Le programme de sécurité électrique

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TRAVAIL ET SANTÉ
MARS 2009
VOL.25 No 1
SÉCURITÉ ÉLECTRIQUE
Pascal Poisson
Le programme
de sécurité électrique
Le programme de sécurité électrique
est souvent négligé et mal compris
des entreprises. Dans la nouvelle
norme ACNOR Z462 Workplace
Electrical Safety sur la sécurité
électrique, il est question des
éléments qui doivent être inclus
dans le programme. (1)
Par Pascal Poisson1
D
ésirez-vous bouger plus ? Manger
mieux ? Être plus écolo ? Cesser de
fumer ? Boire moins d’alcool ? Il est
normal pour toute personne de vouloir
s’améliorer. Cependant, modifier une habitude qui a pris racine
Ces éléments ne sont pas obligatoires ni
restrictifs, mais ils sont là pour permettre
une orientation du programme. Cet article
est divisé en 10 sections soit l’inspection et
l’évaluation des équipements électriques, le
maintien des équipements électriques dans leur
état d’origine, le cadenassage et la réduction de
l’exposition, la planification des travaux et les
procédures de travail sécuritaire, l’anticipation
des anomalies, l’identification et la réduction
des risques, la protection des travailleurs, les
outils, la compétence des travailleurs et, pour
terminer, l’audit du programme.
Inspecter et évaluer
Cette section est importante pour prévenir
les incidents. Si les équipements électriques
sont bien entretenus et bien inspectés, le risque d’incident est alors grandement diminué.
La norme NFPA 70B Recommended Practice
for Electrical Equipment Maintenance 2006 fait
référence aux bonnes pratiques d’entretien; les
1. Ing., M.Ing.
sections portent sur les EPM Electrical Preventive Maintenance, de son développement
à son implantation. Chacun des chapitres
parle de l’entretien des équipements électriques. (2) Les équipements d’inspection et
leur application sont aussi abordés, suivis de
la vibration. Les sections sur les conditions
de travail sécuritaire, le travail avec ou sans
tension et l’analyse de tâches sécuritaires sont
particulièrement intéressantes. Cette section
porte sur plusieurs éléments qui peuvent
améliorer un programme d’entretien.
La thermographie est un moyen peu dispendieux pour inspecter les installations électriques.
La caméra thermographique est une caméra
infrarouge qui détecte les « points chauds »
c’est-à-dire les connexions ou les équipements
qui sont plus chauds que la normale prévenant
ainsi les incendies ou les explosions causés par
un arc électrique. Les «points chauds » doivent
être corrigés dès qu’ils se présentent.
L’étude de coordination de réseau est une
étude qui consiste en l’analyse des protections
du réseau électrique et qui permet de connaître et d’ajuster le temps de réaction des dispositifs de protection (disjoncteur, fusible).
À la suite de cette étude, des modifications
peuvent être nécessaires.
Le calcul de l’énergie incidente est la suite
de l’étude de coordination. Il permet de savoir
la quantité d’énergie incidente (chaleur) que
l’équipement peut transmettre lors d’un défaut. Cette étude détermine l’équipement de
protection individuel que le travailleur doit
porter lors des travaux sous tension.
En résumé, l’inspection et l’évaluation
des équipements sont la base de la sécurité
en électricité. Si les équipements sont bien
entretenus, le travailleur sera en mesure de
distinguer les dangers auxquels il s’expose et
d’y apporter les correctifs nécessaires afin de
réduire le niveau de risque.
Maintenir les équipements
dans leur état d’origine
Toutes les modifications sur les installations
électriques devraient être gérées efficacement
avec un processus de suivi et d’évaluation pour
s’assurer que ces changements n’encourent pas
de risques supplémentaires.
La numérotation devrait être maintenue et
évaluée afin de s’assurer que les équipements
sont bien identifiés et que les documents correspondants (plans électriques, fiches de cadenassage, …) ont aussi été modifiés.
L’installation d’un nouvel équipement comme un disjoncteur devrait être ajustée selon
l’étude de coordination afin de limiter le courant en fonction du temps.
Cadenasser
Le cadenassage doit toujours rester la priorité. Ainsi, le danger auquel le travailleur est
exposé est minime mais il doit être évalué car
dans certains cas, le cadenassage ne suffit pas.
Si les travaux ont lieu sur un réseau qui possède
une génératrice, un banc de condensateur, un
UPS (Uninterruptible Power System) ou durant
un orage, des mesures de protection supplémentaires doivent être prises pour réduire le
risque au maximum. L’installation d’une mise
à la terre temporaire est un bon exemple.
Pour la réduction des expositions au travail
sous tension, la première question à se poser est
la suivante : est-ce que toutes les tâches réalisées
sous tension sont justifiées? Si la réponse est
non, il faut établir la liste des tâches qui sont
obligatoirement effectuées sous tension. La
Corporation des maîtres électriciens du Québec a établi deux tâches soit, le dépannage et la
compromission de la vie d’autrui. Par la suite,
pour les autres tâches, il faut évaluer la possibilité de modifier l’équipement pour empêcher
la tâche sous tension (par exemple, ajouter un
lecteur externe à l’équipement), si ce n’est pas
TRAVAIL ET SANTÉ
possible, faire travailler les électriciens le plus
loin possible de l’équipement. Plus la tâche
est exécutée près de l’équipement, plus il est
possible que le travailleur soit exposé à une
brûlure au 3e degré si un défaut se produit.
