le rapport sur l`Indice canadien du mieux-être

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L'Indice canadien du mieux être (ICMÊ) : mesurer ce qui
compte
Quand nous demandons à nos amis : « comment ça va? », nous ne nous attendons
certes pas à ce qu'ils répondent : « ma productivité économique augmente ». Nous
voulons savoir s'ils vont bien, s'ils sont en santé, comment se porte leur famille, s'ils
ont un emploi qui leur permet de joindre les deux bouts, s'ils ont vu un bon film
récemment ou s'ils sont sortis avec des copains.
Dans le même ordre d'idées, lorsque nous demandons comment se porte le pays, nous
voulons savoir comment vont les Canadiennes et les Canadiens et pas simplement si
la productivité du pays est en hausse ou en baisse.
Ce rapport met en relief les variations qui se sont produites dans le mieux-être de la
population canadienne, pour le meilleur et pour le pire, au cours de la période de dixsept ans de 1994 à 2010. Il met l'accent sur la façon dont les variations au plan du
mieux-être se comparent aux variations sur le plan de la productivité économique du
Canada que mesure le produit intérieur brut (PIB) par habitant. De plus, il révèle
l'impact persistant de la récession de 2008 sur notre qualité de vie globale.
La récession mondiale de 2008-2009 et les années de bouleversements économiques
et sociaux qui ont suivi font ressortir d'emblée les limitations du PIB en tant que
mesure du mieux-être. Le PIB, une mesure centrée sur la production économique, ne
reflète qu'une partie du portrait global. Il nous permet de déceler les variations
économiques, mais il ne nous éclaire pas sur la santé de notre population, sur la
vitalité de notre démocratie et de nos collectivités, sur les inégalités croissantes au
sein de notre pays, sur la viabilité de notre environnement ou sur d'autres aspects de
la qualité de vie des Canadiennes et des Canadiens.
L'Indice canadien du mieux-être (ICMÊ) fournit une mesure de notre qualité de vie et
évalue ces choses, hormis l'économie, qui sont importantes pour les Canadiennes et
les Canadiens. L'ICMÊ s'appuie sur une masse de données, provenant surtout de
Statistique Canada, et surveille 64 indicateurs vedettes distincts au sein de huit
catégories (ou domaines) afférentes à la qualité de vie, reliées les unes aux autres et
déterminantes dans la vie de la population canadienne : dynamisme communautaire,
participation démocratique, éducation, environnement, populations en santé, loisir et
culture, niveaux de vie et aménagement du temps. L'ICMÊ combine alors des mesures
tirées de ces divers domaines en un indice composé, c'est-à-dire en un chiffre unique
qui monte et descend, similaire en quelque sorte au Dow Jones ou au TSX, et fournit
un aperçu des variations sur le plan de notre qualité de vie.
Les résultats dévoilent des vérités troublantes à propos des liens entre notre économie
et notre mieux-être et soulèvent la question suivante : nos gouvernements répondentils véritablement aux besoins et aux valeurs des Canadiennes et des Canadiens
ordinaires?
De 1994 à 2010, pendant que le PIB du Canada augmentait de 28,9 %, la qualité de
vie des Canadiennes et des Canadiens ne s'améliorait quant à elle que de 5,7 %.
Malgré de nombreuses années de prospérité, notre croissance économique ne s'est pas
traduite par des gains comparables sur le plan de notre mieux-être général. Et ce qui
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est le plus préoccupant, ce sont les reculs marqués accusés par les Canadiennes et
Canadiens depuis 2008.
Suivant la récession de 2008, le PIB du Canada a chuté de 8,3 %, mais montrait des
signes d'une lente reprise en 2010. En revanche, l'impact de la récession sur l'ICMÊ a
été époustouflant : une chute de 24 % et il n'y a pas de signes de reprise ou même de
retour aux modestes gains réalisés jusqu'en 2008.
