L E S I N S E C T E S Les fourmis de la forêt boréale du Québec (Formicidae, Hymenoptera) André Francœur Introduction Ce premier portrait général et succinct de la myrmécofaune boréale du Québec repose sur une base de près de 1 000 échantillons, accumulés depuis une trentaine d’années, ainsi que sur quelques données puisées dans la littérature. L’échantillon correspond à un prélèvement d’individus essentiellement dans un nid ; il est effectué de façon aléatoire lors d’inventaires généraux dans différentes régions. Dans le cas d’inventaires quantitatifs et systématiques de milieux ciblés, seulement deux échantillons par espèce et par biotope ont été intégrés à cette base. Pour répartir et analyser ces données, le territoire du biome (tel que conçu par Richard, 1995) est partagé ainsi : la ligne des arbres, la moitié nord incluant la toundra forestière et la taïga, la moitié sud groupant les domaines de la pessière et de la sapinière, le pourtour de la Sagamie (tableau 1). Les données de ce dernier territoire, qui est inclus dans la zone de la forêt mélangée selon la carte du ministère des Ressources Naturelles (Québec, 1985), permettent de mettre en évidence des éléments de transition appartenant à la forêt décidue. Il est évident, dans ce cas, que les bouleversements et les transformations des milieux naturels, induits par l’intervention humaine, affectent la répartition de certaines espèces. Espèces recensées Le tableau 1 donne la liste des fourmis trouvées dans différents habitats du biome. Au total, 39 espèces sont présentes, ce qui représente 41,5 % de la myrmécofaune indigène du Québec (94 espèces indigènes et dix introduites – Francœur, 2000a). Elles se répartissent en neuf genres et trois sous-familles pour le domaine boréal en comparaison des 23 genres indigènes (plus deux introduits) et quatre sousfamilles pour tout le territoire. Phylogénétiquement la plus primitive, la sous-famille Ponerinae, reste absente de la forêt boréale (Francœur, 1979). À noter ici que la nomenclature des espèces de Myrmica et de Leptothorax suit nos travaux en cours de révision taxinomique (détails dans Francœur, 1997). Le nombre d’espèces recensées jusqu’à présent dans ce biome nordique représente vraisemblablement 95 % de la diversité réelle. Toutefois, la répartition des échantillons 108 LA SOCIÉTÉ PROVANCHER D’HISTOIRE NATURELLE DU CANADA sur le territoire laisse apparaître un grand vide pour la partie centrale qui est dépourvue de routes publiques. En outre, l’effort de prospection demeure plus important dans la moitié sud et certaines espèces sont plus faciles à dénicher en raison de leur type de nid. Ces biais ne semblent pas avoir faussé le portrait global qui se dégage maintenant de notre inventaire aléatoire, car il s’accorde bien avec ce qui est connu pour d’autres parties de ce biome circumboréal (Collingwood, 1979 ; Dlussky, 1967 ; Francœur, 1997 ; Heatwole, 1989 ; Letendre et al., 1971 ; Nielsen, 1987 ; Punttila et al., 1994b). À la ligne des arbres, au nord du biome nous avons recueilli des colonies de cinq espèces (tableau 1), mais seulement des gynes désailées (femelles fondatrices) pour Formica subnuda (Francœur, 1983). Seule Leptothorax acervorum fut détectée exclusivement dans les régions adjacentes à cette ligne, alors que les autres se rencontrent à l’échelle du territoire boréal. La zone boréale-nord abrite dix espèces, tandis que la zone boréale-sud en offre 26. Jusqu’à présent, Myrmica sp. (cf. fracticornis) et Leptothorax septentrionalis (nouveau statut taxinomique) furent trouvées seulement dans la zone nord. On peut s’attendre à ce que le nombre d’espèces connues pour la moitié nord augmente légèrement avec l’exploration du centre du territoire. Dans la Sagamie, les peuplements typiquement boréaux et de transition recèlent quelque 34 espèces. Même s’il peut s’avérer partiellement biaisé, l’échantillonnage global révèle l’importance naturelle relative de ces taxons, telle que détaillée par les chiffres du tableau 2. Celle-ci correspond à l’impression générale qui se dégage de l’examen