Dynamique des gaz I. Modèle continu - Jean

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STH1, Modélisation mathématique
2015
Dynamique des gaz
Au début du XXe siècle, on discutait ferme au sujet d’une présumée contradiction entre la
mécanique et la thermodynamique. Si on considère un ensemble de molécules de gaz réparties
dans un certain espace, la thermodynamique prédit que le système évoluera irréversiblement
vers un certain état d’équilibre, c’est-à-dire une certaine répartition des molécules dans l’espace.
Cette prédiction a été validée expérimentalement.
Cependant, la description du mouvement des molécules relève aussi de la mécanique. Et
toutes les lois de la mécanique sont réversibles par rapport au temps, ce qui implique qu’une
évolution possible du système est un retour à l’état initial.
En 1907, Paul et Tatiana Ehrenfest tentèrent d’éclaircir cette apparente contradiction entre
réversibilité et irréversibilité. Commençons par présenter le système qu’ils ont étudié.
On considère une boîte à deux compartiments avec une petite
ouverture entre les compartiments. On introduit une certaine
quantité de gaz dans la boîte. Il est en mouvement permanent
et peut passer d’un compartiment à l’autre.
Notre objectif est de décrire l’évolution de la répartition du
gaz dans les deux compartiments au cours du temps. Nous nous
intéresserons également à la même situation, mais avec deux gaz.
Nous étudierons alors le mélange des deux gaz dans la boîte.
Sur la figure, les cercles représentent des molécules de deux
gaz réparties dans la boîte.
Compart. 1 Compart. 2
I. Modèle continu
Notons α la quantité totale de gaz (en moles) introduite et notons x(t) la quantité de gaz
dans le compartiment 1 à l’instant t. Si tout le gaz est dans ce compartiment à l’instant initial,
alors x(0) = α. L’évolution de cette quantité au cours du temps est liée aux échanges entre les
deux compartiments et est modélisée par l’équation :
x0 (t) = −cx(t) + c(α − x(t)),
où c est une constante positive liée à la taille de l’ouverture.
1. Expliquer ce que représentent les termes de cette équation. Quelle grandeur physique liée
à la quantité de gaz est à l’origine des échanges entre les compartiments (et est modélisée
par notre équation) ?
2. Résoudre l’équation, déterminer ses points d’équilibre et décrire l’évolution du système.
On souhaite affiner notre modèle pour des gaz qui ne seraient pas parfaits. Les interactions
entre les molécules de gaz peuvent limiter le passage d’un compartiment à l’autre. Notre
équation devient :
α − x(t)
x(t)
) + c(α − x(t))(1 −
),
K
K
où K est une constante strictement positive.
x0 (t) = −cx(t)(1 −
3. Expliquer ce que représentent les nouveaux termes.
1
4. Résoudre l’équation et comparer avec les résultats précédents. Proposer une explication.
Dans le cadre de notre modèle, on peut définir l’entropie du gaz à l’instant t par
x(t)
) + λ(α − x(t)) ln( α−x(t)
) où λ est une constante positive. Une défiS(t) = λx(t) ln( α−x(t)
x(t)
nition plus interprétable sera proposée dans la partie 2.
5. Calculer S 0 et montrer que l’entropie est croissante au cours du temps. Comment cela
s’interprète-t-il pour l’évolution du gaz dans la boîte ?
On introduit maintenant un second gaz dans les boîtes et on souhaite modéliser l’évolution
du mélange des deux gaz. On note β la quantité totale de ce second gaz et on note y(t)
la quantité de ce gaz dans le compartiment 1 à l’instant t.
6. Modéliser la situation avec un système différentiel. On reprendra l’équation précédente
et on l’appliquera aux deux gaz en considérant que la contrainte logistique est désormais
liée à la présence des deux gaz dans un compartiment (la constante K sera commune aux
deux gaz).
7. Faire l’étude complète du système en supposant K > α + β. Représenter l’allure des
trajectoires, éventuellement en donnant des valeurs aux différents paramètres.
8. Si K < α + β, quelle est la nature du point d’équilibre du système ? Comment devrait
évoluer le système au cours du temps ? Interpréter.
II. Modèle discret statistique
Étudions maintenant le modèle proposé par les Ehrenfest. Le gaz est désormais considéré
comme un ensemble fini de molécules. Notons 2n le nombre de molécules de gaz dans la boîte.
Les échanges entre les deux compartiments sont modélisés ainsi : nous supposons que pendant
un court temps h, chaque molécule a la même probabilité de passer dans l’autre compartiment
par le trou et qu’une seule molécule va finalement passer. Nous appelons état du système le
nombre de molécules situées dans le compartiment 1.
Question préliminaire : quel est l’ordre de grandeur de n ?
1. Un cas simple
Commençons par étudier le cas n = 2. On suppose qu’il y a 4 molécules dans la boîte,
initialement toutes dans le compartiment 1. Il y a alors 5 états possibles pour le système :
0, 1, 2, 3 et 4 (l’état initial). À chaque étape, chaque molécule a une probabilité 14 de
changer de compartiment et une seule le fera.
(a) Représenter la chaîne de Markov associée au modèle.
(b) En utilisant la condition d’équilibre entre flux entrant et flux sortant, déterminer la
distribution stationnaire du système.
(c) Quels sont les temps moyens de retour m00 , m11 , m22 , m33 et m44 ?
2. Cas général
Le nombre 2n de molécules est désormais quelconque.
(a) Reprendre les trois questions précédentes.
(b) Pour 0 6 k 6 2n, notons pk la probabilité de la distribution stationnaire associée à
l’état k et mkk le temps moyen de retour en l’état k.
Représenter pour n grand l’allure des fonctions k 7→ pk et k 7→ mkk .
2
3. Entropie d’un système de molécules
Dans le cadre d’une description moléculaire d’un gaz, Boltzman a défini la notion d’entropie statistique du gaz. On considère le gaz dans un certain état macroscopique. On note Ω
le nombre d’états microscopiques possibles correspondant à ce même état macroscopique.
L’entropie du système est alors kB ln(Ω) où kB > 0 est la constante de Boltzman.
Dans notre problème, un état macroscopique est simplement la répartition du gaz entre
les deux boîtes. Il est donc parfaitement défini par l’état du système que nous avons
défini. Comme les molécules du gaz sont indiscernables, un même état peut être obtenu
par de nombreuses répartitions différentes des particules. Par exemple, si le nombre total
de molécules est 4, il y a Ω1 = 4 façons de répartir les molécules pour être dans l’état 1 :
on choisit quelle molécule est dans le compartiment 1. Et il y a Ω2 = 6 façons de répartir
les molécules pour être dans l’état 2 : on choisit les 2 molécules parmi les 4 qui sont dans
le compartiment 1. L’entropie, dans le premier cas est kB ln(4) et kB ln(6) dans le second.
(a) Pour 0 6 k 6 2n, déterminer l’entropie de l’état k.
(b) L’entropie est-elle croissante au cours de l’évolution du système ?
(c) Pour quelle valeur de k l’entropie est-elle maximale ?
4. Mélange de deux gaz
On considère maintenant deux gaz répartis dans les boîtes. Il y a 2n molécules du premier gaz et 2m molécules du second. Les règles d’évolution du système sont les mêmes
qu’avant : à chaque étape, une molécule va changer de boîte et cette molécule est choisie
au hasard parmi les 2n + 2m. Un état du système est décrit par un couple (k, j) où k et
j sont les nombres de molécules des gaz 1 et 2 dans le compartiment 1.
Fixer les valeurs de n et m, numéroter les états du système et écrire la matrice associée
à la chaîne de Markov. À l’aide de Maple (ou d’un autre logiciel), déterminer numériquement la distribution stationnaire associée aux états de la chaîne. Observer les états pour
lesquels elle est élevée. Recommencer l’opération avec différentes valeurs de n et m de
plus en plus grandes.


