! À ce sujet, priez pour moi, car j’en ai bien besoin... « Je suppose que Notre-Seigneur sera satisfait qu’il y ait quelqu’un pour s’intéresser à la réalisation de ses désirs auprès de son Vicaire sur la terre. Mais le Saint-Père ne les accomplira pas maintenant. Il doute de la réalité et il a raison. Notre Bon Dieu pourrait, par le moyen de quelque prodige, démontrer clairement que c’est Lui qui le demande, mais il utilise ce délai pour exercer sa justice en punissant le monde de tant de crimes et pour le préparer à un retour à Lui plus complet. « La preuve qu’il nous donne, c’est la protection spéciale du Cœur Immaculé de Marie sur le Portugal, eu égard à la consécration qui Lui a été faite. Ces personnes dont vous me parlez ont raison d’avoir peur. Tout cela nous serait arrivé si nos prélats n’avaient pas répondu aux demandes de notre Bon Dieu et tellement imploré du fond du cœur sa miséricorde et la protection du Cœur Immaculé de notre bonne Mère du Ciel. « Mais notre patrie a encore beaucoup de crimes et de péchés, et comme c’est maintenant l’heure de la justice de Dieu sur le monde, il faut que l’on continue à prier. « C’est pourquoi je crois qu’il serait bon d’inculquer aux fidèles, en même temps qu’une grande confiance dans la miséricorde de notre Bon Dieu et dans la protection du Cœur Immaculé de Marie, la nécessité de la prière accompagnée de sacrifices, surtout de ceux qu’il est nécessaire de faire afin d’éviter le péché. « C’est la demande de notre bonne Mère du Ciel en 1917, qui est sortie avec une tristesse et une tendresse inexprimable de son Cœur Immaculé : “ Que l’on n’offense plus Dieu Notre-Seigneur, car il est déjà trop offensé ! ” Quel dommage que l’on n’ait pas médité sur ces paroles et mesuré toute leur portée ! « Cependant, ne cessez, toutes les fois que vous le pourrez, de profiter des occasions de renouveler notre demande auprès du Saint-Père, afin de voir si nous pourrions abréger ce moment. J’ai beaucoup de peine au sujet du Saint-Père et, par mes pauvres prières et mes sacrifices, je demande beaucoup pour Sa Sainteté. « Je vous supplie de ne pas m’oublier au Saint Sacrifice. Dans mes pauvres prières, vous ne serez pas oublié non plus. « Je suis votre très humble servante. Marie-Lucie de Jésus. » PATIENCE ! Le 1er septembre 1940, elle écrit au Père Aparicio qui était parti pour le Brésil, le 9 novembre 1938 : « Le Cœur Immaculé de Marie est mon refuge, surtout dans les heures les plus difficiles. Là, je suis toujours en sécurité. C’est le Cœur de la meilleure des mères ; il est toujours attentif et il veille sur la dernière de ses filles. Combien cette certitude m’encourage et me réconforte ! En elle, je trouve force et consolation. Le Cœur Immaculé est le canal par lequel Dieu fait jaillir sur mon âme la multitude de ses grâces. Aidez-moi à en être reconnaissante et à correspondre à tant de miséricordes. FÉV. 2017 « Dernièrement, plusieurs personnes importantes ont parlé au Saint-Père de la consécration du monde et de la Russie au Cœur Immaculé de Marie. Sa Sainteté s’est montrée très favorable, mais il semble qu’il ne le fera pas pour le moment. Ah ! qui me donnera que ce moment [d’attente] soit abrégé et que Sa Sainteté élève en fête principale de première classe, dans l’Église Universelle, la fête en l’honneur du Cœur Immaculé de Marie. Priez pour tout cela, pour la gloire de notre bon Dieu et de notre bonne Mère du Ciel. « Je vous demande de daigner me bénir et prier pour moi. » LE « SIGNE D’ EN - BAS ». En 734 avant Jésus-Christ, le prophète Isaïe fut envoyé par Dieu à Achaz, roi de Jérusalem, qu’assaillait une coalition des rois de Damas et de Samarie. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil ! « Demande donc à Yahweh un signe pour toi, issu des profondeurs du shéol ou bien des hauteurs de là-haut. » ( Is 7, 11 ) Achaz, incrédule, refusa. Isaïe répondit à cette « résistance malveillante » que le pape François dénonce aujourd’hui au sein de la Curie ! par la prophétie de la Vierge qui doit enfanter un fils auquel elle donnera le nom d’Emmanuel, ce qui signifie « Dieu avec nous » ( Is 7, 14 ). Plus de vingt-cinq siècles après, il a été donné à Lucie, ­François et Jacinthe de contempler « ce signe » de la Vierge, issu des hauteurs de Là-Haut : « Je suis du Ciel ! » ( 13 mai 1917 ), et maîtresse « des profondeurs du shéol » qu’Elle a ouvert sous leurs yeux le 13 juillet 1917. Ce jour-là, la Vierge ouvrit les mains, d’où « le reflet de sa propre lumière parut pénétrer la terre, raconte Lucie, et nous vîmes comme un océan de feu. Plongés dans ce feu nous voyions les démons et les âmes des damnés. « Celles-ci étaient comme des braises transparentes, noires ou bronzées, ayant formes humaines. Elles flottaient dans cet incendie, soulevées par les flammes qui sortaient d’elles-mêmes, avec des nuages de fumée. Elles retombaient de tous côtés, comme les étincelles dans les grands incendies, sans poids ni équilibre, au milieu des cris et des gémissements de douleur et de désespoir qui horrifiaient et faisaient trembler de frayeur. « C’est à la vue de ce spectacle que j’ai dû pousser ce cri : “ Aïe ! ” que l’on dit avoir entendu de moi. « Les démons se distinguaient des âmes des damnés par des formes horribles et répugnantes d’animaux effrayants et inconnus, mais transparents comme de noirs charbons embrasés. « Cette vision, écrit Lucie, ne dura qu’un moment, No 172 - P. 8 grâce à notre bonne Mère du Ciel qui, à la première apparition, nous avait promis de nous emmener au Ciel. Sans quoi, je crois que nous serions morts d’épouvante et de peur. » LE « SIGNE D’ EN - HAUT ». Le 13 octobre, ouvrant les mains, Notre-Dame les fit se réfléchir sur le soleil et, pendant qu’Elle s’élevait, le reflet de sa propre lumière continuait à se projeter sur le soleil. Tous purent le regarder sans avoir mal aux yeux. On aurait dit qu’il s’éteignait et se rallumait. Il lançait des faisceaux de lumière, de-ci, de-là, et peignait tout de différentes couleurs : les arbres, les gens, le sol, l’air. Soudain, le soleil eut quelques secousses puis se mit à danser, à tournoyer sur lui-même. Il s’arrêta puis recommença par deux fois. Il semblait une roue de feu qui allait tomber sur la foule. À un moment, il parut vraiment se détacher du ciel et s’avancer sur la terre. Ce fut un instant terrible. On criait : « Ô Jésus ! Nous allons tous mourir ! Notre-Dame, au secours ! » Finalement, le soleil s’arrêta, et tous poussèrent un soupir de soulagement. Les vêtements trempés de pluie avaient séché en un instant. La Sainte Vierge avait ainsi multiplié les merveilles, en Mère attentive et bienfaisante. Le miracle annoncé par les enfants avait eu lieu. Tous avaient vu. Et la mère de Lucie déclara : « Maintenant, on ne peut pas ne pas y croire ; car le soleil, personne ne peut y toucher. » Ainsi, le 13 mai, ils ont vu le “ signe ” issu des hauteurs de là-haut, et le 13 juillet, le “ signe ” issu des profondeurs du shéol. L’un et l’autre à l’initiative de la Vierge Marie. LE « SIGNE » DE LA TERRE . Troisième “ signe ”. En juillet 1941, après avoir corrigé le livre du Père Galamba sur Jacinthe , sœur Lucie laisse parler son cœur en s’adressant à l’évêque de Leiria, Mgr José Correia da Silva : « Excellentissime et Révérendissime Seigneur Évêque, « Jacinthe était très impressionnée par certaines choses révélées dans le Secret et, dans son amour pour le Saint-Père et pour les pécheurs, elle disait souvent : “ Pauvre Saint-Père ! J’ai tant de peine pour les pécheurs ! ” « Si elle était en vie actuellement, alors que ces choses sont tellement proches de se réaliser, combien plus serait-elle impressionnée ! Si seulement le monde connaissait le moment de grâce qui lui est encore concédé, et faisait pénitence ! « Le temps passe, les âmes ne meurent pas, l’éternité [ où sont maintenant « les âmes des cadavres » pour FÉV. 2017 No 172 - P. 9 lesquelles le Saint-Père prie en traversant la grande ville à moitié en ruine ] demeure ! » Et voici l’interprétation de la vision du “ troisième secret ”, signe avant-coureur de la fin des temps : « Je vois, dans la Lumière immense qu’est Dieu, la terre secouée trembler devant le souffle de sa Voix : villes et villages ensevelis, rasés, engloutis ; des montagnes de gens sans défense. Je vois des cataractes entre tonnerres et éclairs, les fleuves et la mer débordent et inondent, et les âmes qui dorment du sommeil de la mort ! Les hommes continuent à machiner des guerres, des ambitions, la destruction et la mort ! « Je sens en moi un mystère de Lumière, mystère qui vient de la foi, Dieu présent, Dieu en moi, et moi perdue dans la Lumière comme une petite goutte d’alcool jetée dans la flamme et qui devient flamme avec elle, lui attribue une autre facette, un faible reflet, et trouve en elle la force, la grâce, la vie, la paix, l’Amour ! « Mystère de foi, d’espérance, de certitude, de justice, de miséricorde et d’Amour ! Dieu éternel, Dieu immense, Lumière incréée, miroir sur lequel tout passe, où tout se reflète, qui pénètre tout, auquel rien n’échappe ! Miroir de l’éternelle sagesse, de l’éternelle puissance, de l’immense volonté, de l’infinie Bonté, Patience et Amour ! « Oui, Dieu est patient, il attend, Dieu est bon, il pardonne, Dieu est amour, il nous aime ! « Mais il veut, il demande, il exige notre correspondance, notre soumission, notre fidélité ! Dieu est le Seigneur, et moi son humble servante. » LES DERNIERS TEMPS Les années passent, sœur Lucie entre au Carmel. En décembre 1957, elle disait au Père Fuentes : « Père, la Très Sainte Vierge ne m’a pas dit que nous sommes dans les derniers temps du monde, mais Elle me l’a fait voir pour trois motifs : « Le premier parce qu’Elle m’a dit que le démon est en train de livrer une bataille décisive avec la Vierge, et une bataille décisive est une bataille finale où l’on saura de quel côté est la victoire, de quel côté la défaite. Aussi, dès à présent, ou nous sommes à Dieu ou nous sommes au démon ; il n’y a pas de moyen terme. « Le second parce qu’Elle a dit, aussi bien à mes cousins qu’à moi-même, que Dieu donnait les deux derniers remèdes au monde : le saint Rosaire et la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, et ceux-ci étant les deux derniers remèdes, cela signifie qu’il n’y en aura pas d’autres. « Et le troisième, parce que toujours dans les plans de la divine Providence, lorsque Dieu va châtier le monde, il épuise auparavant tous les autres recours. Or, quand Il a vu que le monde n’a fait cas d’aucun, alors comme nous dirions dans notre façon imparfaite de parler, Il nous offre avec une certaine crainte le dernier moyen de salut, sa Très Sainte Mère. Car si nous méprisons et repoussons cet ultime moyen, nous n’aurons plus le pardon du Ciel, parce que nous aurons commis un péché que l’Évangile appelle le péché contre l’Esprit-Saint, qui consiste à repousser ouvertement, en toute connaissance et volonté, le salut qu’on nous offre. « Souvenons-nous que Jésus-Christ est un bon Fils et qu’il ne permet pas que nous offensions et méprisions sa Très Sainte Mère. Nous avons comme témoignage patent l’histoire de plusieurs siècles de l’Église qui, par des exemples terribles, nous montre comment Notre-Seigneur Jésus-Christ a toujours pris la défense de l’honneur de sa Mère. » On peut remarquer que sœur Lucie a été avertie par les événements qu’elle a vécus « que nous sommes dans les derniers temps du monde ». Les signes cosmiques de la “ danse ” du soleil dans le Ciel et de sa chute, et de l’ébranlement de la terre. Que devons-nous faire ? D’abord y croire. Ensuite, c’est très simple : « Il y a deux moyens pour sauver le monde : la prière et le sacrifice. « Et donc il y a le saint Rosaire. Regardez, Père, la Très Sainte Vierge, en ces derniers temps que nous vivons, a donné une efficacité nouvelle à la récitation du Rosaire. De telle façon qu’il n’y a aucun problème, si difficile soit-il, temporel ou surtout spirituel, se référant à la vie personnelle de chacun de nous, de nos familles, que ce soient des familles qui vivent dans le monde ou des communautés religieuses, ou bien à la vie des peuples et des nations, il n’y a aucun problème, dis-je, si difficile soit-il, que nous ne puissions résoudre par la prière du saint Rosaire. Avec le saint Rosaire nous nous sauverons, nous nous sanctifierons, nous consolerons Notre-Seigneur et obtiendrons le salut de beaucoup d’âmes. « Et donc, ayons la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, notre Très Sainte Mère, en la considérant comme le siège de la clémence, de la bonté et du pardon, et comme la porte sûre pour entrer au Ciel. » « L ’ ÉTOILE DU MATIN ». L’Épiphanie de notre temps, particulièrement de cette année 2017 commençante, c’est Fatima, dont elle marque le centenaire. Le « pouvoir sur les nations », qu’annonce la visite des mages, Jésus-Christ l’a reçu de son Père dès sa naissance, selon la prophétie du psalmiste : « Demande et je te donnerai les nations pour héritage, et pour domaine les extrémités de la terre. » ( Ps 2, 8 ) FÉV. 2017 Il le demandera et recevra pour prix de son sacrifice au lendemain duquel il pourra dire à ses Apôtres, avant de remonter auprès de son Père : « Tout pouvoir m’a été donné au Ciel et sur la terre. Allez donc, de toutes les nations, faites des disciples. » ( Mt 28, 18-19 ) « Tu les feras paître avec un sceptre de fer, et comme vase de potier tu les fracasseras » ( Ps 2, 9 ), annonçait le psalmiste. Jésus, envoyant ses Apôtres en mission, se contentera de dire : « Allez donc, de toutes les nations, faites des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. » Mais l’ordre de « les faire paître avec un sceptre de fer » demeure et se conjugue dans l’Apocalypse avec cette promesse : « Je lui donnerai l’Étoile du matin » : « Le vainqueur, celui qui restera fidèle à mon service jusqu’à la fin, je lui donnerai pouvoir sur les nations. C’est avec un sceptre de fer qu’il les mènera comme on fracasse des vases d’argile ! Ainsi moi-même j’ai reçu ce pouvoir de mon Père. Et je lui donnerai l’Étoile du matin. Celui qui a des oreilles, qu’ il entende ce que l’Esprit dit aux Églises ! » ( Ap 2, 26 -29 ) « Je lui donnerai l’Étoile du matin » est l’accomplissement d’une autre prophétie que celle du psaume, celle de Balaam, beaucoup plus ancienne que celle du psalmiste : « Je le vois, mais non pour maintenant », disait ce prophète païen, « l’homme au regard pénétrant » ( Nb 24, 3 ), « je l’aperçois, mais non de près ». Cet oracle remonte au temps de Moïse, et il annonce, pour un avenir éloigné, l’avènement de la dynastie de David, sous la double image du sceptre et de l’étoile : « Un astre issu de Jacob devient chef, un sceptre se lève, issu d’Israël. Il frappe les princes de Moab. » Le voisin arabe détesté ( Nb 24, 17 ). L’étoile qui guida les mages vers Bethléem, aux jours de la naissance de Jésus, fils de David, a donc accompli cette prophétie de Balaam, le païen. Mais quand on lit attentivement le récit de saint Matthieu, on constate que l’étoile qui conduit les mages accomplit aussi la prophétie d’Isaïe que saint Matthieu vient de citer : « Voici que la vierge est enceinte. Elle va enfanter un fils et elle lui donnera le nom d’Emmanuel. » ( Is 7, 14 ) En effet, ce miracle d’une Vierge enfantant le Messie était offert au roi Achaz comme un “ signe ” céleste : « Demande donc à Yahweh un signe pour toi, issu des profondeurs du shéol ou bien des hauteurs de là-haut. » ( Is 7, 11 ) Le récit de saint Luc fait aussi allusion au “ signe ” de la Vierge Mère. L’ange du Seigneur No 172 - P. 10 dit aux bergers : « Cela vous servira de signe : vous trouverez un nouveau-né enveloppé de langes et couché dans une crèche. » ( Lc 2, 12 ) Mais ce que la composition de saint Matthieu ménage admirablement, c’est la “ conjonction ” des deux “ signes ” : celui de la Vierge et celui l’étoile resplendissant « au-dessus de l’endroit où était l’Enfant », lorsque les mages arrivent à Bethléem : « À la vue de l’astre, les mages se réjouirent d’une très grande joie. Entrant alors dans la maison, ils virent l’Enfant avec Marie sa Mère. » ( Mt 2, 9-11 ) Cette conjonction, comme disent les astronomes – et les mages étaient des astronomes ! – entre l’Étoile, l’Enfant et sa Mère, révèle que « l’étoile » annoncée par Balaam, et le « signe » issu des hauteurs de là-haut annoncé par Isaïe à Achaz, étaient inséparablement la figure du Messie et de sa Mère. « L’Étoile du matin », c’est Elle ! Il faut qu’Elle resplendisse avant que « le Soleil de justice » ne se lève à l’horizon. Et pour que nul n’en ignore, l’étoile brille entre la ceinture et le bas de sa robe, à Fatima. Aux questions pressantes du R. P. McGlynn, chargé de sculpter la statue destinée à la façade de la basilique de la Cova da Iria, Lucie ne pouvait répondre combien cette étoile avait de rayons... mais elle était bien là ! Ah ! cette étoile est un mystère sans fond. Elle résume à elle seule toute la gloire et la puissance de la Sainte Vierge, capable de dissiper les ténèbres qui nous enveloppent, car sa lumière resplendit aussi bien dans les hauteurs des Cieux d’où Elle est issue, que dans la profondeur des abîmes où Elle projette la lumière de ses mains afin de l’ouvrir aux yeux des enfants, mais où elle rejettera Lucifer, pour accomplir la prophétie d’Isaïe : « Comment es-tu tombé du Ciel, astre du matin (en latin : “ Lucifer ” ), fils de l’aurore ? Comment as-tu été jeté à terre, toi qui subjuguais toutes les nations ? Toi qui disais en ton cœur : “ Je monterai aux cieux, au-dessus des étoiles de Dieu, j’érigerai mon trône. ” » ( Is 14, 12-13 ) Comment ? Frappé par le « sceptre de fer » ! Pour l’heure, Lucifer exerce ses ravages dans la Cité sainte, où le pape Paul VI lui a élevé un trône, le 7 décembre 1965, en proclamant que nous avons « nous aussi, plus que quiconque, le culte de l’homme qui se fait Dieu ». Depuis, l’Église catholique, romaine, dévastée par cette apostasie, est « une grande ville à moitié en ruine », comme dit la troisième partie du Secret de Fatima, traversée par « un Évêque vêtu de Blanc » qui, « affligé de douleur et de peine, priait pour les âmes des cadavres qu’il trouvait sur son chemin », car ces âmes sont immortelles. FÉV. 2017 Mais elle est aussi cette « Église de Philadelphie » à qui le ­ Seigneur fait savoir : « Puisque tu as gardé la parole de ma patience, à mon tour je te garderai de l’heure de l’épreuve qui va fondre sur le monde entier pour éprouver les habitants de la terre. Mon retour est proche : tiens ferme ce que tu as, pour que nul ne ravisse ta couronne. » ( Ap 3, 10 -11 ) Et comment « tenir » en cette effroyable tempête ? Un seul moyen : « Regardez l’Étoile, invoquez Marie, si pure espérance pour ceux qui La prient ! Au long de la route, conservez toujours son nom sur vos lèvres, ultime secours. En La suivant, vous ne vous égarez pas ; en La priant, vous ne désespérez pas ; si Elle vous soutient, vous ne tombez pas ; si Elle vous protège, vous ne craignez pas. Même en quittant la terre, quand l’âme s’enfuit, regardez l’Étoile, invoquez Marie ! » UN MODÈLE DE VIE CHRÉTIENNE En attendant la consommation de l’Histoire, quelle conduite tenir ? Je ne puis mieux faire que de vous proposer l’exemple des familles dos Santos et Marto... à imiter comme eux-mêmes ont imité la Sainte Famille de Nazareth. Manuel et Olimpia Marto, parents de François et de Jacinthe, étaient non pas superficiellement mais profondément ­chrétiens. C’est pourquoi la paix et la joie régnaient dans leur foyer. Ils enseignaient à leurs enfants les vérités de la foi comme un dogme infaillible, dès l’âge le plus tendre. Le soir, après le dîner, Manuel entonnait la prière et tous suivaient le chef de famille. Les cousins