Le rapport de cette année démontre une fois de plus que la population canadienne ne
profite pas des bienfaits potentiels d'une plus grande productivité économique. Les
chiffres qui suivent illustrent la croissance du PIB au Canada de 1994 à 2010 et la
comparent aux gains réalisés sur l'ICMÊ et dans chacun de ses huit domains.
Tendances de l’Indice canadien du mieux-être et de ses huit domaines,
comparaison au PIB, 1994 – 2010
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Dans l'ensemble, seuls deux domaines, celui de l'éducation et celui des niveaux de vie,
ont été près de croître au même rythme que le PIB et, depuis 2008, ils ont soit
plafonné soit chuté dramatiquement. D'autres domaines, comme ceux des populations
en santé, de l'aménagement du temps et surtout de l'environnement et du loisir et de
la culture ont connu peu de croissance depuis 1994 et depuis 2008, ils montrent des
signes manifestes de détérioration accrue.
En somme, l'histoire que raconte l'ICMÊ est troublante. L'écart entre notre
productivité économique, telle que mesurée par le PIB, et notre mieux-être, tel que
mesuré par l'ICMÊ, est beaucoup trop marqué.
Si on examine de plus près chacun des domaines, les variations constatées ne veulent
pas dire pour autant que dans les domaines qui ont connu une hausse tout est parfait
et que dans les domaines qui ont régressé tout est mauvais. En réalité, dans les
domaines qui ont régressé, nous avons fait des progrès sur certains des indicateurs
vedettes et dans les domaines qui ont connu une hausse, nous avons essuyé des
pertes sur certains des indicateurs vedettes. C'est justement en ceci que l’on constate
la valeur de l'ICMÊ comme mesure globale et composée. Il donne un éclairage complet
et plus équilibré qui nous permet de mieux comprendre les dimensions du mieux-être
et il nous fournit les données probantes dont nous avons besoin pour prendre de
meilleures décisions et nous assurer l'avenir auquel nous aspirons en tant que
Canadiennes et Canadiens.
Dans les sections suivantes, des faits saillants tirés des huit domaines nous
permettent de mieux comprendre l'état de notre mieux-être.
Dynamisme communautaire
Taux de variation globale de 1994 à 2010 :  10,3
Variation depuis la récession de 2008 à 2010 :  2,2
Ce domaine donne vie à notre réalité quotidienne dans une perspective
communautaire. Il nous dit ce qui se passe dans nos quartiers, dans quelle mesure
nous nous sentons en sécurité et si nous sommes engagés en tant que citoyens ou si
nous nous isolons socialement.
Les Canadiennes et les Canadiens peuvent être fiers de constater que notre
dynamisme communautaire se renforce chaque année depuis 2002. Un aspect se
démarque, celui du crime et de la sécurité sont des aspects qui se démarquent : le
pourcentage de crimes contre les biens est à son niveau le plus bas depuis l'année
référence de 1994 et les crimes violents ont diminué tous les ans depuis 2001.
Ils sont aussi à leur plus bas niveau depuis 1994. De plus, le pourcentage de
personnes qui se sentent en sécurité lorsqu'elles se promènent seules à pied la nuit
est à son niveau le plus élevé. Nous constatons, par ailleurs, que 80 % des
Canadiennes et des Canadiens font du bénévolat pour aider les autres et continuent
d'éprouver un profond sentiment d'appartenance à leur collectivité.
3
Dans un contexte politique où on demande aux Canadiens de bâtir plus de prisons,
les mesures dans ce domaine peuvent aider les décideurs à réfléchir et à se demander
si le besoin présumé d'augmenter le nombre de prisons est fondé sur des visées
politiques ou sur des preuves véritables.
Ces mesures peuvent aider les gouvernements de déterminer s'il y plus de « décadence
morale » ou de « malaise social » sur leur territoire, ou si leurs collectivités sont
vivantes et riches de bénévoles dynamiques, de citoyens engagés et de gens qui se
sentent en sécurité dans leurs propres quartiers.
Participation démocratique
Taux de variation globale de 1994 à 2010 :  7,0
Variation depuis la récession de 2008 à 2010 :  0,6
Ce domaine permet de juger si une démocratie est forte et en santé ou si elle s’effrite.
