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L'Indice canadien du mieux être (ICMÊ) : mesurer ce qui
compte
Quand nous demandons à nos amis : « comment ça va? », nous ne nous attendons
certes pas à ce qu'ils répondent : « ma productivité économique augmente ». Nous
voulons savoir s'ils vont bien, s'ils sont en santé, comment se porte leur famille, s'ils
ont un emploi qui leur permet de joindre les deux bouts, s'ils ont vu un bon film
récemment ou s'ils sont sortis avec des copains.
Dans le même ordre d'idées, lorsque nous demandons comment se porte le pays, nous
voulons savoir comment vont les Canadiennes et les Canadiens et pas simplement si
la productivité du pays est en hausse ou en baisse.
Ce rapport met en relief les variations qui se sont produites dans le mieux-être de la
population canadienne, pour le meilleur et pour le pire, au cours de la période de dix-
sept ans de 1994 à 2010. Il met l'accent sur la façon dont les variations au plan du
mieux-être se comparent aux variations sur le plan de la productivité économique du
Canada que mesure le produit intérieur brut (PIB) par habitant. De plus, il révèle
l'impact persistant de la récession de 2008 sur notre qualité de vie globale.
La récession mondiale de 2008-2009 et les années de bouleversements économiques
et sociaux qui ont suivi font ressortir d'emblée les limitations du PIB en tant que
mesure du mieux-être. Le PIB, une mesure centrée sur la production économique, ne
reflète qu'une partie du portrait global. Il nous permet de déceler les variations
économiques, mais il ne nous éclaire pas sur la santé de notre population, sur la
vitalité de notre démocratie et de nos collectivités, sur les inégalités croissantes au
sein de notre pays, sur la viabilité de notre environnement ou sur d'autres aspects de
la qualité de vie des Canadiennes et des Canadiens.
L'Indice canadien du mieux-être (IC) fournit une mesure de notre qualité de vie et
évalue ces choses, hormis l'économie, qui sont importantes pour les Canadiennes et
les Canadiens. L'ICMÊ s'appuie sur une masse de données, provenant surtout de
Statistique Canada, et surveille 64 indicateurs vedettes distincts au sein de huit
catégories (ou domaines) afférentes à la qualité de vie, reliées les unes aux autres et
déterminantes dans la vie de la population canadienne : dynamisme communautaire,
participation démocratique, éducation, environnement, populations en santé, loisir et
culture, niveaux de vie et aménagement du temps. L'ICMÊ combine alors des mesures
tirées de ces divers domaines en un indice composé, c'est-à-dire en un chiffre unique
qui monte et descend, similaire en quelque sorte au Dow Jones ou au TSX, et fournit
un aperçu des variations sur le plan de notre qualité de vie.
Les résultats dévoilent des vérités troublantes à propos des liens entre notre économie
et notre mieux-être et soulèvent la question suivante : nos gouvernements répondent-
ils véritablement aux besoins et aux valeurs des Canadiennes et des Canadiens
ordinaires?
De 1994 à 2010, pendant que le PIB du Canada augmentait de 28,9 %, la qualité de
vie des Canadiennes et des Canadiens ne s'améliorait quant à elle que de 5,7 %.
Malgré de nombreuses années de prospérité, notre croissance économique ne s'est pas
traduite par des gains comparables sur le plan de notre mieux-être général. Et ce qui
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est le plus préoccupant, ce sont les reculs marqués accusés par les Canadiennes et
Canadiens depuis 2008.
Suivant la récession de 2008, le PIB du Canada a chuté de 8,3 %, mais montrait des
signes d'une lente reprise en 2010. En revanche, l'impact de la récession sur l'ICMÊ a
été époustouflant : une chute de 24 % et il n'y a pas de signes de reprise ou même de
retour aux modestes gains réalisés jusqu'en 2008.
Le rapport de cette ane démontre une fois de plus que la population canadienne ne
profite pas des bienfaits potentiels d'une plus grande productivité économique. Les
chiffres qui suivent illustrent la croissance du PIB au Canada de 1994 à 2010 et la
comparent aux gains réalisés sur l'ICMÊ et dans chacun de ses huit domains.
Tendances de l’Indice canadien du mieux-être et de ses huit domaines,
comparaison au PIB, 1994 – 2010
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Dans l'ensemble, seuls deux domaines, celui de l'éducation et celui des niveaux de vie,
ont été près de croître au même rythme que le PIB et, depuis 2008, ils ont soit
plafonné soit chuté dramatiquement. D'autres domaines, comme ceux des populations
en santé, de l'aménagement du temps et surtout de l'environnement et du loisir et de
la culture ont connu peu de croissance depuis 1994 et depuis 2008, ils montrent des
signes manifestes de détérioration accrue.
En somme, l'histoire que raconte l'ICMÊ est troublante. L'écart entre notre
productivité économique, telle que mesurée par le PIB, et notre mieux-être, tel que
mesuré par l'ICMÊ, est beaucoup trop marqué.
