Guide de l’élève Le Gyrobus refait surface Olivier Tardif-Paradis Alexandre April Mathieu Riopel Cégep Garneau En 1950, Gyrobus à une station de recharge dans les rues d’Yverdon, Suisse. Source : Maschinenfabrik Oerlikon via Proactiva.eu. Le Gyrobus refait surface Contexte Dans un monde où l’épuisement des ressources planétaires, tant énergétiques que matérielles, est bien réel, le développement durable du transport des personnes passe par des transports en commun beaucoup plus développés qu’aujourd’hui. Les véhicules tout électriques sont idéaux pour la qualité de vie, car ils n’émettent pas de pollution et ne font que peu de bruit. Déjà, les métros, les tramways et les trolleybus1 sont en fonction dans plusieurs villes, mais les autobus à essence demeurent une composante très importante des transports en commun urbains. L’idéal serait un véhicule libre de son itinéraire, silencieux, sans odeur et qui aurait recours à l’hydroélectricité québécoise plutôt qu’au pétrole que l’on doit importer à grands frais. Or, l’histoire nous donne une leçon, car il y a plus d’un demi-siècle, on avait déjà inventé un tel autobus. En 1950, dans la ville de Yverdon en Suisse, on a mis en service un autobus entièrement électrique, appelé Gyrobus par la compagnie Oerlikon (gyro signifie « cercle » en grec). Contrairement au tramway ou au trolleybus, le Gyrobus n’avait pas besoin de lignes de contact ni de rails, et, pourtant, ce véhicule roulait à l’électricité et n’utilisait pas de batterie. Pour emmagasiner l’énergie et ainsi lui conférer une certaine autonomie, on utilisait un volant d’inertie mis en rotation rapide. Un volant d’inertie est un objet, à l’intérieur du Gyrobus, que l’on fait tourner à très haute vitesse angulaire : on emmagasine ainsi de l’énergie sous forme d’énergie cinétique de rotation, laquelle peut ensuite être utilisée pour mettre en mouvement le véhicule. Avec ce projet novateur, qui a attiré des curieux du monde entier, on se permettait de rêver de s’affranchir du carburant fossile. Trois ans plus tard, après des débuts enthousiastes, l’optimisme initial s’est éteint, et, ce, pour plusieurs raisons : l’itinéraire était contesté à cause d’un manque d’autonomie, le temps d’attente aux arrêts pour recharger le volant était trop long et le risque d’être à court d’énergie entre les stations lors de bouchons de circulation était trop grand. En s’inspirant des idées du passé et en évitant les erreurs déjà commises, on vous demande de réaliser une étude de faisabilité dans le but d’évaluer la viabilité d’un projet d’autobus de type « Gyrobus » pour la Ville de Québec. Fig. 1 Source : Alexandre April Sur la figure 1 ci-dessus, on a représenté un autobus de type Gyrobus immobilisé et relié à la station de recharge. Pour obtenir une puissance de traction à partir du volant d’inertie, une machine électrique, pouvant fonctionner en mode moteur ou en mode générateur, convertit l’énergie cinétique en énergie électrique (mode générateur) qui alimente ensuite une autre machine électrique, cette fois-ci connectée sur les roues du Gyrobus en mode moteur. 1 Le trolleybus est un véhicule de transport en commun électrique. Semblable à un autobus, le trolleybus diffère de celui-ci du fait qu’il reçoit l’énergie électrique par des lignes aériennes de contact. APP/Guide de l’élève/Le Gyrobus refait surface 2 Cahier des charges de la Ville de Québec Capacité de l’autobus et informations sur la ligne En tant que concepteur, on doit respecter la liste de demandes de la Ville de Québec énumérées dans un document que l’on appelle « cahier des charges ». Celui d’un autobus électrique autonome à volant d'inertie peut être établi par analogie à celui d’un véhicule conventionnel. Ainsi, il transportera 90 passagers sur la ligne de Métrobus de la ville de Québec (ligne 800-801) qui relie le centre-ville de Québec et la pointe de Sainte-Foy. La masse totale de l’autobus, en incluant les passagers, est de 17 tonnes. Fig. 2 – Plan technique du Gyrobus de 1950 développé par la compagnie Oerlikon. L'énergie nécessaire pour effectuer ce parcours avec un autobus dépend de nombreux paramètres tels que Source : Maschinenfabrik Oerlikon via Proactiva.eu la vitesse maximale (60 km/h), l'accélération maximale (1,2 m/s2) et le trafic rencontré. Pour un autobus à volant d’inertie, sur une route qui serait sans dénivellation, le travail effectué par les forces non conservatives (frottement, résistance de l’air, pertes lors des arrêts et des départs, etc.) pour parcourir un kilomètre où le trafic est « normal » est de 4,17 kWh/km et, pour un kilomètre où le trafic est « encombré », le travail engendré