En analysant les indicateurs qui composent ce domaine, on observe qu’il y a eu des
améliorations depuis 1994 : moins Canadiennes et de Canadiens se disent
complètement désintéressés par la politique; ils sont plus nombreux à considérer qu'il
est du devoir de chaque citoyen d'aller voter aux élections fédérales; et plus de
Canadiennes et de Canadiens sont satisfaits du fonctionnement de la démocratie au
Canada, une augmentation de 18,5 % depuis 1994.
Pourtant, la confiance qu'éprouve la population canadienne à l'endroit du parlement
fédéral et la participation au vote lors des élections fédérales sont à leur plus bas
niveau pour cette même période. Même si 83,1 % des gens ont indiqué en 2008 qu'il
était de leur devoir d'aller voter, seulement 59,1 % ont effectivement voté à l'élection
fédérale de 2008. Les indicateurs reflètent d’autres tendances troublantes, comme la
diminution de l'aide internationale fournie par le Canada, laquelle a chuté de façon
substantielle, soit de 20,9 %, depuis 1994, malgré de faibles hausses récemment.
Les démocraties ne fonctionnent pas sur le pilote automatique. Leur dynamisme et
leur vitalité correspondent au niveau de participation citoyenne. Une fois de plus,
l'ICMÊ fait ce que le PIB n'a jamais été conçu pour faire : il donne des signaux
d’alarme relativement aux aspects de notre démocratie qui sont potentiellement en
danger et il suggère aux décideurs des solutions possibles. Dans le cas qui nous
intéresse (i) considérer de meilleurs mécanismes pour stimuler l'intérêt d'un plus
grand nombre de personnes envers le processus électoral et leur propre démocratie et
pour rétablir la confiance en notre système parlementaire fédérale et (ii) renforcer
l'engagement du Canada à l'égard de l'aide internationale sont deux orientations
précises pour obtenir de meilleurs résultats dans ce domaine.
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Éducation
Taux de variation globale de 1994 à 2010 :  21,8
Variation depuis la récession de 2008 à 2010 :  1,2
Un des accomplissements majeurs de la société canadienne contemporaine est d'avoir
réussi à faire de notre population une des plus instruites au monde.
Selon l’ICMÊ, l'éducation est le domaine dans lequel le Canada a fait le plus de
progrès depuis 1994. La bonne nouvelle pour le domaine de l’éducation, c'est que le
taux d'achèvement des études secondaires, déjà élevé au Canada, continue de
grimper, que le taux d'obtention de diplômes universitaires a augmenté de plus de la
moitié et que les résultats du Programme international pour le suivi des acquis des
élèves (PISA) fondés sur la situation socioéconomique des élèves ont augmenté de plus
d'un quart. À l'échelle du pays, les ratios élèves enseignants continuent de s'améliorer.
Les Canadiennes et les Canadiens attachent une grande importance à l'éducation,
depuis l'éducation durant la petite enfance jusqu’à l'université, et l'ICMÊ nous dévoile
dans quelle mesure la poursuite du haut savoir nous tient à cœur. Nous avons fait des
gains marqués dans la plupart des secteurs, mais les indicateurs nous révèlent qu'il
faut mettre plus d'efforts à l’amélioration des habiletés sociales et affectives de nos
préadolescents et adolescents et de leurs connaissances et compétences de base. Il est
également inquiétant de constater que même si les résultats de nos étudiants dans les
matières de base sont supérieurs à la moyenne internationale, ils diminuent dans
chacun des domaines évalués : lecture et écriture, mathématiques et sciences.
Le rapport entre le nombre de places en services de garde régis par enfant s'est
amélioré depuis 1994. mais il y a encore beaucoup à faire. En 2010, il n'y avait qu'une
place en services de garde régis par cinq enfants d'âge préscolaire. Le manque de
services de garde régis peut faire en sorte que les familles dépendent de services de
garde non réglementés, ce qui peut nuire au développement de l'enfant et contribuer à
augmenter le stress des parents. Pour combler cette lacune importante en matière
d'éducation, il faut un programme coordonné à l'échelle nationale de services éducatifs
et de garde à l'enfance réglementés.
