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Comme annoncé dans notre précédent numéro du « Billet Economique », nous allons dans ce numéro s’attarder sur un
des maux de l’économie tunisienne ces derniers temps, à savoir l’inflation. Pour les économistes, l’inflation passe pour
être l'une des plus importantes sinon la principale contrainte au développement économique dans n’importe quel
pays. On la blâme, l’incrimine et l’accuse d’être l’ennemi numéro 1 de tous les agents économiques: elle érode le pou-
voir d’achat des ménages, aggrave le coût de production des entreprises et enfin limite via le taux de change, l’efficaci-
économique et le pouvoir de conquête de nouveaux marchés. L'inflation est un phénomène sensible dans tous les
sens du terme .
Billet Economique
C’est quoi exactement l’inflation ?
L’inflation se définit comme la hausse généralisée et conti-
nue des prix. Plus précisément, l'inflation provient essentielle-
ment d’une augmentation excessive de la masse monétaire
par rapport au volume de production.
A titre illustratif, et pour mieux comprendre le danger de
l’inflation, on cite l’exemple de la pomme avant de murir et
après avoir ri, si elle est attaquée par un parasite et on ne
le traite pas, on perd le fruit et on le rend immangeable. Le
fruit dans notre exemple est l’économie d’un pays avant de se
développer et après son veloppement et la mouche c’est
l’inflation ou le parasite, bien sûr.
Pour développer l’économie on commence d’abord par la
stabilisation des prix, voire la maitrise des
coûts et surtout préserver le pouvoir d’achat
du consommateur et la pérennité de l’entre-
prise sans oublier la stabilité du taux de
change.
Depuis le tournant libéral des années
70, la lutte contre l’inflation est devenue
primordiale dans les pays développés à éco-
nomie de marché. On assiste depuis la fin
des années 80 à un ralentissement de l’inflation dans le mon-
de. De 7,4% en 1984, le taux d’inflation a diminué à 3,1% en
1991, pour se situer aujourd’hui entre 2% et 2,5%. En 1998,
les européens ont crée leur banque centrale dont l’objectif
principal est la stabilité des prix dans la zone euro.
L’inflation est maudite certes, mais elle est aussi bénéfi-
que pour la croissance dans une certaine mesure où elle
contribue à alléger les dettes des agents économiques: c.à.d.
l’écart entre le taux d’endettement nominal et le taux d’infla-
tion. Elle améliore la rentabilité financière des entreprises
(taux de profit supérieur au taux d’intérêt des capitaux em-
pruntés). Enfin, un haut niveau d’emploi apparaît compatible
avec un taux d’inflation élevé.
Quelles sont les causes de l’inflation?
La théorie économique distingue les types d’inflation se-
lon leur causes : il y a donc l’inflation par la demande, l’infla-
tion par les coûts, l’inflation structurelle et l’inflation d’origi-
ne monétaire.
1. La première cause du phénomène inflationniste
tient aux excès conjoncturelles de demande (DG) par rap-
port à l'offre (Demande Globale = consommation + investisse-
ments + exportations) .
L’excès de la demande trouve ses origines dans une augmen-
tation autonome de la vitesse de circulation de la monnaie
provenant d’une hausse de la consommation, d’une acquisi-
tion des biens durables par les ménages financés à crédit,
d’un accroissement de l’investissement des
entreprises non autofinancé, d’une politique
de relance économique de l’Etat fondée sur
le déficit budgétaire (financé par émission
de monnaie, phénomène de la planche à bil-
let) etc.
Quand à la rupture de l’offre elle est due à
l’environnement, à une infrastructure fail-
lante ou à un tissu entrepreneurial fragile,
ce qui est le cas en Tunisie aujourd’hui.
2. La deuxième cause de l'inflation est l'excès de création
monétaire: La cause de l’inflation est partout et toujours la
même : un accroissement anormalement rapide de la quanti-
té de monnaie par rapport au volume de production. Un ryth-
me de croissance de l’économie plus élevé doit se traduire
pas un accroissement de la monnaie en circulation, en cas de
rupture de cette relation, c’est alors l’inflation.
3. La troisième cause d’inflation est l’augmentation des
coûts de production : coût de la main d’œuvre, charges socia-
les, matières premières, taux d’intérêts, la valeur de la mon-
naie.
N°2: Avril 2013
L’inflation printanière
La lutte contre l’inflation
est la priorité des pays
développés. Le taux d’in-
flation dans le monde est
ainsi passé de 7,4% dans
les années 80 pour se
situer entre 2% et 2,5%
actuellement.
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Et quels sont les effets de l’inflation?
L'inflation produit tout d’abord un effet cliquet. Une fois que les prix ont augmenté, ils ne reviennent jamais à leur état
initial.