par ces forces non conservatives est de 5,10 kWh/km. Pour une utilisation normale de l’autobus, même lorsqu’il est au repos, le volant d’inertie de l’autobus doit tourner à une vitesse angulaire supérieure à 2100 tr/min; en effet, en dessous de cette valeur, la capacité de traction de l’autobus est trop faible. Dimensions du volant d’inertie Le volant d’inertie présente une masse totale de 1,5 tonne et un diamètre maximal de 1,6 m. L’espace pour le volant d’inertie est limité et impose les dimensions représentées à la figure 3. Fig. 3 – (a) Volant d’inertie en acier constitué de deux cylindres pleins, ici numérotés 1 et 2, et d’un cylindre creux, numéroté 3. (b) Vue en coupe avec les différentes portions du volant d’inertie. Source : Alexandre April Les valeurs des dimensions et des masses des différentes portions du volant d’inertie sont les suivantes : diamètre du cylindre plein supérieur : D1 = 0,30 m diamètre du cylindre plein inférieur : D2 = 1,4 m épaisseur du cylindre creux : e = 0,1 m masse du cylindre plein supérieur : m1 = 200 kg masse du cylindre plein inférieur : m2 = 600 kg masse du cylindre creux : m3 = 700 kg APP/Guide de l’élève/Le Gyrobus refait surface 3 Cycle en trois étapes Énumérez toutes les informations pertinentes que vous avez recueillies en lisant le problème. D’après ces informations, indiquez ce que vous devez savoir pour le résoudre. À mesure que vous découvrez de nouvelles informations, vous voudrez résumer et mettre à jour les informations pertinentes que vous avez recueillies et poser de nouvelles questions. Énumérez les éléments suivants : Ce que nous savons À déterminer APP/Guide de l’élève/Le Gyrobus refait surface Résumé 4 1. Autonomie de l’autobus Trajet entre le centre-ville de Québec et la pointe de Sainte-Foy L’autobus de type Gyrobus à concevoir doit être en mesure de parcourir le trajet de Métrobus 800-801 de la ville de Québec sans recharge possible le long du parcours. Les stations de recharge se trouvent aux extrémités de la ligne d’autobus et ont une puissance de recharge de 50 kW. La station de départ se trouve dans le stationnement Dorchester, situé au centre-ville de Québec, et la station d’arrivée se trouve sur la rue Marly, en face de Revenu Québec, qui est située à la pointe de Sainte-Foy. Cette ligne couvre une distance de 13,8 km entre les stations de recharge. Le trajet de l’autobus se fait sur un terrain plat, sauf dans son premier segment (sur la côte d’Abraham), lequel a une dénivellation de 50 m. Fig. 4 – Itinéraire schématisé du trajet de Métrobus de la ville de Québec Source : Alexandre April Questions 1) Énoncez le principe de la conservation de l’énergie. 2) Quelles sont les formes d’énergie présentes lors du trajet d’autobus du parcours 800-801? 3) De façon générale, quelle relation mathématique lie l’énergie cinétique de rotation d’un corps rigide, sa vitesse angulaire et son moment d’inertie? APP/Guide de l’élève/Le Gyrobus refait surface 5 4) Quelle est la valeur du moment d’inertie du volant d’inertie? 5) On considère que l’autobus est à l’arrêt au départ et à la fin du trajet. Quelle devrait être la vitesse de rotation minimale du volant d’inertie à la station de départ si on considère une circulation « encombrée » sur l’ensemble du parcours du Métrobus? Indice : l’autobus doit atteindre la station d’arrivée avec un volant d’inertie qui tourne à la vitesse minimale de rotation requise. 6) De façon générale, quelle est la relation mathématique entre l’énergie et la puissance mécanique moyenne? 7) La recharge du volant d’inertie commence dès l’arrivée de l’autobus au terminus de la rue Marly. Quel est le temps de recharge, en heures, si la vitesse angulaire du volant d’inertie à l’arrivée de l’autobus correspond à la vitesse angulaire minimale permise pour le bon fonctionnement de l’autobus? APP/Guide de l’élève/Le Gyrobus refait surface 6 2. Puissance maximale Côte d’Abraham Il y a une différence entre l’énergie nécessaire pour l’autonomie de l’autobus et la puissance nécessaire pour exercer un travail durant un intervalle de temps relativement court. L’endroit sur le trajet où l’autobus devra générer une puissance maximale est lorsqu’il montera la côte d’Abraham. Cette côte, relativement abrupte, qui s’étend sur une distance de plusieurs centaines de mètres, a une pente de 10 %. Pour des raisons de sécurité, la Ville de Québec souhaite avoir un autobus ayant une puissance Fig. 5 – Autobus du réseau de transport de la Capitale maximale inférieure à 900 kW. (RTC) montant la côte d'Abraham. Source : Métrobus dans la Côte d'Abraham. Christian Landry (Wikimedia Commons). Cette œuvre est sous