Patrick VAUDON : Principe de moindre action. Université de Limoges – laboratoire Xlim 55 VI Principe de moindre action et électromagnétisme (2) Le principe de moindre action ayant montré son aptitude à décrire les équations de MAXWELL dans le vide, on s’intéresse désormais à la possibilité de décrire l’interaction entre le champ électromagnétique et des charges en mouvement. Cela concerne essentiellement deux types de situations : - Le champ électromagnétique est imposé, et on souhaite déterminer le mouvement des charges qui subissent ce champ. - Le mouvement des charges est imposé, et on cherche à établir la relation entre le mouvement de ces charges et le champ qui est généré. I - Force exercée par un champ électromagnétique sur des charges en mouvement. L’expression de cette force a été établie par LORENTZ, et on se propose de montrer qu’elle peut être déduite du principe de moindre action. Une particule de charge q, placée dans un champ électromagnétique, est soumise à une force : ( r r r r F = q E + vΛB ) (VI-1) La partie délicate consiste, comme d’habitude, à établir l’expression du lagrangien qui traduit cette interaction entre le champ et les charges, que nous nommerons lagrangien d’interaction électromagnétique. De manière générale, on a vu dans la partie mécanique, que lorsque les forces dérivent d’un potentiel généralisé au sens des équations de LAGRANGE, elles peuvent se mettre sous la forme : Fi = ∂L(qi, q& i, t ) d ∂L(q i, q& i, t ) − ∂qi dt ∂q& i (VI-2) Patrick VAUDON : Principe de moindre action. Université de Limoges – laboratoire Xlim 56 où les qi sont les coordonnées ( attention : aucun rapport avec la charge q), et les Fi les composantes de force associées à chacune de ces coordonnées. On peut proposer une écriture vectorielle de cette relation qui permettra par la suite de donner une notation plus concise des relations obtenues : r r r ∂L( rr , vr , t ) ∂L( r , v, t ) r r − d F= ∂r dt ∂v (VI-3) r r où on a posé v = r& . Nous allons montrer, dans un raisonnement heuristique, que la force de LORENTZ peut être déduite d’un potentiel généralisé (VI-2,3) à l’aide du principe de moindre action. Il s’agit d’un potentiel généralisé, car il dépend de la vitesse de la particule alors que les potentiels classiques de la mécanique n’en dépendent pas. La dépendance en fonction de la vitesse ne signifie pas, dans ce cas particulier, que l’énergie potentielle va augmenter où diminuer en fonction de la vitesse de la particule ; elle signifie qu’elle est à l’origine d’une force orthogonale au vecteur vitesse, et qui va donc modifier cette trajectoire sans modifier l’énergie totale du système. Les champs électromagnétiques sont reliés au potentiel scalaire ϕ et potentiel vecteur r A par les relations : r r r B = ∇ΛA (VI-4) r r r ∂A E = −∇.ϕ − ∂t (VI-5) Lorsqu’une charge est accélérée par une différence de potentiel, nous savons que l’énergie potentielle d’interaction électromagnétique qui se transforme en énergie cinétique est de la forme qϕ (produit de la charge par le potentiel scalaire). Puisque le lagrangien chargé de traduire ces échanges est défini comme une énergie cinétique moins une énergie potentielle, on devra nécessairement retrouver dans le lagrangien d’interaction électromagnétique, le terme relatif au potentiel scalaire : Lϕ = - q ϕ (VI-6) Il reste à déterminer le terme du lagrangien d’interaction électromagnétique qui, sans contribuer à un apport d’énergie cinétique, va contribuer à une modification de la trajectoire, comme cela se produit pour une charge en mouvement dans un champ magnétique : on peut supposer que ce terme est une fonction du potentiel vecteur. Pour avancer dans cette démarche, on réécrit la force de LORENTZ en fonction des potentiels scalaires et vecteurs définis dans les relations (VI-4) et (VI-5) ci-dessus : r r r r r r ∂ A F = q − ∇.ϕ − + vΛ ∇ΛA ∂t ( ) On développe le double produit vectoriel : (VI-7) Patrick VAUDON : Principe de moindre action. Université de Limoges – laboratoire Xlim 57 r r r r r r r r r F = q − ∇.