dos Santos n’étaient pas moins exemplaires. Antonio, le frère d’Olimpia Marto, était bon chrétien, fidèle à ses devoirs religieux, honnête et travailleur. Quant à Maria Rosa, c’était une “ femme en or ”. Antonio et Maria Rosa eurent six enfants. En 1917, l’aînée, Marie des Anges, vingt-six ans, est déjà mariée. Puis viennent Thérèse, vingt-quatre ans, Manuel, vingt-deux ans, le seul garçon de la famille, Gloria, vingt ans, et Caroline, quinze ans. Lucie avec ses dix ans est la benjamine. Elle est née le Jeudi saint, 28 mars 1907, et elle fut baptisée le 30 mars, dans l’église paroissiale de Fatima, alors que les cloches annonçaient la Résurrection de Notre-Seigneur. Elle avait donc dix ans en 1917, au moment des apparitions. Maria Rosa menait ses enfants avec une grande fermeté, ce qui n’empêchait pas la bonne joie chrétienne de régner au foyer. Chaque soir, elle leur lisait une vie de saint, quelque passage de l’Ancien Testament ou de l’Évangile : « Pour moi, disait-elle, il n’y a rien de mieux qu’une lecture tranquille dans ma maison. Les livres nous apportent de si belles choses ! Et la vie des saints, quelle beauté ! » Elle No 172 - P. 11 ne manquait pas de leur apprendre le catéchisme et ne les laissait pas aller jouer avant qu’ils ne sachent bien leur leçon. Voici ce que Maria Rosa affirmait au curé d’Olival qui l’interrogeait sur son époux : « Il était bon chrétien, catholique pratiquant et travailleur, même jeune. C’est pourquoi je l’ai aimé et épousé. Il a toujours été très fidèle à ses devoirs religieux et civils et nous aimait beaucoup, moi et ses enfants. Quand je lui dis que Dieu allait nous donner un septième enfant [ Lucie], il répondit : “ Ne t’afflige pas. C’est une bénédiction de Dieu. Ce n’est pas pour cela que le pain manquera dans le tiroir ni l’huile dans la cruche. ” » Antonio dos Santos était un homme courageux et très bon. C’est avec grande émotion que, dans son cinquième Mémoire , sœur Lucie a évoqué ses largesses et ses charités. Cette vie laborieuse des paysans d’Aljustrel était rythmée et éclairée par la succession des grandes fêtes liturgiques, et les trois petits voyants bénéficièrent d’une incomparable éducation chrétienne. « Durant le mois de Mai et le mois des Morts, et pendant le Carême, raconte Marie des Anges, nous récitions tous les jours le chapelet, auprès du foyer, ou dans la salle. Et quand nous sortions les brebis, notre mère nous recommandait toujours d’avoir notre chapelet dans la poche : “ Vous réciterez là-bas le chapelet en l’honneur de Notre-Dame, après avoir mangé, nous disait-elle, et quelques Pater en l’honneur de saint Antoine, pour ne pas perdre les brebis ”... Et nous ajoutions toujours quelques Pater pour les âmes de nos parents défunts. Le matin, avant de nous lever, et le soir, avant de nous coucher, après avoir récité l’Acte de contrition et quelques Pater , elle ne nous laissait pas oublier notre ange gardien... « Elle voulait que nous fussions humbles et travailleuses. Et malheur à nous si elle nous surprenait à mentir ! C’était même une des choses pour lesquelles elle était le plus sévère. Le moindre mensonge faisait intervenir aussitôt le manche à balai. « Elle nous apprit la dévotion aux choses de l’Église, et surtout au Très Saint-Sacrement, à peine avions-nous commencé à ouvrir les yeux. » Antonio, le père de Lucie, la chérissait et Lucie, qui lui était très attachée, fut aussi marquée par la foi profonde de son père et son âme vraiment religieuse : « Quand les cloches de l’église paroissiale sonnaient l’Angélus , mon père cessait le travail. La tête découverte, il récitait trois Ave Maria et revenait à la maison. En attendant le souper, il s’asseyait, s’il faisait beau, sur un banc de pierre qui était dans la cour, adossé au mur de la cuisine ou, sinon, près de la cheminée. Avec moi sur les genoux, il s’occupait FÉV. 2017 No 172 - P. 12 à me raconter des histoires, et m’apprenait des cantiques régionaux, des fados, des petits couplets, etc. entendu le bon Père Cruz lui dire, après sa première confession, à l’âge de six ans : « Ma mère était toute à sa besogne. De temps en temps, quand elle passait près de nous, elle disait : “ Qu’est-ce que tu apprends à la petite ? Si tu lui apprenais le catéchisme ! ” Alors mon père disait : “ Nous allons faire la volonté de ta mère ! ” « Il prenait ma petite main dans la sienne pour m’apprendre à tracer sur mon front, ma bouche et ma poitrine, le signe de Croix. Puis il m’apprenait à réciter le Notre Père , l’Ave Maria , le Credo , le Confiteor , l’Acte de contrition , les Commandements de Dieu , etc. Et lorsque nous étions tous réunis pour le dîner, il me faisait répéter ce que j’avais appris et, tout content, il se tournait vers ma mère et lui disait : “ Tu vois ! C’est moi qui le lui ai appris ! ” « “ Ma fille, ton âme est le temple du Saint-Esprit. Garde-la toujours pure pour qu’Il puisse continuer son action divine en elle. ” En écoutant ces paroles, je me sentis pénétrée de respect pour moi-même et je demandai au bon confesseur comment je devais faire. “ À genoux, là, aux pieds de Notre-Dame, demande-lui avec beaucoup de confiance qu’elle prenne soin de ton cœur, qu’Elle le prépare pour recevoir demain dignement son Fils chéri, et qu’elle le conserve pour Lui seul. ” » « En souriant, ma mère répondait : “ C’est parce que tu es un très brave homme. Il faut toujours continuer comme cela. ” « Et mon père répondait : “ Dieu m’a donné la meilleure femme du monde. ” Cela me faisait penser que ma mère était la meilleure femme du monde, et quand les autres enfants venaient jouer avec moi dans notre cour, je leur demandais : “ Est-ce que ta mère est bonne ? La mienne est la meilleure du monde. ” « Quelquefois, mon père m’emmenait sur l’aire ; il s’asseyait sur les sièges qui se trouvaient autour, pour prendre l’air frais, c’était très agréable. Il pointait un doigt vers le ciel et me disait : “ Regarde, là-haut, c’est Notre-Dame et les petits anges ; la lune, c’est la bougie de Notre-Dame ; les étoiles, celles des anges qu’eux et Notre-Dame allument et viennent poser aux fenêtres du ciel pour éclairer, la nuit, notre chemin. Le soleil que tu vois se lever tous les jours, là-bas, derrière la montagne, c’est la bougie de Notre-Seigneur, qu’il allume tous les jours pour nous réchauffer et pour nous éclairer durant notre travail. ” « C’est pourquoi je disais aux autres enfants que la lune était la bougie de Notre-Dame, les étoiles, celles des anges, et le soleil, celle de Notre-Seigneur. Je sais bien que tout cela est enfantin, mais cela nous apprend à lever les yeux vers le Ciel où nous savons que se trouvent Dieu notre Père, la Mère bénie qu’il nous donna pour veiller sur nous, les anges qu’il créa et destina à nous guider et à nous conduire sur les chemins de la vie. » Ti Marto avait bien remarqué la richesse de son caractère : « Elle était très expansive, racontait-il, très franche et très fine, très affectueuse, même avec son père : “ Mon papa par-ci ! mon papa par-là ! ” Ah, Jésus ! quelle fille que celle-là ! Je le “ futurais ” bien déjà : “ Toi, tu seras ou très bonne ou très mauvaise ! ” » Mais elle avait déjà choisi, depuis qu’elle avait Le lendemain, après avoir reçu « la Divine Hostie », elle lui adressa sa supplique : « “ Seigneur, faites de moi une sainte, conservez mon cœur pur pour Vous seul ! ” Il me sembla alors que le Bon Dieu me dit au plus profond de mon cœur ces paroles très distinctes : “ La grâce qui t’est donnée aujourd’hui demeurera vivante en ton âme et y produira des fruits de vie éternelle. ” Je me sentis, de cette manière, transformée en Dieu. « Lorsque se termina la cérémonie religieuse il était presque 1 heure de l’après-midi parce que les prêtres venus du dehors étaient arrivés en retard, et à cause de la longueur du sermon et de la rénovation des promesses du baptême. Ma mère vint me chercher, très affligée, croyant que j’étais tombée de faiblesse. Je me sentais tellement rassasiée du Pain des Anges qu’il me fut impossible de prendre aucun aliment. Je perdis depuis lors le goût et l’attraction que j’avais commencé à ressentir pour les choses du monde, et je ne me sentais à mon aise que dans un lieu solitaire où je pouvais alors me rappeler les délices de ma première communion. » RÉCITEZ LE CHAPELET ! Voici ce qu’écrivait sœur Lucie le 4 avril 1970, à un de ses neveux prêtres : « Que votre apostolat, comme celui de tous nos frères et sœurs missionnaires, soit pour les âmes la lumière de la foi qui les guide sur le chemin de la Vérité, de l’espérance et de l’amour ! Cette lumière dont nous parle le Seigneur dans son Évangile : “ Vous êtes la lumière du monde et le sel de la terre. ” « Il est nécessaire pour cela de ne pas se laisser entraîner par les doctrines des contestataires désorientés... La campagne est diabolique . Nous devons faire front, sans nous mettre en conflit. Nous devons dire aux âmes que, maintenant plus que jamais, il faut prier pour nous et pour ceux qui sont contre nous ! Nous devons réciter le chapelet tous les jours . C’est la prière que Notre-Dame a le plus recommandée, comme pour nous prémunir, en prévision de ces jours de campagne diabolique ! Le démon sait que nous nous sauverons par la prière. Aussi est-ce contre elle qu’il FÉV. 2017 mène sa campagne pour nous perdre. Maintenant que le mois de mai va commencer, récitez le chapelet tous les jours. Ne craignez pas d’exposer le Saint-­ Sacrement et de dire le chapelet en sa présence. « Il est faux de dire que cela n’est pas liturgique, car les prières du chapelet font toutes partie de la sainte Liturgie ; si elles ne déplaisent pas à Dieu lorsque nous les récitons en célébrant le Saint-Sacrifice, de même, elles ne Lui déplaisent pas si nous les récitons en sa présence, lorsqu’il est exposé à notre adoration. Au contraire, c’est la prière qui Lui est la plus agréable, car c’est par elle que nous le louons le mieux. « “ Gloire au Père et au Fils et au Saint-Esprit ”, c’est la prière dictée par le Père aux Anges pour qu’ils chantent près de la Crèche du Verbe fait chair : “ Gloire à Dieu... ” « “ Notre Père qui êtes au Cieux... ” C’est la prière enseignée par Jésus-Christ à l’humanité : “ Quand vous voulez prier, dites : Notre Père qui êtes aux Cieux... ” « Et l’Ave Maria, qu’est-ce sinon une louange et une prière adressée à Dieu ? “ Ave Maria, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous. ” Comme si nous disions : Je vous salue, Marie, non pas pour vous mais à cause du Seigneur qui habite en vous et vous a choisie comme Sanctuaire vivant pour enfermer son Verbe, Dieu et homme véritable ! Je m’agenouille en votre présence parce que vous êtes le premier Temple vivant habité par la Très Sainte Trinité ! Béni soit le fruit de vos entrailles, parce que ce Fruit est Jésus, Fils de Dieu. Je L’adore en vous, comme dans un Tabernacle ; je Le loue, comme dans l’Hostie dont vous êtes la custode ! Et, puisque vous êtes une custode vivante, Mère de Dieu et notre Mère, priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort. « Si nous lui donnons son vrai sens, quelle prière plus eucharistique pouvons-nous réciter ? Ce n’est pas réciter à l’étourdie, ni répéter en vain les mêmes paroles. L’Évangéliste nous dit qu’au jardin des Oliviers, Jésus-Christ a prié son Père pendant trois heures en répétant toujours les mêmes paroles : “ Père ! S’il est possible, éloigne de moi ce calice mais que ne soit pas faite ma volonté mais la Tienne. ” « Or, pendant la récitation, nous ne restons pas trois heures à répéter les mêmes paroles. Et, finalement, Dieu, Créateur de tout ce qui existe, a ordonné que tous les êtres créés se conservent moyennant une continuelle répétition des mêmes actes, des mêmes mouvements, des mêmes sons. Les astres tournent toujours de la même façon, la terre autour du même axe ; le soleil répand sa lumière et ses rayons de la même manière ; les plantes poussent, donnent leurs fleurs et leurs No 172 - P. 13 fruits, chacune selon son espèce, tous les ans de la même manière, etc., et ainsi de tous les êtres qui existent. Nous-mêmes, nous vivons, nous respirons et aspirons en répétant toujours le même fonctionnement organique. Et ainsi de tout le reste. Et il n’est encore arrivé à personne de dire que c’est une manière de vivre dépassée ! Pourquoi la prière que Dieu nous a enseignée et tant recommandée ­serait-elle dépassée ? « Il est facile de reconnaître ici la ruse du démon et de ses s­ectateurs qui veulent éloigner les âmes de Dieu en les éloignant de la prière. C’est dans la prière que les âmes rencontrent Dieu et c’est dans cette rencontre que Dieu se donne aux âmes et leur communique ses grâces, ses lumières, ses dons. C’est pourquoi on leur fait tant la guerre ! « Ne vous laissez pas tromper. Éclairez les âmes qui vous sont confiées et récitez avec elles le chapelet tous les jours. Dites-le à l’église, dans les rues, sur les chemins et les places. Si cela vous est possible, parcourez les rues en priant et en chantant le chapelet avec le peuple ; et finissez dans l’église en donnant la bénédiction avec le Très Saint-Sacrement. Cela en esprit de prière et de pénitence pour demander la paix pour l’Église, pour nos provinces d’outre-mer, pour le monde. » MYSTIQUE MARIALE EUCHARISTIQUE ET TRINITAIRE . Dans une lettre du 12 avril 1970, à doña Maria Teresa da Cunha qui fut, avec le Père Demoutiez, à ” de Notre-Dame, l’origine de la “ Route mondiale en 1947, sœur Lucie répond qu’elle ne peut pas apporter son soutien à la campagne que sa correspondante entreprend en faveur du chapelet ; elle ne dit pas pourquoi. Mais nous savons que la campagne du Père Dhanis a abouti à de sévères consignes romaines contre sœur Lucie. Cependant, elle accompagne son refus de vues théologiques profondes et de pointes polémiques contre les erreurs propagées par les progressistes : « Chère Marie-Thérèse, Pax Christi. « Notre Mère ne peut donner la permission que vous désirez. Mais aussi n’est-elle pas nécessaire. Je ne dois pas me mettre en évidence. Je dois demeurer dans le silence, dans la prière et dans la pénitence. C’est de cette manière que je peux le plus et que je dois vous aider. Il est nécessaire que tout apostolat ait ce fondement comme base ; et telle est la part que le Seigneur a choisie pour moi : prier et me sacrifier pour ceux qui luttent et travaillent dans la Vigne du Seigneur et pour l’extension de son Royaume. « C’est pour ce motif que mon nom ne doit pas paraître. À sa place, il est beaucoup plus efficace FÉV. 2017 que vous vous serviez du nom de Notre-Dame, en suggérant le mouvement comme “ accomplissement ” du Message, en présentant comme argument l’insistance avec laquelle Notre-Dame a demandé et recommandé que l’on récite le chapelet tous les jours. Elle a répété cela dans toutes ses apparitions, comme pour nous prémunir contre ces temps de désorientation diabolique, pour que nous ne nous laissions pas tromper par de fausses doctrines et que, par le moyen de la prière, l’élévation de notre âme vers Dieu ne s’amoindrisse pas. « Il est sûr que ce n’est pas pendant la célébration de la Liturgie sacrée ou le Saint-Sacrifice de la Messe que l’on doit réciter le chapelet. Il doit y avoir un temps pour la Sainte Messe et un temps pour le chapelet : nous pouvons prendre part à une chose sans délaisser l’autre. Le chapelet est, pour la plupart des âmes qui vivent dans le monde, comme le pain spirituel de chaque jour ; et les priver ou leur enlever cette prière, c’est-à-dire rabaisser dans leurs esprits l’estime qu’ils en ont et la bonne foi avec laquelle ils la récitaient, c’est, au point de vue spirituel la même chose ou pire encore [ leur supprimer le pain nécessaire à la vie physique] ; d’autant que le spirituel est supérieur au matériel. Je veux dire : c’est comme si, au point de vue matériel, on privait des personnes du pain nécessaire à leur vie physique. « Malheureusement, en matière religieuse, le peuple, dans sa majeure partie, est ignorant et se laisse entraîner où on le porte. De là, la grande responsabilité de celui qui a la charge de le conduire. Et nous sommes tous les conducteurs les uns des autres, car nous avons le devoir de nous aider mutuellement à marcher sur le bon chemin. « En plus de ce que j’ai dit, il sera bon que l’on donne à la prière du chapelet un sens plus réel que celui qu’on lui a donné jusqu’ici, de simple prière “ mariale ”. Toutes les prières que nous récitons dans le chapelet sont des prières qui font partie de la Liturgie sacrée ; et plus qu’une prière adressée à Marie, elle est adressée à Dieu : • Le Notre Père nous fut enseigné par JésusChrist qui disait : “ Eh bien ! priez ainsi : Notre Père qui êtes au Cieux... ” • “ Gloire au Père, au Fils, au Saint-Esprit... ” C’est l’hymne que les Anges envoyés par Dieu chantèrent pour annoncer la naissance de Son Verbe, Dieu fait homme. • L’Ave Maria , bien compris, n’en est pas moins une prière adressée à Dieu : “ Ave, Maria, gratia plena, Dominus tecum ” : Je vous salue, Marie, parce que le Seigneur est avec Vous ! Ces paroles sont dictées par le Père à l’Ange, cela est certain, quand Il l’envoya sur la terre saluer Marie par ces mots. No 172 - P. 14 « Oui ! L’Ange est venu dire à Marie qu’Elle est pleine de Grâce, non par Elle-même mais parce que le Seigneur est avec Elle ! « “ Vous êtes bénie entre les femmes et béni est le fruit de vos entrailles, Jésus ” : ces paroles, avec lesquelles Élisabeth salua Marie, lui furent dictées par l’Esprit-Saint. L’Évangéliste nous dit : “ En entendant la salutation de Marie, Élisabeth... fut remplie de l’Esprit-Saint. Élevant la voix, elle s’exclama : Tu es bénie entre toutes les femmes et béni est le fruit de tes entrailles. ” Oui ! Parce que ce fruit est Jésus, vrai Dieu et vrai Homme ! « Ainsi cette salutation est une louange à Dieu : Tu es bénie entre les femmes, parce que le fruit de tes entrailles est béni ; et parce que tu es la Mère de Dieu fait homme, en toi nous adorons Dieu, comme dans le premier Tabernacle, dans lequel le Père enferma son Verbe ; comme premier Autel, ton Sein ; premier Ostensoir, tes bras, devant lesquels les Anges, les bergers, les rois s’agenouillèrent pour adorer le Fils de Dieu fait Homme ! Et parce que toi, ô Marie, tu es le premier Temple vivant de la Très Sainte Trinité où habitent le Père, le Fils et l’Esprit-Saint. “ L’Esprit viendra sur toi et la force du Très-Haut étendra sur toi son ombre. C’est pour cela même que le Saint qui va naître doit s’appeler Fils de Dieu. ” ( Lc 1, 35 ) « Et maintenant que tu es un Tabernacle, un Ostensoir, un Temple vivant, la demeure permanente de la Très Sainte Trinité, Mère de Dieu et notre Mère, “ prie pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort ”. « Il est certain que saint Paul dit qu’il n’y a qu’un seul Médiateur auprès du Père. Oui ! Comme Dieu, il n’y en a qu’un seul, c’est Jésus-Christ. Mais le même Apôtre demande qu’on prie pour lui et nous recommande de prier les uns pour les autres : l’Apôtre pourrait-il donc ne pas croire que la prière de Marie fut aussi agréable à Dieu que la nôtre ? C’est la désorientation diabolique qui envahit le monde et trompe les âmes ! Il est nécessaire de lui faire front ; et pour cela, vous pourrez vous servir de ce que je vous dis ici. Mais comme d’une chose venant de vous, sans dire mon nom ; comme quelque chose qui vous vient au courant de la plume. Et, en vérité, cela est vôtre à cause de notre qualité de membres du Corps Mystique du Christ, tout est nôtre, car tout vient de la Tête, le Christ-Jésus. « Et en restant à ma place, je prie pour vous et pour tous ceux qui vont travailler avec vous, pour que ce soit une campagne qui rende beaucoup de gloire à Dieu, apporte beaucoup