Nous devrions nous réjouir de l’augmentation substantielle de diplômés universitaires,
mais il faut inscrire cette augmentation dans le contexte d’un pourcentage croissant
de sous-emploi à long terme, voire de chômage, chez les jeunes canadiennes et
canadiens et d’une dette étudiante galopante à la fin de leurs études postsecondaires.
Il nous faut une stratégie plus globale en matière d'éducation qui fait en sorte que nos
jeunes reçoivent l'éducation dont ils ont besoin pour bâtir un Canada meilleur sans
s'endetter pour des années à venir.
Dans un pays aussi prospère que le nôtre, les indicateurs du domaine de l'éducation
nous aident à comprendre la nécessité d'investir davantage, pas moins, dans
l'éducation des Canadiennes et des Canadiens à toutes les étapes de leur vie.
5
L'environnement
Taux de variation globale de 1994 à 2010 : 10,8
Variation depuis la récession de 2008 à 2010 :  0,8
Le domaine de l'environnement en dit long sur la tension qui existe entre la poursuite
effrénée de la croissance économique et la réalité finie d'une planète aux prises avec
des changements climatiques importants et l'amenuisement de ses ressources
naturelles. Le PIB n'a jamais été conçu pour mesurer l'impact de la croissance
économique sur notre environnement, mais l'ICMÊ a été conçu pour faire la lumière
sur les pratiques qui ne sont pas viables socialement ni du point de vue
environnemental. Il est encore plus important de revoir nos priorités dans ce cas-ci,
car l'économie mondiale chancelante nous incite à exploiter encore plus nos
ressources naturelles.
L'environnement est le domaine qui a fléchi le plus depuis 1994. Même si la
production énergétique primaire du Canada a augmenté jusqu'en 2007 et qu’elle a
ralenti depuis, nos réserves viables de métaux ont diminué et elles sont à leur niveau
le plus bas ou près de leur niveau le plus pas pour pratiquement tous les métaux. Les
secteurs de l'énergie et des mines pris ensemble représentent environ 6 % de
l'économie canadienne et si nous ne parvenons pas à gérer de façon durable nos
ressources, l’impact sera énorme sur notre mieux-être ainsi que sur notre économie.
Depuis 1994, les émissions de gaz à effet de serre (GES) ont grimpé en flèche et les
niveaux d’ozone troposphérique ont augmenté. Même s'il y a eu depuis 2008 des
améliorations quant à la quantité totale d'émissions de GES, plus de 60 % des
émissions proviennent du secteur des transports, des industries de combustibles
fossiles et de la production d'électricité et elles continuent d'augmenter. En revanche,
seulement 6 % de toutes les émissions provenaient des foyers canadiens en 2010 et,
malgré l'augmentation de la population, les émissions totales des ménages sont en
baisse. Chaque Canadien pose des gestes concrets pour améliorer la santé de notre
environnement.
Considérant que les maladies respiratoires reliées aux polluants atmosphériques,
comme l'ozone en surface, sont la cause d'un nombre substantiel de visites à l'hôpital,
ce qui met à rude épreuve notre système de santé déjà débordé, et considérant qu'on
s'attend à ce que les changements climatiques aient d'importantes répercussions
négatives sur l'économie mondiale, il faut absolument que les gouvernements et
l'industrie examinent toutes les données et agissent pour protéger l'environnement
dont dépend notre mieux-être.
En examinant les données, on constate que l'empreinte écologique par habitant laissée
par le Canada est parmi les plus grosses au monde. Sa taille a augmenté
considérablement depuis 1994, à savoir de 17,2 %, et elle exige de la nature plus
qu'elle ne peut fournir. Ce qui soulève la question suivante : Est-ce bien le Canada que
nous souhaitons laisser en héritage à nos enfants et à nos petits enfants?