de nombreux biotopes. La sous-famille Formicinae s’avère la mieux représentée avec 518 échantillons, alors que suivent Myrmicinae (463 échantillons), puis Dolichoderinae (14 échantillons). Cette dernière, qui se trouve essentiellement dans des climats chauds, est représentée uniquement par une espèce ubiquiste, affichant une grande valence écologique ; elle suit aisément les traces de l’espèce humaine (Francœur, 2000b ; Smith, 1965). Les deux premières sous-familles comprennent respectivement trois et cinq genres. André Francœur est biologiste. L E S I N S E C T E S Tableau 1. Espèces de fourmis recensées dans le biome de la forêt boréale du Québec, par ordre phylogénétique des taxons supérieurs. Sous-famille Espèce Myrmicinae Myrmica alaskensis Wheeler Myrmica detritinodis Emery Myrmica fracticornis Emery Myrmica lampra Francœur Myrmica lobifrons Pergande Myrmica nearctica Weber Myrmica quebecensis Francœur Myrmica sp. (cf. fracticornis) Ligne des arbres Boréale Boréale Boréale nord sud Sagamie X X X X X X X X X X X X Stenamma diecki Emery T Leptothorax acervorum (Fabricius) Leptothorax sp. A Leptothorax retractus Francœur Leptothorax sp. (cf. canadensis Provancher) Leptothorax sphagnicolus Francœur Leptothorax septentrionalis Wheeler X X X X X X X X X X X X X X Formicoxenus quebecensis Francœur Harpagoxenus canadensis M. R. Smith T Dolichoderinae Tapinoma sessile (Say) Formicinae Camponotus herculeanus (Linné) Camponotus noveboracensis (Fitch) Lasius alienus (Foerster) Lasius flavus (Fabricius) Lasius neoniger Emery Lasius pallitarsis (Provancher) Formica dakotensis Emery Formica glacialis Wheeler Formica hewitti Wheeler Formica impexa Wheeler Formica Iasioides Emery Formica neogagates Emery Formica neorufibarbis Emery Formica podzolica Francœur Formica reflexa Buren Formica sp. (cf. fossaceps Buren) Formica spatulata Buren Formica subaenescens Emery Formica subnuda Emery Formica subsericea Say Formica whymperi Forel TOTAL DES ESPÈCES : X T* X 39 X X XA X A* X XA XA T XA XA X XA XA T XA XA X TA X X X X X X X X? X X X X X TA X X TA T X X T T T X X TA X 5 10 26 34 X * T : présence dans milieux de transition ; A : présence dans milieux modifiés par l’intervention humaine ; ? : présence continue à confirmer. LE NATURALISTE CANADIEN, VOL. 125 No 3 AUTOMNE 2001 109 L E S I N S E C T E S Tableau 2. Répartition des échantillons (n) de fourmis selon les taxons supérieurs. Sous-famille Genre Nombre d’espèces Formica (408) Formicinae (518) Camponotus (79) 2 Lasius (31) 4 Myrmica (236) Myrmicinae (463) Leptothorax (201) Formicoxenus (20) Harpagoxenus (3) Stenamma (3) Dolichoderinae (14) 15 Tapinoma (14) Le genre Formica apparaît, sans équivoque, le plus important en nombre d’espèces et d’échantillons (tableau 2). Nous avons déjà souligné que ce genre compose le tiers (32 espèces) de la myrmécofaune du Québec entier (Francœur, 1977). Le genre Myrmica occupe le second rang, suivi par Leptothorax. Ce sont là les genres typiques de la zone circumboréale de la région holarctique, avec le genre Camponotus dont l’espèce principale, C. herculeanus, s’avère probablement sous-représentée. Le tableau 3 indique l’importance relative des espèces de ces quatre genres selon les données d’échantillonnage utilisées dans cette analyse. Les genres Formicoxenus, Harpagoxenus et Lasius ne sont pas considérés comme typiques du domaine boréal. Caractéristiques fauniques 6 Il importe de qualifier cet assemblage de 39 espèces par rap1 port au biome et à l’écologie con1 nue de ces fourmis. 