de lumière et de grâce aux âmes, la paix à la Sainte Église et au monde ensanglanté par les guerres. « Peut-être serait-il bon de présenter cette campagne, non seulement comme un accomplissement du FÉV. 2017 Message mais encore comme une campagne de prière et de pénitence pour la paix dans le monde, la Sainte Église, et le Portugal dans ses provinces d’outre-mer. Pour que le Portugal qui a tant de dévotion pour l’Eucharistie et Marie, soit le premier à reconnaître que la récitation du chapelet n’est pas seulement une prière mariale mais aussi une prière eucharistique. Pour cela, rien ne doit empêcher qu’il puisse être récité devant le Très Saint-Sacrement. Nous en avons pour preuve l’indulgence plénière que le Saint-Père Pie XI avait accordée à ceux qui réciteraient le chapelet devant le Très Saint-Sacrement ; et récemment la même indulgence a de nouveau été accordée par Sa Sainteté Paul VI. « Il est donc nécessaire de réciter le chapelet dans les villes, les bourgs et les villages, par les rues et les chemins, en voyage ou à la maison, dans les églises et les chapelles ! C’est une prière accessible à tous et que tous peuvent et doivent faire. Nombreux sont ceux qui n’assistent pas chaque jour à la prière liturgique de la Sainte Messe : s’ils ne disent pas leur chapelet, quelle prière feront-ils ? Et sans prière, qui se sauvera ? ! “ Veillez et priez afin de ne pas entrer en tentation. ” « Il est donc nécessaire de prier et de prier toujours. C’est-à-dire que toutes nos activités et tous nos travaux soient accompagnés d’un grand esprit de prière, car c’est dans la prière que l’âme rencontre Dieu ; et c’est dans cette rencontre que l’on reçoit grâce et force, même lorsqu’elle est accompagnée de distractions. Elle apporte toujours aux âmes une augmentation de foi, ne serait-ce que par le souvenir momentané des mystères de notre Rédemption rappelant la naissance, la mort et la Résurrection de notre Sauveur ; et Dieu saura décompter et pardonner ce qui touche à la faiblesse humaine, son ignorance et son insuffisance. « Quant à la répétition des Ave Maria , ce n’est pas une chose arriérée, comme on veut le faire croire. Toutes les choses qui existent et ont été créées par Dieu, se maintiennent et conservent par le moyen de la répétition, toujours continuée, des mêmes actes. Et il n’est encore arrivé à personne de traiter de suranné le soleil, la lune, les étoiles, les oiseaux et les plantes, etc., parce qu’ils tournent, vivent et poussent toujours de la même manière ! Et ils sont plus anciens que la récitation du chapelet ! Pour Dieu, rien n’est ancien. Saint Jean dit que les Bienheureux, dans le Ciel, chantent un cantique nouveau en répétant toujours : “ Saint, Saint est le Seigneur, Dieu des Armées ! ” Il est nouveau parce que, dans la lumière de Dieu, tout apparaît dans un éclat neuf ! « Je vous embrasse très fort, toujours en union de prières. « Sœur Lucie, indigne carmélite déchaussée. » No 172 - P. 15 LA DÉVOTION RÉPARATRICE POUR CONSOLER NOTRE-DAME Mère Cunha Matos a été supérieure à Tuy du 30 octobre 1944 au 10 décembre 1946. Sœur Lucie lui écrit le 14 avril 1945 : « Je me souviens toujours de la grande promesse qui me remplit de joie : “ Je ne te laisserai jamais seule. Mon Cœur Immaculé sera ton refuge et le chemin qui te conduira à Dieu. ” « Je crois que cette promesse n’est pas pour moi seule, mais pour toutes les âmes qui veulent se réfugier dans le Cœur de leur Mère du Ciel et se laisser conduire par les chemins tracés par elle... Il me semble que telles sont aussi les intentions du Cœur Immaculé de Marie : faire briller devant les âmes encore ce rayon de lumière, leur montrer encore ce port de salut, toujours prêt à accueillir tous les naufragés de ce monde... « Quant à moi, tout en savourant les fruits délicieux de ce beau jardin, je m’efforce d’en faciliter l’accès aux âmes, pour qu’elles y rassasient leur faim et leur soif de grâce, de réconfort et de secours. » Mère Cunha Matos avait ce zèle : tous les premiers samedis, les 12 et 13 des mois de mai à octobre, et lors de toutes les fêtes de Notre-Dame, elle parcourait la maison, rayonnante de joie, en portant sa statue et en chantant le cantique “ Le treize mai ”. C’était jour de fête ! C’est ce que Dieu veut étendre au monde entier : « établir » un culte public, solennel et stable, donc liturgique, reconnu, exalté et répandu par la hiérarchie elle-même, ne se réduisant pas à une dévotion privée, qui peut naître puis disparaître. Loin de contredire l’unique médiation du Cœur de Jésus, la dévotion au Cœur Immaculé de Marie est le seul chemin qui y conduit : « Nous voyons ainsi que la dévotion au Cœur Immaculé de Marie s’établira dans le monde par une véritable consécration qui est conversion et don total. Comme, par la consécration, le pain et le vin se transforment en Corps et en Sang du Christ, qu’il a puisés, comme tout son être humain, dans le Cœur de Marie. C’est de cette manière que le Cœur Immaculé sera pour nous le refuge et le chemin qui mène jusqu’à Dieu. « Nous formerons alors le cortège de ce nouveau lignage créé par Dieu, en puisant la vie surnaturelle à la même source fécondante, le Cœur de Marie qui est la Mère du Christ et de son Corps mystique. Si bien que nous deviendrons véritablement les frères du Christ, selon ses propres paroles : “ Ma Mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la mettent en pratique. ” ( Lc 8, 21 ) » La dévotion au Cœur Immaculé de Marie est désormais le gage certain du salut. FÉV. 2017 Et pour sauver les âmes de l’enfer, « Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé », a dit la Vierge de la Cova da Iria. L’affliction de Notre-Dame marqua profondément Lucie. Elle en fit la confidence, au début des années quarante, au Père Humberto Pasquale : « Ce qui m’est resté le plus gravé dans l’esprit et dans le cœur, ce fut la tristesse de cette Dame lorsqu’elle nous montra l’enfer ! Si la vision de l’enfer avait duré un instant de plus, nous serions morts de peur et d’épouvante. Cependant, une chose m’a encore plus impressionnée, ce fut l’expression douloureuse du regard de Notre-Dame ! Si je vivais mille ans, je la conserverais toujours gravée dans mon cœur. » Ainsi, la dévotion au Cœur Immaculé est le moyen que le Sacré-Cœur de Jésus a conçu dans sa Sagesse pour mettre le comble à la fois à sa Miséricorde infinie pour nous autres pécheurs, et à son premier amour, unique et incomparable, pour la Très Sainte Vierge Marie ! En effet, le pouvoir donné par Dieu au Cœur Immaculé de Marie de sauver les âmes de l’enfer constitue le premier acte et aujourd’hui l’ultime grâce de l’économie de la Rédemption. Cependant, face à l’enfer, notre très chéri Père Céleste nous offre le Cœur Immaculé de Marie « avec une certaine crainte », comme le dira sœur Lucie au Père Fuentes. C’est le renouvellement en Marie des grâces de la nouvelle et éternelle Alliance, mais cette ultime grâce, c’est « avec une certaine crainte » que nous l’offre le Père Céleste parce que « si nous méprisons et repoussons cet ultime moyen de salut, nous n’aurons plus le pardon du Ciel ». Enfin, la dévotion au Cœur Immaculé de Marie n’est pas seulement l’ultime recours des plus grands pécheurs en perdition, elle est en vérité le chemin le plus sûr et le plus rapide qui mène à la sainteté. L’exemple des trois voyants en est une preuve éclatante et un appel à le suivre. NOTRE - DAME EN GR AND CHAGRIN . C’est le 10 décembre 1925, à l’âge de dix-huit ans, que sœur Lucie reçut la mission de répandre la dévotion réparatrice des cinq premier samedi du mois. De la bouche de l’Enfant-Jésus et de la Sainte Vierge : « La Très Sainte Vierge lui apparut et, à côté d’elle, porté par une nuée lumineuse, l’Enfant-Jésus. La Très Sainte Vierge mit la main sur son épaule et lui montra, en même temps, un Cœur entouré d’épines qu’elle tenait dans l’autre main. « Au même moment, l’Enfant lui dit : “ Aie compassion du Cœur de ta Très Sainte Mère, entouré des épines que les hommes ingrats lui enfoncent à tout moment, sans qu’il y ait personne pour faire acte de réparation afin de les en retirer. ” No 172 - P. 16 « Ensuite, la très Sainte Vierge lui dit : “ Vois, ma fille, mon Cœur entouré d’épines que les hommes ingrats m’enfoncent à chaque instant par leurs blasphèmes et leurs ingratitudes. Toi, du moins, tâche de me consoler et dis que tous ceux qui, pendant cinq mois, le premier samedi, se confesseront, recevront la sainte Communion, réciteront un chapelet, et me tiendront compagnie pendant quinze minutes en méditant sur les quinze mystères du Rosaire, en esprit de réparation, je promets de les assister à l’heure de la mort avec toutes les grâces nécessaires pour le salut de leur âme. ” » Visite renouvelée le 15 février 1926, où Jésus lui demande : « As-tu demandé l’ Enfant - Jésus à notre Mère du Ciel ? « L’Enfant se tourna vers moi et me dit : – Et toi, as-tu révélé au monde ce que la Mère du Ciel t’a demandé ? « Et, ayant dit cela, il se transforma en un enfant resplendissant. Reconnaissant alors que c’était Jésus, je lui dis : « Mon Jésus ! Vous savez bien ce que m’a dit mon confesseur dans la lettre que je vous ai lue. Il disait qu’il fallait que cette vision se répète, qu’il y ait des faits pour permettre de croire, et que la Mère supérieure ne pouvait pas, elle toute seule, répandre la dévotion dont il était question. – C’est vrai que la Mère supérieure, toute seule, ne peut rien, mais avec ma grâce, elle peut tout. Il suffit que ton confesseur te donne l’autorisation et que ta supérieure le dise pour que l’on croie, même sans savoir à qui cela a été révélé. – Mais mon confesseur disait dans sa lettre que cette dévotion ne faisait pas défaut dans le monde, parce qu’il y a déjà beaucoup d’âmes qui Vous reçoivent chaque premier samedi, en l’honneur de Notre-Dame et des quinze mystères du Rosaire. – C’ est vrai, ma fille, que beaucoup d’ âmes commencent, mais peu vont jusqu’au bout et celles qui persévèrent le font pour recevoir les grâces qui y sont promises. Les âmes qui font les cinq premiers samedis avec ferveur et dans le but de faire réparation au Cœur de ta Mère du Ciel me plaisent davantage que celles qui en font quinze, tièdes et indifférentes. » Après cette apparition du 15 février 1926, Lucie sentit un mélange de bonheur indescriptible et de douleur vive, en voyant Dieu tellement offensé. Elle aurait « voulu souffrir tous les martyres pour faire réparation au Cœur Immaculé de Marie, ma Mère chérie, et, une par une, lui retirer toutes les épines qui le déchirent, mais je compris que ces épines sont le symbole des nombreux péchés commis contre son Fils, qui transpercent le Cœur de la Mère. Oui, puisque à cause d’eux beaucoup d’autres enfants se perdent éternellement. » FÉV. 2017 No 172 - P. 17 Lucie ne parvenait pas à répondre aux désirs de Jésus et Marie du fait de l’opposition de son confesseur Mgr Pereira Lopes. Elle lut la lettre de ce dernier à Jésus, après la communion et lui dit : « Ô mon Jésus ! Moi, avec votre grâce, la prière, la mortification et la confiance, je ferai tout ce que l’obéissance me permettra et ce que vous m’inspirerez ; le reste, faites-le vous-même. » « Le reste », à savoir la diffusion de cette dévotion dans toute l’Église. Par ailleurs, le chanoine Formigão note : « Lucie a toujours été gaie et joviale, et encore aujourd’hui après sa profession religieuse, sa simplicité, ses bonnes dispositions et sa joie intérieure qui rayonne sur son visage enchantent toutes les personnes qui l’approchent. Les visions dont elle fut favorisée, non seulement n’ont pas nui à son état moral, mais elles ont contribué à l’élever au-dessus de la vie ordinaire jusqu’au sommet de la perfection particulièrement achevée de la vie religieuse. » Pour ce qui est d’elle, tableau brossé par le chanoine Formigao, premier “ directeur spirituel ” des voyants après l’apparition du 13 septembre 1917 qui forgea sa confiance inébranlable en la vérité du témoignage des enfants : « Je viens de rentrer d’Espagne. J’ai assisté à la profession de Lucie, qui a eu lieu le 3, jour de la fête de la petite sainte Thérèse. À cause de la panne de la voiture dans laquelle il roulait pour aller prendre le train, Mgr dom José da Silva n’a pas présidé la fête, qui a été charmante. La petite est toujours la même, comme vous l’avez connue. Elle est douée d’une simplicité et d’une humilité admirables. Quelle profonde piété, à la fois remarquable et si joyeuse ! Quel extraordinaire esprit d’obéissance ! Quel amour du sacrifice et de la mortification ! La veille, alors qu’elle avait déjà terminé sa retraite, j’ai été l’unique personne à qui l’on accorda la permission de lui parler et d’être seul à seule avec elle. Ce furent des heures d’ineffable joie spirituelle ! Je ne les oublierai jamais. « J’avais su déjà il y a quelques mois, par une lettre de la maîtresse des novices, qu’elle avait été l’objet d’une nouvelle révélation. Voici de quoi il s’agit : Notre-Seigneur est profondément mécontent des offenses que l’on fait à sa Très Sainte Mère et il ne peut plus les supporter davantage. À cause de ces péchés, de ces outrages et blasphèmes, qui font tant souffrir son Cœur de Fils très aimant, beaucoup d’âmes sont tombées en enfer et d’autres sont en danger de se perdre. Notre-Seigneur promet de les sauver, dans la mesure où l’on pratiquera cette dévotion, avec le but de faire réparation au Cœur Immaculé de notre Très Sainte Mère : Dévotion réparatrice au Cœur Immaculé de Marie. Durant cinq mois... » Suit le texte de la grande promesse. « Le Père Mateo est venu intensifier la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, maintenant Lucie vient intensifier la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, qui en est le complément nécessaire. Par ces deux dévotions réparatrices, les offenses que l’on fait au Fils et à la Mère sont ainsi réparées, comme il est absolument juste. Hier après-midi, j’ai couru à Porto en automobile pour faire connaître cette dévotion qui a été accueillie avec le plus grand enthousiasme... » Comme en 1917, le Dr Formigão allait être, pour les apparitions de Pontevedra, l’un des apôtres de la première heure. Ce 3 octobre 1928, sœur Lucie lui offrit une image de Notre-Dame sur laquelle elle écrivit au verso : « Je prie pour faire connaître et aimer le Cœur Immaculé de notre très Sainte Mère et pour qu’on Lui fasse réparation. Je n’oublie jamais de prier pour votre Révérence de qui je suis la servante toute dévouée en Notre-Seigneur. Sœur Marie-Lucie des Douleurs. » Et, sur une autre image, pour Antonia, la sœur du chanoine, elle écrivit : « Je prie pour aimer beaucoup le Cœur Immaculé de notre très Sainte Mère et pour que vous vous efforciez de Le consoler. « Votre amie qui ne vous oublie jamais auprès de Jésus au Saint-Sacrement, sœur Lucie de Jésus. » Aussitôt après la profession de sœur Lucie, le chanoine Formigão entreprit des démarches auprès de Mgr da Silva. Il apporta à l’évêque une petite lettre rédigée par Lucie à son intention : « Excellentissime et Révérendissime Monseigneur l’évêque, « Si je ne me trompe, le Bon Dieu, dans son infinie miséricorde, se plaint de ne pouvoir supporter plus longtemps les offenses qui se commettent contre l’Immaculée Conception de la Très Sainte Vierge. Il dit qu’à cause de ce péché, un grand nombre d’âmes tombent en enfer, et il promet de les sauver dans la mesure où l’on pratiquera la dévotion suivante, avec l’intention de faire réparation au Cœur Immaculé de notre Très Sainte Mère. Je viens donc, excellentissime et révérendissime Seigneur, avec l’approbation de mon confesseur et de ma très révérende Mère supérieure, et pour satisfaire aux désirs de Notre-Seigneur, demander humblement à votre Excellence révérendissime de bien vouloir lui accorder son approbation. » Et Lucie exposait la grande promesse. Mgr da Silva n’avait aucune objection sérieuse l’empêchant d’approuver la dévotion des premiers samedis. Peu après, le chanoine Formigão écrivait : « Mgr dom José da Silva, avec lequel je suis allé m’entretenir à Braga sur ce sujet, m’a autorisé à propager dès maintenant, en privé, cette dévotion FÉV. 2017 réparatrice. Il la promulguera sous peu dans un document public et officiel, en la recommandant et en l’indulgenciant. » C’était une promesse qui manifestait un accord de principe. Malheureusement, elle ne fut pas tenue. Lucie ne désespère pas. Elle écrit au Père Aparicio le 4 novembre 1928 : « J’espère que notre Bon Dieu daignera inspirer à son Excellence révérendissime une réponse favorable, et que, parmi tant d’épines, je cueillerai cette fleur, en voyant encore sur cette terre le Cœur maternel de la Très Sainte Vierge aimé et honoré. C’est maintenant mon désir parce que c’est aussi la volonté de Dieu. La plus grande joie que j’éprouve est de voir le Cœur Immaculé de notre si tendre Mère connu, aimé et consolé, par le moyen de cette dévotion. » L’AIMABLE DÉVOTION RÉPARATRICE Le 1er novembre 1927, sœur Lucie écrit à madame Filomena Morais de Miranda, sa marraine de confirmation, qui la visitait souvent à Vilar et lui procurait tout ce dont elle avait besoin : « Je viens aujourd’hui vous remercier de votre aimable petite lettre à laquelle j’aurais déjà dû répondre depuis longtemps, mais j’espère que vous me pardonnerez mon silence prolongé. « J’ai été bien contente de savoir que vous aviez fait le voyage de Lourdes sans encombre et que, aux pieds de notre chère Mère du Ciel, vous n’ayez pas oublié ma pauvre âme, moi non plus je n’oublierai pas ma bonne marraine dans mes humbles prières. « Je ne sais si vous avez déjà connaissance de la dévotion réparatrice des cinq samedis au Cœur Immaculé de Marie. Comme elle est encore récente, j’ai pensé à vous la recommander, car elle a été demandée par notre très chère Mère du Ciel et Jésus a manifesté le désir que cette dévotion soit pratiquée. Aussi, me semble-t-il que vous serez heureuse, chère marraine, non seulement de la connaître, et de donner à Jésus la consolation de la pratiquer, mais aussi de la faire connaître et embrasser par beaucoup d’autres personnes. « Elle consiste en ceci : durant cinq mois, le premier samedi, recevoir Jésus - Hostie, réciter un chapelet, tenir compagnie à Notre-Dame pendant quinze minutes en méditant les mystères du Rosaire, et faire une confession. Celle-ci peut se faire quel­ ques jours avant, et si dans cette confession antérieure on a oublié d’avoir l’intention [ demandée ], on peut offrir la confession suivante, pourvu que le premier samedi on reçoive la sacrée communion en état de grâce, avec l’intention de réparer les offenses faites à la Très Sainte Vierge et qui affligent son Cœur Immaculé. No 172 - P. 18 « Il me semble, ma bonne marraine, que nous sommes heureuses de pouvoir donner à notre très chère Mère du Ciel cette preuve d’amour, car nous savons qu’elle désire qu’elle lui soit offerte. Quant à moi, j’avoue que je ne me sens jamais aussi heureuse que lorsque arrive le premier samedi. N’est-il pas vrai que notre plus grand bonheur est d’être tout entières à Jésus et à Marie et de les aimer, eux seulement, sans réserve ? Nous voyons cela si clairement dans la vie des saints... Ils étaient heureux parce qu’ils aimaient et, nous, ma bonne Marraine, nous devons chercher à aimer comme eux, non seulement pour jouir de Jésus, ce qui est le moins ­ important, – car si nous ne jouissons pas de Jésus ici-bas, nous jouirons de Lui là-haut –, mais pour donner à Jésus et Marie la consolation d’être aimés. « Et si nous pouvions faire en sorte qu’ils se voient aimés mais sans savoir de qui et qu’ainsi, en échange de cet amour, ils puissent sauver beaucoup d’âmes ! alors, je crois que je serais tout à fait heureuse. Mais puisque nous