Histoire Médiévale
14/09/11
L’Eglise et le pouvoir au temps des premiers appareils d’Etat (1050-
1350)
Introduction générale : La grande ambiguïté, aux fondements de la
dialectique entre pouvoir spirituel et pouvoir temporel
L’histoire italienne et française est marquée par une ambiguïté religieuse et politique. On
peut différencier la société de l’Etat.
La domination de l’Etat est variable : l’étendue de ses pouvoirs est moindre par
rapport à aujourd’hui et la notion d’Etat reste une idée abstraite. Ses instruments
d’administration vont être développés, tant en ce qui touche au personnel qu’à
l’organisation juridique (justice, fiscalité, armée). Si l’Etat exerce son emprise, on
peut alors parler d’appareil d’Etat.
L’Eglise et le pouvoir séculier fondent le 1er appareil d’Etat. De 1000 à 1400, leur
emprise se centralise sur des territoires larges. C’est la période d’émergence des
appareils d’Etat. Leur apparition est donc parallèle à la formation de l’Eglise.
L’administration religieuse et humaine du sacré met en place l’Eglise comme
institution pour l’ensemble de la chrétienté latine et l’Europe occidentale.
Les relations entre Eglise et Etat en France n’existent plus depuis la loi de séparation
du 9/12/1905 de Combes. La séparation est douloureuse : interdit aux Etats de
financer la religion, d’en privilégier une, d’intervenir dans la vie religieuse. Les
religions ne peuvent pas intervenir dans les affaires publiques.
C’est une exception française : selon les pays, les liens entre Eglise et Etat peuvent
exister toujours. USA, Italie, Allemagne : coopération entre institutions religieuses et
Etat. En Italie et en Allemagne, un impôt obligatoire est prélevé par l’Etat et reversé
à l’Eglise catholique malgré la liberté religieuse et le fait d’être ou non croyant.
A ce moment-là du Moyen Âge, il y a des enjeux importants dans le monde chrétien,
dans la conception et la mise en œuvre du pouvoir. Il existe une séparation entre
religieux et politique qu’on ne peut dépasser. Or, ces dimensions sont réunies sous
César ou dans le monde islamique, comme une sphère qu’on ne peut pas scinder.
Dans l’Occident chrétien, ces 2 fonctions ne peuvent être réunies indistinctement.
Pour résoudre ces tensions, il existe le césaro-papisme : un homme gouverne les 2
fonctions. Mais il aura toujours affaire à un représentant de l’autre pouvoir comme la
séparation subsiste.
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Mais ce concept sera toujours dominé par l’une des 2 tendances, politique ou
religieuse. Constantin Ier est césaro-pape car il domine la figure des papes et il
contribue à les choisir (indicateur fondamental). Les empereurs chrétiens de
l’Antiquité tardive ont une tendance césaro-pape. En Orient, il n’y a pas de confusion
entre le pouvoir patriarcal et l’empire romain d’Orient. L’empereur est sacré et
possède l’ascendant sur le patriarche de Constantinople. Il exerce l’autorité sur lui et
contribue à le choisir.
L’aspect peut être inverse. Entre 1000 et 1350, le pape prétend exercer un pouvoir
supérieur à celui des chefs politiques. En 1050, les papes le revendiquent pour la 1ère
fois à travers Grégoire VII (1073-1985, Réforme grégorienne) et les Dictatus Papae
(texte n°10 page 18). Ce texte martèle la prise de pouvoir des papes sur l’empereur,
et celle des pouvoirs séculiers sur les rois et les princes. C’est un nouveau
programme pour l’avenir. C’est l’histoire du projet théocratique de la papauté. C’est
le pouvoir donné à ceux qui font médiation entre Dieu et les hommes : les hommes
de Dieu. C’est le pouvoir religieux. Tous les papes ont essayé de mettre en œuvre un
programme théocratique sans être pour autant des chefs politiques. Ils ont prétendu
juger, déposer, excommunier les papes (p3 du cours). L’instauration de la théocratie
aura des conséquences sur l’histoire du pouvoir occidental.
Cette histoire sera marquée par des théories de répartition du pouvoir centrées sur
les rapports entre religieux et politique, jusqu’à la Révolution. Depuis cette question
n’est plus centrale.
