la tradition esthétique, Jean-Marie Schaeffer fournit des
instruments de réponse en décomposant les les différentes
approches possibles de l'oeuvre d'art, selon qu'on prend en
compte sa dimension générique, génétique, sémiotique,
fonctionnelle, institutionnelle ou évaluative : ainsi entend-il
"montrer que la pluralité sémantique est interne à
fondamental de toute théorie de l'art qu'est la notion
d'oeuvre d'art"(4).
On trouve par ailleurs chez Rainer Rochlitz une tentative
pour dégager des critères esthétiques objectifs, qui soient
valables dans la nouvelle situation créée par l'art
contemporain : c'est une triple contrainte de cohérence, de
pertinence et d'originalité qui paraît définir la légitimité
artistique - sans que le caractère très général de ces critères
paraisse d'un grand secours dès lors qu'il s'agit d'évaluer, en
critique d'art, telle ou telle production, et non plus de
dégager, en philosophe, des principes communs. Mais le
caractère abstrait, et donc à peu prè
s inapplicable, d'une telle
approche, est la conséquence inévitable d'un diagnostique
erroné : partant du principe que "Il n'y a pas de règle en soi
universelle en art; chaque artiste propose la sienne", le
discours de Rochlitz oscille entre la recherche d'une règle
universelle, d'une ontologie perdue de l'esthétique, et
l'utilisation désillusionnée d'un relativisme absolu, où l'art
ne serait plus soumis qu'à la pure liberté individuelle de
l'artiste, à la contingence, à l'émiettement des libres choix.
Or ce sont là deux extrêmes également illusoires au regard
du fonctionnement effectif du jugement esthétique : tant il
est vrai que les gens n'ont pas besoin d'un absolu, d'une
ontologie universelle pour prononcer des jugements sur les
oeuvres, tandis qu'à l'opposé les artistes n'évoluent
nullement dans un univers libéré des contraintes
d'acceptabilité (5).
Ces investigations prennent le relais de différent travaux
anglo-saxons, qui tentent de fournir des réponses
philosophiques à la mise en question de l'esthétique par les
différents mouvements artistiques de la modernité et, en
particulier, par le déconstructionnisme en actes opéré par
Duchamp et ses héritiers. Dans La transfiguration du banal,
puis dans L'assujetissement philosophique de l'art,
récemment traduit en français, Arthur Danto pose la
question avec clarté, mais y répond avec une certaine
ambiguïté(6). Après avoir souligné que "l'oeuvre d'art, à
moins d'avoir manqué son but, n'est pas un objet", il
explicite la problématique proprement philososphique ainsi
engagée : "La question de la nature de l'art se pose avec cet
"aussi" : qu'est-ce qu'elle possède "aussi" - en dehors de son
identité de pelle à neige et en addition à celle-ci - qui en fait
une compagne ontologie de L'embarquement pour Cythère
ou de Tristan et Iseult ? Et le fait qu'elle est une oeuvre d'art
("aussi") peut-il donner lieu à quelque différence
esthétique ?"