En dernier recours, le travailleur devra
exécuter sa tâche près de la source avec les
équipements de protection individuels et les
équipements de protection supplémentaires
(tapis, couverture). (3)
Planifier les travaux et les
procédures de travail sécuritaire
La planification des travaux permet d’évaluer
à l’avance les risques que peuvent encourir les
électriciens et les techniciens lors des travaux
sur l’électricité. Un dispositif est toujours considéré sous tension jusqu’à preuve du contraire
(ACNOR Z462). L’utilisation d’un multimètre approprié et une inspection visuelle sont
souvent nécessaires pour faire le constat. Des
équipements tels que des diodes Électro-Luminescentes (DEL) sur les panneaux, peuvent
parfois remplir ce rôle si une redondance est
possible. Même les travaux considérés comme
urgents tels le dépannage pour repartir un
équipement industriel, peuvent être planifiés
en les catégorisant par type de travaux ; par
exemple :
• procédure de travail sécuritaire pour des
travaux de dépannage sur un Centre de
contrôle de moteur 600 Volts ;
• procédure de travail sécuritaire lors des lectures thermographiques.
Ces procédures doivent comporter les points
suivants selon la norme ACNOR Z462:
• la justification de la tâche sous tension ;
• la qualification du ou des travailleurs ;
• les dangers qu’ils peuvent encourir ;
• les distances d’approche ;
• les bonnes pratiques à adopter ;
• les équipements de protection individuels
et collectifs nécessaires ;
• le type d’outil et leur isolation ;
• les techniques particulières pour la tâche ;
• le schéma électrique de l’installation ;
• les détails des équipements ;
• les dessins supplémentaires ou les références
pour améliorer la sécurité.
L’électricien devrait avoir accès en tout
temps aux plans électriques mis à jour et aux
documents décrivant l’équipement électrique.
Anticiper les anomalies
et les incidents
Il est important de favoriser un climat de
communication efficace face aux risques électriques, non seulement pour les électriciens,
techniciens ou ingénieurs, mais également
pour tous les employés qui eux aussi doivent
se sentir concernés et avertir lors d’anomalies.
Les anomalies peuvent correspondre à une senteur de brûlé dans une salle électrique, à des
fils endommagés ou dénudés, à un moteur défectueux, à un sectionneur ou à un disjoncteur
difficile à ouvrir ou à fermer. Des mesures de
sécurité supplémentaires doivent être prises en
attendant le remplacement de l’équipement
défectueux.
Identifier et réduire les risques
Les risques décelés lors d’une inspection,
d’un incident ou suite à une étude de coordination doivent être identifiés et réduits aussitôt. Des risques de choc, d’arc électrique et
même d’explosion peuvent en résulter, ce qui
peut engendrer de graves lésions et même le
décès du travailleur. Si l’on prend la relation
d’Heinrich, 300 accidents mènent à un décès
en moyenne, et ce, en électricité seulement, ce
ratio est de 10 accidents pour un décès, d’où
l’importance d’agir rapidement.
Protéger les travailleurs
Lorsque le travail hors tension et
l’éloignement ne sont pas possibles, alors les
vêtements de protection individuelle (ÉPI)
doivent être utilisés par exemple, les vêtements
ignifuges. Le travailleur protège son corps contre les brûlures lorsqu’il approche à l’intérieur
de la distance « limitée » stipulée dans la norme
ACNOR Z462. Par la suite, si la distance « restreinte » est franchie, les ÉPI contre les chocs
sont nécessaires.
Utiliser le bon outil
pour le bon travail
Le bon multimètre et la bonne résistance à la
tension doivent être utilisés. Quatre catégories
sont représentées pour ces instruments et en
milieu industriel, les catégories III à l’intérieur
et IV à l’extérieur sont nécessaires. Ces multimètres sont équipés de fusibles permettant
de protéger le multimètre lors d’une mauvaise
utilisation et des sondes sont disponibles elles
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aussi avec des fusibles intégrés. Les multimètres
non protégés peuvent exploser s’ils sont mal
utilisés comme un court circuit produit avec
l’appareil. Il est aussi mentionné sur l’appareil
la tension à laquelle il peut être utilisé. Les outils manuels sont classés par niveau de tension,
donc si l’employé travaille sur ou près d’une
source de tension 600 Volts, il doit utiliser des
outils résistant à 1 000 Volts.
Évaluer la compétence
de son personnel
La notion de compétence doit être spécifiée
par exemple, que doit savoir mon opérateur
pour bien manipuler un équipement électrique
avec les bonnes pratiques lors de l’ouverture
d’un sectionneur :
• il doit arrêter l’équipement et valider la
charge sur le circuit ;
• il doit l’actionner avec le bras gauche et le
visage détourné.
Est-ce que mes électriciens sont tous au
même niveau lorsqu’ils exécutent une tâche ?
Travaillent-ils selon les normes et les bonnes
pratiques ? Il s’agit de déterminer les compétences de chaque métier et d’exécuter une formation pratique sur ses tâches, la figure 1 en est
un bon exemple.
Auditer son programme
Le programme mis en place devra être audité à une période déterminée pour s’assurer
que le processus est applicable et appliqué. Cet
audit comprendra les points mentionnés dans
le programme de sécurité électrique.
Pour terminer, le domaine de la sécurité
électrique est relativement nouveau, mais la
façon de l’aborder n’est pas si trop complexe. Il
s’agit simplement de d’adopter de bonnes pratiques d’entretien et des méthodes de travail
sécuritaires pour travailler avec l’électricité. Ce
programme diminue le nombre d’incidents et
d’accidents mais il augmente aussi la productivité. L’installation électrique deviendra plus
fiable et le nombre d’interventions diminuera,
ce qui réduira le niveau de risque auquel le travailleur est exposé.
Références bibliographiques
1. ACNOR Z462 (2008) Workplace electrical safety.
2. NFPA 70B (2006) Recommended Practice for Electrical Equipment Maintenance.
3. Poisson, P. (2009) DANGER:Travail sous tension, Québec,
Canada : Intervention Prévention inc.
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