La théorie de l’augustinisme politique est une doctrine tirée de St Augustin, l’un des
pères fondateurs de l’Eglise latine. Il commente les textes saints et établit les dogmes
catholiques. Comment se répartissent les rôles entre détenteurs du pouvoir politique
et l’Eglise ? Selon lui, l’objectif de l’Etat administré par les laïcs est d’instaurer la loi
de Dieu, avec pour modèle la cité céleste et idéale de Dieu. C’est un modèle
politique : l’objectif est le salut de l’humanité et vérifier que les hommes ont une vie
conforme aux lois divines.
C’est un principe réactivé pendant 300 ans jusqu’à la Révolution. Selon Bossuet, la
Bible doit être un appui. La notion de monde de droit divin est le résultat de ces 3
siècles de théocratie. L’Etat est sacralisé, cette sacralisation est reprise à l’Eglise
après la prise d’autonomie des Etats. Au final, le développement de l’Etat est
renforcé mais les rois deviennent des césaro-papes.
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Séparation des deux pouvoirs : la Révolution Grégorienne et la Révolution
pontificale.
Il s’agit de traiter de l’évolution des rapports entre les 2 pouvoirs dans le Haut Moyen-Âge.
C’est la prise d’indépendance de l’Eglise par rapport au pouvoir laïc. Elle revendique sa
domination.
Il faut revenir sur les passages des Ecritures où le Christ par le des liens entre le
spirituel et le temporel, sans cesse repris par des acteurs afin de justifier les diverses
prises de position. Ces préceptes évangéliques peuvent être contradictoires et créer
des tensions.
Le Christ : « Mon Royaume n’est pas de ce monde » Chapitre 18, verset 38, Evangile
de Jean. Le terme royaume désigne la haute juridiction séculière. Le Christ refuse
l’exercice du pouvoir temporel par cette phrase. Or, la scission des 2 pouvoirs n’est
jamais remise en cause dans le christianisme. Pourtant, son fondateur, le Christ,
refuse la jonction de ces 2 pouvoirs. Quand on représente le Christ et qu’on est chef
religieux, on ne peut pas exercer le pouvoir politique. Or, ils se disent supérieurs au
pouvoir politique car ils sont les successeurs du christianisme.
« Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » Evangile selon
Matthieu, 21-22. Le pouvoir est scindé dès le départ. Le Christ ne veut pas exercer le
pouvoir politique.
Dans d’autres passages des Ecritures, on évoque la séparation des pouvoirs et la
reconnaissance par principe de la légitimité du pouvoir politique en place. On
désapprouve la contestation de ce pouvoir.
Le Christ : « Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir s’il n’avait été donné d’en haut »
Evangile selon Jean, 22-11. Le pouvoir est légitime s’il est donné par Dieu.
« Il n’y a d’autorité que par Dieu. Les autorités existantes ont été créées par Dieu »
Epître romain de St Paul. On condamne la révolte contre le politique, car c’est aussi
une révolte contre le séculier. Il faut se soumettre aux autorités séculières païennes
car la christianisation est alors incomplète.
Dans les Evangiles, il y a également des définitions des fonctions des hommes de
Dieu.
Le Christ s’adresse à Pierre : « Je te donnerai les clefs du royaume des cieux: ce que
tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié
dans les cieux. » Evangile selon Matthieu, 16-19. Les clés symbolisent l’ouverture et
la fermeture, le fait de lier et délier : c’est l’exercice du pouvoir. Les hommes de Dieu
reçoivent du Christ le pouvoir de lier : c’est l’apparition de la notion de pouvoir.
Théodose fait du christianisme la religion d’Etat de l’Empire Romain.
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Le Christ dit à Pierre : « Pais (fait paître) mes brebis ». Cette phrase fonde la politique
des papes théocrates dans le but de revendiquer le pouvoir des laïcs. Le pouvoir
pastoral est exercé pour le bien de celui qui le subit.
Un point d’équilibre momentané est atteint avec la lettre de Gélase écrite en 494 à
l’Empereur d’Orient Anasthase Ier (texte 1). Elle fonde la théorie gélasienne des 2
pouvoirs. Elle porte sur les relations entre l’empereur d’Orient et le pape. Gélase est
depuis peu l’autorité suprême en Occident, tous types de pouvoirs confondus : il n’y
a plus d’empereur. Ça favorise la prise de pouvoir des papes qui gouvernent
politiquement Rome. Gélase formule une théorie équilibrée et ambigüe à Anastase
Ier. Il doit reconnaître qu’il existe 2 sphères indépendantes l’une de l’autre. Les 2
doivent être autonomes et souveraines, sans ingérence. Les prêtres doivent
respecter les lois civiles de l’empereur et vice-versa. Ça pose problème en Orient.