ne pouvons pas cela, aimons-Les au moins pour qu’Ils soient aimés. « Adieu, ma bonne marraine, je vous embrasse dans les très Saints Cœurs de Jésus et Marie. « Marie Lucie de Jésus. » Dans une lettre non datée, sœur Lucie écrit : « Voici ma manière de faire les méditations sur les mystères du rosaire, les premiers samedis : « Premier mystère, l’Annonciation de l’ange Ga­ briel à Notre-Dame. Premier préambule : me représenter, voir et entendre l’Ange saluer Notre-Dame avec ces paroles : “ Je vous salue Marie, pleine de grâce ”. Deuxième préambule : je demande à NotreDame qu’elle infuse dans mon âme un profond sentiment d’humilité. « Premier point : Je méditerai la manière dont le Ciel proclame que la Très Sainte Vierge est pleine de grâce, bénie entre toutes les femmes et destinée à être la Mère de Dieu. « Deuxième point : L’humilité de Notre-Dame, se reconnaissant et se disant l’esclave du Seigneur. « Troisième point : Comment je dois imiter NotreDame dans son humilité, quelles sont les fautes d’orgueil et de superbe dans lesquelles j’ai le plus l’habitude de déplaire à Notre-Seigneur, et quels sont les moyens que je dois employer pour les éviter, etc. « Le deuxième mois, je fais la méditation du deuxième mystère joyeux. Le troisième, du troisième et ainsi de suite, en suivant la même méthode pour méditer. Quand j’ai terminé ces cinq samedis, j’en commence cinq autres et je médite les mystères douloureux, ensuite les glorieux, et quand je les ai terminés, je recommence les joyeux. » FÉV. 2017 L No 172 - P. 19 LA LITURGIE DE LA SA I NTE V IERGE ES deux premiers mots de la dévotion réparatrice sont Ave Maria , que notre Père traduit par un cri de son cœur d’enfant : « Je vous aime, ô Marie ! » en ajoutant : « Celui qui commence à se désintéresser de cette invocation entre dans la zone des dangers : attention, serpents ! » Tandis que, depuis des siècles, le peuple de Dieu, les pèlerins particulièrement, personnification de l’Église en marche vers le Ciel, ont reçu les 150 Ave du Rosaire comme prière parallèle aux 150 Psaumes des moines. Sœur Lucie a bien expliqué, à maintes reprises, que cette manière de prier la Vierge Marie est aussi parfaite, à son niveau, parce qu’on passe par Marie pour aller à Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, au fil des chapelets déroulant toute vie en circumincessante charité, avec ses trois étapes : joyeuse, douloureuse et glorieuse. Au commencement, Marie apprend qu’elle va devenir la Mère de Jésus. Plutôt que le récit de la création, redoutable et singulièrement souillée par le péché originel dès le premier pas, l’Angélus est le commencement de la révélation : « Réjouissez-vous, Marie, pleine de grâce. » Au fil des mystères joyeux associés aux heures de la journée, tout est grâce pour l’enfant qui repose sur le sein de sa mère, tout est douceur, caresse, amour qui nous viennent de Marie, parce que Jésus est notre Rédempteur par la grâce de Marie Corédemptrice. Ensuite viennent les Mystères douloureux par lesquels nous méditons l’œuvre du Fils de Dieu qui nous sauve, par la médiation du Cœur Immaculé de Marie. On ne la quitte pas. On la suit au pied de la Croix, transpercée du glaive des sept douleurs d’un Cœur très maternel que nous voulons consoler. Les mystères glorieux anticipent sur la joie du Ciel, vers lequel le moine et le pauvre laïc regardent humblement, en songeant qu’il n’est peut-être pas loin. La pratique du chapelet a été instituée dans nos familles par une volonté de Notre-Dame de Fatima, sans passer par l’Église hiérarchique. À chacune de ses apparitions, elle a dit : « Récitez le chapelet tous les jours. » Ce n’est pas un “ devoir ”, mais c’est plus mobilisant parce qu’il le faut pour obtenir toute grâce et le Paradis au jour de la mort. Voilà que par cette simple phrase, le chapelet a court-circuité toutes les liturgies pesantes que seuls les moines peuvent pratiquer. C’est libre, mais c’est nécessaire, puisqu’il s’agit d’une volonté de la Mère de Dieu, et du moyen premier du règne de Dieu dans nos cœurs. Nonobstant notre tiédeur, médiocrité, lâcheté. Pourquoi est-ce nécessaire ? Parce que Dieu le veut ! C’est nécessaire par une volonté de bon plaisir de notre très chéri Père Céleste, qui nous est signifiée avec insistance depuis cent ans. Non par des raisons intellectuelles ou morales ou ascétiques, mais par un impératif catégorique de notre Souverain Seigneur, transmis par notre Souveraine. Si Dieu l’a dit, ou l’a fait dire par la Sainte Vierge, c’est qu’il le veut, sans explication, mais il faut y répondre par foi, espérance, amour, vertus théologales faisant retour à Dieu sans obstacle, ni aide, par le mouvement de la circumincessante charité. Il n’y a rien d’autre à comprendre que « cela fait plaisir au Bon Dieu ». Cependant, à mesure que la créature se prête à cette servitude, le temps de la récitation du chapelet se trouve raccourci, l’énigme du sens de cette récitation se change en une lumière diffuse, produisant un début de paix et de bonheur céleste. C’est le fruit de cette méditation de saint Ignace que nous voyons à l’œuvre dans le cœur de sœur Lucie et qu’elle s’efforce d’enseigner à ses correspondants (supra, p. 18 ). Quand saint Louis-Marie Grignion de Montfort couvre de baisers sa petite statue de la Sainte Vierge sculptée par lui-même, cette expression de sa dévotion est une véritable communion qui n’est autre que la communion des saints. Par les leçons de saint Ignace le dévot de Marie en vient à voir, entendre, odorer, savourer, toucher la Sainte Vierge, Jésus-Christ luimême. C’est le début d’une très amoureuse piété et d’un grand progrès spirituel parce que Dieu créateur et miséricordieux permet qu’au moment où le fidèle manifeste sa dévotion, celle-ci aille plus loin que luimême, atteigne l’objet de son adoration, de sa piété, de sa dévotion. C’est l’apprentissage du Ciel. SŒUR LUCIE PARLE Outre plusieurs lettres sur le chapelet, notamment en 1969-1970, pour soutenir la vigoureuse campagne conduite par des Portugais, prêtres et laïcs, pour la défense du chapelet, sœur Lucie rédigea une petite feuille volante, où son nom ne figure pas, mais à laquelle l’évêque de Leiria, Mgr Joao Venancio, accorda l’imprimatur le 13 mai 1971. En réponse à une demande présentée par le clergé pour que le chapelet soit déclaré « prière officielle de l’Église », la Conférence épiscopale de la métropole n’osa pas transmettre cette demande à Rome. Mais en publiant ce texte dans son livre Uma vida ao serviço de Fatima ( Porto, 1973, p. 388 ), le Père Martins dos Reis note que sœur Lucie a dû recevoir « une assistance très particulière d’En-Haut pour écrire ce qu’elle écrit et comme elle l’écrit... » L’abbé de Nantes, notre Père, se disait « stupéfait de la richesse de ces commentaires. » FÉV. 2017 PETIT TRAITÉ DE SŒUR LUCIE SUR LE CHAPELET. « Récitez le chapelet tous les jours pour obtenir la paix pour le monde et la fin de la guerre. » ( 13 mai 1917 ) Toutes les âmes de bonne volonté peuvent et doivent réciter le chapelet tous les jours. Elles peuvent le réciter dans une église, que le très Saint-Sacrement soit exposé ou qu’il demeure dans le Tabernacle. Elles peuvent aussi le réciter en famille, comme en particulier, sur les chemins ou en voyage. La prière du chapelet est la plus accessible à tous, aux riches comme aux pauvres, aux savants comme aux ignorants. Elle doit être comme le pain spirituel de chacun. Par le moyen des mystères que nous remémorons à chaque dizaine, elle nourrit et augmente dans les âmes la foi, l’espérance et la charité. L’abbé de Nantes, notre Père, observait une « avancée hardie » dans cette « égalisation de la prière à Marie avec la prière au Saint-Sacrement ». Bien plus : « Voilà que la prière à Marie est comme l’Eucharistie, le pain spirituel de chacun. » « Je veux... que vous récitiez le chapelet tous les jours. » ( 13 juin 1917 ) Nous devons réciter le chapelet tous les jours, car nous avons tous besoin de prier et nous y sommes obligés. Si nous ne nous sauvons pas par l’innocence, il faut que nous nous sauvions par la pénitence. Pour cela, que le petit sacrifice quotidien de la récitation du chapelet, que nous offrons à Dieu, soit uni à cette prière de supplication : “ Notre Père qui est aux Cieux... Pardonnez-nous nos péchés comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. ” “ Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort. ” « Il se fait comme un réajustement de la piété en face du rousseauisme, du laxisme, de l’humanisme moderne optimiste, un axe ramené vers le sacrifice, vers la Passion, vers le mystère de notre Rédemption à nous, créatures souillées par le péché et menacées de l’enfer. Pour nous défendre de ce danger, Notre Père et Sainte Marie, Mère de Dieu, sont comme mis à égalité . » « Je veux... que vous continuiez à réciter le chapelet tous les jours. » ( 13 juillet 1917 ) Notre-Dame insiste et nous demande la persévérance dans la prière. Il ne suffit pas de prier un jour ; il faut prier toujours, tous les jours avec foi, avec confiance, car tous les jours nous faisons des fautes et tous les jours nous avons besoin de recourir à Dieu en lui demandant de nous pardonner et de nous secourir. No 172 - P. 20 « Je veux que vous continuiez à réciter le chapelet tous les jours. » ( 19 août 1917 ) Notre-Dame insiste parce qu’elle connaît notre inconstance dans le bien, notre fragilité et notre indigence ; et, comme une Mère, elle vient à notre rencontre pour nous donner la main et soutenir notre faiblesse sur le chemin que nous devons suivre pour nous sauver. Ce chemin est celui de la prière, c’est là que nous rencontrerons Dieu. C’est pourquoi elle nous a demandé de dire à la fin de chaque dizaine : “ Ô mon Jésus, pardonnez-nous, sauvez-nous du feu de l’Enfer, conduisez toutes les âmes au Ciel, surtout celles qui en ont le plus besoin. ” C’est-à-dire celles qui se trouvent en danger de damnation. « Continuez à réciter le chapelet pour obtenir la fin de la guerre. » ( 13 septembre 1917 ) Par cette insistance, Notre-Dame nous indique qu’il nous est grandement nécessaire de prier pour obtenir la grâce de la paix entre les nations, dans les peuples, dans les familles, les foyers, les consciences et entre Dieu et les âmes. Ce n’est que lorsque la lumière, la force et la grâce de Dieu pénétreront les âmes et les cœurs que nous parviendrons à nous comprendre vraiment et mutuellement, à nous pardonner, à nous secourir ; voilà l’unique moyen pour arriver à une paix véritable et juste. Mais pour l’obtenir, il est nécessaire de prier ! « Je veux... que l’on continue à réciter le chapelet tous les jours. » ( 13 octobre 1917 ) En effet, le chapelet est la prière qui doit nous rapprocher quotidiennement de Dieu. Cette prière n’est pas exclusivement mariale ; plus encore, elle est une prière biblique et eucharistique, adressée à la très Sainte Trinité. À chaque dizaine, nous récitons le “ Gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit ”, et le “ Notre Père ” que le Christ nous a enseigné comme prière afin que nous nous adressions avec confiance au Père. Et nous récitons aussi l’“ Ave Maria ” qui est aussi une louange et une supplication à Dieu par la médiation de Marie : “ Ave Maria, pleine de grâce, le Seigneur est avec Vous, Vous êtes bénie entre toutes les femmes et Jésus, le fruit de vos entrailles est béni. ” Ainsi nous saluons Marie, dans le mystère de notre Rédemption, mystère que Dieu a opéré en Elle et par lequel Marie a été constituée Mère de Dieu, Mère de l’Église et Mère des hommes. C’est pourquoi Marie a été le premier Tabernacle dans lequel le Père a enfermé son Verbe ; le premier Ostensoir et le premier Autel où le Seigneur est resté pour toujours exposé à notre adoration et à notre amour. Imprimatur : Leiria, 13 mai 1971. + Jean, Évêque de Leiria. frère Bruno de Jésus-Marie. FÉV. 2017 CAMP NOTRE-DAME DE FATIMA 2 016 No 172 - P. 21 DE SA I N T GR É G OI R E À L ’ A N M I LLE L ’ ESSOR DE L A CHR ÉTIENTÉ par frère Grégoire de l’Annonciation D ANS sa conférence sur saint Augustin, notre Père nous a montré comment ce grand docteur de l’Église avait posé les bases théoriques et théologiques de la nouvelle civilisation dans son œuvre majeure, La Cité de Dieu . Conformément à la prophétie de saint Jean dans l’Apocalypse , il expliquait en 410 que l’Empire romain s’écroulait sous les coups d’Alaric et de ses Wisigoths parce qu’il était demeuré idolâtre et persécuteur des chrétiens. Mais il ajoutait que Dieu voulait susciter d’autres pouvoirs politiques qui, eux, seraient ouvertement chrétiens. Or, au cinquième siècle, l’Église devait faire face aux mille complications politiques et doctrinales que suscitèrent certains empereurs de Constantinople, qui tombaient souvent dans l’hérésie et persécutaient l’Église catholique. Et cependant, celle-ci reconnaissait leur pouvoir légitime, ce qui n’était pas pour simplifier sa situation. Même en période de paix, Rome devait se méfier de la prétention impériale à supplanter la primauté et l’autorité du Pape en s’ingérant dans les questions ecclésiales. En Occident, l’Église devait en même temps faire face à la double difficulté d’une part d’une civilisation romaine décadente, minée par l’idolâtrie, la corruption des mœurs et la misère, et d’autre part des grands obstacles qu’elle devait attendre des barbares, tous bons ariens (sic ! ), qui déferlèrent sur l’Italie en vagues successives. Si les Huns, en 451, et les Vandales trois ans plus tard, avaient épargné Rome, impressionnés par son évêque le pape saint Léon, les guerres menées par l’armée de l’empereur Justinien contre les Goths, de 535 à 565, tout en libérant l­’Italie de la menace barbare, la laissèrent exsangue, pillée, r­avagée. Trois ans après, les Lombards envahissaient à leur tour les territoires du nord de l’Italie, de sorte que les régions où s’exerçait encore l’autorité de l’empereur de Constantinople apparaissaient comme des îlots comprenant Gênes, Ravenne, où se trouve l’exarque ou représentant de l’empereur, Rome et l’Italie du Sud avec la Sicile, la Corse et la Sardaigne, les communications entre ces îlots étant très difficiles, puisqu’ils étaient cernés par les Lombards. Ces invasions successives et les dévastations qui les accompagnaient ne laissaient pas présager l’avènement de la société prédite par saint Augustin ! En novembre 589, à ces difficultés s’ajoutèrent des cataclysmes et une peste qui firent croire la fin du monde imminente. Ce n’était que la fin d’un monde cependant, car ce fut au cours des quatorze années qui ont suivi que l’Église catholique s’est affermie, organisée et a retrouvé sa force missionnaire, permettant ainsi d’aménager les bases de ce que saint Augustin prévoyait et appelait de ses vœux : la Chrétienté. Or, tout cela fut rendu possible par l’action d’un Romain, d’un saint Pape et Docteur de l’Église : saint Grégoire le Grand. I. LE PONTIFICAT DE SA I NT GR ÉG OIR E LE GR A N D HÉRITIER DE LA CIVILISATION ROMAINE ET FILS DE L ’ ÉGLISE . Saint Grégoire est né vers 540 en Italie, d’une grande famille patricienne et chrétienne de Rome qui avait donné plusieurs saints à l’Église : le pape saint Félix III, sainte Sylvie, mère de saint Grégoire, ainsi que deux de ses tantes qui furent des religieuses exemplaires. Cette noble famille est une des rares encore aisées à n’avoir pas fui la guerre dévastatrice entre Grecs et Goths en se réfugiant à Constantinople auprès de l’empereur. Lorsque le pouvoir impérial est rétabli à Rome, Grégoire doit avoir douze ans. Les écoles rouvrent et bientôt il « s’abreuve assidûment, suivant ses propres expressions, à ces eaux profondes et limpides qui nous viennent du bienheureux Ambroise et du bienheureux Augustin ». Pour le service de sa patrie qu’il aime et pour laquelle il veut se dévouer, il entame une carrière de fonctionnaire qui le mènera à trente-trois ans au poste de préfet de Rome avec à sa charge la police, les finances et le ravitaillement de la ville qu’il administre avec un ordre tout romain. Ces hautes compétences lui serviront plus tard à diriger l’Église. Pourtant, Grégoire aspirait à la vie contemplative, car c’est une âme mystique qui veut se mettre pleinement au service de Notre-­ Seigneur. « Alors que FÉV. 2017 mon esprit s’efforçait de ne servir le monde que du dehors, une multitude de préoccupations – nées du souci même de ce monde – m’assaillirent au point de m’y retenir, non plus seulement du dehors mais, ce qui est plus grave, par l’âme. » Un jour, la voix du Divin Maître fut plus forte et il se décida à tout quitter pour Le suivre. « Fuyant après réflexion tous ces embarras, je gagnai le havre d’un monastère. » Il en fonda six sur les propriétés familiales de Sicile et transforma sa demeure de Rome en un monastère qu’il dédia à saint André Apôtre et où il se fit moine. Ce furent cinq années de joie parfaite pour notre saint qui y pratiqua l’ascèse et la pénitence... au point de ruiner sa faible santé. Très vite, le pape Pélage II, qui connaissait ses talents, l’ordonna diacre et en fit son apocrisiaire, c’est-à-dire nonce, auprès de l’empereur Tibère II puis de Maurice dans le but d’obtenir une aide plus importante dans la lutte contre les Lombards. Toujours accompagné de ses moines, auxquels il commenta le Livre de Job , Grégoire découvrit le monde de la “ nouvelle Rome ”, comme on appelait alors Constantinople. Le faste des églises et des palais, bien sûr, mais surtout les embarras financiers de l’empereur qui ne put répondre à la demande du Pape, l’asservissement du clergé à l’empereur, les grandes difficultés liées à l’hérésie monophysite, et enfin les prétentions du patriarche de Constantinople, toujours désireux de supplanter la primauté du saint Siège. Grégoire eut d’ailleurs l’occasion de polémiquer violemment contre lui, parce qu’il s’était mis en tête de nier le dogme de la résurrection de la chair. Bref, cette mission de sept ans fut providentielle, car elle permit à saint Grégoire de comprendre l’atmosphère de Constantinople. Trois ans après son retour en Italie, des cataclysmes, des ouragans, des tremblements de terre jetèrent partout la consternation. En novembre 589, le Tibre déborda, ruinant les édifices et renversant les greniers de l’Église où était conservé le froment pour les pauvres. Des cadavres de serpents noyés et rejetés sur la rive provoquèrent une épidémie de peste. Les victimes étaient innombrables. L’une des premières fut le pape Pélage II. L’Église n’avait plus de chef en un moment où la direction d’un Pontife sage et ferme était devenue si nécessaire. SON PONTIFICAT : IL AFFERMIT L ’ ORGANISATION DE L ’ ÉGLISE, LA RECENTRE VERS L ’ OCCIDENT ET LANCE LA CHRÉTIENTÉ . Tous se tournèrent vers l’abbé de Saint-André, qui fut unanimement élu malgré ses résistances. Sa première prédication fut pour appeler son peuple à la pénitence publique, car, « après avoir péché tous ensemble, il faut que nous pleurions aussi tous ensemble le mal que nous avons commis ». No 172 - P. 22 Lorsqu’il passa devant le môle d’Hadrien en tête d’une grande procession de supplication, portant solennellement l’image de la Très Sainte Vierge, on entendit des anges chanter les premières phrases d’une hymne inconnue, le Regina Cæli , auquel le SaintPère répondit : « Ora pro nobis Deum. » Puis, on vit l’archange saint Michel remettre au fourreau son épée de feu, et le fléau cessa. Par son intercession, la Très Sainte Vierge faisait cesser le châtiment et présidait l’œuvre qu’allait entamer saint Grégoire. Il fut sacré évêque le 3 septembre 590 malgré sa grande tristesse de quitter son monastère, dont il gardera toujours la nostalgie. Ce qui ne l’empêchera pas de se révéler dès les premiers jours un chef énergique et