Si on examine de plus près chacun des domaines, les variations constatées ne veulent
pas dire pour autant que dans les domaines qui ont connu une hausse tout est parfait
et que dans les domaines qui ont régressé tout est mauvais. En réalité, dans les
domaines qui ont régressé, nous avons fait des progrès sur certains des indicateurs
vedettes et dans les domaines qui ont connu une hausse, nous avons essuyé des
pertes sur certains des indicateurs vedettes. C'est justement en ceci que l’on constate
la valeur de l'ICMÊ comme mesure globale et composée. Il donne un éclairage complet
et plus équilibré qui nous permet de mieux comprendre les dimensions du mieux-être
et il nous fournit les données probantes dont nous avons besoin pour prendre de
meilleures décisions et nous assurer l'avenir auquel nous aspirons en tant que
Canadiennes et Canadiens.
Dans les sections suivantes, des faits saillants tirés des huit domaines nous
permettent de mieux comprendre l'état de notre mieux-être.
Dynamisme communautaire
Taux de variation globale de 1994 à 2010 : 10,3
Variation depuis la récession de 2008 à 2010 : 2,2
Ce domaine donne vie à notre réalité quotidienne dans une perspective
communautaire. Il nous dit ce qui se passe dans nos quartiers, dans quelle mesure
nous nous sentons en sécurité et si nous sommes engagés en tant que citoyens ou si
nous nous isolons socialement.
Les Canadiennes et les Canadiens peuvent être fiers de constater que notre
dynamisme communautaire se renforce chaque année depuis 2002. Un aspect se
démarque, celui du crime et de la sécurité sont des aspects qui se démarquent : le
pourcentage de crimes contre les biens est à son niveau le plus bas depuis l'année
référence de 1994 et les crimes violents ont diminué tous les ans depuis 2001.
Ils sont aussi à leur plus bas niveau depuis 1994. De plus, le pourcentage de
personnes qui se sentent en sécurité lorsqu'elles se promènent seules à pied la nuit
est à son niveau le plus élevé. Nous constatons, par ailleurs, que 80 % des
Canadiennes et des Canadiens font du bénévolat pour aider les autres et continuent
d'éprouver un profond sentiment d'appartenance à leur collectivité.
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Dans un contexte politique où on demande aux Canadiens de bâtir plus de prisons,
les mesures dans ce domaine peuvent aider les décideurs à réfléchir et à se demander
si le besoin présumé d'augmenter le nombre de prisons est fondé sur des visées
politiques ou sur des preuves véritables.
Ces mesures peuvent aider les gouvernements de déterminer s'il y plus de « cadence
morale » ou de « malaise social » sur leur territoire, ou si leurs collectivités sont
vivantes et riches de bénévoles dynamiques, de citoyens engagés et de gens qui se
sentent en sécurité dans leurs propres quartiers.
Participation démocratique
Taux de variation globale de 1994 à 2010 : 7,0
Variation depuis la récession de 2008 à 2010 : 0,6
Ce domaine permet de juger si une démocratie est forte et en sanou si elle s’effrite.
En analysant les indicateurs qui composent ce domaine, on observe qu’il y a eu des
améliorations depuis 1994 : moins Canadiennes et de Canadiens se disent
complètement désintéressés par la politique; ils sont plus nombreux à considérer qu'il
est du devoir de chaque citoyen d'aller voter aux élections fédérales; et plus de
Canadiennes et de Canadiens sont satisfaits du fonctionnement de la démocratie au
Canada, une augmentation de 18,5 % depuis 1994.
Pourtant, la confiance qu'éprouve la population canadienne à l'endroit du parlement
fédéral et la participation au vote lors des élections fédérales sont à leur plus bas
niveau pour cette même période. Même si 83,1 % des gens ont indiqué en 2008 qu'il
était de leur devoir d'aller voter, seulement 59,1 % ont effectivement voté à l'élection
fédérale de 2008. Les indicateurs reflètent d’autres tendances troublantes, comme la
diminution de l'aide internationale fournie par le Canada, laquelle a chuté de façon
substantielle, soit de 20,9 %, depuis 1994, malgré de faibles hausses récemment.
Les démocraties ne fonctionnent pas sur le pilote automatique. Leur dynamisme et
leur vitalité correspondent au niveau de participation citoyenne. Une fois de plus,
l'ICMÊ fait ce que le PIB n'a jamais été conçu pour faire : il donne des signaux
d’alarme relativement aux aspects de notre démocratie qui sont potentiellement en
danger et il suggère aux décideurs des solutions possibles. Dans le cas qui nous
intéresse (i) considérer de meilleurs mécanismes pour stimuler l'intérêt d'un plus
grand nombre de personnes envers le processus électoral et leur propre démocratie et
pour rétablir la confiance en notre système parlementaire fédérale et (ii) renforcer
l'engagement du Canada à l'égard de l'aide internationale sont deux orientations
précises pour obtenir de meilleurs résultats dans ce domaine.
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