La population canadienne et ses gouvernements peuvent puiser dans le domaine de
l'environnement de l'ICMÊ des données probantes qui illustrent la nécessité de
concilier les prérogatives de la croissance économique à une conscience plus aiguisée
6
des conséquences de l'épuisement des ressources sur l'environnement. Par la mise en
œuvre de programmes et de politiques sensibles à tous les aspects de l'environnement,
les gouvernements vont non seulement améliorer la vie des Canadiennes et des
Canadiens en éliminant notre exposition aux produits toxiques et en aidant à
conserver les ressources naturelles qui nous sont chères, mais ils deviendront
également des chefs de file dans l'effort mondial pour créer une planète en meilleure
santé.
Populations en santé
Taux de variation globale de 1994 à 2010 :  4,9
Variation depuis la récession de 2008 à 2010 :  0,2
Ce domaine s'intéresse à la santé de la population canadienne et évalue si différents
aspects de sa santé s'améliorent ou se détériorent. Il indique que la santé des
Canadiennes et des Canadiens s'est très peu améliorée depuis 1994 et que depuis
2008, elle se détériore. Nous vivons en moyenne plus longtemps, mais pas
nécessairement en meilleure santé. Nous pouvons voir un ensemble de tendances
troublantes auxquelles peuvent s'attaquer les décideurs. Par exemple, l'incidence du
diabète autodéclaré a augmenté chaque année depuis 1994, notamment de 7,7 % de
2008 à 2010. Le diabète est particulièrement préoccupant chez les Autochtones du
Canada vivant dans les réserves; les taux y sont trois fois plus élevés que dans le reste
de la population. La dépression est en hausse depuis 2009 selon ce qu’en disent les
Canadiennes et Canadiens et le nombre de personnes qui se font vacciner contre la
grippe a continué de diminuer régulièrement de 2005 à 2010.
D'autre part, des aspects de la santé de notre population se sont améliorés au fil des
années. La réduction importante du pourcentage d'adolescentes et d'adolescents qui
fument est une de nos grandes réussites : ils n’étaient plus que 11 % à faire usage du
tabac en 2010. Le pourcentage de Canadiens et de Canadiennes à estimer que les
services de santé publique au Canada sont d’excellente ou de bonne qualité a
augmenté chaque année depuis 2005 et en 2010, il est à son niveau le plus élevé
depuis 1994. En servant de guides au fil du temps, ces indicateurs peuvent aider les
décideurs du secteur de la santé à améliorer la santé de la population et à faire face
aux grands problèmes de santé lorsqu'ils émergent.
Quoi qu'il en soit, si on se fie à l'augmentation plutôt faible du pourcentage global
pour le domaine de la santé depuis 1994, soit 4,9 %, ainsi qu'à la baisse enregistrée
de 2008 à 2010, des améliorations sont de toute évidence encore possibles.
Étant donné la lutte incessante pour contrôler les coûts afférents aux soins de santé,
les centres de santé communautaires (CSC) sont un exemple convaincant de modèle
de prestation de services efficace et rentable, capable de fournir aux Canadiens et aux
Canadiennes des soins nécessaires au moment où ils en ont besoin, tout en faisant la
promotion de la santé et en offrant des services de développement communautaire
pour alléger le fardeau que supporte le système de santé. À une époque où les débats
entourant la viabilité de notre système de santé font rage, une stratégie nationale pour
étendre l'accès aux CSC constituerait une avancée importante.
7
Pour améliorer la santé de la population, il faudra agir dans de nombreux domaines
en dehors du secteur de la santé. La santé est directement liée aux niveaux de revenu
et d'éducation ainsi qu'à l'endroit où vivent les gens. Les personnes dont les niveaux
de revenu et d'éducation sont plus élevés vivent plus longtemps, elles sont moins
susceptibles d’être atteintes du diabète et d'autres maladies chroniques et elles ont
tendance à se dire en excellente ou très bonne santé. La dure réalité, c'est que le
revenu des ménages continue d'être le facteur permettant le mieux de prédire l'état de
santé futur des personnes à cause du plus grand nombre de possibilités qu’ils ont de
faire des choix santé. Si nos niveaux de vie continuent de se détériorer, nos
probabilités d’avoir cet éventail de possibilités diminuent aussi. La formule est simple :
plus de revenus égalent une meilleure santé et moins de revenus égalent une moins
bonne santé. Cela s'avère pour tous les groupes d'âges confondus et pour les hommes
comme pour les femmes.