licence Creative Commons Attribution - Partage dans les Mêmes Conditions 3.0 non transposé. Le saviez-vous? Qu’entend-on par une pente de 10 %? Représentons la côte à l’aide d’un triangle rectangle abc (voir la figure ci-dessous). Dans le cas de la côte d’Abraham, le côté a du triangle rectangle correspond au dénivelé de 50 m tandis que la distance horizontale b est de 500 m. Si nous calculons le rapport entre a et b (a/b = tan), nous obtenons 50/500 = 10/100, ce qui correspond à 10 %. Ainsi, on comprend que la valeur du pourcentage d’une pente est en lien avec l’angle de la pente par l’entremise de la tangente de cet angle : tan = pourcentage de la pente c q a b Fig. 6 Étant donné que le bas de la côte se trouve pratiquement à la station de départ (le stationnement Dorchester), on considère que l’autobus possède une vitesse initiale nulle en bas de la côte. Lors de la montée de la côte, on considère que l’accélération de l’autobus est constante jusqu’à l’atteinte de la vitesse maximale de l’autobus. Ensuite, la vitesse maximale est maintenue jusqu’au sommet de la côte. Dans cette situation, on considère un trafic « normal ». APP/Guide de l’élève/Le Gyrobus refait surface 7 Questions 8) Quel est le lien entre « le travail par unité de longueur effectué par les forces non conservatives » mentionné dans le cahier des charges et la « grandeur de la force de frottement moyenne » que l’autobus doit vaincre pour avancer? 9) Faites le diagramme des forces de l’autobus lorsqu’il monte la côte d’Abraham. 10) Quelle est la relation mathématique qui lie la force, la vitesse et la puissance mécanique instantanée? 11) Dans la côte d’Abraham, à quel moment l’autobus déploiera-t-il la plus grande puissance? Quelle sera alors la valeur de cette puissance maximale? APP/Guide de l’élève/Le Gyrobus refait surface 8 3. Pertes dans le volant d’inertie Frottement dans le volant d’inertie Jusqu’à présent, nous ne savons pas quelle proportion de puissance de l’autobus est dissipée par frottement dans le volant d’inertie en mouvement. Malgré les stratégies imaginées par les ingénieurs pour diminuer les pertes liées au frottement du volant d’inertie, les pertes par frottement sont toujours présentes. La question est de savoir si ce frottement influence de manière notable les performances de l’autobus. Pour répondre à cette question, on doit réaliser un test « à vide » qui consiste à donner au volant d’inertie l’énergie cinétique maximale au départ et ensuite de le laisser tourner sans influence extérieure autre que le frottement. Le cahier des charges de la ville impose que le test « à vide » dure 10 heures avant que le volant d’inertie n’atteigne la vitesse de rotation minimale permise pour le bon fonctionnement de l’autobus. On suppose que la décélération du volant d’inertie est constante et que le frottement est indépendant de la vitesse de rotation. Fig. 7 – Volant d’inertie du Gyrobus de 1950. L’accumulateur d’énergie est un volant d’inertie tournant à haute vitesse dans une enveloppe fermée et scellée. Pour réduire la résistance aérodynamique du volant d’inertie, l’enveloppe est remplie avec de l’hydrogène sous pression réduite. Source : Kamm, P.,Der Trolleybus in Zürich, Musée du tram de Zurich, 2007. Tous droits réservés. Cette image ne peut pas être reproduite ou modifiée sans l'autorisation expresse du Musée du tram de Zurich. APP/Guide de l’élève/Le Gyrobus refait surface 9 Questions 12) Calculez le moment de force de frottement du volant d’inertie. Indice : dans votre démarche, utilisez la deuxième loi de Newton appliquée à la rotation. 13) Quelle est la relation mathématique entre la puissance de rotation instantanée et le moment de force? Quelle est la valeur maximale de la puissance instantanée dissipée par le frottement? Selon le cahier des charges de la ville de Québec, si le rapport entre la puissance maximale dissipée lors du test « à vide » et la puissance maximale de l’autobus calculée précédemment est de moins de 2 %, alors on peut considérer que la puissance dissipée par frottement à l’intérieur du volant d’inertie est négligeable. 14) La puissance dissipée par frottement à l’intérieur du volant d’inertie est-elle négligeable? APP/Guide de l’élève/Le Gyrobus refait surface 10 4. Faisabilité du projet Vos conclusions Selon vous, le projet de l’autobus électrique à volant d’inertie pour la ville de Québec est-il faisable, si on tient compte des différentes analyses : autonomie, puissance maximale et pertes dans le volant d’inertie de l’autobus? Le cas échéant, que faudrait-il améliorer pour rendre le projet viable? APP/Guide de l’élève/Le Gyrobus refait surface 11