0 2 0 2 0 0 0 0 0
1 0 1 0 2 0 0 0 0


À titre d’exemple, considérons le cas n = 1 et


0 2 0 0 0 2 0 0 0
m = 1. Il y a 9 états possibles que nous numéro

1 0 0 0 2 0 1 0 0


tons dans l’ordre : (0, 0), (0, 1), (0, 2), (1, 0), (1, 1),
1

0
1
0
1
0
1
0
1
0

.
(1, 2), (2, 0), (2, 1), (2, 2). La matrice associée à la


4

0
0
1
0
2
0
0
0
1


chaîne de Markov est alors la matrice ci-contre.
0 0 0 2 0 0 0 2 0




0 0 0 0 2 0 1 0 1
0 0 0 0 0 2 0 2 0
III. Comparaison des modèles
Rédiger une conclusion de l’étude. On essaiera d’y répondre entre autres aux questions
suivantes :
– En quoi les résultats des deux modèles sont-ils similaires ?
– En quoi sont-ils différents ?
– Quel modèle propose la description du système la plus précise ?
– En quoi l’évolution du système est-elle réversible ? En quoi est-elle néanmoins irréversible ? Comment le modèle d’Ehrenfest permet-il de concilier ces deux états apparemment
contradictoires ?
– L’entropie d’un système libre en évolution est-elle véritablement croissante ?
3
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