Loisir et culture
Taux de variation globale de 1994 à 2010 :  7,8
Variation depuis la récession de 2008 à 2010 :  3,0
Ce domaine illustre parfaitement les déficiences du PIB. Le PIB peut nous dire que
l'économie est en croissance, mais il ne peut pas nous dire que les familles se privent
de temps de loisir, laissent tomber leurs activités culturelles et que leurs activités
qu'elles maintiennent leur coûtent plus cher qu’avant.
Le domaine du loisir et de la culture est le seul, hormis celui de l'environnement, à
enregistrer une baisse générale par rapport aux niveaux de 1994 et il présente
plusieurs tendances inquiétantes qui ont persisté jusqu'en 2010. Nous nous adonnons
à plus d'activités physiques et nos voyages de vacances durent légèrement plus
longtemps, mais le temps que nous consacrons à des activités de loisir sociales et à
des activités artistiques et culturelles diminue constamment. Aussi, nous faisons
moins de bénévolat dans des organismes culturels et récréatifs. Le nombre de visites
effectuées dans les parcs nationaux et les lieux historiques nationaux a
considérablement diminué et il fléchit chaque année
Suivant des années de stabilité relative, les dépenses des ménages affectées à des
activités culturelles et récréatives ont diminué d'environ 10 % de 2008 à 2010. C'est
spécialement inquiétant parce que les Canadiens et les Canadiennes jusqu'à
maintenant avaient toujours protégé cette partie de leur budget consacrée à la culture
et au loisir, peu importe les aléas économiques. Il semble que depuis la récession, les
gens sont moins capables de le faire. Si on ajoute à cela la diminution du temps qu'ils
consacrent à des activités sociales et artistiques, les Canadiens et les Canadiennes
semblent moins en mesure de protéger cette dimension de leur vie qui leur tient
tellement à cœur et qui est leur plus grande source de ressourcement.
De 1994 à 2008, nous avons traversé une des périodes les plus prospères sur le plan
économique de notre histoire et pourtant, nous n’avons pas pu pour autant nous
consacrer davantage aux activités que nous aimons. Depuis 2008, cette tendance a
empiré. Lorsque nous comparons les tendances de ce domaine avec celles de
l'aménagement du temps, nous constatons que beaucoup de Canadiennes et de
8
Canadiens ont de telles contraintes de temps qu'ils ne peuvent pas s'adonner à des
activités récréatives et culturelles avec leurs amis et les membres de leur famille. Les
constats dégagés de ce domaine soulèvent la question fondamentale suivante : est-ce
vraiment cela le progrès?
Niveaux de vie
Taux de variation globale :  14,3
Variation depuis la récession de 2008 à 2010 :  10,4
Les indicateurs dans ce domaine nous indiquent si les inégalités de revenu s'aggravent
ou s'améliorent, si le revenu des familles augmente ou diminue, s'il y a plus ou moins
de familles en situation de pauvreté au Canada, si le chômage de longue durée est en
hausse ou non et si le coût du logement est plus abordable ou est inabordable. En
décomposant le domaine et en suivant les progrès dans le temps de chaque indicateur,
il est possible de voir si notre mieux-être, en vertu de ces mesures, s'améliore ou se
détériore.
De 1994 à 2008, les indicateurs montraient une hausse générale 27,5 % pour le
domaine des niveaux de vie. Par contre, il y a eu des baisses abruptes en 2009 et en
2010. En 2010, nos niveaux de vie se situaient à 14,3 % seulement au-dessus du
pourcentage de 1994.