1 On p eut constater en premier lieu que sept espèces 1 s’observent à l’échelle du biome (tableau 1) : ce sont les espèces qualifiées de générales au tableau 4. Dans les habitats où ces insectes paraissent prospères, ils affichent en général une grande abondance, sauf Formica hewitti (tableau 3). Un cortège neuf espèces les accompagne régulièrement, en particulier dans la zone boréale-sud (tableau 4). Un groupe de sept espèces apparaît exclusif au biome, n’ayant pas été récoltées ailleurs au Québec d’après une base actuelle de plus de 7 500 échantillons. Enfin, cinq espèces sont considérées, pour l’instant, comme occasionnelles dans la zone 8 Tableau 3. Répartition des échantillons par espèce pour les quatre genres typiques de la forêt boréale du Québec. Espèce Formica neorufibarbis Nombre d’échantillon 166 Espèce Myrmica alaskensis Nombre d’échantillon 122 Formica podzolica 73 Myrmica detritinodis 44 Formica subnuda 62 Myrmica lobifrons 30 Formica subaenescens 26 Myrmica quebecensis 18 Formica dakotensis 17 Myrmica fracticornis 16 Formica hewitti 15 Myrmica nearctica 3 Formica subsericea 13 Myrmica sp. (cf. fracticornis) 2 Myrmica lampra 1 Formica glacialis 9 Formica Iasioides 6 Formica impexa 5 Leptothorax sp. (cf. canadensis) Formica reflexa 5 Leptothorax acervorum 30 Formica whymperi 5 Leptothorax sp. A 21 Formica sp. (cf. fossaceps) 3 Leptothorax sphagnicolus 15 Formica neogagates 2 Leptothorax retractus 8 Formica spatulata 1 Leptothorax septentrionalis 2 67 Camponotus noveboracensis 12 Camponotus herculeanus 110 LA SOCIÉTÉ PROVANCHER D’HISTOIRE NATURELLE DU CANADA 125 L E S I N S E C T E S Tableau 4. Myrmécofaune caractéristique de la forêt boréale du Québec. Groupe Espèce Espèces générales Camponotus herculeanus Formica hewitti (7) Formica neorufibarbis Formica podzolica Formica subnuda Leptothorax sp. (cf. canadensis) Myrmica alaskensis Espèces compagnes Formica dakotensis Formica impexa (9) Formica subaenescens Formica whymperi Leptothorax sp A Leptothorax retractus Myrmica detritinodis Myrmica fracticornis Myrmica lobifrons Espèces exclusives Formicoxenus quebecencis Leptothorax acervorum (7) Leptothorax septentrionalis Leptothorax sphagnicolus Myrmica sp. (cf. fracticornis) Myrmica lampra Myrmica quebecencis Espèces occasionnelles Camponotus noveboracensis Lasius alienus (5) Lasius neoniger Lasius pallitarsis Tapinoma sessile sud seulement (tableau 4). L’appartenance au biome des Lasius demeure à confirmer par de nouveaux inventaires dans des territoires peu perturbés par intervention humaine. Le cas de L. pallitarsis s’avère intéressant : espèce considérée d’abord comme forestière (Francœur, 1966, Wilson, 1955), elle s’adapte extraordinairement bien aux milieux ouverts aménagés comme les pelouses et les jardins (Francœur, 2000b). Elle prolifère à la pointe de Penouille (parc Forillon, Gaspé) dans un peuplement ouvert d’épinettes poussant sur un sol sablonneux (Francœur, 1981a). Elle affiche donc une valence écologique remarquable. Il reste 11 autres espèces qui proviennent uniquement de milieux de transition (T) ou modifiés par l’humain (A). Ces fourmis appartiennent au biome de la forêt décidue et, en conséquence, ne sont pas incluses dans la faune boréale. Au total, on peut conclure que la myrmécofaune caractéristique de la forêt boréale du Québec se compose de 28 espèces seulement (tableau 4). Une pauvreté typiquement nordique, de climat froid, par rapport aux zones plus méridionales. Phénomène général bien connu, l’axe sud-nord de réduction du nombre d’espèces apparaît aussi nettement pour cette faune particulière. Les habitats Les fourmis occupent tous les milieux terrestres, plus ou moins intensivement, à l’exception de la toundra (Francœur, 1983 ; Hölldobler et Wilson, 1990). En zone boréale, elles préfèrent les habitats partiellement ou totalement ouverts. Elles sont peu présentes en forêt très fermée, car la quantité d’énergie radiante disponible au niveau du sol représente un facteur limitant déterminant (Brown, 1973 ; Punttila et al., 1994b). On rencontre principalement Camponotus herculeanus et Myrmica alaskensis dans les forêts fermées. Les bordures de lacs et de rivières sont mieux peuplées. Les espèces des quatre genres dominants préfèrent globalement les milieux avec litière sur sol minéral et une végétation à dominance arborescente. Les arbustaies denses sont peu fréquentées, de même que les palses (tertres composés d’une couche de tourbe ayant un noyau pergélisolé sur sol minéral). Certaines, comme Formica neorufibarbis (surtout la forme toundra – Francœur, 1973) et Leptothorax acervorum (Francœur, 