décidé. L’ampleur de son action durant ses quatorze années de règne est immense et capitale, car, sans calcul aucun de sa part, il lance les principes et fondements de la Chrétienté. D’abord, qu’est-ce que la Chrétienté ? Prenons les 150 Points de la Phalange rédigés par notre Père, qui sont incontournables pour étudier cette période. La Chrétienté, c’est « le monde évangélique, libéré de la tutelle de Satan et tout entier régi par la loi du Christ » ( Point 29 ). C’est le monde où est implantée la loi du Christ, l’Église. L’Église n’est pas simplement une communauté spirituelle, un pur lien religieux sans aucun support matériel, sans institution sociale. Non ! Elle assume toutes les réalités de la vie terrestre. Par elle, les familles, les peuples, les royaumes trouvent la vie. Les institutions de ces royaumes qui sont catholiques et ces royaumes eux-mêmes constituent une partie de la Chrétienté. Et toutes les nations chrétiennes, ce monde chrétien qui évolue à l’ombre de la Croix et de l’Église, constituent LA Chrétienté. La Chrétienté est une œuvre de pure charité, car elle soutient tout entier l’action de l’Église qui travaille au salut des âmes. Or, saint Grégoire va, durant son pontificat, jeter les principes de cette œuvre magnifique de Chrétienté qui va se développer ensuite durant des siècles pour atteindre son apogée aux onzième, douzième et treizième siècles. Comment cela ? Les 848 lettres et les nombreuses autres œuvres écrites que nous conservons de saint Grégoire nous permettent de nous faire une très bonne idée de son action pontificale. Eh bien ! D’abord, il va libérer son peuple « de la tutelle de Satan », et pour cela il enseigne son peuple, par ses Homélies sur les Évangiles qui marqueront tout le Moyen Âge et dont nous lisons encore des extraits dans nos matines, aujourd’hui. Dans un autre genre, il fera publier ses Dialogues avec son secrétaire dans lesquels il fait le récit de nombreux miracles opérés par des saints contemporains. Ainsi montre-t-il que Dieu assiste toujours son Église, puisqu’Il donne le pouvoir des miracles à ses saints mais pas aux hérétiques. C’est l’esprit de La Cité FÉV. 2017 de Dieu de saint Augustin, mais dans un style très populaire qui sera à la base de la Légende dorée de Jacques de Voragine au treizième siècle. Il faut aussi attirer la grâce et montrer l’exemple aux gens, alors il favorise la vie monastique qui, de tout temps, a été le fondement de la renaissance de l’Église. Il voyait dans le moine le serviteur de l’Église romaine et le vainqueur du paganisme. Saint Grégoire avait gardé son habit religieux après son sacre, et il avait commencé par remplacer les laïcs de la cour pontificale par les religieux les plus saints et les plus savants pour en faire ses conseillers. Il ne se contentera pas de cela mais influencera de façon décisive l’essor du tout jeune ordre bénédictin qui était venu trouver refuge à Rome après les invasions lombardes. Saint Benoît, que l’on appelle le père du monachisme occidental, après quarante-cinq ans de vie religieuse avait écrit en 540 une règle de vie monastique d’une grande sagesse et d’un équilibre encore inégalé. Saint Grégoire aimait particulièrement ce saint dont il avait raconté la vie et connu certains de ses premiers disciples. Comprenant que cette Règle serait un réel soutien pour la vie religieuse et pénétrerait les moines de la plus pure moelle des conseils évangéliques, il la déclare solennellement inspirée de Dieu. En même temps, il en voyait la puissance civilisatrice car cette Règle avait le grand avantage de survivre aux supérieurs des monastères, et de prolonger leur influence de génération en génération. C’est pourquoi il fit tout son possible pour les protéger : « La charge que nous avons précédemment remplie comme chef d’un monastère nous a appris combien il est nécessaire de pourvoir à la tranquillité des moines ; et comme nous savons que la plupart d’entre eux ont eu à souffrir beaucoup d’oppressions et de passe-droits de la part des évêques, il importe à notre fraternité de pourvoir à leur repos futur » et il fait de l’abbaye un sol libre, inviolable, beaucoup plus dégagé de l’autorité de l’évêque qu’autrefois. Remarquons que c’est exactement ce que souhaitait notre Père pour notre Ordre ! Il gouverne l’Église, à commencer par les évêques qu’il surveille infatigablement parce qu’ils ont charge d’âmes et que ce sont eux les colonnes de leur cité. À cette époque, les évêques à élire étaient obligatoirement pris sur place et n’étaient pas toujours instruits. Pire, la simonie était une plaie très répandue. Il s’agissait du trafic des charges ecclésiastiques, ainsi appelé depuis que Simon le magicien avait tenté d’acheter les pouvoirs du Saint-Esprit à saint Pierre, comme on le lit dans les Actes des Apôtres ( 8, 18 ). Cela n’avait pas plu à saint Pierre, et cela n’a pas plu non plus à son successeur, saint Grégoire, qui écrit dès septembre 590 sa Règle Pastorale , véritable code de la vie cléricale où il explique ce que représente le poids de la charge épiscopale « pour que ceux à qui elle n’est pas échue ne la recherchent No 172 - P. 23 pas inconsidérément, et que ceux qui l’ont recherchée inconsidérément tremblent de l’avoir obtenue ». Ainsi, il apprend à ses évêques à avoir une vraie vie spirituelle et à se comporter envers leur troupeau comme le Bon Pasteur : « Qu’il se fasse connaître tel que ses fidèles n’aient pas de confusions à lui révéler les secrets de leur cœur, et que ces petits, quand ils sont aux prises avec les flots des tentations recourent au conseil de leur pasteur comme au sein d’une mère. » Tout empreint de l’esprit de la Règle de saint Benoît , ce livre sera tout de suite répandu dans l’univers catholique et aura un profond retentissement, si bien que, encore au neuvième siècle, tous les évêques de la Gaule prêteront serment sur la Règle Pastorale de saint Grégoire. Parallèlement, il lutte contre le donatisme, très présent en Afrique, et tente de réconcilier avec l’Église les évêques demeurés schismatiques après la crise nestorienne. Donc, première chose en Chrétienté, que la grâce puisse agir ! Ensuite, sans calcul de sa part, la charité presse ce Pape au cœur d’or à se préoccuper du détail de la vie quotidienne : il « assume les réalités de la vie terrestre ». Il organise le patrimoine de saint Pierre qui est le premier noyau des États pontificaux, et qui regroupait toutes les donations faites au Saint-Siège, en particulier les propriétés rurales. Cela permettait à l’Église de subvenir à ses propres besoins et de venir en aide à des milliers d’indigents et de réfugiés. C’est le Pape seul qui assurait l’alimentation de Rome en temps de guerre et de famine. Ce patrimoine, il l’organise avec son génie tout romain précisant à ses intendants qu’il est le bien des pauvres. Il essayait en même temps d’adoucir le sort des colons, cette classe d’hommes différents des esclaves et des hommes libres et attachés aux terres pontificales, détruisant les abus réalisés à leur encontre : « Nous ne voulons pas que les coffres de l’Église soient souillés par des gains sordides... Faites lire aux paysans dans toutes les métairies ce que j’ai écrit, et qu’ils en reçoivent des copies authentiques, afin qu’ils sachent se défendre avec notre autorité contre toute violence. » De plus, sans bouleversement, il transformait l’esclavage antique en servage, saisissant toutes les occasions pour rappeler les esclaves à une condition libre. Tout cela, il l’accomplit avec une santé très défaillante, presque continuellement alité les six dernières années de sa vie, et dans une situation extrêmement difficile où il doit à la fois lutter contre les Lombards, c’est-à-dire organiser les tours de garde, envoyer des troupes en renfort des Grecs pour harceler les ennemis, encourager la résistance des autres cités, etc., mais aussi faire face parfois à ses propres alliés, en particulier celui qui aurait dû le plus l’aider, l’exarque qui, pourtant, dit-il « nous a plus nui que le glaive des Lombards. Oui, les ennemis qui nous FÉV. 2017 tuent paraissent plus doux que les juges de la république [ Constantinople ], qui nous navrent le cœur par leur méchanceté, leurs rapines et leurs tromperies. » Les calomnies dont il était l’objet étaient rapportées à Constantinople et l’empereur y prêtait facilement l’oreille, si bien qu’il accusa le Pape de trahison en 594 et de nouveau en 595 lorsque celui-ci fut acculé à signer un traité de paix avec les Lombards. Alors, le Pape comprit qu’il était inutile d’insister pour se justifier et obtenir un soutien qu’on ne voulait pas lui donner. Il voyait bien que l’ancien Empire romain était appelé à disparaître et tourna désormais les yeux vers l’Occident, sans rompre toutefois avec l’Orient. C’est un tournant capital dans le développement de la Chrétienté, car les événements, – en fait la Providence –, forcent saint Grégoire à se tourner vers les rois barbares d’Espagne, de Gaule et de Bretagne, plus dociles, et donc à augmenter l’influence de l’Église pour instaurer un début de Chrétienté plus vaste, avec d’autres peuples. L’ensemble sera plus tard une force, un contrepoids contre Constantinople qui deviendra un membre mort. Les Wisigoths ariens d’Espagne venaient tout juste de se convertir après le martyre du prince Herménégilde et grâce au zèle de saint Léandre, l’ami intime de saint Grégoire, qui avait obtenu le retour à la vraie foi du roi Récarède, frère d’Herménégilde. Voyant l’excellent esprit du souverain, le Pape lui envoie des lettres de direction qu’Hincmar de Reims trouvera si belles qu’il les enverra lui-même à Charles le Chauve deux cent cinquante ans plus tard comme un résumé complet des devoirs des rois : « Il faut aussi qu’à l’égard de tes sujets, ton gouvernement soit tempéré par une grande modération, de peur que la puissance n’aveugle ton esprit. Car un royaume est bien gouverné quand l’orgueil du commandement ne domine point dans l’âme du roi. » En Gaule, il explique à Childebert son rôle de Roi catholique et souligne le rôle de modèle qu’a la nation franque sur les autres nations : « Autant la dignité royale est au-dessus des autres hommes, autant votre royaume l’emporte sur les autres royautés des nations. C’est peu d’être roi quand d’autres le sont, mais c’est beaucoup d’être catholique, quand d’autres n’ont point de part au même honneur. » Il espérait aussi beaucoup de la reine d’Austrasie, Brunehaut, No 172 - P. 24 qui fera beaucoup pour extirper le paganisme des campagnes. Surtout, elle sera d’un grand soutien pour la mission que saint Grégoire enverra en 597 sur la terre des Angles.. Les Bretons, catholiques, avaient été chassés de leur territoire par les Anglo-Saxons païens que saint Grégoire avait toujours voulu évangéliser. Avant même d’être Pape, il avait acheté des esclaves angles pour les catéchiser, en faire des moines, et bientôt, des missionnaires. En 597, il envoya des frères de son ancien monastère, saint Augustin et quarante autres moines, pour prêcher l’Évangile au roi de Kent, Ethelbert ( marié à une descendante de sainte Clotilde, Berthe ). Il finit par se convertir, et des milliers de sujets à sa suite. Ce fut une grande consolation pour saint Grégoire qui écrivit à saint Augustin : « S’il y a plus de joie au Ciel pour un pécheur pénitent que pour quatre-vingt-neuf justes, quelle joie n’y aura-t-il pas pour tout un grand peuple qui, en revenant à la foi, fait pénitence de tout le mal qu’il a fait ? Et cette joie, c’est toi qui l’auras donnée au Ciel. » Mais c’était aussi le Pape qui avait suivi pas à pas les missionnaires dans leur périlleux voyage, relevé leur courage, réglé toutes les difficultés par ses instructions, programmé l’établissement de l’Église dans cette île. De même que pour Récarède et Childebert, il expliqua à Ethelbert ce qu’il devait faire pour plaire au Roi du Ciel, donnant en exemple Constantin et sainte Hélène et invoquant l’appui du bras séculier pour aider à l’évangélisation de reste du pays. Ainsi si une législation chrétienne allait pénétrer peu à peu en Angleterre, ce fut l’œuvre de saint Augustin de Cantorbéry et de saint Grégoire que l’on appelle d’ailleurs l’Apôtre de l’Angleterre. Saint Grégoire mourut le 12 mars 604 de la ma­ ladie qui le paralysait depuis longtemps. Le « Consul de Dieu », comme le désignait son épitaphe, avait achevé de donner à l’Europe chrétienne les fondements de sa figure définitive : « À la base, les évêchés et les monastères, plus haut, les monarchies nationales, et par-delà tous les espaces, la papauté. » ( Georges de Nantes, toute notre religion , p. 61). Ses successeurs n’auront plus qu’à suivre la ligne déjà tracée pour établir cette Chrétienté dans les nations fidèles. Nous verrons que la plus belle fleur en fut le lys de France. Mais cela ne fut pas sans peine... II. DE SA I NT GR ÉG OIR E À L ’ EMPIR E CA ROLI NGIEN L ’ EMPIRE D’ ORIENT DE PLUS EN PLUS RÉTICENT. Pour faire partie de la Chrétienté, il faut d’abord être catholique et docile aux papes. Constantinople ne voulut pas se soumettre. Livrée à ses ennemis extérieurs et intérieurs, elle se perdit. Voyons les prémices de sa chute tragique. D’abord vis-à-vis de l’extérieur. En effet, en 614, les Perses, conduits par Chosroês II, envahissent la Palestine, ravagent Jérusalem et emportent la Sainte Croix. À partir de 622, il faudra dix ans à l’empereur Héraclius pour réussir à repousser et écraser les FÉV. 2017 Perses. Finalement, il rapporte victorieusement la Sainte Croix sur ses épaules à Jérusalem. Les études de frère Bruno sur le Coran nous ont appris que c’est très probablement lors de cette invasion perse que l’auteur du Coran lança pour la première fois ses bandes contre les chrétiens de Jérusalem. C’est dire qu’à peine l’empereur avait-il ramené la paix sur ses frontières, un danger bien plus grave se préparait. Car les ennemis extérieurs de l’Empire byzantin vont profiter de ses failles internes. En effet, les grandes hérésies des siècles précédents ont laissé le territoire soumis aux Grecs divisés en de multiples groupements hérétiques opposés les uns aux autres et par-dessus tout au catholicisme. Sur toute la rive sud et est de la Méditerranée se côtoient des catholiques, des ariens, des marcionites, des docètes, des donatistes, des sabelliens, des gnostiques, et enfin des monophysites jacobites, coptes ou arméniens, ceux que le pape François est allé visiter récemment. Par détestation de la doctrine catholique en même temps que du joug byzantin, des velléités d’indépendance menaçaient l’Empire de dislocation. No 172 - P. 25 coup les successeurs d’Honorius comprirent l’hérésie et la condamnèrent fermement, ce qui valut le martyre au pape saint Martin I er, en 655. La querelle fut finalement résolue en 680 par le troisième concile de Constantinople convoqué par Constantin IV et le pape saint Agathon qui condamnèrent solennellement tous les fauteurs de l’hérésie et avec eux le pape Honorius, « car il avait suivi en tout l’opinion de Sergius et confirmé ses dogmes impies ». Plus tard, le pape Léon II confirmera cette condamnation d’Honorius « qui a omis de garder pure cette Église apostolique mais a permis, par une trahison perfide, que l’immaculée [ l’Église ] fût souillée ». Première condamnation d’un Pape sur un point doctrinal. Toute cette affaire montre assez combien l’Orient s’épuisait en sanglantes querelles plutôt que de s’unifier autour de la vraie foi défendue normalement par le Pape. Sanglantes querelles, car les persécutions furent violentes de la part des monothélites, le martyre de saint Martin I er et de saint Maxime le Confesseur en sont la preuve. Pour tenter de remédier aux divisions théologiques avec les monophysites qui professaient une seule nature dans le Christ et qui constituaient la faction hérétique majoritaire sur le territoire, Héraclius et le patriarche de Constantinople Sergius, se croyant plus intelligents que le Pape et les saints unis à Rome, reviennent sur les décisions du concile de Chalcédoine et décident que dorénavant on ne parlerait plus que d’une seule volonté dans la personne du Christ. Or c’était, par manière de conciliation, formuler une hérésie de plus, le monothélisme, qui scandalisait la masse des fidèles et à leur tête saint Sophrone de Jérusalem. En plus, par ses multiples divisions doctrinales, l’Empire byzantin préparait un terreau favorable à l’hérésie ismaélite qui deviendra l’islam. Cette hérésie qui commençait alors à se répandre sera l’instrument de la colère de Dieu contre Constantinople.. Comprenons la portée de cette nouvelle hérésie : elle contredisait la vérité du dogme selon laquelle le Christ a deux natures, une humaine et une divine, et donc, deux volontés, une humaine et une divine. Dans son agonie, ces deux volontés s’opposent en Jésus, et c’est précisément son combat (agôn) de vouloir à la fois échapper aux souffrances de sa Passion, volonté humaine, et obéir à son Père en mourant pour nous sur la Croix, volonté divine. Si l’on nie l’existence de cette volonté humaine, Jésus est un être qui ne peut pas comprendre nos combats à nous. En 638, les arabes occupent Jérusalem ; en 643, Alexandrie, et en 704, l’Afrique du Nord est totalement occupée quand tombe Ceuta sur le détroit de Gibraltar. Ce sont encore des renseignements obtenus par trahison des juifs et de chrétiens apostats, rien de nouveau sous le soleil ! qui leur permirent de passer en Espagne wisigothique en 711 et de l’occuper aux neuf dixièmes avec une facilité déconcertante. À l’Ouest, seule l’intervention de Charles Martel mettra un coup d’arrêt à leur invasion à Poitiers en 732, tandis qu’à l’Est, Constantinople bloque le passage de l’Europe chrétienne après les assauts ratés de 673 et 717. Il n’empêche : cette invasion prive la Chrétienté de tout le pourtour sud-méditerranéen de l’Asie mineure à l’Espagne et est une grave menace pour la survie de la Chrétienté jusqu’aujourd’hui. Sollicité de juger la question par saint Sophrone, le pape Honorius eut la faiblesse d’écouter Sergius qui conseillait de ne point trancher le débat, ce qui en l’occurrence servait l’hérésie. Il imposa même le silence à saint Sophrone, qui mourut peu après. En 638, Sergius pouvait faire publier par l’empereur l’Ecthèse , profession de foi hérétique qui faisait de l’humanité du Christ un instrument passif de sa divinité, ce que tous les évêques d’Orient acceptèrent. Un an après, Sergius et Honorius moururent. À ce Car les arabes vont bien vite trouver des complicités chez les juifs et chez certains hérétiques ou schismatiques qui souhaitaient se débarrasser de la présence des Byzantins catholiques. Ainsi du patriarche copte Benjamin qui avait été éjecté de son siège par l’empereur et qui négocia avec les arabes l’appui de son peuple en échange de la restitution des biens de l’Église monophysite. Cette catastrophe ainsi que la politique religieuse de Constantinople réticente à l’autorité de Rome, augmentée par la suite de la querelle iconoclaste de 726 à 842, achèvent de tourner les Papes vers l’Occident qui, lui, continue de se christianiser. C’est l’avenir ! FÉV. 2017 LA CHRISTIANISATION DE L’ EUROPE . LES FRANCS AU SECOURS DE LA PAPAUTÉ . Comment cette Chrétienté s’est-elle constituée ? En reprenant les principes de saint Grégoire : évangéliser, attirer la grâce, former les peuples, montrer l’exemple par le monachisme, bannir les hérésies, établir des institutions catholiques... Cette christianisation en profondeur des peuples déjà évangélisés reposa en premier lieu sur le clergé séculier. Comme saint Grégoire pour Rome, les évêques firent tout dans leurs diocèses. Au moment de la décadence de l’Empire romain et des invasions barbares, les