Dans le sillage de la récession et d'une reprise chancelante, les niveaux de vie des
Canadiennes et des Canadiens se sont considérablement détériorés. Au cours des
deux-trois dernières années, nous avons observé une légère augmentation de l'écart
des revenus, une diminution des niveaux de sécurité économique (baisse de 6,4 %), un
taux d'activité plus faible (baisse de 3,0 %), une diminution de la qualité des emplois
(baisse de 2,0 %) et notamment, une augmentation dramatique du pourcentage de la
main-d’œuvre sans emploi pour une longue durée ( hausse de 41,7 %). Il y a eu des
gains sur le plan du revenu moyen, mais ces gains ne sont pas distribués également
entre tous les Canadiens et toutes les Canadiennes, la part du lion allant aux plus
riches. Nous constatons que l'inégalité de revenu, déterminée par l'écart entre les 20 %
de familles canadiennes les plus riches et les 20 % de familles canadiennes les plus
pauvres, demeure un problème. En fait, selon le Conference Board du Canada, l'écart
du revenu réel moyen après impôt entre les plus riches et les plus pauvres s'est accru
de plus de 40 % de 1994 à 2009.
L’analyse des deux dernières années nous permet de constater que la récession et la
fragile reprise qui a suivi ont durement touché nos niveaux de vie. La détérioration des
niveaux de vie d'un si grand nombre de Canadiennes et de Canadiens explique le
malaise grandissant ressenti dans tout le pays et nos gouvernements doivent en tenir
compte dans leurs décisions stratégiques pour l'avenir, surtout dans un contexte où
l'on prévoit une période prolongée de faible croissance économique.
9
Aménagement du temps
Taux de variation globale de 1994 à 2010 : 1,3
Variation depuis la récession de 2008 à 2010 : 1,7
En dépit d'une légère hausse dans le domaine de l'aménagement du temps, dans
l'ensemble, c’est un domaine qui a eu des effets négatifs sur le mieux-être de la
population canadienne. Certains de ses indicateurs vedettes se sont améliorés, mais
d'autres se sont considérablement détériorés. L'amélioration la plus importante est la
diminution marquée du pourcentage de personnes qui travaillent plus de 50 heures
par semaine. Aussi, en 2010, on constate qu'un pourcentage plus élevé de travailleurs
et de travailleuses a des horaires de travail flexibles et qu'un pourcentage supérieur
d'adultes âgés fait du bénévolat officiel dans leur collectivité.
Du côté négatif, plus de personnes subissent des contraintes de temps. Malgré une
légère baisse en 2010, près d'un Canadien sur cinq âgé de 20 à 64 ans éprouve
toujours un niveau de stress élevé à cause de contraintes de temps. Le temps moyen
consacré à faire la navette de la maison au travail est à son niveau le plus élevé, ayant
augmenté de 19,9 % de 1994 à 2010. Les quelque onze minutes de plus par jour
consacrées aux déplacements du travail à la maison correspondent à environ 45
heures par année. En d'autres termes, les travailleurs ont consacré l'équivalent d'une
semaine de leur temps libre à faire la navette. Ces tendances peuvent avoir pour effet
de réduire le temps consacré à sa famille et à ses amis, de nuire à la santé,
d'augmenter les niveaux de stress et de dépression et de diminuer la satisfaction de
vivre.
Même s'ils ont plus de temps, les aînés consacrent moins de temps à des activités
quotidiennes de loisir. En 2010, le pourcentage avait chuté de près de 13 % par
rapport à 1994. L'activité physique est reliée directement et étroitement au mieux-être,
surtout lorsque les gens vieillissent. Ainsi, la tendance à consacrer moins de temps à
ce genre d'activités est inquiétante et pourrait avoir des répercussions négatives sur la
santé de la population canadienne vieillissante.
Ce domaine nous lance un avertissement au sujet de l'orientation que prend notre
société et il illustre crûment les limitations du PIB sur ce front. Il va de soi que la
croissance économique est louable. Mais qu'est-ce que cela signifie pour une société si
la croissance économique se fait au détriment du temps libre, des relations sociales et de
la satisfaction personnelle et provoque plus de stress dans la vie des gens.