1983), peuvent prospérer dans des milieux partiellement dénudés, sur sable ou rocaille. La pessière à cladonie du sud, particulièrement dans le parc des Grands-Jardins et sur la Côte-Nord, abrite plusieurs espèces dont des formes parasites très singulières telles que Formicoxenus quebecencis, Myrmica lampra et M. quebecencis (Béique et Francœur, 1966 et 1968 ; Francœur, 1968 et 1981b ; Francœur et al., 1985). Les tourbières ombrotrophes de la Sagamie, dans les phases d’afforestation (établissement des arbres) de leur succession écologique, se distinguent par la présence de Formica dakotensis, Leptothorax sphagnicolus et Myrmica lobifrons; elles disparaissent du biotope au stade climacique (données inédites; Francœur, 1986 ; Francœur et Pépin, 1975 et 1978). Les pinèdes à pin gris abritent la plupart des espèces rares et quelques espèces dites de transition de la zone sud et de la Sagamie (Francœur et Jobin, 1968), alors que les pinèdes à pin rouge recèlent plusieurs espèces de transition comme Myrmica nearctica et Stenamma diecki (une espèce caractéristique de l’érablière laurentienne avec Lasius pallitarsis, Francœur, 1966). LE NATURALISTE CANADIEN, VOL. 125 No 3 AUTOMNE 2001 111 ANDRÉ FRANCŒUR – UQAC Influences sur le milieu Le plus souvent, les fourmis construisent leur nid soit dans le sol minéral (sable, limon, argile, terre), soit dans la matière organique morte ou vivante (bois, litière, mousse), soit dans les deux à la fois. Elles utilisent aussi l’espace sous les roches et peuvent creuser des matériaux produits par l’homme : carton, « polystyrène », planche, etc. Elles accumulent des débris organiques (feuilles, brindilles) autour de divers objets (troncs, souches, roches, éléments artificiels, etc.) ou en font des monticules. Lorsqu’ils sont ramenés en surface, les déblais de creusage du sol minéral peuvent prendre la forme de cratères (typique de Lasius neoniger), de grande plage ou de monticule (figures 1 à 6). Par leurs activités de construction et d’aménagement, les fourmis contribuent à aérer et à régénérer les sols, ainsi qu’à accélérer le processus de décomposition de la matière ligneuse en la réduisant en fines particules (Béique et Francœur, 1968 ; Petal, 1978). Elles influencent localement les caractéristiques chimiques des sols, la structure de la végétation et la croissance des arbres (Lesica et Kannowski, 1998 ; Huxley et Cutler, 1991). Les fourmis, en particulier des genres Camponotus et Formica, servent de nourriture à des oiseaux, comme les pics, et aux ours (Francœur, 1997 ; Gösswald, 1990). Des espèces, telle Formica podzolica, favorisent la dispersion d’espèces végétales par l’utilisation de leurs graines (Buckley, 1982 ; Francœur, 1973 ; Hölldobler et Wilson, 1990). La présence et l’abondance de fourmis, comme Lasius neoniger et Tapinoma sessile, peuvent servir d’indicateurs de l’état des milieux dont la végétation se dégrade sous l’impact des activités humaines (données inédites, Francœur et Jobin, 1968). I N S E C T E S Figure 1 Cratères de sable construits par Lasius neoniger. ANDRÉ FRANCŒUR – UQAC L E S Figure 2. Coupe transversale dans des galeries-boulevards construites par Formica podzolica dans la base minérale d’un parterre de mousses, parc des Grands-Jardins. 1. Naturelles Comme la majorité des espèces demeurent associées presque exclusivement à la surface du sol (litière, pièces de bois ou troncs debout), le feu apparaît comme leur principal ennemi : cause directe de mort, destruction des sites de nidification et des sources de nourriture (nectar des fleurs et arthropodes) (Punttila et al., 1994a). D’ailleurs, l’action récurrente du feu sur de grandes surfaces doit probablement influencer l’évolution du génome des espèces largement répandues, lesquelles présentent une importante variabilité comme c’est le cas en particulier pour les formes néarctiques associées traditionnellement à Leptothorax muscorum (Loiselle et al., 1990). Elles ne survivent pas aux inondations prolongées qui peuvent suivre des tempêtes importantes ou la fonte des neiges au printemps. 