évêques avaient en effet pris la fonction des préfets et rempli le rôle de défenseurs de leur cité. Peu à peu, la hiérarchie de l’Église avait assumé tout l’ordre romain, d’autant plus que, très souvent, les évêques étaient issus de nobles familles romaines qui avaient occupé de hauts postes dans l’administration, comme saint Ambroise ou saint Hilaire. D’autre part, les paroisses rurales s’étaient beaucoup développées depuis le quatrième siècle où elles apparurent pour la première fois et elles devinrent véritablement les cellules de base du pays, permettant davantage de faire pénétrer l’Évangile dans les mœurs. Les pèlerinages sur les tombeaux des saints se développèrent, comme sur celui de saint Martin de Tours, le convertisseur des Gaules, et parfois ces saints prirent une part visible à la christianisation de la société, comme en 708 où saint Michel apparut à saint Aubert et lui ordonna de lui dédier un oratoire sur le futur mont Saint-Michel. Simultanément se développait le monachisme, en particulier l’œuvre des bénédictins dont les vœux de stabilité et d’obéissance et l’application au travail manuel seront à la base des gigantesques travaux de défrichement qui rendirent les terres propres à la culture. C’est ainsi que peu à peu s’établirent autour des monastères des villages ou des bourgs qui profitaient à la fois du rayonnement spirituel de l’abbaye, de sa protection en cas de périls et de son activité écologique. La régularité de la vie bénédictine dans le service divin, sa facilité d’adaptation, par exemple par rapport à la Règle de saint Colomban ( un très grand missionnaire irlandais qui avait fondé des dizaines de monastères de l’Irlande à l’Italie, mais sous une Règle beaucoup plus sévère ) font affluer les vocations de ceux qui cherchent à mener une vie plus parfaite, même dans les familles royales, et mènent à la constitution d’un clergé régulier. Mais l’œuvre missionnaire elle-même sera véritablement œuvre de moines, preuve que ces termes ne sont pas contradictoires ! Saint Grégoire, nous l’avons vu, avait compris que la grande œuvre d’évangélisation des masses barbares, pour perdurer, ne pouvait plus se faire uniquement sur des initiatives individuelles de missionnaires, mais devait devenir œuvre No 172 - P. 26 d’Église, c’est-à-dire soutenue par le Pape et, dans la mesure du possible, par une nation chrétienne. Ainsi avait-il obtenu la conversion de l’Angleterre par saint Augustin avec le soutien des Francs. À son tour, l’Angleterre devint un foyer d’ardents moinesmissionnaires dont saint Boniface fut peut-être le plus bel exemple. Après vingt-cinq ans de vie religieuse, ce bénédictin anglais de trente-deux ans reçut la permission de partir pour la Germanie et la Frise afin d’y convertir les barbares. Mais il passa d’abord par Rome en 718 pour obtenir le consentement du pape saint Grégoire II qui le sacra évêque et fit de lui son légat pour organiser l’Église en Germanie. Il y appliqua la méthode conseillée un siècle plus tôt par saint Grégoire à saint Augustin de Cantorbéry, c’està-dire la fondation de monastères, mais cette fois-ci avec un plus fort soutien des Francs, en particulier Charles Martel, maire du palais des Mérovingiens décadents. « Sans le patronage du prince des Francs, écrira-t-il, je ne puis ni gouverner les fidèles de l’Église ni défendre les prêtres ; je ne puis même pas, sans l’ordre qu’il maintient et la crainte qu’il inspire, empêcher les pratiques païennes et l’idolâtrie allemande. » Mais les Francs eux-mêmes bénéficieront de l’action de saint Boniface qui réforma vigoureusement le clergé à partir de 742 par une série de conciles sauveurs préludant à la réforme carolingienne. Le prestige de l’Église et son influence en France nous apparaissent clairement lorsque Pépin le Bref, fils de Charles Martel, plutôt que de renverser de lui-même Childéric III, fait appel au pape saint Zacharie pour lui demander « s’il ne serait pas mieux que celui-là fût et s’appelât roi qui avait la puissance, plutôt que celui qui était dénué du pouvoir royal ». En 751, saint Zacharie envoya saint Boniface sacrer Pépin, qui fut ensuite oint par l’ensemble des évêques de France. L’Église présidait au changement de dynastie. On voit bien là comment l’Église et les princes heureusement concertés travaillent au progrès de l’Évangile. Les missionnaires ne peuvent pas faire leur travail sans l’appui d’un bras armé. Et de son côté, le roi a besoin de l’Église et du Pape qui garantissent aux sujets que le roi gouverne au nom de Dieu. Un lien très étroit se forma dès lors entre la nouvelle dynastie et le Saint-Siège. En 750, les Lombards profitèrent de l’impuissance de l’empereur d’Orient pour envahir les possessions byzantines et s’approchèrent dangereusement des terres du patrimoine de saint Pierre. Le pape Étienne II, après avoir lancé un appel resté sans réponse à Constantin Copronyme, s’adressa à Pépin le Bref qui engagea des actions militaires. Les armées franques taillèrent en pièces les Lombards et, contrairement à l’usage germanique, restituèrent au Pape les terres conquises. FÉV. 2017 C’est la célèbre donation de Pépin, événement capital qui fit définitivement naître l’État pontifical en 756. Le Roi Très Chrétien venait de manifester son rôle de défenseur du pouvoir spirituel de la papauté qui reconnaissait à ses « très chers Francs » le nom de « nation sainte, sacerdoce royal ». Par leurs bras se poursuivent les Gesta Dei per Francos. C’est reconnaître d’une part que la dynastie nouvelle est bien dans la descendance spirituelle de Clovis, et d’autre part que la France a une vocation supérieure à celle des autres monarchies. Elle est bien fille aînée de l’Église, et de la Chrétienté. L ’ EMPIRE CAROLINGIEN . En 774, Charlemagne intervient à son tour dans le nord de l’Italie en faveur du pape Léon III et s’empare du titre de roi des Lombards et de la couronne de fer. Il confirme et amplifie la donation de son père et prendra toujours à cœur son devoir de protéger Rome. Ses multiples expéditions victorieuses contre les Saxons, les Slaves, les Mongols et les Sarrasins et l’établissement de marches militaires le long des frontières rassurent la Chrétienté. Son royaume est aussi vaste que l’Empire romain de jadis. C’est un roi très glorieux, très habile et réputé d’une sagesse encore inégalée chez les Francs. C’est pourquoi le pape Léon III restaure en sa faveur la dignité impériale et le couronne avec magnificence à Rome en la nuit de Noël de l’an 800, se soustrayant de ce fait au protectorat de Constantinople, ce qui ne sera pas apprécié des Byzantins. De cette façon, la papauté recentre définitivement son action de l’Orient à l’Occident. « Mais reconstituer l’Empire n’était pas une bonne chose. Par la force de l’habitude l’Église a conservé l’idée d’un Empire universel chrétien dont l’empereur serait la réplique temporelle du Pape. Mille ans de déceptions seront nécessaires pour que l’Église comprenne de son Seigneur, par la leçon des événements, qu’il lui faut renoncer à l’utopie d’un Empire chrétien, trop dangereux pour sa liberté à elle et la liberté des peuples. » ( Point 61 des 150 Points de la phalange ). En attendant, Charlemagne, qui en réalité n’attachait pas beaucoup d’importance à sa couronne d’empereur, s’occupe de l’organisation intérieure de l’Église, de sa hiérarchie, de son culte, de ses biens, de ses œuvres d’assistance et d’éducation et même de ses discussions théologiques. Mais il le fait la plupart du temps avec une discrétion admirable, dans le but de remplir sa mission d’aide respectueuse et dévouée à l’Église, mission qu’il définissait ainsi : « Mon rôle est, avec le secours de la bonté divine, de défendre la sainte Église du Christ contre les attaques des infidèles au-dehors, et de la soutenir au-dedans par la profession de la foi catholique. » Parce qu’il reconnaît la supériorité absolue du pouvoir spirituel et parce qu’il se soumet lui-même de tout No 172 - P. 27 son cœur à la souveraineté de l’Église, une magnifique renaissance religieuse se développera au cours de ses quarante-cinq années de règne. L’une des plus importantes réformes dirigées par l’Église fut la restauration et la diffusion de la vie canoniale par saint Chrodegang, évêque de Metz, qui réussit à grouper autour de sa cathédrale le clergé de sa ville épiscopale et à l’organiser en communauté religieuse selon une vita canonica. À son exemple, des évêques de France, d’Italie, d’Angleterre, d’Allemagne, instituèrent des chapitres de canonici, chanoines, dans leurs cathédrales, ce que Charlemagne aurait voulu que tous les évêques de l’Empire appliquent. De son côté, saint Benoît d’Aniane, qui avait servi dans les armées de Charlemagne et qui avait par la suite décidé de se consacrer au service de Dieu, refit fleurir la sainteté dans les monastères bénédictins qui s’étaient relâchés, ce qui, avec le concours de Charlemagne, fut la cause d’un mer­ ­ veilleux développement de la vie monastique. L’influence sociale de ces monastères sera immense, puisqu’ils seront les foyers de grands progrès dans les domaines de l’agriculture, de l’industrie, du commerce, des sciences et des arts. Frère Pierre nous a déjà montré l’exemple de l’architecture, prenons celui de l’industrie. Des ateliers de cordonniers, de selliers, de forgerons, d’orfèvres, de parcheminiers sont d’abord institués à l’intérieur des monastères pour pourvoir aux besoins de ceux qui les habitent. Mais bientôt, les abbés remarquent les profits qu’ils peuvent tirer d’une production à grande échelle et organisent en dehors de l’enceinte de leur abbaye de véritables bourgs industriels. Les artisans y sont groupés en corporations et en confréries dont chacune a son saint patron. Celles-ci sont des institutions charitables et des sociétés d’assurance mutuelle dont les membres s’engagent par serment à faire des aumônes et à s’entraider dans le cas de perte de leurs biens. Ainsi toute la société voisine est peu à peu touchée par l’influence du monastère. Il faudrait aussi expliquer l’influence immense des monastères dans le domaine de la pensée, car ils conservent toute la tradition des anciens et la prolongent. C’est toute la Chrétienté qui se développe aux bas échelons de la société. À partir du moment où l’empereur ou le roi s’occupe de Jésus-Christ et de son Église, Celui-ci s’occupe du reste, et c’est le développement merveilleux d’une société catholique qui va droit au Ciel ! Charlemagne va influencer la vie de l’Église de façon décisive dans les domaines les plus variés. Il faudrait mentionner les réformes engagées dans la vie liturgique, comme le développement du plain-chant ( le grégorien ), la prédication ( dont il ordonne qu’elle soit donnée en langue usuelle pour le petit peuple ), les écoles épiscopales, monastiques ou paroissiales, etc. C’en est au point, explique notre Père, qu’on put FÉV. 2017 No 172 - P. 28 croire un moment que « le pouvoir temporel aurait plus à soutenir la religion, à diriger l’Église et à y assister le pouvoir pontifical qu’il n’aurait à en être lui-même aidé ». Mais « l’immédiat avenir de la dynastie allait démentir de telles chimères. C’est l’Église encore qui devait porter à bout de bras cette monarchie carolingienne, très chrétienne de nom, trop barbare de fait pour durer. » ( CRC n o 198, mars 1984, p. 11 ) Et cela sera encore une grande leçon pour l’avenir de la Chrétienté : l’Église doit subsister seule universelle dans le concert des empires, nations, peuples et villes de la Chrétienté. III. LA CHR ÉTIENTÉ DI V ISÉE LA DÉCADENCE DE L ’ EMPIRE . Charlemagne mourut en 814 et son fils Louis le Pieux accéda à la couronne. Mais il fit l’erreur de ces dynasties d’origine franque de partager l’Empire entre ses quatre fils qui se rebellèrent bientôt contre leur père et se disputèrent entre eux. L’un d’eux mort en 838, la division de l’Empire fut consommée en 843 par le traité de Verdun : Charles le Chauve obtient la partie occidentale qui sera la France, Louis le Germanique, la partie orientale qui deviendra l’Allemagne, et Lothaire a l’Italie et, en plus, une bande de territoire resserrée entre les deux possessions de ses frères qu’on nommera la Lotharingie ou Lorraine. De cette division naîtront des guerres qui continueront pendant plus d’un siècle avec, en 858, la première guerre franco-allemande. Sur les ruines de l’Empire, la féodalité ne cesse de grandir. Elle était devenue une nécessité de fait avec les incursions des Vikings qui se multiplièrent à partir de 841. Par les embouchures de la Seine et de la Loire, ils s’avançaient jusqu’à Paris et jusqu’à Tours, refoulant les populations affolées vers le Midi. D’autres pénétrèrent par le Rhône et faisaient de la Camargue leur quartier général, d’où ils partiront en 860, associés aux Sarrasins, pour piller la ville de Pise et dévaster le littoral italien. Comprenons que contrairement aux barbares du cinquième siècle qui se déplaçaient avec femmes et enfants pour s’installer sur de nouveaux territoires, les Normands débarquant de leurs drakkars n’étaient que des pillards sanguinaires dont le but était de détruire et voler les richesses des villes et villages qu’ils attaquaient. Ensuite, ils retournaient dans leurs pays et y préparaient de nouvelles expéditions. N’étant pas fixés sur un territoire, les quelques tentatives de conversion furent des échecs. D’autre part, n’ayant ni armées permanentes ni forteresses à elle, la royauté fut incapable de défendre les populations et en particulier les plus pauvres. Les seigneurs, et parfois les évêques ou les abbés, devenaient leur seul recours, chaque château fort devenant le salut d’un canton. Mais cette formation spontanée de la hiérarchie féodale peut devenir aussi cause de désagrégation lorsqu’elle n’est pas contrôlée, régulée par le roi. Dans le contexte de cette guerre fratricide des princes carolingiens, elle encourageait les ambitions, les convoitises, les rivalités des seigneurs, au détriment de la cohésion nationale et du pouvoir royal. Même si l’Église parvenait à sauvegarder l’ordre social par la prédication et par la hiérarchie fortement disciplinée et respectée qu’elle maintenait parmi ses membres, l’anarchie était dans l’Empire. Pendant que les Francs se querellaient entre eux, les Sarrasins multipliaient eux aussi leurs razzias sur les côtes de Provence et d’Italie et le pape G ­ régoire IV lui-même dut prendre en charge la défense de Rome et de ses environs, Lothaire, roi d’Italie se refusant à le faire. Saint Léon IV organisa lui aussi la défense de Rome avec une alacrité admirable, et ce d’autant plus qu’il avait à supporter en même temps les oppositions tantôt sourdes, tantôt ouvertes de Lothaire et de son fils Louis II. Simultanément, il travaillait aussi pour la sainte Église en faisant tout son possible pour la préserver de la corruption du siècle et en pénétrant la hiérarchie de l’esprit de l’Évangile. En effet, les plus grandes familles de l’aristocratie italienne s’étaient introduites dans la cour pontificale, depuis que les États du Saint-Siège représentaient une force temporelle importante, et les intrigues se multipliaient, en particulier au moment des élections pontificales où ces grandes familles tentaient de façon plus ou moins violente d’imposer leurs candidats. SAINT NICOLAS I e r ET LE SCHISME DE PHOTIUS . C’est à cette époque que deux grandes crises éclatèrent qui forcèrent l’Église à mieux définir les rapports entre les deux pouvoirs, spirituel et temporel. Saint Nicolas I er, qui devient pape en 858, aura à s’occuper de la première qui faillit emporter l’Orient dans le schisme. L’empereur d’Orient Michel III avait un favori, le César Bardas, qui se vit un jour reprocher son inconduite publique par le saint patriarche de Constantinople, Ignace. Irrité, Bardas obtient de l’empereur un décret d’exil contre lui et désigne Photius pour le remplacer. Celui-ci n’était qu’un laïc, mais devant les perspectives d’honneur et de carrière qui s’ouvraient soudain devant lui, il accepta la proposition et reçut en quelques jours tous les saints ordres. L’injustice flagrante commise à son égard, doublée bientôt des mensonges et des faux serments de Photius, pousse saint Ignace à faire appel au Pape. Plein de ruses, Photius clame son innocence, charge Ignace, corrompt les légats que le Pape a envoyés pour faire la lumière sur cette affaire et convoque un pseudo-concile pour déposer Ignace, avec l’autorisation de Nicolas I er assure-t-il. Malgré FÉV. 2017 toutes ces machinations, la vérité éclate. Les injures et les menaces de Michel III et la pseudo-déposition du Pape par Photius n’y feront rien, Nicolas I er tiendra bon. Le résultat est que, par cette crise, il établit avec clarté la primauté de l’évêque de Rome. D’abord sur le pouvoir temporel : le devoir incombe aux souverains, affirme-t-il à l’empereur, de ne pas s’ingérer dans les affaires intérieures de l’Église et de la protéger dans la libre extension de son autorité spirituelle. Mais, à l’encontre de Photius, il établit aussi la triple primauté pontificale : dans le ministère, « l’Église romaine est la mère de toutes les Églises » ; dans le magistère, il invoque son droit d’intervention suprême dans les questions de doctrine ; et dans le pouvoir disciplinaire, il est à la tête du gouvernement général de l’Église. Finalement, en 867, Michel III sera renversé et assassiné, tandis que Photius sera disgracié par le nouvel empereur qui renoue avec Rome. Dix ans plus tard, à force d’intrigues et de mensonges, Photius parviendra à revenir sur le siège de Constantinople et proclamera son opposition à l’addition du Filioque dans le Credo , prétexte qui lui permettra de justifier son orgueilleuse ambition de faire valoir la primauté de Byzance sur Rome. On le comprend, ce schisme, même s’il ne dura que dix ans, préludera à celui de 1054. LE SIÈCLE DE FER . LA QUERELLE DES INVESTITURES . Une autre crise commence au neuvième siècle et nous montre que les nations n’ont pas à dominer le monde, comme l’Église doit le faire, et qu’il faut établir une distinction claire des deux pouvoirs. C’est la “querelle des Investitures”. De 867 à 962, la papauté sombre dans cette période que sept siècles plus tard, le cardinal Baronius, dans ses Annales , a appelée « siècle de fer, pour sa grossièreté et sa stérilité en toute sorte de bien ; siècle de plomb, pour l’abomination du mal qui l’inonde ; siècle de ténèbres pour le manque d’écrivains [...]