Conclusions générales
Jusqu'à présent, le Canada, à l'instar d'autres pays, jugeait ses succès en fonction
uniquement du PIB, tenant pour acquis que la croissance économique équivaut à une
meilleure qualité de vie. De plus en plus de pays remettent en question la validité de
cette hypothèse et envisagent d'autres façons de mesurer comment leurs citoyens et
citoyennes se portent véritablement en comparaison à l'économie. En tant que leader
mondial de ce mouvement, l'ICMÊ propose une mesure qui donne une compréhension
plus grande et plus vaste des phénomènes environnants et qui, jumelée au PIB,
10
fournit à la population et aux décideurs l'ensemble plus complet de données dont ils
ont besoin pour évaluer nos progrès comme société et prendre des décisions fondées
sur des preuves afin de bâtir un avenir juste et viable.
Le calcul des huit domaines et de leurs 64 indicateurs dresse un portrait plus complet
des Canadiennes et des Canadiens et de leur mieux-être. Les tendances nous disent si
nous nous approchons ou si nous nous éloignons de notre vision du pays.
L'année 1994 a été choisie comme point de départ pour mesurer le mieux-être et on a
attribué le chiffre 100 à l'ICMÊ comme score de référence. En 2010, la combinaison de
tous les domaines nous indique que notre mieux-être s'est amélioré à beaucoup
d'égards, surtout dans les domaines de l'éducation et du dynamisme communautaire,
mais qu'il s'est détérioré sous d'autres aspects, notamment dans les domaines de
l'environnement et du loisir et de la culture. En colligeant les huit domaines, nous
constatons que l'indice composé de l'ICMÊ grimpe à 105,7; il s’agit d’une modeste
amélioration de 5,7 % de notre qualité de vie sur une période de dix-sept ans.
Durant cette période, le Canada est parvenu à se sortir d'une dure récession au début
des années 1990, à réduire le déficit fédéral à long terme, à afficher des surplus
budgétaires aussi tôt qu'en 1997-1998 et à vivre une période de croissance
économique jamais vue dans son histoire. Cela étant, on s'attendrait à ce qu'il y ait eu
des améliorations comparables sur le plan de notre mieux-être.
En comparant la croissance robuste de 28,9 % du PIB du Canada à la légère
croissance de 5,7 % de notre mieux-être au cours de la même période, il y a tout lieu
de s'inquiéter sérieusement. Une analyse plus détaillée de l'impact de la récession de
2008 nous permet de constater qu'elle a entraîné une baisse de 8,3 % du PIB jusqu'en
2010. Toutefois, la récession a entraîné une baisse époustouflante de 24,0 % du
mieux-être des Canadiennes et des Canadiens par rapport aux modestes gains
réalisés jusqu'en 2008.
Les tendances de l'ICMÊ nous révèlent que lorsque l'économie se porte bien, la
population canadienne n'en récolte que peu de bienfaits comparativement et que
lorsque l'économie s’écroule, la population s'écroule aussi. Même si l'économie telle
que mesurée par le PIB reprend lentement de la vigueur, la qualité de vie de la
population canadienne continue de se détériorer. Cette incongruité entre notre mieuxêtre et l'économie doit être résolue. Nous devons poser la question suivante : nos
gouvernements répondent-ils véritablement aux besoins et aux valeurs des Canadiennes
et des Canadiens ordinaires?
En ces temps d'incertitude, nous avons le luxe de vivre dans un pays où nous avons
encore des choix quant à l'avenir que nous souhaitons. Nous avons tous et toutes,
chacun et chacune d'entre nous, le pouvoir de faire valoir - ou non - nos choix en ce
qui concerne la sorte de société où nous voulons vivre. L'ICMÊ donne une
compréhension approfondie des enjeux auxquels nous sommes confrontés pour faire
progresser le Canada et l’aider à bâtir une société qui répond à l'appel mondial pour
plus de justice.
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