ϕ − ∂A + ∇. v.A − A. ∇.v ∂t ( ( ) ( )) (VI-8) On regroupe les termes qui permettent de mettre le gradient en facteur : r r r r r r r r r r r r r r r r ∂ A ∂ A F = q − − A. ∇.v + q − ∇.ϕ + ∇. v.A = q − − A. ∇.v + q∇ − ϕ + v.A ∂t ∂t (VI-9) On cherche maintenant à se rapprocher de manière empirique, de l’expression de la force déduite du principe de moindre action (VI-2, VI-3). On note d’abord que la fonction gradient correspond ici à la dérivation par rapport au vecteur position, si bien que la relation ci-dessus peut-être réécrite sous la forme : ( ) ( ( )) ( ) ( r r r r r r r F = q − ∂A − A. ∇.v + q ∂r − ϕ + v.A ∂r ∂t ( ) ( ( )) ( )) (VI-10) Si on souhaite se rapprocher de la forme (VI-3) rappelée pour mémoire : r r r ∂L( rr , vr , t ) ∂L( r , v, t ) d r r F= − dt ∂v ∂r alors l’expression électromagnétique : ( suivante (VI-11) peut être candidate ( )) r r L = q − ϕ + v.A pour le lagrangien d’interaction (VI-12) Il reste à vérifier que cette proposition de lagrangien introduite dans l’équation de LAGRANGE (VI-11) redonne bien la force de LORENTZ (VI-10) On calcule séparément : ( ) r r d ∂L d d A r = qA = q dt ∂v dt dt ( ) (VI-13) De la différentielle totale : r r r r r ∂ A ∂ A ∂ A ∂ A dA = dt + dx + dy + dz ∂t ∂x ∂y ∂z (VI-14) on déduit : r r r r r r r r dA = ∂A + ∂A dx + ∂A dy + ∂A dz = ∂A + A. ∇.vr dt ∂t ∂x dt ∂y dt ∂z dt ∂t ( ) En reportant ce résultat dans (VI-13), on obtient : (VI-15) Patrick VAUDON : Principe de moindre action. Université de Limoges – laboratoire Xlim ( ) 58 r r r r d ∂L ∂ A r = q + A. ∇.v dt ∂v ∂t ( ) (VI-16) ce qui achève la vérification proposée. En résumé, la force de LORENTZ vérifie l’équation de LAGRANGE avec le lagrangien d’interaction électromagnétique défini en (VI-12), soit donc : { ( ( ))} + q ∂∂rr (− ϕ + (vr.Ar )) = − dtd ∂∂r&r (− ϕ + (vr.Ar )) + q ∂∂rr (− ϕ + (vr.Ar )) r r r F = − d ∂r − ϕ + v.A dt ∂v (VI-17) Si on s’intéresse au mouvement d’une particule chargée de masse m dans un champ électromagnétique, suivant le principe de moindre action, on va chercher à minimiser les échanges entre l’énergie cinétique et l’énergie potentielle d’interaction électromagnétique, et on posera : ( ( )) 2 r r L = −mc2 1 − v2 + q − ϕ + v.A c (VI-18) qui se réduit pour des vitesses non relativistes de la particule au lagrangien équivalent à une constante près : ( ( )) r r L = 1 mv2 + q − ϕ + v.A 2 (VI-19) En appliquant la condition de LAGRANGE aux variables spatiales et temporelles : ( ) ( ) r r r r r r ∂L r − d ∂L r = F − m dv = q E + vΛB − m dv = 0 ∂r dt ∂v dt dt (VI-20) on obtient la relation fondamentale de la dynamique relativement à la force de LORENTZ, ce qui assure une cohérence complète avec la mécanique classique. En mécanique relativiste, l’impulsion d’une particule de masse au repos m est donnée par : r p= r mv 2 1 − v2 c (VI-21) tandis que son énergie totale Em s’exprime sous la forme : Em = mc2 2 1 − v2 c (VI-22) d’où on déduit la relation relativiste qui relie l’énergie, l’impulsion et la masse au repos : Patrick VAUDON : Principe de moindre action. Université de Limoges – laboratoire Xlim E 2m = m2c4 + p 2c2 59 (VI-23) Lorsque cette particule est plongée dans un champ électromagnétique, on peut lui attribuer le lagrangien : ( ( )) 2 r r L = −mc2 1 − v2 + q − ϕ + v.A c (VI-24) La quantité : r r ∂L r = p + qA ∂v (VI-25) ne représente pas seulement l’impulsion, puisqu’on trouve un terme additionnel qui est fonction du potentiel vecteur. De même, l’énergie totale ET de la particule n’est plus seulement son énergie relativiste : on doit lui ajouter la part de l’énergie potentielle d’interaction qui peut se transformer en énergie cinétique : ET = E m + qϕ (VI-26) Des modifications (VI-25,26), on peut réécrire la relation (VI-23) relative à l’énergie relativiste dans un champ électromagnétique : (ET ( ) r 2 2 r − qA − qϕ ) = m 2c4 + ∂L ∂v (VI-27) II - Equations de MAXWELL en présence de charges et de courants Le paragraphe précédent a montré que le lagrangien relatif à une charge placée dans un potentiel