. Des princes temporels, des tyrans même, s’emparant du Siège apostolique, y ont introduit des monstres hideux. » Résultat d’une recherche incessante de la domination de la papauté par les grandes familles aristocratiques italiennes, dont nous passerons sur les détails. Remarquons toutefois un point d’une grande importance : c’est que, aussi scandaleuse qu’ait pu être la morale de certains Papes, jamais ils ne tentèrent de justifier leur mauvaise conduite par une doctrine erronée. Toutefois, cela poussera finalement le pape Jean XII à faire une erreur qui ne se terminera pas aussi bien qu’avec Charlemagne : il sacre Otton I er de Germanie empereur d’Occident en 962, pensant y trouver un protecteur de la papauté. C’est le début du Saint Empire romain germanique... hégémonique, précisait notre Père, car tout de suite après son couron- No 172 - P. 29 nement, le nouvel empereur d’Occident montrera son ambition de dominer le monde chrétien et donc de devenir le suzerain du Saint-Siège. C’est le début de la “ querelle des Investitures ” où l’empereur prétendra en somme confisquer l’élection pontificale et faire du Saint-Siège un simple évêché de Germanie. Notre Père signalait souvent que c’était là une très grande différence entre la monarchie française carolingienne tout de même latine, volontiers soumise à l’Église, et la monarchie germanique, quelque peu barbare, qui va chercher à la dominer. Frère Bruno nous montrera bientôt comment, dans sa sagesse, l’Église a su répondre à ce problème par “ l’augustinisme politiqueˮ ou la “ théorie des deux glaivesˮ. LES PRÉMICES DE LA RÉFORME DE L ’ ÉGLISE : CLUNY. Cependant, au milieu de ces multiples difficultés que traversait la Chrétienté, quelques événements importants annonçaient sa renaissance. D’abord, il ne faut pas perdre de vue que durant toute cette période sombre des neuvième et dixième siècles, l’Église poursuit heureusement l’évangélisation des pays du nord et de l’est de l’Europe : en 826, le roi du Danemark reçoit le baptême ; en 863, c’est Boris, duc de Bulgarie ; en 954, Olga de Russie et en 966, la conversion du duc Mieszko de Pologne. Si bien qu’en l’an 1 000 toute l’Europe sera passée sous le joug léger de l’Évangile, jusqu’à l’Islande et le Groenland. Quant aux Normands, les troupes de Rollon furent défaites sous les murs de Chartres grâce à l’intervention miraculeuse de la Très Sainte Vierge, sa sainte Tunique ayant servi de palladium. À ce coup, ils acceptèrent de signer un traité de paix avec Charles le Simple et l’évêque de Rouen en 911. Ce fut le traité de Saint-Clair-sur-Epte, dont une des clauses les obligeait à se convertir en échange de leur installation sur le futur duché de Normandie. Cependant, les attaques d’autres Vikings continuèrent sur les territoires de la Chrétienté jusqu’au onzième siècle. D’autre part, en France, l’Église conservait le trésor de la « religion royale », merveilleusement exprimée, au milieu du neuvième siècle par l’archevêque Hincmar de Reims, l’un des plus puissants génies politiques de notre histoire, comme le montra notre Père (cf. CRC n°198, mars 1984 ). Elle est l’expression juridique d’une tradition séculaire selon laquelle le sacre royal, en France, tire sa force et sa légitimité dans l’événement de Reims de l’an 496, lors du baptême de Clovis : l’onction royale pour lui et tous ses successeurs, prédestination divine qui situe la nation franque au-dessus de toutes les autres monarchies et donne à son Roi un caractère quasi sacerdotal, ce que la liturgie du sacre souligne merveilleusement. FÉV. 2017 No 172 - P. 30 Mais quand, pendant un siècle, la dynastie des Carolingiens n’en finira plus de mourir dans une affreuse anarchie, l’autorité déterminante de l’Église saura trancher en faveur d’un changement de dynastie : Hugues Capet, comte de Paris dont la famille s’est particulièrement illustrée contre les Normands, est sacré en 987. Avec cette nouvelle dynastie royale et l’assistance continuelle de l’Église, dans une parfaite concertation, la France féodale et chrétienne va s’organiser, se discipliner, s’épanouir pour devenir bientôt le joyau de la Chrétienté. Enfin, en 909, un autre événement capital montre que toute renaissance morale d’un pays ne peut passer que par une renaissance religieuse, et, comme ce sont les moines qui s’appliquent le plus à vivre les préceptes évangéliques, par une renaissance monastique. Guillaume le Pieux, duc d’Aquitaine et comte d’Auvergne, fait don au saint abbé Bernon d’une terre dans le Mâconnais pour y édifier un monastère. Ainsi naissait l’abbaye de Cluny, dont une clause de la charte de fondation sera capitale : l’exemption. Alors que tant d’abbayes, depuis Charles Martel, sont considérées comme des biens de famille et par là soumises aux seigneurs ou aux évêques féodaux, ce qui entraînait bien des ennuis, l’abbaye de Cluny est proclamée dès sa naissance libre de toute autorité Elle ne relèvera que de Rome, aura pour défenseur le Pape, et pour propriétaires les apôtres saint Pierre et saint Paul. « Coup de génie politique, explique notre Père dans ses Mémoires et récits , qu’inspirait un sentiment très fort de la suprématie universelle du Pontife romain, grâce auquel Cluny va prendre la tête de la renaissance bénédictine par toute la Chrétienté et devenir, pour l’an mille, cette forêt de piliers et de colonnes qui soutiendront l’édifice prestigieux de l’ordre féodal et royal, plus que français, moins qu’impérial, européen. » En effet, les successeurs de saint Bernon, les saints Odon, Mayeul et Odilon, abbés réputés pour leurs vertus, leur science et leur intelligence, s’attachent à pleinement restaurer la vie monastique dans l’application exacte et stricte des vœux religieux, de la clôture et de l’opus dei. À partir de 932, Odon et ses successeurs se voient attribuer par le Pape la mission de réformer tous les monastères infidèles à la Règle où l’on fera appel à eux. Très vite, ils deviendront aussi les conseillers avisés des puissants qui les chargeront de régler leurs conflits, en France, en Germanie, en Italie, et ils en profiteront pour étendre leur réforme monastique dans ces pays. L’influence des moines clunisiens culminera lorsque l’un des leurs finira à la tête de la Chrétienté et y rétablira l’ordre de façon magnifique au siècle suivant. CONCLUSION Toute cette étude illustre magnifiquement la phrase de Notre-Seigneur dans l’Évangile : « Cherchez le Royaume de Dieu et sa justice et le reste vous sera donné par surcroît. » ( Mt 6, 33 ) Depuis sa fondation, au cours de son œuvre d’évangélisation, sous la direction de l’Esprit-Saint, « l’Église n’a cessé de prêcher aux peuples la soumission aux autorités dont la légitimité vient de Dieu, même si elles sont païennes, injustes ou cruelles, explique notre Père dans les 150 Points de la Phalange . C’est cette si étonnante loyauté des chrétiens envers les pouvoirs qui leur a valu, souvent après bien des persécutions, estime, respect et enfin liberté. Dans la même mesure où les rois commençaient de reconnaître l’Église et coopéraient avec elle au règne du Christ, à la défense de la foi et au salut des âmes [ “ Cherchez le Royaume de Dieu et sa justice ” ], celle-ci leur apportait son concours éclairé, formant avec eux une alliance de plus en plus étroite et féconde. Elle les aidait dans leur rôle humain d’ordre et de paix [ “ et le reste vous sera donné par surcroît ” ]. » ( Point 54) C’est ce que nous avons vu pendant ces cinq siècles qui fondent la Chrétienté. Restait toutefois à établir le juste équilibre dans les relations entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel, ce qui sera l’œuvre d’un autre très grand Pape, saint Grégoire VII au onzième siècle. Mais élevons encore nos regards, et voyons comment opère au cours de cette période l’Esprit-Saint, Âme de l’Église, selon ce qu’explique notre Père : « Dans le mélange indissociable des volontés divines et des œuvres humaines de son histoire, mélange de bien et de mal, l’Église, sous l’infaillible assistance “ biologique ” du Saint-Esprit, opère un discernement instinctif parfait, par une lente épuration de ce qu’elle a vécu, rejetant ce qui était péchés et erreurs de l’homme, retenant et canonisant en revanche ce qui venait de l’Esprit-Saint pour enrichir ses trésors, orienter sa tradition. Ainsi constamment mêlée de vérité et d’erreur, de bien et de mal, constituée de saints et de pécheurs, elle ne subsiste et progresse à travers les siècles qu’en se purifiant de toute souillure et de tout mal, en reconnaissant comme des dons du Saint-Esprit par une divination qui lui est propre, le beau, le bon, le vrai qui font de ses traditions et de sa Tradition, car c’est tout un, une norme exemplaire pour le présent et pour les siècles à venir. » ( Point 30 ) C’est ce que nous verrons peu à peu se réaliser jusqu’au point culminant de la Chrétienté médiévale du dixième au quinzième siècle et que nous verrons refleurir lorsque arrivera demain le triomphe du Cœur Immaculé de Marie, Reine de la Chrétienté. frère Grégoire de l’Annonciation. LA LIGUE C No 172 - P. 31 « POU RQUOI TAR DE R E NCOR E ? ALLON S ! » ETTE objurgation, frère Bruno ne se contente pas de l’adresser de mois en mois au Saint-Père, il ne cesse de lui montrer à la lumière des événements et des hommes qui font l’actualité, l’urgence d’obéir enfin aux demandes de Notre-Dame de Fatima (cf. Deuxième supplique au Saint-Père , supra, p. 1-3 ). Puisque seule cette obéissance de la foi peut renouveler les bénédictions de l’Alliance, faire redescendre la grâce capitale du Christ sur son Église, et par elle donner la paix au monde, pourquoi François, à qui ces bénédictions tiennent tant à cœur, tarde-t-il encore ? VISION DE DAMAS, VISION DE FATIMA . Parce qu’il se trouve dans une situation analogue à Saul de Tarse après sa vision de Damas. Dans cette immense lumière qui est Dieu, celui-ci venait de voir un homme, ce Jésus qu’il persécutait! Pour ce pharisien, fils de pharisien, c’était folie sur folie ! Or, il ne pouvait douter de sa vision ! mais même après qu’Ananie lui eut ouvert les yeux, il n’osait y croire et demeurait prostré. Ananie le secoua alors par cette apostrophe : « Pourquoi tarder encore ? Allons ! reçois le baptême et purifie-toi de tes péchés en invoquant son nom. » ( Ac 22, 16 ) La vision de Fatima suscite chez les Souverains Pontifes, un émoi, un scandale – surtout depuis Vatican II – semblable à celui éprouvé par Saul de Tarse sur le chemin de Damas : Est-ce Dieu possible ? Au lieu d’un homme qui se montre et qui parle du sein de cette immense lumière qui est Dieu, c’est une Femme qui apparaît, parle, ordonne. Les apparitions et les messages de Fatima sont véridiques, et ne sont d’ailleurs que l’illustration, l’actualisation, l’accomplissement d’un mystère révélé dans la Sainte Écriture, et qui se déploie du livre de la Genèse ( Gn 3, 15 ) à celui de l’Apocalypse ( Ap 12 ). Mais qui croit encore aujourd’hui, après cinquante ans de Concile, que la Vierge Marie est l’Immaculée Conception, créée par Yahweh, bonne première, « avant ses œuvres les plus anciennes » (cf. Pr 8, 22-26 ) ? En apôtre de l’Évangile de Notre-Dame de Fatima, frère Bruno retransmet et explicite ( cf. Contre-Révolution mariale ( 2 ), supra, p 4-19 ) le témoignage de la messagère de l’Immaculée, sœur Lucie. Son héroïque sainteté sera un jour reconnue, et renverra au néant toutes les contrefaçons qui lui furent préférées... Dans sa conférence d’Actualités : Sœur lucie messagère du ciel , notre frère Prieur montrera, une fois de plus, qu’au-delà des apparences, les enseigne- ments et la mission de l’humble messagère de Fatima viennent en renfort de tout ce qui, aujourd’hui, se fait de bien dans l’Église et dans le monde. Mais encore faut-il que le Saint-Père fasse appel à ce renfort s’il veut gagner la guerre que le Démon livre au genre humain... Pourquoi après plus de soixante-dix ans, sœur Lucie et ceux qui prolongent son témoignage n’arrivent-ils pas à faire comprendre aux souverains Pontifes que Dieu les veut apôtres d’un « aggiornamento » et d’une « nouvelle évangélisation », qui « renouvelle la face de la terre » : Fatima ! En plus de la désertification de l’Église, cette résistance à la volonté de Dieu est cause de guerres sans fin, dont les victimes se calculent maintenant par dizaines de millions ?! Depuis 1930, les successeurs de Pierre n’ont que quelques paroles à dire pour arrêter ce massacre, et aucun d’eux ne s’y est vraiment résolu, exception faite de Jean-Paul I er qui a été assassiné avant de réaliser son vœu ?! Pourquoi le pape ­François, qui semblait vouloir obéir à Notre-Dame de Fatima, le 13 octobre 2013, en a-t-il été empêché ? ALLIANCE EN MARIE IMMACULÉE OU PACTE CONCILIAIRE ? C’est en raison d’un mystère d’iniquité parfaitement démasqué par le pape saint Pie X. Condamné par lui, mais en vain, hélas ! il s’est imposé à la faveur du concile Vatican II. Le signe de cette désorientation diabolique, le caractère de ce « culte de l’homme » qui s’oppose à Dieu, c’est l’abaissement de « la Femme », l’Immaculée Vierge Marie. Vatican II ( absence du mot Immaculée Conception dans Lumen Gentium ) a voulu la faire descendre de la première place où Dieu l’a placée, pour la ravaler au niveau commun d’une simple « fille d’Adam ». Jean XXIII et Paul VI, lui disputaient même son titre de « Mère de Dieu » auquel ils préféraient la protestante appellation : “ Mère de Jésus ”. Alors, « Médiatrice de toutes grâces », « Corédemptrice », c’était, pour reprendre l’expression même de Paul VI rien de moins qu’une désorientation « damnosa », « condamnable ». Et on ne s’étonne plus de voir un évêque douter de l’Assomption, ni un théologien romain ne plus croire en l’Immaculée Conception. Le pape François est donc écartelé entre son amour de la Madone, et l’impératif catégorique, antimarial, du pacte conciliaire. Obéir vraiment à Notre-Dame de Fatima, c’est bien évidemment “ trahir ” Vatican II, c’est aussi et surtout se montrer « serviteur du Christ ! » Pauvre papa Francesco, il doit être confronté à mille et mille difficultés... En plus de « beaucoup prier » pour lui – ce à quoi nos amis de l’Ouest se sont tout particulièrement dévoués lors leur pèlerinage FÉV. 2017 No 172 - P. 32 à Pontmain, le 29 janvier – ce mois-ci, l’article de frère Grégoire ( cf. De saint Grégoire à l’an mille : l’essor de la chrétienté , supra, p. 20 -30 ) est bien fait pour l’encourager. Que saint Grégoire le Grand lui vienne en aide ! PÈLERINAGE À PONTMAIN Les fidèles d’entre les fidèles étaient à 9 heures à saint Ellier-du-Maine. Après la joie des retrouvailles, frère Thomas introduisit fort bien le pèlerinage en situant l’apparition de Pontmain dans le cycle des grandes apparitions mariales du dix-neuvième siècle : « De la Rue du Bac et de la Médaille miraculeuse, la Sainte Vierge a retenu ici, à Pontmain, le geste de ses mains étendues et l’ovale qui l’entoure, mais surtout la joie de son Cœur à répandre ses grâces et à venir au secours de ses enfants qui la prient. De La Salette, ce sont ses pleurs qui disent le chagrin de son Cœur. Pontmain, disait frère Gérard, c’est le Mystère de la compassion de Marie, aux portes du Ciel. Quant au lien avec les apparitions de Lourdes, il est ténu, mais non moins certain, puisque l’Immaculée est apparue le mois précédent, le 2 décembre, au général de Sonis qui gisait, blessé, sur le champ de bataille de Loigny après la charge héroïque qu’il avait conduite à la tête des zouaves pontificaux. Ici, à Pontmain, la Vierge porte sur son Cœur la petite croix rouge de ces mêmes vaillants soldats du Pape. À Pontmain, la Sainte Vierge ne pose pas les pieds sur notre terre, Elle reste dans le ciel, comme un “ signe grandiose ”, les étoiles l’entourent et la servent comme leur Souveraine. Elle sourit aux enfants qui la contemplent, mais Elle est aussi “ dans les douleurs de l’enfantement ” ( Ap 12 ), et c’est de nuit, la nuit de l’épreuve, car Elle a reçu mission de faire face au Dragon et de reconquérir son peuple par la miséricorde et la tendresse de son Cœur maternel. La rue du Bac, La Salette, Lourdes, Pontmain, autant d’apparitions qui nous révèlent l’amour du Cœur Immaculé de Marie pour la France, la certitude que nous avons qu’elle nous sauvera finalement, à une condition : “ Mais priez mes enfants, mon Fils se laisse toucher ”. » La procession se mit en place et nous partîmes pour Pontmain en chantant le chapelet aux intentions du pape François. Avant la messe de 10 h 30, le recteur fit demander frère Benoît. C’était pour le saluer et lui indiquer que notre groupe prendrait place dans le chœur, derrière le maître-autel. Belle cérémonie, honnête sermon sur l’Évangile des Béatitudes, prononcé par un oblat de Marie Immaculée camerounais, chapelain et assistant du recteur. UN PRÊTRE SELON LE CŒUR IMMACULÉ DE MARIE . Après la messe, nous nous retrouvons tous, deux cents petites et grandes personnes dans l’église paroissiale de Pontmain. Là, frère Benoît évoqua l’attachante figure de l’abbé Michel Guérin ; ne retenons que sa déclaration d’amour à ses paroissiens le 24 novembre 1836, elle fait rêver : « C’est Dieu qui a tout fait, Il veut que je sois à vous sans partage ; désormais c’est avec vous à la vie à la mort. Vous pouvez compter sur l’absolue fidélité de votre pasteur. » Moins d’un an plus tard, il affiliait sa paroisse à l’Archiconfrérie du Très Saint et Immaculé Cœur de Marie fondée en 1836 par l’abbé des Genettes en l’église Notre-Dame des Victoires à Paris. Frère Benoît nous montra que ce zélé petit curé avait compris les desseins de Dieu sur l’Église et la France. Intelligence surnaturelle pleine d’onction, c’est par des pratiques de dévotion ou par l’ornementation de son église que l’abbé Guérin instruisait ses paroissiens et les faisait communier, collaborer au dessein tout marial de Dieu. La Vierge Marie en fut si touchée qu’elle a calqué la mise en scène de son apparition sur les dévotes pratiques de la religion catholique et royale de son curé. Après avoir évoqué sur site ces correspondances, frère Benoît conclut ainsi : « Ce tout jeune prêtre en consacrant sa paroisse au Cœur Immaculé de Marie a été récompensé par le Ciel. Tel est le figuratif de ce que nous attendons du Saint-Père. Si le pape François voue son pontificat à Notre-Dame de Fatima, s’il obéit aux demandes de son Cœur Immaculé, il fera des merveilles pour sa paroisse qu’est l’Église entière. En ce lieu sacré, nous allons à nouveau supplier le Ciel, “ le tanner ” en relisant, au nom de frère Bruno, la Supplique ( cf. Il est ressuscité , n o 171, janvier 2017, p. 1-2 ) qu’il a adressée au Cœur Immaculé puisque le SaintPère semble ne pas entendre le cri que le Ciel lance à la terre pour son salut. » UN CURÉ, SA PAROISSE, ET LA SAINTE VIERGE . Repas très fraternel ensuite dans une superbe grande salle communale, fort bien sonorisée, puis conférence de frère Benoît sur l’œuvre de l’abbé Guérin : Une paroisse vitrine du Cœur Immaculé de Marie . Les deux parties de cette instruction interpellèrent et passionnèrent nos amis, tant elles étaient figuratives de notre triste aujourd’hui avec son église « à moitié en ruine », et les sanglants lendemains qui nous attendent en France. En 1836, Pontmain n’est ni une paroisse ni une commune ; son église est littéralement en ruine. Les paroissiens avaient cependant encore un peu de religion, car ils étaient restés fidèles à la récitation du chapelet. « La foi n’y est pas morte, une bonne volonté de faire le bien subsiste. Seulement il y a négligence très grande pour approcher des sacrements au moins aux fêtes principales, même à Pâques. Il se trouve encore un certain nombre qui n’ont point approché des sacrements depuis des dix à vingt et trente années et plus. Cependant, avec la grâce de FÉV. 2017 Dieu il y a tout espoir d’en ramener une grande partie. “ Je puis tout en celui qui me fortifie. ” » Ce bon cœur va mobiliser ses paroissiens pour reconstruire son église, à commencer par les bancs, pour que les fidèles assistent nombreux aux offices religieux ( messe, chemin de Croix, adoration du Saint-Sacrement, mois de Marie, chant des litanies de la Sainte Vierge, vêpres, etc.), sans oublier les processions festives, ainsi que l’instruction de la doctrine chrétienne, trois soirs par semaine. L’abbé note dans son diaire : « Cent cinquante à deux cents personnes se trouvent à cet exercice. » Autant dire presque tout le village, qui, avec les habitants des alentours, compte cinq cents âmes. C’est donc le règne de la grâce que ce curé instaure, et c’est à la Vierge Marie, la Mère de la Divine grâce, qu’il confie ce dépôt : « Rien sans Marie, tout par Marie ». Il aime sa Reine et veut que ses paroissiens l’honorent et l’aiment aussi. Voilà pour la vie surnaturelle. Quant au temporel, on pourrait aisément démontrer que ce bon Père fut à la petite échelle de sa paroisse un fondateur de Chrétienté ; c’était un homme de gouvernement et il s’y entendait pour traiter