« Mixité fonctionnelle versus zoning : de nouveaux enjeux » - PUCA
Rapport de recherche – Acadie – novembre 2013
architectes, des urbanistes et des technocrates qui n’auraient rien compris à la complexité de
l’existence et qui auraient produit une ville inhumaine, où les classes sociales ne
cohabiteraient plus et où l’on n’entendrait plus le joyeux sifflet des usines.
Les architectes d’aujourd’hui, et leurs complices, urbanistes et technocrates, auraient donc
mesuré et revisité les erreurs du passé, pour mettre en œuvre, enfin, une « vraie ville » où
cohabiteraient, harmonieusement, les classes sociales et les activités économiques.
Bien sûr, personne ne souscrit au fond à une telle fable, ni dans sa dimension rétrospective, ni
dans sa dimension prospective et pénitentielle. Pour autant, de même que la mixité sociale, la
mixité fonctionnelle est en passe de devenir un « mythe mobilisateur » (Béhar, 2004) dans la
production de la ville.
Or voici que, dans cette euphorie de la mixité, le projet du grand Paris intervient et propose un
aménagement de la région capitale fondé sur le développement de… clusters spécialisés ! Des
clusters spécialisés, en 2010 ! Alors qu’il y a 40 ans, Paul Delouvrier, en plein
« fonctionnalisme », proposait des « villes nouvelles » dotées à la fois de logements,
d’activités, de services publics ? Étrange retournement de l’histoire. En 2010, au moment où
la mixité sociale et fonctionnelle agit comme une formule magique critiquant les erreurs
passées, Christian Blanc propose unelogique de spécialisation territoriale ; alors que Paul
Delouvrier rétrospectivement semble ramer à contre courant de son époque. Ces deux grands
hommes sont-ils à ce point décalés que l’un fasse du zonage alors que la mixité est le mot
d’ordre ; et que l’autre fasse de la mixité contre l’impératif de zonage fonctionnel ?
Il fallait aller y voir de plus près, en se donnant les moyens de comprendre dans quel contexte
émergent la « polyvalence » des villes nouvelles et la « spécialisation » des clusters du grand
Paris. C’est le fil qui a conduit cette recherche dans le labyrinthe des politiques
d’aménagement de la région Île-de-France. Pour comprendre ce qui se jouait aujourd’hui à
travers cet apparent « retour » du zonage fonctionnel, nous avons fait trois détours :
• Un détour théorique pour expliciter la façon dont la littérature économique comprend
les notions de spécialisation et de polyvalence des activités économiques dans un
territoire donné. (1)
• Un rapide détour historique pour éclairer les fondamentaux de cet apparent chiasme
entre le « moment » Delouvrier et le « moment » Blanc. (2)
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