112 LA SOCIÉTÉ PROVANCHER D’HISTOIRE NATURELLE DU CANADA ANDRÉ FRANCŒUR – UQAC Effets des perturbations Figure 3. Nid des types de Formica podzolica dans la réserve faunique des Laurentides. L E S I N S E C T E S ANDRÉ FRANCŒUR – UQAC Figure 4. Immense plage de sable édifiée par Formica subsericea, un mois après déforestation et brûlage de la végétation d’une pinède à pin gris pour établir une bleuetière expérimentale, à Saint-Léon-de-Labrecque. Figure 5. Tronc mort abritant une colonie de Formica whymperi qui l’a recouvert de feuilles mortes de comptonie, dans la bleuetière commerciale de Sainte-Jeanne-d’Arc. ANDRÉ FRANCŒUR – UQAC 2. Anthropiques L’exploitation intensive des forêts, en particulier la coupe à blanc, bouleverse et déstabilise les myrmécocénoses naturelles, en réduit la diversité, et désoriente les individus (Punttila et al., 1994a). La source principale de nourriture l’été, le miellat de pucerons, disparaît en même temps que les arbres. Les caractéristiques des colonies et l’abondance des espèces changent dans les forêts dégradées ou transformées par les activités humaines (Petal, 1994). Les coupes par bandes semblent causer moins de pertubation à la diversité des espèces, mais cela reste à démontrer à long terme (Jennings et al., 1986). Les longs corridors créés pour le passage des lignes électriques dans des massifs forestiers denses constituent des milieux ouverts nouveaux qui devraient favoriser une augmentation de la biodiversité locale. Un biotope ayant perdu ses arbres favorisera un assemblage d’espèces de fourmis quelque peu différent, lequel sera ensuite perturbé par le retour progressif du couvert forestier. La présence de bois mort peut accélérer le retour des espèces lignicoles. Le cycle de la succession des espèces apparaît différent dans les forêts naturelles de celui observé dans les forêts aménagées (Punttila et al., 1994b). Le cortège des espèces esclavagistes ou parasites s’installe progressivement une fois que les colonies des espèces hôtes ont atteint une grande abondance. Une mozaïque de peuplements d’âges et de types variés favorise la diversité (Punttila et al., 1994b). Les perturbations de l’habitat entraînent automatiquement des bouleversements dans l’équilibre des populations de la faune qu’il abrite. Cependant, on ne connaît pas leurs effets à long terme sur les biocénoses de fourmis. ANDRÉ FRANCŒUR – UQAC Les espèces qui nichent en profondeur dans le sol peuvent résister à des feux relativement sévères (figure 4). Le manque de nourriture résultant de la destruction de l’entomofaune devient alors un facteur critique pour leur survie (Punttila et al., 1994a). Remerciements Madame Valérie Bilodeau a contribué à la compilation des données dans le cadre d’un mémoire de fin d’études. Le montage et l’étiquetage des spécimens furent réalisés principalement par madame Myriam Tremblay. La plupart des récoltes sur le terrain ont été rendues possibles par des subventions du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et par la Fondation de l’UQAC. Figure 6. Plage de feuilles mortes rassemblées autour d’une souche par Formica subsericea. LE NATURALISTE CANADIEN, VOL. 125 No 3 AUTOMNE 2001 113 L E S I N S E C T E S Références BÉIQUE, R. et A. FRANCŒUR, 1966. Les fourmis d’une pessière à Cladonia. Le Naturaliste canadien, 93: 99-106. BÉIQUE, R. et A. FRANCŒUR, 1968. Les fourmis de la pessière à Cladonia. 2. Étude quantitative d’une pessière naturelle. Revue d’écologie et de biologie du sol, 5 : 523-531. BROWN, W.L., 1973. A comparaison of the Hylean and Congo-West African rain forest ant fauna, p. 161-185. In B.J. Meggers, E.S. Ayensu et W.D. Duckworth (eds.). Tropical Forest Ecosystems in Africa and South America : a Comparative Review. Smithsonian Institution Press, Washington. BUCKLEY, R.C., 1982. Ant-plant interactions: a world review, p. 111-141. In R.C. Buckley (Ed.). Ant-plant interactions in Australia. W. Junk, The Hague. COLLINGWOOD, C.A., 1979. The Formicidae (Hymenoptera) of Fennoscandia and Denmark. 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