Service de presse de Travail.Suisse No 8 25 mai 2009 Salaire des dirigeants
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Nommer des femmes aux commandes des entreprises suisses est une
question de survie. Pourtant, les mentalités restent figées en Suisse.
L’enquête sur les salaires des managers réalisée par Travail.Suisse révèle que la situa-
tion n’a pas beaucoup changé dans les hautes sphères dirigeantes des grandes entre-
prises suisses. Les femmes font toujours figures d’exception au niveau de la direction
ou du conseil d’administration. Pourtant, les entreprises ont tout à gagner d’une mixité
des genres dans les étages directoriaux. L’exemple de l’Islande illustre l’échec cuisant
d’une gestion traditionnelle et exclusivement masculine.
Pour la septième année consécutive, les résultats de l’enquête sur les salaires des diri-
geants sont décevants pour les femmes. Au cours du dernier exercice, les femmes sont
présentes dans 18 des 27 entreprises suisses passées en revue, soit exactement le même
nombre qu’en 2008. Les mauvais élèves restent les mêmes
1
. Les femmes n’occupent au
total que 30.4% des sièges de conseil d’administration, presque autant que l’année passée
(30% pour l’exercice 2007).
Dans les directions, la moyenne est de 7.4 femmes pour 244.7 hommes, soit une propor-
tion de femmes de 3.46%. Au regard de l’année passée, c’est très légèrement plus, mais la
gente féminine est si peu nombreuse que le calcul de la proportion subit l’effet « statis-
tique » : 0.1 femme en plus et le taux grimpe de 0.15%. Sept entreprises seulement confient
les rennes de la direction aux deux sexes
2
. Calculée sur les sept dernières années, la
moyenne représente 3.4 femmes de plus qu’en 2002.
Les bastions masculins : toujours les mêmes
Six entreprises sur les 27 examinées ne comptent toujours aucune femme, ni au sein du
conseil d’administration, ni à celui de leur direction. Ce sont toujours les mêmes : Ascom,
Clariant, Implenia, Lindt&Sprüngli, Oerlikon, Schindler et, fait nouveau cette an-
née, Kuoni, qui malheureusement clôt une « parenthèse femme » à sa direction de trois
années consécutives.
Diriger entre hommes ? Une grave erreur de management
Les dirigeants masculins de ces entreprises, et de toutes les autres dans la même situation,
feraient pourtant bien de se mettre à jour : en matière de management, « les femmes va-
1
Les entreprises suivantes n’ont aucune femme dans leur conseil d’administration : ABB, Ascom,
Clariant, Implenia, Kuoni, Lindt&Sprüngli, Oerlikon, Ruag, Schindler.
2
C’est une de plus qu’en 2007 : Roche a engagé une femme en mars 2008.
Service de presse de Travail.Suisse No 8 25 mai 2009 Salaire des dirigeants
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lent de l’or »
3
. Il existe bel et bien un lien direct entre la part des femmes membres du
conseil d’administration et la performance d’une entreprise : plus la première augmente,
plus l’entreprise est rentable, tant au niveau du rendement par action (total return to sha-
reholders) que du rendement du capital propre (return on equity). Plusieurs études sé-
rieuses l’ont démontré par A plus B
4
. En outre, la compétitivité d’une entreprise suit la
même courbe. En ces temps de crise, les entreprises suisses feraient bien de réviser leurs
façon de promouvoir la relève en l’adaptant de telle manière à pouvoir assurer la mixité à
court et moyen terme. La question tient tout simplement de la survie.
Les qualités des femmes au sein des entreprises ? Indispensables !
Les qualités apportées par les femmes au sein des organes dirigeants sont nombreuses et
particulièrement nécessaires à notre économie. Tout d’abord, elles assurent une bonne
gouvernance, tant il est reconnu qu’elles sont douées pour une communication transpa-
rente et un meilleur transfert des connaissances. Les équipes mixtes sont plus créatives.