Effet de premier tour : S’il veut conserver ses marges, le producteur est souvent amené à augmenter ses prix. On constate
en effet que nombreuses entreprises lient de manière formelle ou informelle leurs prix de vente à l’évolution des prix à la
consommation.
Effet de second tour : c'est-à-dire que les autres prix se mettent à bouger. C’est ici que les mécanismes d’indexation auto-
matiques des prix de vente déclenchent des hausses salariales indispensables au maintien du pouvoir d’achat face à l’aug-
mentation des prix.
Qu’en est il de l’inflation en Tunisie?
Après avoir éclairci les fondements de base permettant de mieux comprendre l’inflation, nous allons nous attarder
dans ce qui suit sur l’inflation en Tunisie, ses causes et comment y remédier.
En Tunisie, pendant un demi-siècle, on est habitué, et sans s’en ren-
dre compte, à un niveau de l’inflation de 5% en moyenne. Pendant les
quinze dernières années notre monnaie a perdu 3,6% de sa valeur
nominale.
Mais de nos jours, l’inflation semble être le mal absolu. En effet, on
assiste depuis le début de la révolution à une hausse inhabituelle de
l’inflation en Tunisie. Elle rampe au risque de devenir galopante au
cas de l’inefficacité des politiques monétaires à venir.
L’inflation est souvent d’origine monétaire, mais pour le cas tunisien, la partie monétaire de l’inflation est très faible dans la
conjoncture actuelle. Une étude déjà menée montre que sur les 5,8% d’inflation du mois de février, seulement 0,17 point est
imputé à la composante monétaire. De plus et à la lecture de ces deux graphique simultament, on observe une déconnec-
tion entre le taux d’inflation qui ne cesse d’augmenter depuis 2010 et la croissance de la masse monétaire, notée ici M3, qui
connait une tendance baissière.
Le taux de croissance des prix est nettement supérieure à celui de la masse monétaire et 0,19 point au « pass
through » (inflation importée) du fait de la préciation nominale effective du taux de change, par rapport à l’euro notam-
ment.
La grande composante de l’inflation est donc liée à la rupture de la croissance qui fait un retour timide, le non contrôle
des circuits de distribution, les contre bandes etc. De plus, le taux du mois de Mars est rattrapé par la dernière hausse des
prix de l’énergie pour se situer à 6,7% dont 1,1 point provenant de l’énergie (on constate que la part de l’énergie dans l’indice
général est semblable à celui des pays de la zone euro, sauf pour la Belgique qui atteint 1,9 point).
3,90%
6,30%
8,50%
4,30%
3,00%
6,10%
1960-1970
1970-1980
1980-1990
1990-2000
2000-2012
1T2013
Inflation en glissement annuel ( INS)
L’inflation en Tunisie est
essentiellement due à une
rupture de la croissance et
non d’origine monétaire.
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Quelles sont les composantes de l’inflation en Tunisie?
L’inflation en 2013, est largement imputée aux produits alimentaires hauteur de 43%) soit 2,5 points et 2,3 points aux
produits manufacturés.
Il est à noter que c’est au niveau des circuits de distribution que le gap se réalise. En effet, 60% uniquement passent par
le marché de gros. Les consommateurs libyens et algériens profitent du reste des produits même subventionnés. D’autres
mesures de stockage isolé dans des quartiers surveillés par les malfrats et d’ autres pratiques de conservation sous terraine,
à titre d’exemple la pomme de terre, sont venues accentuer le processus inflationniste.
Il existe aussi d’autres types d’inflation qui nous permettent de mieux comprendre l’évolution de cet agrégat et de mesu-
rer ses répercussions sur le comportement des différents agents économiques. On cite principalement l’inflation perçue ou
l’indice des prix de produits les plus consommés qui se situe aussi à un niveau supérieur aux taux d’inflation annuel, comme le
démontre le graphique ci-dessous.
C’est ce qui explique, en partie, la dernière décision du gouvernement de fixer les prix de ces produits à haute fréquence de
consommation (essentiellement alimentaires). Mais reste à signaler que le gouvernement doit avoir les moyens de sa politi-
que.
Il y a aussi l’inflation héritée d le seuil à partir duquel on
débute l’année en dessous duquel on ne peut pas descendre
sauf retournement spectaculaire et d’une désinflation notoire.
Elle impacte celle de l’année d’après et s’y ajouterait, générale-
ment.
L’inflation héritée de l’année 2012 est de 3% proche de
celle de 2007 qui a atteint un seuil de 2,9%. Il faut noter que
l’année 2012 a déjà démarré avec 2,7% d’inflation héritée.
