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Les agissements
de harcèlement moral
peuvent se dérouler
sur une courte période.
Considérer
que les faits doivent
s’être produits pendant
une durée minimale
pour que le harcèlement
soit caractérisé
reviendrait en effet,
selon la Cour
de cassation, à ajouter
une condition
à la définition légale
de ce dernier.
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Faits : un salarié est engagé le 28 décem-
bre 2001 en qualité de vendeur-acheteur
de véhicules accidentés. Il est arrêté pour
maladie pendant une longue période à la
suite d’un accident survenu au cours de sa
vie personnelle. De retour dans l’entreprise
le 11 septembre 2006, le médecin du travail
le déclare apte à son poste de travail. Mais
il est alors affecté à des tâches subalternes
d’exécution, et il lui est interdit d’effectuer
des déplacements pour visiter les loueurs de
voitures et trouver de nouveaux clients. Au
cours de la seconde semaine suivant sa
reprise, et principalement lors d’un entre-
tien en date du 21 septembre 2006, son
employeur lui adresse des menaces et tient
des propos dégradants à son égard. Il est
ensuite à nouveau arrêté du 22 septembre
au 22 octobre 2006, cette fois pour trauma-
tisme psychologique. À partir du 6 novembre
2006, il est clairement rétrogradé et mis à
l’écart. Il est encore arrêté pour maladie à
compter du 13 novembre suivant. Il ne
reviendra plus dans l’entreprise.
Harcèlement moral
il peut être reconnu même
sur un laps de temps très bref
[santé, sécurité et conditions de travail]
2Social Pratique / N° 549 / 25 juin 2010
!
Il demande alors la résiliation judiciaire de
son contrat de travail aux torts de l’em-
ployeur et obtient gain de cause en raison
de la rétrogradation qu’il a subie.
Il réclame également des dommages et
intérêts pour harcèlement moral. Cette
fois, les magistrats restent sourds à sa
requête. Ils considèrent en effet que les
faits litigieux (rétrogradation, mise à l’écart,
menaces et propos dégradants) se sont
déroulés sur une trop brève période de
temps, compte tenu des arrêts maladie
postérieurs à la reprise, et sont dès lors
insuffisants pour caractériser un harcèlement
moral.
La Cour de cassation n’est pas de cet avis
et va donner raison au salarié sur tous les
plans.
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Solution : il résulte de l’article L. 1152-1
du Code du travail que les faits constitutifs
de harcèlement moral peuvent se dérouler
sur une brève période. La Cour de cassa-
tion censure donc la cour d’appel pour avoir
ajouté au texte légal une condition qu’il ne
prévoit pas. Elle lui reproche par ailleurs de
ne pas avoir pris en compte l’ensemble des
éléments établis par le salarié, parmi lesquels
les documents médicaux relatifs à une alté-
ration de son état de santé [Cass. soc., 26 mai
2010, n° 08-43.152].
La demande de résiliation
est justifiée
Un salarié victime de harcèlement moral
peut agir devant le conseil de prud’hommes
afin de faire reconnaître les faits de har-
cèlement subis et d’être indemnisé à ce
titre. Il peut également demander la rési-
liation judiciaire de son contrat ou prendre
acte de la rupture aux torts de l’employeur
en raison du harcèlement avéré. Les
demandes sont alors liées.
ATTENTION
Le salarié qui obtient en justice la reconnaissance
du harcèlement moral et une indemnisation du
préjudice subi peut toutefois voir rejetée sa demande
de résiliation judiciaire pour harcèlement. En effet,
lorsque le juge est saisi, celui-ci se place au jour
où il statue pour apprécier le fondement de la rési-
liation judiciaire. Si, entre-temps, les faits de
harcèlement moral ont cessé, la rupture du contrat
de travail n’a pas lieu d’être [Cass. soc., 1er juill.