avec l’Administration, quand il s’agissait des intérêts de l’Église ou de ses paroissiens. Sous la houlette de ce Bon Pasteur, P ­ontmain devint le modèle de toutes les paroisses. Tout le monde allait à la messe dominicale, et sans exception tout le monde s’approchait de la Table sainte durant les fêtes pascales. Telle était la réalité de Pontmain à l’époque où la guerre de 1870 éclata. LA FR ANCE CHRÉTIENNE DANS LA GUERRE . Le bon curé Guérin multipliait les prières publiques, réunissant ses paroissiens, matin et soir, lors de l’Angélus . À l’école des sœurs, d’heure en heure s’élevaient aussi des suppliques ardentes. On y chantait le cantique de pénitence Mon doux Jésus, enfin voici le temps de pardonner à nos cœurs pénitents, alterné avec le Parce Domine. Mais c’est surtout le célèbre chant Mère de l’Espérance, de l’archiconfrérie de Saint-Brieuc que le curé aimait à faire chanter en renfort de ses plus ferventes exhortations : « Mes bien-aimés frères, oui, prions, prions beaucoup, faisons pénitence. Mais que rien n’abatte notre courage. Espérons, espérons, la miséricorde viendra, elle viendra par Marie. » La Sainte Vierge vint en effet, et si elle choisit le Ciel de Pontmain, ce ne fut cependant pas à la seule prière de son curé. L’originalité de la conférence de frère Benoît fut de nous démontrer que la France chrétienne entière était en prière, en corps constitués, entraînée par ses prêtres et ses évêques. Sous la motion du Saint-Esprit, les évêques multipliaient les amendes honorables et faisaient des vœux, comme à Laval, à Rennes ou à Lyon. Si cet élan de piété jaillissait de Notre-Dame des Victoires à Paris, No 172 - P. 33 la confrérie de Notre-Dame d’Espérance à SaintBrieuc n’était pas en reste ; son cantique, Mère de l’Espérance, était sur toutes les lèvres. À la demande du fondateur de cette archiconfrérie, le chanoine Prud’homme, l’évêque de Saint-Brieuc, Mgr Augustin David, sollicita ses confrères, à la manière surnaturelle d’un évêque “ defensor civitatis ” : « Notre héroïque Bretagne ne donne pas seulement son sang à la défense du pays ; elle est agenouillée depuis quatre mois dans ses sanctuaires les plus vénérés, priant avec sa foi héréditaire la Reine du Ciel, et sa glorieuse mère sainte Anne. La chapelle de Notre-Dame d’Espérance, bâtie à Saint-Brieuc par la piété des fidèles du monde catholique et le dévouement d’un pieux chanoine dont j’envoie la lettre à Votre Grandeur, est assiégée chaque jour par de nombreux pèlerins. Notre ambition serait de nous sentir unis à vos prières, Monseigneur, et à celles de vos diocésains pendant les six derniers jours de la présente année ( 1870 ) et les trois premiers de l’année nouvelle. Cette union, avec tant de nobles âmes, nous serait douce et précieuse, il nous semble qu’elle obtiendrait du Cœur de Dieu ce que nos supplications isolées n’ont jusqu’ici pu obtenir. Chaque jour, on réciterait l’Ave maris Stella suivi de l’invocation : Notre-Dame d’Espérance, sauvez la France et priez pour nous ! Dans le cours de la neuvaine, on ferait une communion et une légère aumône pour nos pauvres soldats français prisonniers ou blessés. La pensée des douleurs du Souverain Pontife ne se séparerait pas dans nos prières de celle de la France... » À Paris, le 17 janvier une neuvaine est annoncée à l’église Notre-Dame des Victoires. Le vicaire de la paroisse, l’abbé Amodru évoque les tristesses et les souffrances de la défaite, l’humiliation qui en résulte pour la France ; puis, comme transporté hors de luimême, il s’écrie : « Notre-Dame des Victoires nous garde et nous défend. Une pensée se présente en ce moment à mon esprit. Nous allons tous publiquement et solennellement supplier la Très Sainte Vierge de nous venir en aide, et nous ne franchirons pas le seuil de ce saint temple consacré à sa gloire sans lui avoir non moins solennellement promis de lui offrir un cœur d’argent qui apprendra aux générations futures qu’aujourd’hui, entre 8 et 9 heures du soir , tout un peuple s’est prosterné aux pieds de Notre-Dame des Victoires et a été sauvé par elle ! » Le curé applaudit à cette proposition de son vicaire, et les assistants transportés d’enthousiasme se pressèrent dans les bureaux de l’Archiconfrérie pour offrir leur obole. Quant à l’autre grand sanctuaire national, celui de Notre-Dame d’Espérance de Saint-Brieuc, consacré aux intérêts de la France depuis 1848, le saint abbé Prud’homme faisait, à l’heure même de l’Apparition, le vœu d’offrir à la Vierge Marie un superbe étendard FÉV. 2017 si l’invasion s’arrêtait. Il l’invoquait comme l’abbé Guérin en tant que Patronne de la France. Lui aussi avait pour habitude d’allumer chaque jour pendant la messe quatre bougies autour de la statue de la Sainte Vierge ; mais à Saint-Brieuc, en face de la chaire, était suspendu un crucifix rouge, surmonté d’un écriteau blanc !... SUR LES TR ACES DE L ’ABBÉ GUÉRIN . Après cette conférence très applaudie, frère Benoît nous emmena réciter le chapelet dans la grange Barbedette, illustrant chaque dizaine par un épisode de la vie de cette sainte famille. Le chapelain camerounais qui nous fit visiter ensuite le presbytère nous consola par sa touchante admiration du curé Guérin : « Il s’est donné à ses paroissiens : “ à la vie à la mort ”, comme un époux. Avec la paroisse, c’est comme dans le mariage... » Il évoqua son œuvre en employant un vocabulaire moderne ( dignité, promotion...) qui ne consonait guère avec la profondeur de la dévotion mariale du saint curé – désorientation conciliaire oblige –, mais cela n’altérait pas notre communion profonde... Au cimetière, devant le tombeau de l’abbé Guérin, frère Benoît évoqua les souvenirs que les voyants avaient gardé de lui ; souvenir très édifiant aussi de la châtelaine, madame Morin, la bienfaitrice de toutes les œuvres de son curé ; évocation aussi des petits voyants et de Victoire Barbedette... Nous étions sous le charme particulier de Pontmain, tout comme la Sainte Vierge, qui souriait de plaisir en voyant tous ses enfants, bons chrétiens, francs-catholiques, simples et loyaux, sans artifices (cf. Jn 1, 47 ). La charité du Bon Dieu allait et venait du Ciel sur la terre, et de la terre au Ciel... Bienheureuse vision de paix... Les enfants de nos familles avaient eu eux aussi, grâce au dévouement des frères et des sœurs, leurs instructions, leurs jeux. En fin d’après-midi, nous nous retrouvâmes tous dans l’église paroissiale pour recevoir des mains du recteur et de son chapelain, la Bénédiction du Saint-Sacrement. Le cher sanctuaire du saint curé Guérin retentit encore du chant qui touche le Cœur Immaculé de Marie : Mère de l’Espérance, protégez notre France... La journée s’acheva dans de joyeuses conversations et le traditionnel excellent goûter offert par nos dévoués amis D. Puis tous se promirent de revenir l’année prochaine. LA CH A NDELEUR À SA INT-PA R R ES S’il est un rendez-vous CRC que les amis ne manquent pas, c’est bien celui-ci. La fin de semaine des 4 et 5 février coïncidant avec la solennité de la belle fête de la Présentation de l’Enfant-Jésus au Temple et avec la traditionnelle Journée champenoise, No 172 - P. 34 c’est donc deux et trois centaines de “ Champenois ”, enfants du pays ou adoptés par lui, petits et grands, qui rallièrent la maison Saint-Joseph. En ce premier samedi du mois 4 février, fête de sainte Véronique et donc un peu du Saint Suaire, il s’agissait aussi de consoler le Cœur Immaculé de Marie. Messe en son honneur à 11 h 30, et homélie pour son service puisque frère Bruno nous lut sa Deuxième supplique au pape François . Instant sacré, émotion, car l’on se disait : « Ah ! si le Saint-Père la lisait... » Notre frère a tellement bien noué ce mois-ci les attendus du retour de la foi dans l’Église et de la paix dans le monde, que François comprendrait enfin, que la « question de principe » qui s’oppose au Bon Plaisir de Dieu et à la « gigantesque “ réforme ” qu’il a entreprise pour le salut de l’Église et du monde », se nomme Vatican II... L’ÉVANGILE DE JÉSUS ÉCLAIRÉ PAR LES PSAUMES . Cette prédication revenait à notre bienheureux Père, avec la participation de frère Gérard pour introduire et conclure les conférences de retraite, chacune illustrant un verset du “ Notre Père ”. La première conférence eut lieu après le chapelet et avait pour titre : Sicut in Cælo et in terra . Notre Père poursuivit sa prodigieuse étude comparée de la Loi de Moïse et de la Loi évangélique. Au début de sa vie publique, heureux au milieu de son peuple, Jésus formule une morale pour “ temps calme ”, celle attirante des Béatitudes. Ensuite, Jésus « s’est pour ainsi dire affolé » ; après l’échec de sa prédication en Galilée, il va prêcher une « morale tragique » pour des temps dramatiques semblables à ceux évoqués par le psaume 140. Il annonce sa Passion, et puisque tout doit se terminer par sa mort et sa résurrection, son disciple doit prendre sa croix, ne pas s’enorgueillir, redevenir comme un petit enfant, sans ambition ( cf Lc 18 ; Mt 19 ), mais surtout il doit fuir la richesse. Notre Père insistera beaucoup sur cette aversion de Jésus pour la richesse. Conclusion de cette magnifique conférence : « Rappelons-nous seulement que nous sommes les soldats d’un être qui est sans cesse en combat contre des forces adverses. Il importe que le soldat soit bien armé et ne soit retardé par rien pour suivre Jésus, prendre sa croix, la porter chaque jour, renoncer à sa vie pour la gagner. Morale austère, morale magnifique, car la récompense, c’est d’être avec Jésus chaque jour et dans l’éternité. » Après un goûter fort convivial, dernière conférence de retraite de cette journée. Panem nostrum quotidianum da nobis hodie ( I ) . « L’histoire du monde, c’est la quête du pain ; on le retrouve au centre du mémorial nouveau comme de l’ancien. » À la lumière de nombreux psaumes, notre Père nous montra les deux facettes du mémorial juif : la glorieuse – trop – FÉV. 2017 No 172 - P. 35 de « la divine épopée d’Israël » conduite par Yahweh, qui n’en recevait en retour qu’une constante infidélité et perpétuelle rébellion de son peuple, autre facette. Ensuite, notre Père établit un prodigieux parallèle entre la vie de Jésus et le psaume 77. Avec Jésus, le nouveau Moïse, commence une nouvelle Histoire sainte. L’Évangile est maintenant pour nous le mémorial des merveilles de Dieu, accomplissement de celles racontées dans le livre de l’Exode. Les juifs trouvaient dans ces faits le motif de leur confiance, tout comme nous, qui mettons notre foi et notre espérance en Jésus qui fonde l’Église, met saint Pierre à sa tête, puis nous donne, à nous aussi, la manne, notre pain quotidien, la sainte Eucharistie. Le lendemain matin, notre Père continuera cette même conférence Panem nostrum quotidianum da nobis hodie ( 2 ) en abordant au fil de l’Évangile les oppositions rencontrées par Jésus. Comme dans l’Histoire Sainte, des rebelles vont se dresser : c’est le terrible affrontement du Christ et des pharisiens. Conférence haletante, c’est Jésus qui parle, qui invective ; notre Père lui prête sa voix, entre eux c’est une communion parfaite. L ’ ÉVANGILE DE MARIE SELON SŒUR LUCIE DE FATIMA . La prédication de frère Bruno consista à nous faire goûter les correspondances profondes qui unissent les “ faits et dits ” de Notre-Dame de Fatima ou de sa messagère, ceux de l’Évangile analysés à la lumière de la plus exacte science exégétique et, troisièmement, les intuitions mystiques et théologiques d’un homme d’Église : notre bienheureux Père. « Le fil triple ne rompt point. » ( Qo 4, 12 ) Samedi en fin d’après-midi, le quart d’heure de méditation : Dans l’intimité de la Sainte Famille : Tout sur le chapelet, si petit et si simple, si grand moyen finalement pour plaire à Dieu, le bien servir, puis sauver son âme à « l’heure de notre mort... » Dimanche à l’oraison : Pour aller au ciel, notre purification et lors du sermon de la messe : Notre purification : Paroles d’or de sœur Lucie sur la souffrance, le purgatoire, la dévotion réparatrice au Cœur Immaculé de Marie. La messe de la Sainte Vierge c’est le chapelet, nous dit un jour notre bienheureux Père, ravi de cette “ lumière ” reçue. Lors du sermon de clôture, frère Bruno nous fit partager cet enthousiasme. Bienheureux lecteur d’Il est ressuscité , vous ne perdez rien pour attendre, vous trouverez ces sermons dans le prochain numéro, et donc de quoi embraser votre dévotion au Cœur Immaculé de Marie... LES ACTUA LITÉS Tout ce qui touche de près ou de loin à Fatima est lumineux et puissant d’une lumière d’intelligence et d’une puissance de salut pour l’Église et pour le monde, plus que jamais actuel, frère Bruno le démontre dans sa conférence d’actualité : Sœur Lucie, messagère de Notre-Dame, fille chérie de l’Église . Le procès diocésain en vue de sa béatifi- cation se conclura solennellement le 13 février 2017, en l’anniversaire de son « dies natalis ». Ensuite, « les décisions de Rome touchant sa béatification jugeront Rome, comme la condamnation de Jésus jugeait et condamnait les autorités de Jérusalem ». Le pape Jean-Paul I er disait que sœur Lucie était « une fille chérie de l’Église ». Elle l’est et le sera toujours, frère Bruno va en donner la preuve. Les exhortations surnaturelles et très précises de la sainte à son neveu Manuel, jeune séminariste ( lettre du 13 octobre 1940 ), sont vraiment le vademecum du prochain Synode sur « les jeunes, la foi et le discernement vocationnel », l’antidote au culte de l’homme qui empoisonne les hommes d’Église depuis Vatican II, le bon secours du pape François. Le rappel du rôle de sœur Lucie dans le redressement de son pays, et son soutien du président Salazar ? C’est évoqué ici, comme un mémorial des merveilles que Dieu serait tout disposé à reproduire, si le Saint-Père obéissait à Notre-Dame, et si cette obéissance était mise en œuvre aussi par les évêques de chaque nation... « VOTEZ POUR FR ANÇOIS FILLON DÈS LE PREMIER TOUR ! » Frère Bruno fait le point et la vérité sur le lynchage médiatique dont est victime monsieur François Fillon. C’est une entreprise menée au profit du “ bobo ” Emmanuel Macron, par François Hollande, Gaspard Gantzer, le petit « chargé d’com » du président de la République, et le directeur du gros-gras “ Canard ”, Michel Maillard. « Problème : il n’y a enchaîné rien d’illégal dans ce dossier. Madame Fillon a été collaboratrice de son mari, mais c’est tout à fait légal. De plus, les revenus ont été déclarés aux impôts. « Même La Croix doit faire écho à l’indignation du bon peuple : « “ Nous voilà en plein procès d’intention : on ne peut travailler honnêtement en famille ? Et pourtant, des PME sont dirigées par mari et femme (et l’un dépendant de l’autre...), des femmes d’artisan travaillent avec leur mari ( facture, administratif...), même chose dans des couples de médecins, d’agriculteurs, etc. Réglementer, réduire les libertés est vraiment un sport national, même si on fait semblant de croire au “ Liberté, Égalité, Fraternité ”, affiché sur nos édifices publics ! La confiance, ça n’existe plus ? » ( La Croix du vendredi 3 février 2017, p. 6 ) « François Fillon, poursuit frère Bruno, a un plan d’ensemble très complet, une stratégie et des priorités pour le mettre en œuvre, méthodiquement. Avec la vaste expérience d’un homme d’État accompli, du FÉV. 2017 No 172 - P. 36 courage pour parler un langage de vérité et prendre les mesures nécessaires au bien commun : Il faut évidemment voter pour lui dès le premier tour. Malgré notre “ droite ”, la plus bête du monde, qui fait déjà campagne contre lui ! Et ainsi, travaille pour la gauche, avec le Front national ! « Comme Aymeric Chauprade a fini par le comprendre au point de quitter le FN en octobre 2015 : “ Le FN devient de plus en plus socialiste et n’apporte aucune solution sur les questions de civilisation et de valeurs. C’est une impasse. ” Aujourd’hui, Chauprade revendique de vraies convergences avec François Fillon sur ses sujets de prédilection, à savoir les questions internationales, la défense, ou tout ce qui concerne les enjeux maritimes ( Valeurs actuelles du 12 janvier 2017 ). » « La France en péril a plus que jamais besoin d’un chef catholique », ce sera une des intentions de notre pèlerinage du 25 mai prochain, « pèlerinage de supplication et d’offrande de nous-mêmes pour être prêts à mener une vraie Croisade catholique, royale et communière, qui aboutira, “ si Dieu le veult ”, par la prière de Marie Immaculée ! » LA PAIX DANS LE MONDE . En attendant que le Saint-Père la fasse advenir du simple souffle de sa bouche, en Syrie, dans le tumulte des combats et la confusion des partis en guerre, la Russie poursuit son œuvre pacificatrice. Elle a réussi à y associer la Turquie en plus de l’Iran ; et même si les négociations d’Astana entre le gouvernement de Bachar et les groupes rebelles syriens sont difficiles, une certaine sagesse domine ces débats. Longue citation d’une chef d’entreprise syrienne aux prises avec mille difficultés, qui nous fait admirer le courage des Syriens loyaux à Bachar el-Assad ; joie aussi d’entendre Mgr Jacques Behnan Hindo, archevêque syro-catholique de Hassaké-Nissibi, soutenir la politique du président Syrien, et nous mettre en garde contre un “ islam modéré ” : « Cela n’existe pas ! » Le président américain Donald Trump en est convaincu ; il travaille de son côté en parfait accord avec le Premier ministre israélien, d’une part pour lutter plus efficacement contre l’État islamique, et d’autre part pour négocier la paix avec l’Autorité palestinienne, mais directement, en « tête à tête », et non plus par des conférences internationales. Si Trump sait où il va lorsqu’il rompt avec la délocalisation mondialiste en rapatriant son industrie automobile, son récent désaccord avec Poutine à propos du lancer de missile iranien, inquiète... LES NOUVEAUTÉS DU MOIS DVD : achat 7.50 E. AUDIO – CASSETTES : location (uniquement) 1.50 E . CD : achat 5 E. Ajouter le prix du port. La durée de la location est de deux mois. ♦ Conférences mensuelles à la maison Saint-Joseph. Janvier 2017 ● ACT. 1917 - 2017 : l’ ultime affrontement. 1 DVD – 1 cassette – 1 CD. ● L 159. M gr Freppel, 1880 - 1886 . Présentation du tome iii. 1 DVD – 1 cassette – 1 CD. ● S 158. E ntrées au bordj. Visite à la crèche 2016 . 1 DVD – 1 cassette – 1 CD. ♦ Camp -retraite de la Communion phalangiste 2016 . Janvier 2017 ● P C 7 9 . M i l l e a n s d e C h r é t i e n t é . 5 . L’ É g l i s e d e s m a rt y r s . 6 . P o u r q u o i P o ly e u c t e ? 1 cassette – 1 CD. ● THe 10. Polyeucte martyr, de Corneille. 1 DVD. CROISADE ET COLONISATION . Tels sont les moyens proportionnés d’une lutte victorieuse contre “ l’État islamique ”. Les djihadistes chassés de Libye refluent vers le sud, dans une zone qui rend leur extermination moins compliquée qu’en Irak ou en Syrie. En attendant qu’on la veuille vraiment, frère Bruno nous fait admirer l’œuvre coloniale des soldats de l’opération BARKHANE, héritiers du savoir-faire de leurs aînés d’Algérie française. Pour rendre cette Croisade française victorieuse, il faut et il suffit que le Pape obéisse à la Sainte Vierge. Comme cette dernière le disait en mai 1952 à sœur Lucie : « Fais savoir au Saint-Père que j’attends toujours la consécration de la Russie à mon Cœur Immaculé. Sans cette consécration, la Russie ne pourra se convertir , ni le monde avoir la paix. » frère Philippe de la Face de Dieu. Directeur de la publication : Frère Gérard Cousin. Commission paritaire 0318 G 80889. Impression : Association La Contre-Réforme Catholique. F - 10 260 Saint-Parres-lès-Vaudes. – http ://www.site-crc.com ABONNEMENT 30 €, étudiants 18 €, soutien 60 €. POUR LES PAYS D’EUROPE 36 €, AUTRES PAYS 60 €, par avion 70 €.