Quelle hiérarchie y a-t-il entre les 2 sphères ? L’une est-elle supérieure ? Gélase ne
donne pas de réponse à cette question ? Les prêtres doivent répondre devant Dieu
du Salut de l’Humanité. Le pape reconnaît néanmoins une dignité supérieure au
pouvoir spirituel. Les pouvoirs de l’empereur et du pape sont distingués en terme de
terminologie :
- L’empereur a la potestas. Il contraint quelqu’un à faire quelque chose.
- Le pape a l’auctoritas. Il a un ascendant plus intériorisé sur celui qui l’éprouve.
(p.3)
Une hiérarchie non affirmée est sous-entendue.
Au cours du Haut Moyen-Âge, la question est résolue par la prise d’ascendant de
l’empereur occidental sous Charlemagne, à l’âge d’or des Carolingiens. L’empereur
est rétabli en 800. L’empereur domine nettement les relations entre les Eglises à
l’échelle des diocèses. Mais cette hiérarchie s’effondrera avec la Réforme
Grégorienne.
Charlemagne et son 1er successeur sont considérés comme les protecteurs de la
chrétienté. A Rome, le pouvoir pontifical est seulement effectif. Les charges
ecclésiastiques (évêchés, abbatiats) forment des enjeux politiques par l’intermédiaire
des terres. Elles sont alors attribuées et choisies par les empereurs. Cela évite la
patrimonialisation des pouvoirs.
Au temps des carolingiens, les conciles sont nombreux. Ils sont convoqués par les
empereurs ou par le roi, dans le but de définir les normes et les documents
capitulaires. Dans le cadre de la Réforme Grégorienne, il est inimaginable que
l’empereur convoque un concile. Les clercs ont une influence sur les carolingiens ; ils
développent l’idéologie spécifique de la ministérialité royale. L’essence du
fonctionnement impérial est de servir le Salut commun en servant Dieu. Les clercs
sont à la fois soumis à l’autorité impériale et fixent à l’Etat un objectif religieux :
amener l’humanité au Salut. Ils justifient le pouvoir par ses bienfaits spirituels.
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Dès Louis le Pieux, les difficultés politiques se multiplient. Les ecclésiastiques prennent de
plus en plus de pouvoir. Dans la ministérialité royale, on développe l’idée que les clercs
doivent exercer un ascendant sur les laïcs.
Dès l’Empire Carolingien, le sacre devient une norme. Ill est renouvelé par le pape dès 754.
Le roi exerce le pouvoir en tant que service religieux de l’humanité. C’est une alliance du
trône et de l’autel : les 2 pouvoirs se soutiennent mutuellement au-delà de leurs distensions
constantes.
888 : explosion de l’Empire Carolingien. Les noblesses locales se multiplient en Occident. Dès
la Réforme Grégorienne, la situation change peu avec le système de l’Eglise impériale dans
l’Empire Germanique. Le système carolingien prévaut.
Le pouvoir impérial sur le droit de nomination des prélat afin de contrer la noblesse locale
dans l’Empire Ottonien. Ailleurs en Europe, il existe une imbrication étroite entre les
autorités religieuse et laïque. On fonde progressivement des paroisses : les seigneurs
financent la fondation d’une bâtisse ecclésiaste et donnent des terres aux paysans. Ils y
prélèvent des revenus.
Le seigneur a droit de patronage : il nomme le curé. A tous les niveaux de la hiérarchie
ecclésiastique, les nobles laïcs pèsent sur le choix des titulaires, recrutés dans la noblesse. Ce
choix est le fruit de négociations. Le choix des papes résulte d’un rapport de force entre
l’Empire Ottonien et l’aristocratie romaine.
L’Eglise est alors décentralisée : il n’y a pas d’autorité centrale dans l’Eglise. Les papes ont
une dignité supérieure à celle des autres évêques. Ils n’ont pas de pouvoir effectif excepté à
Rome dont ils sont les évêques. Ils sont aussi les successeurs de Pierre, « le prince des
apôtres désigné par le Christ ». Les évêques sont les successeurs des apôtres.
Au Xe la principale autorité religieuse qui transcende les autres autorités religieuses : l’abbé
de Cluny en 910 pèse lourd lors des négociations avec le roi ou l’empereur.
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