2009, n° 07-44.198 : dans cette affaire, le départ
d’un directeur harceleur avait mis un terme aux faits de
harcèlement, la demande de résiliation judiciaire n’étant
alors plus justifiée].
Ce n’est pas exactement ce qui s’est passé
dans l’affaire du 26 mai 2010. Certes, les
mêmes faits étaient à l’origine de plusieurs
demandes : la résiliation judiciaire du contrat
de travail et l’indemnisation du harcèle-
ment moral. Mais la demande de rupture
n’était pas explicitement fondée sur la recon-
naissance du harcèlement moral. Le sala-
rié invoquait à l’appui une modification de
son contrat de travail liée à une rétrogra-
dation ayant eu un impact sur sa rémuné-
ration. En effet, classé attaché commercial
de véhicules accidentés, il était censé réa-
liser l’ensemble des activités liées à la reprise
des véhicules d’occasion et notamment
l’estimation physique, la détermination de
la valeur et la négociation du prix de la
reprise du véhicule. Or, depuis son retour
dans l’entreprise, il était cantonné à de
simples tâches d’exécution qu’il n’avait
jamais exercées auparavant et n’était plus
autorisé à prospecter de nouveaux clients.
La cour d’appel a donc fait droit aux argu-
ments avancés en prononçant la résiliation
judiciaire de son contrat de travail.
Elle a en revanche considéré que les agis-
sements répréhensibles n’étaient pas consti-
tutifs de harcèlement moral du fait de leur
brièveté, et a par conséquent rejeté la demande
de dommages et intérêts formulée sur ce
fondement. La Cour de cassation ne l’a pas
suivie sur ce deuxième point.
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Social Pratique / N° 549 / 25 juin 2010
[santé, sécurité et conditions de travail]
Le harcèlement moral
est reconnu, peu importe
la brièveté des faits
Le harcèlement moral consiste en des agis-
sements répétés ayant pour objet ou pour
effet une dégradation des conditions de tra-
vail susceptible de porter atteinte aux droits
et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé
physique ou mentale, ou de compromettre
son avenir professionnel [C. trav., art. L. 1152-1].
Une répétition des agissements est donc
nécessaire pour que l’on puisse parler de har-
cèlement. Un acte isolé est insuffisant.
Ainsi en est-il de la décision de l’employeur
de rétrograder un salarié qui, à elle seule,
ne constitue pas un harcèlement [Cass. soc.,
9 déc. 2009, n° 07-45.521] ; (voir Social pratique
n° 539, p. 10).
Dans l’affaire qui nous intéresse, le salarié
avait non seulement été rétrogradé mais
également mis à l’écart, avait subi des
menaces et fait l’objet de propos dégra-
dants. La cour d’appel a cependant consi-
déré que les faits de harcèlement moral
n’étaient pas caractérisés. La Cour de
cassation a censuré les juges du fond en
invoquant les deux motifs suivants.
L’ensemble des faits n’a pas
été pris en compte
Pour rappel, la charge de la preuve du har-
cèlement est ainsi répartie :
– le salarié doit établir des faits qui permet-
tent de présumer l’existence d’un harcèle-
ment ;
l’employeur ou le salarié mis en cause
doit ensuite prouver que ses agissements ne
sont pas constitutifs d’un harcèlement
[C. trav., art. L. 1154-1].
Les juges doivent, quant à eux, appré-
hender ces faits dans leur ensemble [Cass.
soc., 24 sept. 2008, n° 06-45.579] ; (voir Mémo social
2010, n° 1679). Ils ne peuvent donc pas se
prononcer en ne retenant que certains faits
établis par le salarié et en en écartant
d’autres avérés.
Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du
26 mai 2010, il a ainsi été reproché à la cour
d’appel de ne pas avoir tenu compte de
l’ensemble des éléments établis par le sala-
rié, notamment les certificats médicaux
attestant d’un état dépressif par suite de faits
liés au travail. À cet égard, la Cour de
cassation a strictement appliqué les règles
méthodologiques dégagées dans les arrêts
du 24 septembre 2008.