A l’issue du premier forum sur la valeur ajoutée des femmes dans l’économie
5
qui s’est
tenu à Genève en janvier de cette année, on peut dresser la liste des avantages de la mixité
que les participants ont soulignés. Les femmes assurent notamment à l’entreprise :
- une plus grande loyauté et fidélité à l’entreprise (avec des femmes présentes en
nombre suffisant au bel étage, les excès constatés comme les « golden hello » et
autres parachutes dorés aient-ils pu autant se développer ? Il est permis d’en dou-
ter);
- une communication plus soignée avec la clientèle (où les femmes prennent plus en
compte les besoins des utilisateurs) ;
- une capacité plus grande à dialoguer avec tous les acteurs ;
- un mode de coopération plus efficace, orienté sur la résolution des problèmes (où
les femmes amènent une complémentarité aux équipes, ce qui permet d’avoir une
vision à 360o sur les problèmes) ;
- une meilleure pugnacité, une plus grande rigueur (les femmes connaissent mieux
leurs dossiers, se préparent mieux aux réunions), une très forte motivation.
3
Journal « Der Spiegel », numéro spécial No. 1/2008
4
- Catalyst (2004) : The Bottom Line. Connecting Corporate Performance and Gender Diversity
- Smith Nina, Smith Valdemar, Verner Mette (2005): Do Women in Top Management Affect Firm
Performance? A Panel Study of 2500 Danish Firms
- MacKinsey (2007): Women Matter. Gender diversity, a corporate performance driver.
Ces trois sources sont citées par Carolina Müller-Möhl, dans “Schweizer Arbeitgeber” No 12, 5 juin
2008
5
Le forum a été organisé par le réseau des femmes dirigeantes Career Women’s forum (CWF), en
partenariat avec le magazine Bilan.
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Réparer les pots cassés, une tâche de femmes ? L’exemple islandais
L’Islande pourrait être citée en exemple au niveau de la mixité : 50% des ministres sont
des femmes. Ce pays figure en quatrième position sur l’index des genres établi par le Fo-
rum économique mondial. C’est un des premiers à obtenir le droit de vote des femmes en
1915 déjà. En 1980, grande première mondiale, une femme est élue à la présidence de la
République. Vigdis Finnbogadottir se retire après trois mandats en 1996. Dans les années
qui suivent, l’économie de l’île connaît un virage financier nouveau, l’œuvre d’hommes
uniquement. Mais cette expansion économique, non seulement ne profite pas aux
femmes, mais elle conduit le pays à sa perte.
Tout commence avec la privatisation des banques. Celles-ci adoptent une stratégie com-
merciale très agressive. Le secteur bancaire est rapidement hypertrophié. Suivent de
nombreuses opérations très risquées qui engagent jusqu’à dix fois le PIB islandais. Les
habitants contractent des dettes en monnaies étrangères, la couronne islandaise est main-
tenue à un court élevé par la Banque centrale. La crise des « subprime » d’octobre 2008
entraîne la faillite de tout le système financier de l’Islande, mis sur pied par… une tren-
taine d’hommes, surnommés les « nouveaux Vikings », amis du pouvoir conservateur aux
commandes depuis 1991. On constate par ailleurs que petit à petit, le nombre d’hommes
qui travaille dans les banques a augmenté au détriment des femmes. De 70-80% de per-
sonnel féminin, les banques emploient 6 hommes pour 4 femmes.
A fin janvier, le gouvernement islandais démissionne. En avril, une coalition de gauche et
verte remporte les élections. Le premier ministre est à nouveau une femme. Les trois
principales banques islandaises sont nationalisées, des femmes sont nommées à leur tête
ou dans les conseils d’administration. Le même scénario se produit à la Banque centrale.
L’avenir dira si ces mesures sauront remettre l’Islande à flot. L’exemple illustre de ma-
nière éclatante à quelle situation catastrophique un modèle de management mono-genre,
axé sur la rentabilité maximum, peut conduire. Les entreprises de notre pays feraient bien
de s’en inspirer.
Valérie Borioli Sandoz, responsable de la politique de l’égalité, Travail.Suisse
Travail.Suisse, Hopfenweg 21, 3001 Berne, Tél. 031 370 21 11, info@travailsuisse.ch,
www.travailsuisse.ch
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