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Protection de la dénonciation des faits de harcèlement
moral
le 9 novembre 2011
SOCIAL | Hygiène - Sécurité - Conditions de travail
Sauf mauvaise foi, un salarié ne peut être sanctionné pour avoir dénoncé des faits de harcèlement
moral.
Soc. 19 oct. 2011, FS-P+B, n° 10-16.444
Afin de protéger les salariés qui en sont victimes, le code du travail prohibe les mesures de
rétorsion prises à l’encontre des salariés ayant subi ou refusé de subir des agissements répétés de
harcèlement moral (C. trav., art. L. 1152-2), et frappe toute rupture du contrat de travail intervenue
en méconnaissance de cette interdiction de nullité (C. trav., art. L. 1152-3). Afin de « libérer la
parole » sur ce sujet sensible (Rép. trav., v° Harcèlement moral,Dalloz, n° 263, par P. Adam), le
législateur a étendu le bénéfice de cette protection à des tiers à la situation de harcèlement, ceux
ayant témoigné des agissements de harcèlement ou les ayant relaté (C. trav., art. L. 1152-2).
Depuis un arrêt du 10 mars 2009, il est néanmoins admis que la protection offerte au salarié ayant
relaté des faits de harcèlement moral n’est pas réservée aux tiers à la situation de harcèlement
mais s’applique au salarié dont il n’est pas établi qu’il a subi de tels agissements mais qui s’en
prétend victime. Selon la chambre sociale, « le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne
peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule
circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis » (Soc. 10 mars 2009, Bull. civ. V, n° 66 ;D.
2009. AJ 952, obs. L. Perrin ; RDT 2009. 376, obs. B. Lardy-Pélissier ; ibid. 453, obs. P. Adam ;
JCP S 2009. 1225, obs. Leborgne-Ingelaere).
La terminologie adoptée par le présent arrêt est légèrement différente. La chambre sociale y
affirme que « sauf mauvaise foi, un salarié ne peut être sanctionné pour avoir dénoncé des faits de
harcèlement moral ». Or, le verbe « dénoncer », qui ne figure pas expressément à l’article L.
1152-1 du code du travail est substitué au verbe « relater » qui lui y figure bien. La modification
n’est pas dénuée d’intérêt car le terme « relater » qui signifie rendre compte, rapporter, raconter
de manière précise et détaillée des faits ou des événements, est particulièrement neutre, tandis
que le terme « dénoncer » suppose un certain parti pris. Cette substitution prend tout son sens
dans le contexte de la présente affaire. Il s’agissait, en l’espèce, d’une salariée qui, tombée en
dépression après que deux avertissements qui lui aient été infligés, avait fait irruption en conseil
d’administration pour y distribuer une lettre dénonçant les agissements inacceptables de violence
morale dont elle avait fait l’objet de la part de sa supérieure hiérarchique, ce qui lui avait valu
d’être licenciée pour faute grave. Les juges d’appel, relevant un abus dans la liberté d’expression,
avaient confirmé la faute grave. Plus précisément, ils reprochaient à la salariée d’avoir dépassé la
description objective de la situation pour procéder à un réquisitoire contre sa supérieure
hiérarchique fondé sur des imputations subjectives. En changeant les termes et corrigeant ainsi le
travail du législateur, la chambre sociale n’entend pas faire autre chose qu’indiquer aux juges du
fond que la protection du salarié contre les mesures de rétorsion ne saurait être subordonnée à la
description objective des faits que paraît exiger le terme « relater ». Il va sans dire que cette
substitution est tout à fait justifiée tant il est certain qu’une telle retenue ne saurait être exigée
d’un salarié harcelé moralement.
par L. Perrin
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