Mais elle ne s’arrête pas là et apporte, dans
la seconde partie de son argumentation,
une précision supplémentaire, continuant
ainsi de construire le régime du harcèle-
ment moral.
La définition légale
du harcèlement n’impose
aucune condition de durée
Pour les juges du fond, la nécessaire répé-
tition des agissements impliquait que les
faits s’inscrivent dans la durée pour carac-
tériser un harcèlement moral. Selon eux,
la reprise du salarié ayant été ponctuée
d’arrêts de travail, les événements litigieux
s’étaient en réalité déroulés sur une très
brève période (moins d’un mois), trop courte
pour que l’on puisse parler de harcèlement.
D’autant plus que certains de ces faits
s’étaient déroulés sur une même journée, lors
d’un entretien en date du 21 septembre
2006.
Cependant, ainsi que le souligne la Cour
de cassation, l’article L. 1152-1 du Code du
travail définissant le harcèlement moral
ne prévoit nullement une quelconque
durée minimale des faits en cause. Il
convient donc, selon elle, de s’en tenir stric-
tement au texte légal. La cour d’appel y
ayant ajouté une condition a par consé-
quent été censurée.
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-- À NOTER
Deux arrêts inédits rendus il y a quelques mois
laissaient présager cette prise de position de la
Cour de cassation :
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dans une première affaire, une auxiliaire de
puériculture relatait des faits de harcèlement
s’étant déroulés sur une période d’environ un
mois, entre son retour de congé parental et un arrêt
maladie. Les juges avaient considéré que le laps
de temps, effectivement très court, pendant
lequel la salariée avait repris son emploi avait
suffi à altérer à tel point sa santé que le médecin
avait jugé dangereux son maintien dans la même
structure. Le harcèlement moral avait été reconnu
[Cass. soc., 15 déc. 2009, n° 08-43.288] ;
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dans une seconde affaire, une salariée avait été
violemment agressée verbalement par son
employeur ou l’épouse de celui-ci en présence de
clients ou d’autres salariés, à deux reprises en
l’espace d’un mois. Il a été jugé que ces faits
répétés, commis par l’employeur ou son épouse,
laquelle, aux yeux des tiers présents, lui était
assimilable, caractérisaient, même s’ils s’étaient
produits sur une période relativement brève,
l’existence d’un harcèlement [Cass. soc., 27 janv.
2010, n° 08-43.985].
Faut-il en conclure que des faits de har-
cèlement pourraient se produire dans un
laps de temps extrêmement court tel
qu’une semaine, voire une journée, du
moment qu’ils sont répétés ? Tout est pos-
sible. Il reviendra probablement aux juges
d’analyser au cas par cas les événements en
cause et de les replacer dans leur contexte.
Dans l’arrêt ayant retenu notre attention,
les menaces de l’employeur et les propos
dégradants qu’il avait tenus à l’égard de
son collaborateur avaient eu lieu au cours
d’une même semaine et principalement lors
d’un entretien. Il ne s’agissait toutefois pas
des seuls comportements harcelants de
l’employeur, la rétrogradation et la mise à
l’écart de la victime lui ayant également
été reprochées.
Il faut s’attendre à un contentieux abon-
dant en la matière, ce qui amènera peut
être la Cour de cassation à affiner encore un
peu plus sa position sur le sujet.
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Social Pratique / N° 549 / 25 juin 2010
[santé, sécurité et conditions de travail]
Qu’en est-il pour le harcèlement sexuel ?
Le harcèlement sexuel est caractérisé par les agissements de toute personne dont le but
est d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers [C. trav.,
art. L. 1153-1]. Cette définition ne fait pas non plus référence à une quelconque notion
de durée des faits en cause. La solution rendue dans cette affaire en matière
de harcèlement moral semble donc pouvoir être étendue au harcèlement sexuel.
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