Il existe aussi ce qu’on appelle l’inflation sous jacente, me-
surée par le glissement annuel de l’indice des prix « hors
alimentaires, boissons et énergie ».
Elle a connu trois périodes différentes. D’abord, l’indice
s’est orienté vers la hausse au but du neuvième mois de
2009, pour se replier ensuite, au début de la révolution et
reprendre depuis cette date son trend haussier avec un lé-
ger recul depuis juillet 2012 et se hisser à 4,7% en mars
2013 soit le même niveau de la fin de l’année 2102.
1,0%
2,0%
3,0%
4,0%
5,0%
6,0%
7,0%
Janv,
Mars
Mai
Juil,
Sept,
Nov,
Janv,
Mars
Mai
Juil,
Sept,
Nov,
Janv,
Mars
Mai
Juil,
Sept,
Nov,
Janv,
Mars
Inflation ritée
Inflation moyenne
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Comment lutter contre cette inflation grimpante?
Pour limiter, contrôler et dompter l’inflation, les autorités ont eu recours à trois types de politiques économiques:
1. La politique monétaire
Le premier moyen est la politique monétaire menée par la BCT qui a pour objectif de limiter la création monétaire ce qui veut
dire la réduction des liquidités de l’économie.
Moyens directs: politique de taux d’intérêt.
La BCT vient de relever pour la deuxième fois son taux directeur pour le fixer à 4%. Elle limite aussi :
La facilité de prêt à 24 H est assortie d’un taux d’intérêt égal au taux directeur majoré d’une marge de 75 points de base,
soit 4,75% l’an;
La facilité de dépôts à 24 H est assortie d’un taux d’intérêt égal au taux directeur minod’une marge de 25 points de
base, soit 3,75% l’an.
Moyens indirects: Encadrement du crédit.
La BCT a aussi instauré une réserve obligatoire additionnelle sous forme de dépôts non rémunérés, au titre de 50 % de
l’accroissement des crédits à la consommation par rapport à l’encours à fin septembre 2 012.
Cette mesure sera assouplie en réduisant le taux de la réserve obligatoire à un taux entre 20% et 30% et à retenir les va-
riations mensuelles des crédits à la consommation comme base d’imposition de la réserve obligatoire au lieu de la varia-
tion par rapport au mois de septembre 2012.
Les résultats d’une telle mesure s’observeront à partir du deuxième semestre de son application. Cette mesure est relati-
vement efficace contre l’inflation.
2. La politique budgétaire
Le deuxième instrument de lutte contre la hausse des prix est la mise en œuvre d’une politique budgétaire via une aug-
mentation des impôts et/ou diminution des dépenses de l’Etat. Il s'agit ici de limiter la demande globale.
Mais, malheureusement on constate actuellement une augmentation des dépenses courantes de l’Etat (salaires, subven-
tions, compensation). Il serait donc plus qu’utile que le gouvernement cible les populations nécessiteuses de ces aides,
ensuite trouver les moyens d’aides propices pour pouvoir réduire ces dépenses courantes et notamment la compensation.
3. La politique de prix
Le troisième moyen de limiter l’inflation est la mise en place d’une politique des prix. Cela peut aller d’un contrôle des
prix au blocage des prix. D’ailleurs, les dernières mesures de l’Etat pour diminuer les prix de certaines denrées de
consommation entrent dans le cadre de cet instrument de contrôle de l’inflation.
L’autre instrument de freiner le processus inflationniste est la politique des revenus. Il s'agit d'une politique extrême
consistant à bloquer les revenus. Mais il faut noter que cette mesure est difficile à mettre en œuvre en raison de l'impo-
pularité qu'elle implique au niveau des salariés.
Pour résumer, l’inflation en soit n’est pas une fatalité tant que les taux restent faibles, stables et conformes aux atten-
tes des entreprises et des consommateurs. Toutefois, un effet important de l’inflation est l’incertitude qui en découle
lorsque les taux d’inflation sont volatils c.à.d. lorsque les prix varient de manière significative dans le temps.
Des taux d'inflation volatils et imprévisibles empêchent les consommateurs et les entreprises de faire des projets à long
terme. Par conséquent, ils ne favorisent ni les investissements, ni l'épargne et rendent le marché inefficace.
En guise de conclusion, il semble que les moyens actuels de lutte contre l’inflation, mis en place par les autorités tuni-
siennes, peuvent gagner en performance, efficacité et méritent d’être encouragés. Mais il est aussi de notre devoir à
tous de maitriser et rationaliser notre demande. Dans notre prochain numéro, on essayera d’étudier de plus près le
secteur privé tunisien, locomotive de croissance, livré à son sort dans cette conjoncture difficile.
Par le professeur Fethi Zouhair NOURI
Conseiller économique auprès de MAC SA
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