électromagnétique : ( ( )) r r L = q − ϕ + v.A (VI-28) permettait une description cohérente de l’interaction du champ électromagnétique avec cette charge lorsque les champs électromagnétiques sont imposés. L’interaction qui a été analysée et décrite par ce lagrangien est celle de l’influence du champ sur le mouvement de la charge : pour fixer les idées, on peut imaginer une onde électromagnétique qui tombe sur une antenne filaire et qui met les charges en mouvement. On peut s’interroger sur l’aptitude de ce lagrangien à décrire une autre interaction possible, c’est à dire celle du mouvement de la charge sur le champ électromagnétique qui est généré. Pour fixer les idées, on peut accélérer des charges dans une antenne filaire par une ddp adéquate, et on souhaite connaître le champ électromagnétique rayonné. Si nous construisons une physique cohérente, le même lagrangien doit être en mesure de décrire ces interactions réciproques. Patrick VAUDON : Principe de moindre action. Université de Limoges – laboratoire Xlim 60 Dans le premier cas, les potentiels sont imposés, et on recherche l’action stationnaire en faisant varier la trajectoire de la particule. Dans le second cas, la trajectoire de la particule est imposée, et on doit donc rechercher l’action stationnaire en faisant varier les potentiels. Des potentiels qui rendent l’action stationnaire, on déduira les charges et les courants qui sont à l’origine des champs électromagnétiques rayonnés. On doit donc retrouver de cette manière les équations de MAXWELL en présence de charges et de courants. Le lagrangien électromagnétique général est obtenu en écrivant que l’on va minimiser les échanges d’énergie entre l’énergie potentielle d’interaction électromagnétique de la charge, et une énergie électromagnétique du champ généré, déjà minimisée dans ses échanges électriques et magnétiques (pour rester cohérent avec les résultats obtenus dans le vide), soit donc : ( ( )) ∫∫∫ (12 ε E r r L = q − ϕ + v.A + 0 Ω 2 ) − 1 µ 0 H 2 dΩ 2 (VI-29) Afin d’homogénéiser cette expression, on considère que la charge q est répartie dans le volume Ω avec une densité ρ, ce qui conduit à la formulation suivante : L= (VI-30) ) (VI-31) 2 − 1 µ 0 H 2 dΩ 2 ∫∫∫ (− ρϕ + (J.A ))dΩ + ∫∫∫ (12 ε E 2 − 1 µ 0 H 2 dΩ 2 r r 0 Ω L= ) ∫∫∫ ρ(− ϕ + (v.A ))dΩ + ∫∫∫ (12 ε E Ω r r 0 Ω Ω r dans laquelle J représente la densité volumique de courant. On en déduit la densité volumique lagrangienne électromagnétique en présence de charges et de courants : ( ) ( r r ∆L = − ρϕ + J.A + 1 ε0E 2 − 1 µ0H 2 2 2 ) (VI-32) Les termes qui contiennent la densité volumique d’énergie électromagnétique ont été analysé en détail dans le chapitre précédent : ils conduisent aux équations de MAXWELL dans le vide. Il reste à vérifier si le principe de moindre action, appliqué aux charges et courant de la densité lagrangienne électromagnétique (VI-32), introduit correctement les effets des charges et courants dans ces équations. Pour effectuer cette vérification, on applique les relations de LAGRANGE aux potentiels, tels qu’elles ont été élaborées au chapitre précédent, soit : ∂∆L − ∂ ∂∆L − ∂ ∂∆L − ∂ ∂∆L − ∂ ∂∆L = 0 ∂A j ∂t ∂ ∂A j ∂x ∂ ∂A j ∂y ∂A j ∂z ∂ ∂A j ∂t ∂x ∂z ∂ ∂y (VI-33) Patrick VAUDON : Principe de moindre action. Université de Limoges – laboratoire Xlim 61 Puisque le détail de l’étude en espace libre, c’est à dire sans charges ni courants, a été effectué au chapitre précédent, nous restreignons momentanément nos calculs à la densité lagrangienne d’interaction électromagnétique introduite à l’aide de la force de LORENTZ, soit explicitement : ( ) r r ∆Lp = − ρϕ + J.A = −ρϕ + J x A x + J yA y + J z A z (VI-34) pour j = 0 : tous les termes sont nuls sauf le premier : ∂∆Lp ∂∆Lp ∂∆Lp ∂∆Lp ∂∆Lp ∂ ∂ ∂ ∂ = −ρc − − − − ∂(ϕ / c ) ∂t ∂(ϕ / c ) ∂x ∂(ϕ / c ) ∂y ∂(ϕ / c ) ∂z ∂(ϕ / c ) ∂ ∂t ∂ ∂x ∂ ∂z ∂ ∂y (VI-35) Ce terme se rajoute à la relation obtenue au chapitre précédent pour l’espace libre (V51), ce qui donne en présence de charges et de courants : r r cε0∇.E − ρc = 0 (VI-36) soit encore : r r ρ ∇.E = ε0 (VI-37) On reconnaît l’équation de MAXWELL relative à la densité volumique de charges, ce qui conforte la cohérence du raisonnement qui a été construit autour du principe de moindre action. pour j = 1 : tous les termes sont nuls sauf le premier : ∂∆L − ∂ ∂∆L ∂A x ∂t ∂A x ∂ ∂t − ∂ ∂∆L ∂x ∂A x ∂ ∂x − ∂ ∂∆L ∂y ∂A x ∂ ∂y − ∂ ∂∆L ∂z ∂A x ∂ ∂z = J (VI-38) x Les lignes de calcul pour j = 2 et j = 3 ne sont pas reproduites car elles sont analogues à celles correspondant à j = 1. Par permutation circulaire des indices x, y et z, on obtient Jy et Jz. Ce terme se rajoute à la relation obtenue au chapitre précédent pour l’espace libre (V54, 55, 56), ce qui donne en présence de charges et de courants : − ε0 ∂By ∂B ∂E x + Jx = 0 + 1 z − ∂t µ0 ∂y ∂z (VI-39) Patrick VAUDON : Principe de moindre action. Université de Limoges – laboratoire Xlim 62 − ε0 ∂E y ∂Bz ∂B + 1 x − + Jy = 0 ∂t µ0 ∂z ∂x (VI-40) − ε0 ∂B ∂E Z ∂Bx + Jz = 0 + 1 y − ∂t µ0 ∂x ∂y (VI-41) Ces trois dernières relations (VI-39, 40, 41) déduites du principe de moindre action, peuvent être sommées et synthétisées sous la forme : r r r r ε0µ0 ∂E + µ0 J = ∇ΛB ∂t (VI-42) Nous venons d’obtenir la dernière équation de MAXWELL, en présence de charges et de courants, comme conséquence du principe de moindre action. III – Résumé et conclusion Le principe de moindre action, établi sur la base d’une minimisation des échanges énergétiques, permet de rendre compte des propriétés d’interactions des particules chargées avec le champ électromagnétique. Pour des particules chargées qui évoluent dans un champ électromagnétique imposé (les potentiels scalaire et vecteur sont une donnée du problème), l’énergie potentielle d’interaction électromagnétique se transforme en énergie cinétique, et le lagrangien qui traduit ces échanges est de la forme : ( ( )) 2 r r L = −mc2 1 − v2 + q − ϕ + v.A c (VI-43) L’application des équations de LAGRANGE sur les variables spatiales et temporelles de ce lagrangien permet de déterminer la force qui s’applique sur la particule, ainsi que sa trajectoire. Pour des particules dont le mouvement est imposé (la position et la vitesse de la particule sont une donnée du problème), l’énergie potentielle d’interaction se transforme en énergie électromagnétique, dont l’évolution entre énergie électrique et énergie magnétique est elle même régie par le principe de moindre action. La densité lagrangienne qui traduit ces échanges d’énergie est de la forme : ( ) ( r r ∆L = − ρϕ + J .A + 1 ε0E2 − 1 µ0H 2 2 2 ) (VI-44) L’application des équations de LAGRANGE sur les variables représentant le potentiel scalaire, et les composantes du potentiel vecteur, conduit aux équations de MAXWELL en présence de charges et de courant. On notera dans ces expressions le rôle particulier de l’énergie potentielle d’interaction électromagnétique et du lagrangien associé : Patrick VAUDON : Principe de moindre action. Université de Limoges – laboratoire Xlim ( 63 ( )) r r L = q − ϕ + v.A (VI-45) qui assure la cohérence à la fois vers une transformation en énergie mécanique (énergie cinétique) et une énergie électromagnétique transportée par l’onde générée. Pour une particule chargée de masse au repos m, où un système de particules chargées, les quantités lagrangiennes détaillées ci-dessus peuvent être regroupées pour définir un lagrangien général qui permet de retrouver à la fois le mouvement d’une particule chargée dans un champ électromagnétique et les équations de MAXWELL : ( ( )) ∫∫∫ (12 ε E 2 r r L = −mc2 1 − v2 + q − ϕ + v.A + c 0 Ω 2 ) − 1 µ0H 2 dΩ 2 (VI-46) Puisque le dernier terme ne dépend pas explicitement de la position et de la vitesse de la particule, il n’intervient pas dans les équations de LAGRANGE relatives à ces grandeurs qui permettent de déterminer la trajectoire de la particule. Puisque le premier terme ne dépend pas explicitement des potentiels, il n’intervient pas dans les équations de LAGRANGE relatives à ces grandeurs qui permettent de retrouver les équations de MAXWELL.